Cannes 2006 - Jour 3 : Bug, le nouveau Friedkin

Vincent Julé | 20 mai 2006
Vincent Julé | 20 mai 2006

Quoi de mieux pour démarrer la journée que deux beaux sourires (Laura et Annabelle) moulés dans des T-shirt oranges du plus bel effet. C'est pourtant le dur quotidien des journalistes de l'espace Wi-Fi, où les hôtesses peuvent servir le café d'une main, et jouer aux as de l'informatique de l'autre. Une certaine idée du paradis sur terre, mais je m'aventure sur un terrain glissant je crois.


Toujours est-il qu'il faut au moins ça, ainsi qu'une sacrée dose d'indulgence, pour ne pas capituler devant une sélection bien morne. « Comme chaque année », répondent les festivaliers chevronnés (ou blasés, c'est selon). Ainsi, les films se succèdent et tendent à se ressembler. Rien de honteux, mais rien de passionnant non plus, juste des films moyens (entre 4/10 et 6/10), et ce même, et cruel, constat. Dès qu'un film dépasse l'heure et demi, il devient « chiant ». La faute, principalement, au rythme précipité du festival qui empêche d'apprécier les longs-métrages à leur juste valeur. Le premier dommage collatéral est de ne pas avoir, ni de prendre le temps d'appréhender toute la richesse d'œuvres souvent courageuses… et par là même d'écrire de vraies critiques. Le principe de la chronique, ou du blog (très en vogue cette année : AlloCiné, Télérama, Studio, etc.), bien que logique et incontournable se révèle très frustrante. Par exemple, des films difficiles, voire insupportables, sur le moment comme Summer Palace ou The Hawk is Dying, finissent a posteriori par laisser plus de traces, et donc d'intérêt, que d'autres bien foutus mais au final anecdotiques. Heureusement alors qu'au milieu de cette apathie, un William Friedkin vienne foutre un coup de pied dans la fourmilière.

Volver (2006, Espagne) – Compétition
Réalisateur : Pedro Almodovar

Résumé : Madrid et les quartiers effervescents de la classe ouvrière, où les immigrés des différentes provinces espagnoles partagent leurs rêves, leur vie et leur fortune avec une multitude d'ethnies étrangères. Au sein de cette trame sociale, trois générations de femmes survivent au vent, au feu, et même à la mort, grâce à leur bonté, à leur audace et à une vitalité sans limites.

Avis : Malgré les critiques dithyrambiques (dont celle d'Audrey), les applaudissements, les « Bravo ! », impossible d'adhérer complètement au nouveau Almodovar. Bien entendu, il refait encore une fois le même film, avec le même talent, mais son humour se fait plus convenu, plus facile. De ce portrait de femmes, ne ressort alors qu'une certitude. Penelope Cruz n'est pas seulement un décolleté ou un quota, mais une vraie comédienne, avec des bouts de Sophia Loren dedans.

Note : 6/10

The Unforgiven (2006, Corée du sud) – Un Certain Regard
Réalisateur : Jong-bin Yoon

Résumé : Deux jeunes hommes, amis depuis le collège, embrassent la carrière de militaire et entrent dans l'armée, mais à deux périodes différentes. Alors que le premier a déjà atteint un rang élevé, le second est un simple troupier, ce qu'il a du mal à accepter et contrarie ses relations avec son ami.

Avis : Quelle surprise, enfin quelle déception, mais quand même quelle surprise ! Avec un titre pareil, The Unforgiven se devait d'être un polar hard boiled. Mais non, pour son premier film, le Coréen Jong-bon Yoon livre une chronique épurée, touchante, quasi en huit clos sur la jeunesse de son pays. Le film pousse le concept du non-dit si loin, qu'il est difficile au bout de deux heures de comprendre parfaitement ce que les personnages ont voulu exprimer jusque-là. Une confusion des sentiments qui baigne le film dans une atmosphère ouateuse, endolorie. Quelle était réellement la relation entre ces deux militaires ? De l'autorité, de l'amitié, de l'amour ? Rien n'est sûr, et c'est tant mieux.

Note : 6/10

Taxidermie (2006, Hongrie) – Un Certain Regard
Réalisateur : György Pálfi

Résumé : L'histoire d'une famille, sur trois générations, dans la Hongrie du XXe siècle.
Un aide de camp, souffre douleur d'un capitaine, pendant la Seconde Guerre mondiale. Un champion hors norme, sous l'ère communiste. Un inquiétant taxidermiste à la recherche de l'immortalité, de nos jours. Le destin marginal et atypique de ces trois hommes accompagne celui de leur pays.

Avis : Présenté comme radical, barré, Taxidermie réunit en effet tous les atouts pour faire sortir les spectateurs de la salle : vomi, pédophilie, zoophilie, scatophilie, j'en passe et des meilleurs. Un véritable foutre-aque qui semble a priori obéir aux lois du non-sens, sauf que rapidement une logique non-sensique (Vous suivez ?) et réjouissante se met en place. En effet, tel un domino, une idée farfelue en entraîne une autre et ainsi de suite. Si le concept sert le deuxième segment, il finit par saouler car le réalisateur ne fait rien d'autre que remplir un cahier des charges des déviances les plus courues, et donc les plus craintes. Heureusement, le film s'achève sur une dernière scène de taxidermie, esthétique, hypnotique et troublante.

Note : 5/10

Bug (2006, Etats-Unis) – La Quinzaine des Réalisateurs
Réalisateur : William Friedkin

Résumé : Serveuse solitaire au passé tragique, Agnes loge dans un vieux motel et vit dans la peur de son ex-mari violent, qui vient d'être libéré sur parole. Pourtant, quand elle esquisse une tentative de romance avec Peter, un homme excentrique et instable, elle retrouve espoir jusqu'à ce que les premiers insectes arrivent.

Avis : « Un film paranoïaque sur la paranoïa, un film fou sur la folie , ainsi était présenté le nouveau Friedkin au public. Ce qui veut, avouons-le, strictement rien dire. Et pourtant, cela conviendrait assez bien pour décrire le délire que s'est permis le réalisateur de L'exorciste et French Connection. Un peu comme s'il avait emmagasiné un tas de frustrations, de blagues, de fausses bonnes idées, qui éclatent alors à l'écran. Sur le récit a priori balisé du thriller, le metteur en scène glisse quelques touches d'humour noir, des effets visuels grandiloquents, des coups de folie post-Guere du Golfe, avant de totalement péter les plombs dans un final jouissif au possible. Du grand n'importe quoi où il nous rappelle à quel point il est bon (ou mauvais) directeur d'acteurs. Il pousse en effet Ashley Judd dans ses derniers retranchements, au bord de la crise de rire ou de larmes, jusqu'à une scène d'improvisation littéralement hallucinante. Alors bien sûr, ce Bug n'a rien de définitif, mais s'il est pris pour ce qu'il est, il n'en finit pas de déconn… détonner, pardon !

Note :7/10

The Hawk is Dying (2006, Etats-Unis) – La Quinzaine des Réalisateurs
Réalisateur : Julian Goldberger

Résumé : Un modeste vendeur de voitures décide de mettre du piment dans sa morne existence en apprivoisant un aigle sauvage.

Avis : Difficile encore de juger ce film américain indépendant, si ce n'est que Paul Giamatti semble jouer son propre rôle, et qu'il signe les retrouvailles de Michelle Williams et Michael Pitt… depuis la troisième saison de Dawson. Sinon, le long-métrage suit à la lettre son court pitch. Paul Giamatti remue beaucoup les bras pour dresser son aigle dans une allégorie un peu simpliste de la vie, mais qui paradoxalement atteint par moments la pure poésie. Troublant et à suivre donc.

Note : 5/10

Au fait, finis les « puceaux ou cinéphages de Cannes », appelez-moi « The débrouillard » ! J'ai en effet pu me faufiler dans ma première projection du Marché du film. Malgré les interdictions ou les invitations, il suffit de baragouiner en français et c'est portes ouvertes. Ayant alors le choix, j'ai opté pour le film au casting le plus parlant : Played avec Val Kilmer, Gabriel Byrne, Vinnie Jones. Ma victoire a alors tourné court, puisque je me suis retrouvé devant un polar amateur, filmé à la DV, sans rythme, sans tenue… j'ai tenu 20 minutes. Passé la déconvenue – j'en tenterai d'autres -, reste plus qu'à tenter les soirées prisées de Cannes et cette chronique aura pour titre : « Attention, j'arrive ! »

Comme prévu, car je n'ai qu'une parole, voici un petit cadeau pour Patrick, Flavien et tous les amoureux de Bollywood.

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