Les secrets de Cloverfield
Sorti dans les salles américaines depuis le 18 janvier et déchaînant plus que jamais les délires des internautes, le phénomène Cloverfield s'apprête à déferler en France puis, plus tard, au Japon où le film de monstre est né. Retour sur le marketing d'un film qui avant de squatter les toiles de cinéma s'est invité et a empiété sur la Toile, notre temps et notre volonté.
Le 4 juillet 2007, alors qu'ils étaient venus s'en prendre plein la gueule avec Transformers, des millions de spectateurs, fanboys et autres geeks découvrent avec surprise une bande-annonce mystérieuse. Une fête, des yuppies, un cri, une explosion, la tête de la Statue de la Liberté, le tout filmé à la caméra DV et puis ses deux indices : les chiffres 1-18-08 et le nom du créateur et producteur de Lost et Alias, J.J. Abrams. Il n'en faut pas plus pour que l'imaginaire des fans et internautes s'enflamme, tout seul mais aussi et surtout attisé par une campagne de promotion virale. Les publicitaires savent jouer aux plus malins, et pour le coup, ils l'ont été.
Tout d'abord un site officiel, 1-18-08.com, avec des photos, des messages en japonais et l'enregistrement du rugissement d'un monstre pour les plus patients, à savoir ceux qui se sont connectés plus de 10 minutes. C'est n'importe quoi, mais ça marche, car une certaine cohérence est assurée. Ainsi, le logo d'une drôle de boisson, Slusho, s'invite dans le trailer, sur des photos, sur des T-Shirts au Comic-Con de San Diego ou dans la série Heroes. Alors qu'est découverte une première affiche montrant La Statue de la Liberté décapitée et l'accroche « Monstrous », les fans se déchaînent contre ce qu'ils croient être le titre du film avant que le calme ne revienne à l'apparition de deux autres avec « Furious » et « Terrifying ». Le titre reste inconnu jusqu'en novembre 2007, où un titre évoqué comme titre de travail devient officiel. Cloverfield est le nom de code donné par l'armée à ce qui s'est passé cette nuit-là à Manhattan.
Alors que les forums, blogs et sites spécialisés décortiquent chaque image, chaque plan du second trailer, dresse des théories, colportent les plus folles rumeurs, J.J. Abrams explique que c'est lors de la promo de Mission : Impossible 3 à Tokyo avec son fils, qu'il a été saisi par le nombre de jouets Godzilla. Il se dit alors que les Etats-Unis ont besoin de leur propre monstre, pas du gentil King Kong, quelque chose d'à la fois fou et intense. Cette idée est nourrie, combinée, à la vision de l'affiche américaine de New York 1997 de John Carpenter où la tête de La Statue de la Liberté gît au milieu d'une rue. C'est ainsi qu'en février 2007 est lancé dans le plus grand secret le projet Cloverfield, avec un budget de 25/30 millions de dollars, Drew Goddard (Buffy, Angel) au scénario et Matt Reeves (The Yards, Felicity) à la réalisation.
Plus la date fatidique du 18 janvier 2008 s'approche, plus le net s'agite. Avec des pages MySpace pour chaque personnage du film mais surtout le site officiel de la holding Tagruato, spécialisée dans la recherche biologique et le forage des fonds marins. Slusho est l'une de ses subdivisions et il ne fait bientôt aucun doute pour beaucoup qu'elle est reponsable de l'arrivée du monstre, de son réveil ? En effet alors qu'il a été question et surtout spéculation d'un film Lost sur grand écran, d'un nouveau Godzilla, d'une adaptation de l'animé japonais Voltron, les pistes de l'enquête convergent, les pièces du puzzle concordent pour qu'il soit question de près ou de loin de L'appel de Cthulhu de H.P. Lovecraft dont J.J. Abrams a racheté les droits en 2003. Illusion, fantasme, inspiration... toujours est-il qu'il semble que le monstre aurait dormi dans les profondeurs, comme Cthulhu dans la cité de R'Lyeh, et qu'un forage de Tagruato l'ait réveillé. Et alors que le site officiel de Tagrato est piraté par une organisation écologiste Le Bandit Vert et ses Guerriers de la Mère-Terre, un faux flash info rapporte qu'une station pétrolière est en train de couler.
Mais alors que le film est maintenant sorti aux Etats-Unis, cela n'empêche pas la folie des interprétations, des théories et des rumeurs de continuer. Des dessins amateurs du monstre apparaissent puis des vidéos prises avec des portables. Les réactions font aussi écho de critiques envers le monstre et son traitement proches du coréen The Host ou encore un non-respect et un mécontentement d'une partie du public, celle-là même qui a fait la publicité du film : la communauté geek et internet. Se serait-on moqué d'eux lorsque chacune des déclarations des auteurs du film prend des distances avec le Cloverfield virtuel, viral. Matt Reeves assène et assure que le monstre est un bébé dans le film, il le répète d'ailleurs chez nous (lien interview). J.J. Abrams attire l'attention sur un détail de la dernière scène, qui serait un indice sur l'origine du monstre et qui, mine de rien, contredit la théorie et la mythologie la plus solide, la plus répandue. Encore une fois, alors que Cloverfield est assuré d'avoir une suite, il est encore question d'attendre. Mais d'attendre quoi ? Les rumeurs parlent déjà d'un nouveau film amateur sur les évènements classés « Cloverfield » ou de l'attaque par le monstre d'une autre ville... et voilà, merde, c'est reparti, on est reparti. Qu'est-ce qu'ils sont forts ces Américains !