Halloween - La Saga
Chaque 31 octobre, c'est Halloween : des visages creusés dans des
citrouilles, des fausses toiles d'araignée un peu partout, des mioches
déguisés en Casper
qui sonnent à la porte pour réclamer des friandises, et surtout
l'occasion pour les loueurs de costumes et les vendeurs de confiseries
de s'en mettre plein les poches.
Un peu de culture : Halloween est un mot d'origine anglaise venant
de « All hallow's eve », qui signifie « veille de la Toussaint » (et
pour cause). Elle trouve son origine dans une ancienne fête celte
célébrée en l'honneur du dieu de la mort. Voilà. Mais le 31 octobre,
pour tout cinéphile qui se respecte, c'est d'abord l'anniversaire d'un
type nommé Michael Myers. Michael naît en 1957, le jour d'Halloween, et
devient rapidement un petit garçon précoce. Rendez-vous compte : il
devient un assassin dès l'âge de six ans, tuant sauvagement sa grande
soeur Judith. Déjà, le petit a un sérieux grain. Depuis, ça ne s'est
pas arrangé : en trente ans, huit films, la légende Myers a pris de
l'ampleur et fait de nombreuses victimes, pour le meilleur et pour le
pire.
Tout commence dans La Nuit des masques (1978), plus connu sous le titre d'Halloween. Aux manettes, John Carpenter, jeune cinéaste déjà à la mode suite au succès d'estime de son Assaut.
Avec sa collaboratrice Debra Hill, Carpenter a l'idée de raconter le
calvaire d'une baby-sitter poursuivie par un psychopathe. L'idée de
situer l'action le soir d'Halloween n'arrive que quelques temps plus
tard, par le biais du producteur exécutif Irwin Yablans. Creusant
davantage cette idée d'un personnage semant la mort la nuit même où
celle-ci est fêtée et dédramatisée, Carpenter et Hill créent bientôt le
personnage de Michael Myers, lui imaginant une jeunesse morbide passée
dans un asile jusqu'au jour de ses 21 ans. Ce jour-là, Myers s'évade et
rejoint Haddonfield, la petite ville dont il est originaire,
multipliant les meurtres et se rapprochant inexplicablement de Laurie
Strode (Jamie Lee Curtis), paisible baby-sitter apparemment sans lien
avec lui. Poursuivi par le docteur Loomis (Donald Pleasence), le tenace
Michael Myers fait tout pour liquider la jeune femme.
Triomphe pour Carpenter, dont la mise en scène inspirée et
méthodique parvient à créer un véritable sentiment d'angoisse.
Aujourd'hui encore, Halloween
est cité comme LE slasher efficace en diable, où l'utilisation du hors
cadre et de la profondeur de champ relèvent du génie. Quant à notre ami
Michael, sous son masque inquiétant, il se révèle invincible,
indécrottable, plus démoniaque que le diable en personne. Le plan
final, d'une sobriété exemplaire, montre que ni le spectateur ni la
pauvre Laurie ne sont au bout de leurs peurs.
En effet, après s'être mystérieusement éclipsé, Myers refait surface. Sorti en 1981, Halloween 2
se déroule quelques heures après la fin du premier épisode. Soignée à
l'hôpital pour des blessures, Laurie Strode est à nouveau pourchassée
par le tueur. Cette fois, Carpenter se contente de signer le scénario,
laissant volontiers sa place à Rick Rosenthal derrière la caméra. D'où
un film plus sanguinolent que vraiment terrifiant, où les bonnes idées
de scénario sont mal mises en valeur par une mise en scène sans âme qui
tente grossièrement de reproduire le style Carpenter. La rumeur affirme
d'ailleurs que Carpenter aurait tourné lui-même plusieurs des
scènes-clés du film. Pour filer un gentil coup de main à son successeur
ou pour éviter à l'univers qu'il a créé de sombrer dans le ridicule? Le
mystère demeure. Rétrospectivement, il s'agit tout de même de l'un des
meilleurs épisodes d'une saga qui tend déjà à s'essouffler.
La fin du film a l'intérêt de perpétuer le mythe Myers : piégé par
le docteur Loomis, qui se fait sauter avec lui, notre psychopathe
favori ne serait pas tout à fait mort que ça ne serait pas étonnant. Le
Mal est immortel. Par conséquent, pas de raison pour que la série Halloween
s'arrête là, et on imagine bien une saga sans fin, où les épisodes se
suivent et se ressemblent, et où Laurie Strode passe sa vie à tenter
d'échapper à Michael Myers (qui est en fait son frère, nous apprend ce
deuxième volet).
La suite ne se fait pas attendre, mais elle est plutôt inattendue : écrit et réalisé par Tommy Lee Wallace (monteur de La Nuit des masques), Halloween 3 Le sang du sorcier
(1982) n'a en fait strictement aucun rapport avec les épisodes
précédents. Il y est question d'un fabricant de masques d'Halloween qui
met au point un plan démoniaque à base de magie noire pour éliminer des
millions d'enfants avec ses créations. Plus de Jamie Lee Curtis ni de
Donald Pleasence, et aucune référence à Myers. Les rares spectateurs à
s'y être aventurés le regrettent encore : film opportuniste par
excellence, se contentant d'utiliser un titre bien connu pour engranger
les dollars, Halloween 3 est une incongruité totale qui
aurait pu sonner la fin prématurée de la franchise. Aurait-ce vraiment
été une mauvaise nouvelle?
Les
épisodes suivants, qui reviennent à des thèmes plus classiques, signent
le retour en fanfare de Michael Myers, mais pas celui de la qualité.
Sorti en 1988, Halloween 4 (sous-titré The Return of Michael Myers
aux USA pour bien montrer que cette fois, il n'y a pas tromperie sur la
marchandise) voit à nouveau l'affreux jojo s'échapper lors d'un
transfert en ambulance. Si tout le monde semble persuadé de son décès
lors de l'accident de la route qui s'en suit (c'est fou comme les gens
sont naïfs), ce n'est pas le cas du docteur Loomis, bien décidé à
traquer un tueur décidément fascinant (pour lui, en tout cas). Cette
fois, Myers veut tuer Jamie Lloyd, 8 ans, la fille de Laurie Strode,
dont on apprend le récent décès (ce qui devrait logiquement assurer le
fait que Jamie Lee Curtis ne réapparaisse jamais dans un Halloween). Et
devinez comment se clôt le film? Eh bien, figurez-vous, Myers est
abattu par de multiples balles et laissé pour mort. Sauf que non.
Étonnant, non? Et en plus, la petite Jamie n'est pas morte, et elle
montre elle aussi des velléités de tueuse psychopathe
Bref, le film de
Dwight H. Little (qui a réalisé depuis Meurtre à la Maison Blanche ou encore Anacondas 2
et un bon paquet de séries de qualité) est grand guignol à souhait et
bourré d'une consternante psychologie de bazar. Mais au millième degré,
ça peut être extrêmement savoureux.
Ce n'est pas l'originalité qui étouffe les producteurs, mais plutôt les dollars : un an plus tard, voici Halloween 5
de Dominique Othenin-Girard. Une nouvelle fois, le film voit
s'affronter Myers et Loomis (l'inoxydable Donald Pleasence). Internée
elle aussi, et muette depuis un an, la petite Jamie peut entrer en
télépathie avec son tonton Michael, qui réapparaît pour la énième fois
et dézingue à tout va. S'en suit une course-poursuite lénifiante et
montée à la hache, qui se termine encore plus n'importe comment que
d'habitude : cette fois, Michael est capturé par la police, mais un
mystérieux homme en noir défonce le commissariat à la mitraillette,
tuant tous les policiers mais pas Myers, qui s'échappe à nouveau, le
tout sous les yeux de Jamie. De l'avis des experts, et en mettant à
part l'improbable Halloween 3, ce cinquième épisode est
sans doute le plus mauvais de la série. L'avantage étant qu'après un
navet pareil le niveau ne peut que remonter.
Après
deux films en deux ans, le rythme décroît, le temps que Myers et son
copain l'homme en noir se reposent un peu. Ce n'est que six ans plus
tard, en 1995, que Joe Chappelle nous offre un sixième épisode pas
vraiment inspiré mais meilleur que le précédent. Dans Halloween 6 La malédiction,
Jamie Lloyd donne naissance à un bébé qui lui est enlevé pour faire
l'objet d'un culte satanique. Elle parvient à s'échapper avec lui et
rejoint sa famille, qui habite dans la maison d'enfance des Strode (et
donc de Michael). Cette fois, le méchant meurtrier a décidé de
s'occuper de tous les habitants de la maison. Une fois de plus, il
semble avoir été tué après l'injection de produits chimiques ultra
toxiques dans son sang. Le film ne se termine pas comme dans le
scénario d'origine : en effet, au moment du montage, Donald Pleasence
est décédé, d'où son incapacité totale à apparaître dans l'épisode
suivant. Chappelle a donc tourné une nouvelle scène finale avec le
personnage de Loomis, mais sans Pleasence. Le résultat est quasiment
digne d'Ed Wood : derrière une porte, on entend Loomis vérifier si le
cadavre de Myers est toujours présent, puis pousser un long hurlement,
avant que se fasse entendre le bruit de plusieurs coups de couteau. Ô
surprise : Myers n'était pas mort et a poignardé à mort son adversaire
de toujours.
Après
la mort de Pleasence, les producteurs semblent manquer d'idées : plus
de famille Strode, plus de Sam Loomis, difficile de construire un
nouveau film sur la mythologie Myers. C'est sans compter sur Kevin
Williamson, alors auteur à la mode (les deux premiers Scream et la série Dawson,
c'est lui). Persuadé d'être le plus malin des petits malins, Williamson
trouve une idée à laquelle personne n'aurait pensé : en fait, Laurie
Strode ne serait pas morte. Quel talent. Sur ce postulat au génie
indéniable, Williamson laisse à d'autres le soin d'écrire le scénario
de Halloween H20 (1999). Réalisé par Steve Miner (Forever young),
le film est un slasher ultra classique, moins cheap que les précédents
mais pas vraiment passionnant, qui permet à Jamie Lee Curtis d'opérer
un retour idéal pour relancer une carrière assez poussive. LL Cool J,
Michelle Williams, Josh Hartnett, Joseph Gordon-Levitt : autour d'elle,
un casting jeune et à peu près dynamique permettra au film d'engranger
les dollars et de donner envie aux jeunes de (re)découvrir les premiers
volets. C'est à peu près le seul intérêt d'un film bourré de références
à La Nuit des masques sans jamais lui arriver à la cheville.
Dernier volet en date de ce qui est pour l'instant une octologie (c'est moins que les Vendredi 13 mais plus que les Freddy), Halloween résurrection
(2002) sonne plus comme un produit dérivé que comme une véritable
suite, et c'est tant mieux. Réalisé par Rick Rosenthal (déjà auteur d'Halloween 2),
le film exploite un scénario malin et rigolard qui dépoussière
sérieusement le mythe pour donner un vrai divertissement à la fraîcheur
salutaire. Le film suit une bande de jeunes participant à une émission
de télé-réalité. Le but : passer une nuit dans l'ancienne maison de
Michael Myers sans faire pipi sous soi. Mais ce qui en apparence relève
de la formalité devient tout de suite moins simple lorsque le vrai
Myers débarque pour faire un peu de ménage. Rosenthal offre un nouvel
univers visuel assez riche pour un scénario qui patine par endroits
mais offre de vrais bons moments.
Quelques anecdotes :
Le masque de Michael Myers n'a pas été spécialement fabriqué pour le tournage de La Nuit des masques.
À cause d'un budget très serré, Carpenter a dû utiliser un masque déjà
existant : celui du capitaine Kirk, acheté 1,98 dollars, et simplement
recouvert de peinture.
Dans le scénario original, Michael portait un masque de clown.
Concernant les noms des personnages : Laurie Strode est celui de la
première petite amie de Carpenter, Sam Loomis celui d'un personnage de Psychose et Michael Myers celui d'un distributeur européen ayant contribué au succès d'Assaut. Une étrange façon de lui rendre hommage
Et la suite, alors? On a appris il y a quelques mois qu'elle
explorerait une nouvelle voie : c'est en effet Rob Zombie, auréolé du
succès de son très bon Devil's rejects, qui a signé pour réaliser celui qui est temporairement titré Halloween : Retribution.
Dans ce film, Zombie reviendra aux origines et expliquera comment et
pourquoi le petit Michael est devenu un taré invincible voulant
trucider toute sa famille. Un projet casse-gueule mais alléchant.