Juno : les raisons d'un succès

Jean-Noël Nicolau | 17 février 2008
Jean-Noël Nicolau | 17 février 2008

Le succès grandissant de Juno aux Etats-Unis (plus de 120 millions de dollars à ce jour) et en France (180 000 entrées en première semaine) n’est pas une surprise. En effet, depuis les triomphes de Sideways et de Little Miss Sunshine, Fox Searchlight a parfaitement équilibré sa recette de la comédie tout public au parfum d’indépendance. La petite Juno est le résultat d’un dosage méticuleux, susceptible de séduire le plus grand nombre.

 

Tout repose sur un principe de réalisme altéré, qui permet de faire croire à une certaine audace au sein d’un schéma hollywoodien des plus classiques. Les personnages possèdent des nuances un peu plus affirmées que les héros lisses des comédies traditionnelles et se trouvent confrontés à des situations plus crues. Mais au final, leur esprit, leur humour, leur sens de la famille et de l’amitié triomphent de toutes les embûches. Cœurs brisés, dépressions, maladies, deuils et crises en tout genre ne résistent pas à l’abatage de ces caractères touchés par la lumière bienveillante de scénaristes inspirés.

 


 

Le spectateur se retrouve devant une version idéalisée de sa propre existence, où la grisaille, parfois franchement sordide, du quotidien est transcendée par les mots d’auteur et les performances d’acteurs. Aussi bancale que soit la famille de Little Miss Sunshine, on aimerait bien en faire partie. Aussi mélancolique que soit l’écrivain de Sideways, on envie rapidement son sort et son talent. Aussi paumée que soit Juno, c’est quand même la copine idéale. Et les défauts qui abondent ne font que renforcer la sympathie que l’on éprouve.

 



Les thèmes abordés ne sont guères originaux, ils demeurent fidèles au tout-venant du mélodrame. Comme précisé plus haut, ils reviennent à chanter les louanges de l’amour (au sens large), aboutissant à un message très positif, voire exaltant. La forme, mélange d’esthétique de série télévisée et de bon goût « indé » (en particulier au niveau de la bande-son), n’est qu’un accompagnement discret. Une œuvre comme Juno convenant au plus grand nombre, voire à toute la famille, elle bénéficie d’un bouche-à-oreille très efficace. Ce qui attire les spectateurs occasionnels qui ne vont que rarement au cinéma. Le confort apporté par le film, dans son propos et dans son esthétique, ne peut que ravir.

 



Le cas de Juno se double de la personnalité ravageuse d’Ellen Page, qui porte presque tout le métrage. Avec un caractère comme le sien, le reste importe finalement peu. Il suffit de l’entourer de seconds rôles solides et attachants (en ce sens des acteurs comme Michael Cera ou J.K. Simmons sont des choix évidents) et d’emballer le tout dans l’humour et l’émotion. L’esthète remarquera l’utilisation d’une chanson du Velvet Underground et la mère de famille versera une larme sur le personnage de Jennifer Garner, auquel il est très difficile de résister.

 

Au final, tout le monde est content. A part si on ne supporte pas le personnage de Juno ou si l’on trouve la recette trop sucrée et prémâchée à son goût. Les autres passent un peu moins de deux heures dans un univers parallèle, où tous les drames de la vie trouvent une conclusion heureuse et où tout le monde possède le sens de la réplique de Woody Allen. Juno s’impose comme le rayon de soleil au cœur de l’hiver, histoire d’oublier le pouvoir d’achat et les responsabilités. Juno, nouvelle égérie des  « adulescents » ?

 


 

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