Lost et DH gratuites sur Internet

Zorg | 12 avril 2006
Zorg | 12 avril 2006

Non, ce n'est pas un poisson d'avril, pas plus qu'un piège pour attirer le pirate à la petite semaine, c'est une annonce tout ce qu'il y a de plus officielle en provenance du quartier général d'ABC Télévision, compagnie fille du groupe Disney.

La chaîne, qui est sortie d'une longue traversée du désert à la faveur de la rentrée 2004 pour redevenir un des networks les plus regardés, va mener une expérience durant les prochains mois en offrant quatre de ses séries en accès libre sur son site web à partir du mois de mai. Les heureux élus sont bien sûr les méga-hits Lost et Desperate Housewives, qui seront accompagnés par le vétéran bientôt retraité Alias et la nouveauté Commander in Chief.

En mai, fais ce qu'il te plaît

Il règne cependant encore un certain flou concernant la liste exacte des épisodes qui seront mis en téléchargement ainsi que sur la durée de disponibilité du service.

Dès le moi de mai, les nouveaux épisodes des quatre séries citées plus haut seront donc mis en ligne le lendemain de leur diffusion hertzienne, et ce apparemment pour une période-test de deux mois. Il semblerait que la cinquième saison d'Alias soit de plus proposée dans son intégralité, mais aucune précision supplémentaire n'a été apportée pour les trois autres shows.

La chaîne avait déjà innové il y a quelques mois de cela en étant la première à proposer certaines des ses séries en téléchargement payant sur la plateforme iTunes. Les autres grands noms du paysage audiovisuel américain, NBC et CBS en tête, lui avaient rapidement emboîté le pas, mais les instances dirigeantes d'ABC semblent bien décidées à ne pas se reposer sur leurs lauriers et à conserver une longueur d'avance sur leurs concurrents.

Jamais sans ma pub

Fort logiquement, les programmes proposés seront entrecoupés de plages publicitaires qu'il ne sera pas possible de shunter. Le consommateur ne pourra pas non plus enregistrer ce qu'il veut pour le regarder plus tard, sur son baladeur vidéo par exemple.

L'expérience étant pour l'instant un galop d'essai, le système ne sera pas forcément d'une souplesse idyllique. Il faut rester lucide et se dire qu'ABC prendra toutes les mesures qu'elle estime nécessaires pour tenter d'empêcher la piraterie et le détournement des données par des tiers tout en assurant un service de qualité minimale auprès des consommateurs.

Les épisodes seraient donc à priori fournis en streaming et en Flash de manière à les rendre lisibles sur PC ou Mac, les utilisateur auront la possibilité de mettre la lecture en pause et de changer de chapitre, mais pas de zapper les pubs. On reste cependant circonspect sur la qualité du produit final.

La chaîne The WB s'est récemment livré à un test similaire en proposant pendant quelques jours de visionner gratuitement sur son site web le pilote de sa nouvelle série The Bedford diaries. Pour aussi louable que fut l'intention, le résultat, basé sur la technologie Flash, était loin d'être irréprochable (flux de données irrégulier, problèmes de buffering, image et sons tout justes passables), et le spectateur devait faire preuve d'une persévérance à toute épreuve pour profiter dudit épisode dans son intégralité.

Bref on est à priori encore loin d'une diffusion en MPEG-4 Haute Définition avec son multicanaux et streaming en super haut débit. En outre, le communiqué de presse ne précise pas si l'accès au service sera réservé aux seuls résidents américains ou non.

De l'avenir du broadcast en général

La démarche a donc comme objectifs principaux d'améliorer la flexibilité des services offerts aux spectateurs tout en créant de nouvelles sources de revenus, le second étant directement dépendant du premier. A l'heure où Brokeback Mountain est devenu le premier film distribué directement sur Internet, le jour même de sa sortie en DVD aux États-Unis, ABC tente donc une expérience pilote qui concerne en réalité l'ensemble du marché audiovisuel américain, et donc mondial. Le but du jeu n'est pas tant de remplacer les modèles économiques actuels que de les compléter avec de nouveaux, plus adaptés aux envies et besoins des consommateurs.

Toujours avides de nouvelles sources de revenus, les networks américains sont confrontés, comme leurs homologues majors du film, à la mutation des modes de consommation de leurs compatriotes. Avec des systèmes d'enregistrement numérique comme le célèbre TiVo, les spectateurs sont donc d'une part naturellement tentés de s'affranchir des contraintes du prime-time de grand-papa, et d'autre part libres de zapper les nombreuses pages de pubs dont regorge la télé US. Il n'y a là rien de nouveau depuis l'invention du magnétoscope ; la seule différence est qu'un système comme TiVo permet d'obtenir des statistiques très précises sur les habitudes de consommation.

Ainsi, si l'attentat vestimentaire de Janet Jackson lors du SuperBowl 2004 est rapidement devenu l'un des ralentis les plus visionnés de l'histoire, le son de cloche est différent pour les coupures pub réglementaires d'un épisode quelconque d'une série lambda. Il n'y a donc pas besoin d'être sorti de Polytechnique pour comprendre qu'ABC (et par extension toutes les grandes chaînes américaines) tente d'assurer la fidélité et la générosité de ses annonceurs en définissant un nouveau modèle économique qui satisfasse tout le monde (consommateur, network, sponsors et annonceurs).

Petit avec de grandes oreilles

Il ne faut pas non plus perdre de vue le fait qu'ABC appartient au groupe Disney. De toute évidence, ce dernier utilise sa filiale comme cobaye pour prendre la température du marché sur ces nouvelles technologies.

Malgré le récent changement de direction, le groupe reste très conservateur dans ses méthodes de distribution et a de gros efforts à fournir s'ils ne veut pas tomber du train de la modernité en marche. Sa politique très controversée de sorties DVD suivies de retrait des titres de la vente pour créer un effet de pénurie n'est pas vraiment un modèle d'altruisme consumériste. L'abandon des anciennes méthodes d'animation pour le tout numérique et son alliance avec Pixar ont été les premiers mouvements d'envergure dans la nouvelle stratégie du groupe, la présente annonce d'ABC en est un nouveau chapitre.

Le groupe Disney a d'ailleurs annoncé à cette occasion qu'ils allaient d'une part lancer un nouveau canal haut-débit spécialisé dans les soap-opéras, qui s'appellera Soapnetic et sera accessibles aux abonnés du provider américain Verizon, et d'autre part proposer en distribution gratuite certains dessins animés du Disney Channel.

Vers l'infini et au delà

Il ne faut donc pas voir cette nouvelle comme une fin mais bien comme un commencement. Les dirigeants d'ABC se déclarent confiants dans le potentiel de leur service, et ils ont pour l'instant toutes les raisons du monde de l'être. L'écrasant succès d'iTunes, qui fournit aujourd'hui aussi bien de l'audio que de la vidéo, n'était que la première escarmouche d'une campagne qui s'annonce disputée dans les quelques années à venir.

Avec ses « seasons finales » en rafale, le mois de mai prochain est certainement la meilleure fenêtre du calendrier pour procéder à l'expérience. Le succès serait-il au rendez-vous, la période estivale permettrait au network de préparer la rentrée avec sérénité et surtout une longueur d'avance sur ses adversaires.

Source : Yahoo News US

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