Stephen King - Les adaptations au cinéma - 3ème partie

Patrick Antona | 29 février 2008
Patrick Antona | 29 février 2008

À l'occasion de la sortie du très réussi The Mist de Frank Darabont, nouvelle adaptation d'un roman de Stephen King sur grand écran, nous vous proposons un retour sur les très nombreux films ayant comme source d'inspiration les écrits du célèbre romancier du Maine. Une ballade pour le moins houleuse tant les livres du King ne sont pas toujours sortis grandis de leur passage cinématographique. D'où l'idée de proposer trois catégories de films : ceux qui s'en sont bien sortis, ceux qu'il serait préférable d'oublier et ceux qui prêtent à polémique.

 

 

 

TROISIEME PARTIE : LES POLÉMIQUES

 

 

 

Shining de Stanley Kubrick (1980)

 

Stephen King le dit lui-même : « Shining n'est pas un bon film ». On peut effectivement comprendre les raisons d'un tel avis tant le roman particulièrement riche a été vidé de sa substance. Exit l'exploration du pouvoir du petit Danny Torrance et de la notion de double sur lequel s'articulait le roman initial, pour ne laisser en gros que Jack Nicholson entrer dans la légende en tant que psychopathe ultime et Stanley Kubrick s'amuser avec sa steadycam.

 

Si le tout est emballé avec maestria, on a l'impression de suivre une succession de sketchs horrifiques où Jack exhibe ses plus beaux rictus et où Stanley poussait la pauvre Shelley Duvall dans ses ultimes retranchements avec sadisme (voir le film Stanley Kubrick, une vie en images à cet effet). D'ailleurs Kirk Douglas ne disait-il pas : « Stanley Kubrick est un sale con, mais un sale con qui a du talent » (ceci n'est pas dans le film Stanley Kubrick, une vie en images).

 

Le réalisateur qui avait toujours réussi des oeuvres définitives dans les genres qu'il avait abordés précédemment, n'a pas réussi son coup cette fois-ci. La seule réussite incontestable du film, à l'instar de ce que Steven Spielberg a fait avec les Dents de la mer, c'est d'être parvenu à inclure le cinéma d'horreur dans un circuit plus « mainstream ». 

 

 

 

 

 

Running man de Paul Michael Glaser (1987)

 

Ecrit sous le pseudonyme de Richard Bachman par un Stephen King qui à l'époque était en recherche d'un second souffle, Running man est un roman de SF dont l'intrigue s'inspire de classiques du genre comme Le Prix du danger de Robert Sheckley (monté au cinéma en 1982 par Yves Boisset) ou Rollerball murder de William Harrison. D'abord envisagé pour George Pan Cosmatos avec Christopher Reeve, le film mettra finalement en scène Arnold Schwarzenegger dirigé par un Paul Michael Glaser (oui, l'immortel David Starsky) qui débutait alors une carrière dans la réalisation, après quelques épisodes de Miami vice et un bon polar, Le Mal par le mal.

 

Nonobstant quelques scènes d'action bien torchées et ce sacré Arnold balançant ses répliques à point nommées (« Joyeux Noël ! »), le thème de la satire de la télévision et ses dérives est promptement évacué pour ne laisser place qu'à un divertissement des plus lisses et redondants. Pour la petite histoire, le scénariste Steven E. Souza se permit d'emprunter des lignes entières de dialogue du Prix du danger, ce qui entraîna une réplique dans les tribunaux avec procès pour plagiat. Il n'avait qu'à respecter pour une fois le texte de Stephen King, dont le final est bien plus électrisant que celui trop consensuel du film.

 

 


 

 

 

La Part des ténèbres (The Dark half) de George A. Romero (1993)

 

Avec à l'origine encore un écrivain soumis à la menace, The Dark half (en VO) est le classique récit du double assassin qui prend le pouvoir sur son alter-ego au psychisme fragilisé, thème qui sera de nouveau utilisé dans Fenêtre secrète, avec moins de succès.

 

Le film réalisé par George A. Romero (envisagé pendant un moment pour Simetierre) possède une première partie efficace, entre enquête policière et scènes de rêve hallucinantes, mais se perd par la suite dans le slasher de série, avec son clone maléfique au look un peu limite : un Elvis Presley mâtiné de punk.

 

Cela est d'autant plus dommageable que le réalisateur n'arrive pas à tirer partie d'un casting au demeurant excellent (Timothy Hutton, Amy Madigan, Michael Rooker et Royal Dano dans son dernier rôle) et que l'intrigue se déroule mollement et lentement (le film faisant plus de 2h !) jusqu'à un dénouement prévisible, quoique visuellement abouti.  

 


 

Les Evadés (The Shawshank redemption) de Frank Daranbont (1994) 

 

Devenu un véritable hit des années 90, grâce à la diffusion vidéo et TV en grande partie, Les Evadés (titre VF complètement idiot qui annihile une partie du potentiel du film) est aussi devenu un phénomène presque social, étant souvent cité dans de nombreux sites de classement comme un des films préférés du public. Cette popularité se comprend par le classicisme et le côté frontal du film, avec un style qui évoque fortement Frank Capra et Preston Sturges. On se croirait revenu à l’âge d’or d’Hollywood à l’époque où l’on savait raconter de bonnes histoires d’homme. Alors pourquoi retrouver The Shawshank redemption dans les déceptions relatives ?

 
Parce qu’en rallongeant la sauce, péché mignon du scénariste passé à la mise en scène, Frank Darabont a commis plusieurs fautes de goût. En premier lieu, l’utilisation bien pratique de la voix off qui est censée retranscrire la vision que les deux protagonistes principaux (Tim Robbins, Morgan Freeman) ont chacun de la vie carcérale, et l’un de l’autre, enlevant au spectateur toute forme de recul. Ainsi, on évacue des évidences comme l’iniquité manifeste du système judiciaire américain, et toute forme de remise en question, pour ne laisser en pâture au spectateur que des caricatures de gardiens et de directeur de prison, manichéisme de circonstance qui perdura tout au long des 20 années d’incarcération.

 

Si le « gimmick » de la succession des posters (Rita Hayworth pour les 40’s, Marilyn Monroe pour les 50’s, Raquel Welch pour les 60’s) permet de rythmer la temporalité de manière astucieuse, la révélation finale du moyen d’évasion flirte avec le grotesque avec un flash-back plutôt vain, et qui rappelle furieusement un des gags de Top secret des Z.A.Z. (oui celui du tunnel high-tech creusé à la cuillère). De même au niveau de la réalisation, Darabont oublie souvent la simplicité en jouant avec des effets grandiloquents : la plongée pour indiquer l’enferment et l’isolement, la contre-plongée finissant avec un gros plan sur le visage pour indiquer un sale moment à venir pour nos héros, sans oublier les travelling à foison dans les corridors.

 
Et comble, l’histoire finit sur une note dédaigneuse : rien de mieux que d’avoir fait fructifier son argent à la banque, de laisser les autres dans la merde derrière soi, et d’en profiter en se dorant la pilule sur la plage au Mexique, tout en savourant le plaisir de voir les lampistes trinquer. Brubaker,  lui au moins, allait dézinguer les vrais salopards au riot-gun, tout en sachant que cela finirait mal pour lui.

 

 


 

 

 

Un Elève Doué (Apt pupil) de Bryan Singer (1998)

 

Si le film fut une nouvelle preuve du sens de la mise en scène du jeune réalisateur Bryan Singer, tout frais émoulu du succès de Usual suspects, il demeure une des versions les plus critiquées dans la longue liste des adaptations de Stephen King (à l'origine dans le recueil « Différentes Saisons » et titré Eté de corruption).

 

Ce récit qui se base sur la relation maître-élève qui se développe entre un jeune américain et un criminel de guerre nazi jusqu'à un final violent et insoutenable, avait de quoi heurter certaines sensibilités, comme tout ce qui touche à l'Holocauste. Partant du principe que même le devoir de mémoire ne suffit pas à garantir que les monstruosités du passé ne sont pas prompts à ressurgir, Un Elève doué dans sa version cinéma est un film glauque et perturbant qui s'emmêle un peu les pinceaux quant à définir qui des deux protagonistes demeure le plus dangereux. D'ailleurs, on peut penser que la fin un tant soit peu moralisatrice du film (à la différence de l'original) soit une tentative pour en adoucir le propos, mais elle ne fait que l'alourdir un peu plus.

 

Il n'en reste pas moins que Brad Renfro (disparu il y a peu) et surtout Ian McKellen, impressionnant en Kurt Dussander composent un des couples les plus troublants d'amis/ennemis vu au cinéma. Autre ajout à noter de la part de Bryan Singer : les nombreuses références à l'homosexualité qui étaient absentes de la nouvelle de Stephen King, et qui font du réalisateur un des rares cinéastes militants dans le genre.

 

 


 

 

 

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