Benoît Magimel - Bleu profond

Thomas Messias | 19 janvier 2007
Thomas Messias | 19 janvier 2007

Benoît Magimel est la preuve vivante qu'il est possible de commencer le métier d'acteur très jeune et de durer par la suite. C'est en effet à 13 ans que le jeune parisien décroche son premier rôle important au cinéma : dans La Vie est un long fleuve tranquille (1987), il est le petit Momo Groseille, né Le Quesnoy mais échangé à la naissance. Premier film du publicitaire Étienne Chatiliez, le film est un carton et devient culte. Du tout bon pour le petit Benoît, dont le regard perçant et l'air déterminé en marquent plus d'un.

Les années qui suivent sont moins tonitruantes mais aident le jeune homme à se construire. Un rôle dans la série Pause café, un autre dans L'Instit, un crochet chez Michel Deville dans le très noir Toutes peines confondues (1992)… Il ne fait plus parler de lui mais apprend tranquillement le métier, sans brûler les étapes. Une stratégie qui finit par payer, puisqu'après un rôle important dans la saga Jalna sur France 2, Magimel est engagé coup sur coup par le très classe Benoît Jacquot pour La fille seule (1995) et surtout par l'éminent André Téchiné pour l'un de ses meilleurs films, Les Voleurs (1996). Forcément, un second rôle de taille dans un bon film avec Daniel Auteuil et Catherine Deneuve, ça marque les esprits. À partir de là, plus rien n'arrêtera Benoît Magimel.

Première rencontre avec Olivier Dahan en 1998 pour Déjà mort. Le meilleur film de son auteur réunit un casting jeune et bourré de révélations : héros du film, Magimel est entouré des méconnus Romain Duris, Clément Sibony et Zoé Félix (ah, Zoé Félix). Avec des degrés de réussite différents, le film permet aux quatre jeunes acteurs de faire parler d'eux. Plus encore que Duris, Magimel enchaîne alors les rôles avec une gloutonnerie certaine. Toujours en 1998, il interprète Marek, mineur en colère, dans Une minute de silence, le joli premier film de Florent Emilio Siri. Puis entre dans la peau d'Alfred de Musset dans Les Enfants du siècle, gâchis ultime de Diane Kurys (forcément), où le couple qu'il forme avec Juliette Binoche / George Sand n'a de l'intérêt que parce qu'ils sont (à l'époque) amoureux dans la vraie vie. Mais c'est Xavier Beauvois qui lui offre l'un de ses plus beaux rôles : dans Selon Matthieu, il incarne un prolétaire vengeur prêt à séduire la femme de son patron pour venger la mort de son père exploité. Face à Nathalie Baye, il révèle une dimension nouvelle et montre qu'il est mûr pour jouer les vrais hommes avec des neurones et de la testostérone.

Un cerveau et des couilles : c'est exactement ce dont a besoin Michael Haneke pour La Pianiste, adapté d'un roman de l'autrichienne Elfriede Jelinek. Un rôle extrêmement difficile face à une actrice impressionnante de froideur, Isabelle Huppert. La relation tumultueuse entre une grande pianiste complètement barrée et son élève fou amoureux est un sommet de perversion qui vaut à Magimel un prix d'interprétation cannois en 2001.

Il faut dire qu'il mène sa carrière avec virtuosité : choisissant ses rôles avec précision, Magimel prend le soin d'éviter les rôles de « gentil » ou de « méchant ». Il préfère les rôles plus complexes, les personnages qui agissent au-delà de la simple démarcation entre le Bien et le Mal. Regard bleu profond, voix singulière, il joue avec aisance d'un incontestable potentiel de séduction et d'un côté perpétuellement inquiétant. Du coup, le spectateur ne sait jamais à quelle sauce il va être mangé, et c'est délicieux.

En 2002, retrouvailles avec Florent Emilio Siri pour Nid de guêpes, très efficace film d'action méchamment inspiré d'Assaut de Carpenter (même si son réal continue à nier cette inspiration) où le comédien se fait un plaisir de défourailler à tout va. Un petit tour chez Claude Chabrol (La Fleur du mal), un autre chez Jean Becker (Effroyables jardins) : pas les rôles les plus passionnants de sa carrière, mais des films de facture correcte qui comblent son besoin de popularité. Après ces quelques films destinés au grand public, Magimel a besoin d'intime et va jouer le mari de Laëtitia Casta dans Errance de Damien Odoul (jeune auteur qu'on disait prometteur et qui s'est un peu enlisé depuis). Un tout petit film dont l'affiche glamour n'attire pour ainsi dire personne.

Dans les années qui suivent, Benoît Magimel semble ranger son exigence au placard. Besoin d'argent, envie d'espace ? Toujours est-il qu'il accepte Les Rivières pourpres 2, polar ennuyeux et sans cervelle signant ses retrouvailles avec Olivier Dahan. Vient ensuite l'honorable Demoiselle d'honneur, Chabrol mineur mais intéressant, dans lequel il donne la réplique à Laura Smet. En 2005, c'est Trouble, thriller sur la gémellité aux allures prometteuses qui se révèle d'une inanité sans nom. L'honneur serait presque sauf si la liste s'arrêtait là ; sauf que Benoît Magimel accepte de tourner avec Gérard Pirès (erreur fatale). Le film : Les Chevaliers du ciel. Il suffit de jeter un œil au flop 2005 d'Écran Large pour avoir une idée de la nullité de ce truc débile, moche et ennuyeux. Ce qui n'empêchera pas le film de réaliser un bon score au box-office français.

Ayant apparemment réalisé qu'il était en train de se fourvoyer, Magimel reprend alors sa carrière en main. Il tourne d'abord Selon Charlie, projet ambitieux au casting foisonnant, et dont le résultat est un grand film malade parsemé de fulgurances. Qualité discutable (et discutée), infiniment plus respectable que les quelques gros machins qu'il vient de tourner. Ce sera ensuite Fair-play, le rôle dans lequel il semble s'être le plus amusé : il endosse la panoplie du commercial pourri et livre une savoureuse prestation de gros beauf arriviste. Le voici aujourd'hui dans Truands, polar burné de Frédéric Schoendoerffer, où il fait un peu office de Delon version XXIème siècle face à un Philippe Caubère impressionnant.

Boulimique de travail, Magimel a d'ores et déjà quatre films en préparation, et pas des moindres : troisième film avec Chabrol (La Fille coupée en deux, avec Ludivine Sagnier) et avec Siri (L'Ennemi intime, avec Dupontel), et les premiers films de Jalil Lespert (25 mesures) et… Michel Houellebecq (La Possibilité d'une île). Des projets aussi différents qu'alléchants, montrant à quel point Magimel est friand de diversité et de nouvelles expériences. Pour que sa vie d'acteur soit tout sauf un long fleuve tranquille.

 

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Avec Olivier Marchal, Frédéric Schoendoerffer et Claude Bardon, ancien patron des RG à Paris.

 

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