Sharon Stone : Stone addiction

Sylvie Rama | 28 mars 2006
Sylvie Rama | 28 mars 2006

Sharon roule sa pierre sur le pavé hollywoodien depuis plus de vingt ans. Du train de ses débuts qu'elle prit avec Woody Allen au coupé de luxe qu'elle arbore dans son dernier film, l'actrice s'est tracé un sacré parcours. Si le chemin n'a pas toujours été florissant, la star affiche aujourd'hui un splendide épanouissement, façonné par les années et les déveines, les échecs comme les succès. Indépendante, franche, loin des standards, Sharon Stone est une personnalité à part. Instinctive, toute en force, presque excessive, rien de basique.

Poupée gonflée

Depuis son enfance, Sharon Stone a su prendre des risques, faisant fi de celui qu'elle prenait en affichant sa différence, ou ce qu'elle nommerait plutôt des évidences. Elle n'aime pas les jeux d'enfants, elle préfère s'isoler pour lire, son hobby depuis qu'elle a 3 ans. Dans la cour de récré, elle annonce, désinvolte, à ses camarades médusés qu'elle sera la nouvelle Marilyn. Et si elle ne parvient pas à faire sa Monroe, elle deviendra ténor du barreau.

Née en 1958 à Meadville en Pennsylvanie dans une famille modeste, Sharon Vonne Stone est encouragée très tôt à développer tout son potentiel par des parents aux valeurs féministes. Son père, ouvrier, pousse sa fille à viser sans complexe les postes les plus hauts sans craindre de concurrencer les hommes. Elle se révèle élève surdouée sautant des classes, puis brillante étudiante universitaire finalement diplômée de Lettres et des Beaux Arts (elle a laissé tomber le Droit).

Une fois ses études achevées, la belle s'envole pour New York. Car la miss au QI supérieur à 150 se fait remarquer lors d'un concours de beauté. Joli blond Barbie, regard azur, corps éloquent élancé, parfait pour l'agence Ford qui l'envoie partout se faire photographier. Très demandé, le mannequin s'installe en Europe où au gré des campagnes de publicité, son visage commence à s'afficher. Cela l'amuse un temps, mais d'une carrière de top, bien vite elle s'en tape. Retour à New York en 1980, elle arrête de se jouer la comédie et décide de faire du cinéma.

Comme il faut bien vivre en attendant d'être au-devant des caméras, elle continue à avancer sur les podiums. Elle n'y défile pas longtemps puisqu'un invité très couture voit en elle la femme idéale qu'il croisera dans le train de son prochain film. Woody Allen la sollicite donc pour une apparition furtive non créditée dans Stardust memories. Ébloui par cette apparition, Claude Lelouch la contacte à son tour pour qu'elle figure deux minutes dans Les Uns et les autres. Ces premiers pas au cinéma lui permettent de tenir un rôle un peu plus conséquent dans une petite série B d'horreur, La Ferme de la terreur de Wes Craven, avant d'enchaîner dans des téléfilms divers sans ambition (voire sans intérêt) et des séries comme Magnum et Hooker, entre 1982 et 1988. Les années 80, c'est la période du tout et du n'importe quoi durant laquelle l'artiste se cherche.

Elle cherche plus activement le soleil du côté ciné où elle ne parvient toujours pas à décrocher la lune. L'apprentie étoile joue aux côtés d'une toute jeune Drew Barrymore dans Divorce à Hollywood en 1984 et l'aventurière des deux pâles volets d'Allan Quatermain. Elle auditionne pour Liaison fatale mais Michael Douglas ne lui trouvant pas assez de piquant pour jouer les femmes fatales, elle laisse donc la place à Glenn Close. S'ensuivent des rôles plutôt oubliables comme dans Police Academy 4 et Action Jackson, film de comédie et d'action dans lequel gros muscles et répliques ringardes se battent en duel, Nico avec Steven Seagal, un peu dans la même lignée que le précédent. Elle s'essaie péniblement à la science-fiction pour Beyond the stars en 1989, se fait évincer par Kim Basinger pour le Batman de Tim Burton et ne comprend pas elle-même ce qu'elle fiche dans Arènes sanglantes, drame ibérique qui la contraint de picoler dès dix heures du matin pour les besoins de son rôle (une méchante fille qui pervertit le héros). Bref, elle trinque, craque nerveusement et part se réfugier dans les bras paternels. Le père conseille un break de réflexion à sa fille découragée par les rôles écervelés de blonde interchangeable au service de séries B : « J'en avais assez. J'étais prête à décrocher ».

La sagesse paternelle lui porte bonheur. Après un an d'une retraite familiale, Sharon ré-envisage sa carrière autrement et part en quête de rôles plus conséquents. Lors d'une audition en 1990, elle s'impose à Paul Verhoeven qui lui offre son premier vrai second rôle dans Total recall, s'allouant au passage les services d'Arnold Schwarzenegger qui lui dispense des cours d'image et de relations publiques. Résultat, on la voit en couverture de Playboy. C'est chouette mais plus sérieusement, elle compte se servir du tremplin de sa notoriété pour s'orienter vers des oeuvres plus abouties ou plus complexes. Elle n'y parvient pas immédiatement mais elle tient un rôle remarqué dans L'Année de plomb de John Frankenheimer (1991). Suivent quelques tièdes productions frôlant plus ou moins l'indifférence générale comme Hitman, polar dans lequel elle a James Belushi et Forest Withaker pour partenaires.

Femme qui tombe à pic ?

1992. Paul Verhoeven essuie les refus catégoriques des actrices à qui il propose d'être la tête d'affiche féminine d'un policier en pleine préparation. Tour à tour, Kim Basinger, Michelle Pfeiffer, Ellen Barkin et Geena Davis déclinent l'offre du réalisateur pour incarner la sulfureuse Catherine Tramell. Le réalisateur pense alors à cette blonde atomique qu'il a dirigée deux ans auparavant et s'acharne auprès des producteurs réticents à les convaincre de l'engager. Quant à Michael Douglas, décidément, il ne lui trouve toujours pas assez de piquant pour jouer du pic à glace et refuse de tourner des essais avec « cette ringarde », selon ses propres mots. Finalement, Verhoeven parvient à accorder tout ce petit monde et propulse Basic instinct sur toute la planète. Le caractère charnel du film vaut à son réalisateur d'être le concepteur d'un nouveau genre, le thriller érotique, et à son actrice principale d'être catapultée sex-symbol international assorti d'une première nomination aux Golden Globes.

Si elle décroise superbement ses jambes, elle ne se croise pas les bras et ne perd ni la main ni de son sex-appeal dans Sliver, thriller aux abords érotiques mésestimé qui recueille surtout un succès critique. Ses films suivants connaissent à peu près le même sort malgré son désir de bien faire et de s'engager dans des projets audacieux : Intersection en 1994, remake des Choses de la vie de Claude Sautet, dans lequel elle donne la réplique à Richard Gere, ne récolte que peu d'éloges. Dans L'Expert, avec Sylvester Stallone, elle se remet à la comédie d'action aux gros bras mais fait un gros bide. Quant à Mort ou vif réalisé par Sam Raimi, où elle campe le rôle d'une western girl tireuse d'élite, ça ne suffit pas à la démarquer de Gene Hackman et de Russell Crowe qui la dégomment de la place d'honneur. Même un caméo en Catherine Tramell dans Last action hero fait davantage réagir les tabloïds. Bilan : des essais manqués et la difficulté de se débarrasser de son image de blonde froide et machiavélique.

Le jackpot de Casino

En 1995, celui qu'elle nomme affectueusement Marty lui offre le rôle de sa vie. Un rôle qu'elle souffle à son tour à Kim Basinger, ou encore Nicole Kidman et Madonna. Au summum de sa beauté et de son talent, loin de sa prestation initiale de tueuse en série, Sharon Stone appâte, épate, remporte une véritable reconnaissance artistique pour sa performance d'actrice et connaît un second apogée. Le rôle de cette prostituée de luxe qui sombre dans la drogue et l'alcool dont Robert De Niro tombe amoureux lui vaut un Golden Globe et une nomination à l'Oscar. Martin Scorsese aura été l'un des seuls cinéastes à avoir su faire jaillir ses ressources insoupçonnées.

Malheureusement, l'année suivante, Diabolique marque le début d'une descente aux enfers. Le film est descendu en flammes et son interprétation souffre de la comparaison avec l'incomparable Simone Signoret. Après avoir été « le coup du siècle » et gagné gros au casino, Sharon Stone ne casse plus rien malgré des rôles plus matures : Dernière danse en 1996, qui lui tient à coeur et dans lequel elle joue une condamnée à mort, est une réflexion sur la peine capitale et marque son besoin de s'investir dans des projets essentiels. Les Puissants, film sur l'enfance malheureuse qu'elle co-produit, ne suscite qu'un faible intérêt.

Avec Sphère de Barry Levinson, elle s'aventure en eaux profondes mais le film coule. Avec Gloria, ce n'est pas la gloire, malgré un Sidney Lumet aux commandes. Elle devient La Muse, en 1999, dans lequel son ami Marty fait une petite apparition. Le rôle lui vaut une troisième nomination aux Golden Globes, vite étouffée par la sortie du lamentable Simpatico.

Si en studio c'est le fiasco, dans sa vie personnelle c'est le bingo. Après un mariage heureux avec un ponte de la presse, couronné par l'adoption d'un enfant, Madame Sharon Stone Bronstein utilise son image à bon escient et brille par son engagement dans des causes humanitaires et actions caritatives : elle oeuvre pour la paix, lutte contre le sida, la pauvreté, s'investit dans la cause des femmes. Pour la récolte des fonds, le visage de la star est sur tous les fronts.

En 2000, elle retrouve Woody Allen-acteur dans une gaillarde comédie, gentillette critique de l'exploitation mercantile des miracles. Morceaux choisis, d'Alfonso Arau, est interdit de projection car jugé anticlérical et antiautoritaire. Elle apporte ensuite son soutien à Anne Heche qui tourne If these walls could talk, téléfilm sous forme de trilogie illustrant la lesbophobie à travers trois époques différentes (elle apparaît dans le deuxième volet).

Le monde est stone ?

Sharon ne dirait pas mieux en ce début de siècle qui lui apporte son pot de déconfitures en tout genre. L'équilibre de la star est vite ébranlé par une volée d'échecs professionnels : Une blonde en cavale fait courir le bruit que son talent est mort, La Gorge du diable du touche-à-tout Mike Figgis est strangulé par la presse, sa participation récurrente à des séries TV n'arrange guère les choses et semble au contraire diminuer sa puissante aura. Face à ce lot de flops, Sharon Stone décide pour la seconde fois de dire stop : « Je pensais que j'avais vraiment besoin de m'échapper du métier. J'ai donc décidé d'arrêter de travailler, j'avais perdu confiance en moi. »

En 2001, Sharon Stone est hospitalisée suite à une inquiétante rupture d'anévrisme. Elle finit par se remettre complètement au prix d'un très long passage à vide et de pénibles souffrances psychologiques. Sharon Stone passe trois années éloignée des caméras à se remettre en question, à reprendre le contrôle de sa vie et à retrouver la foi. En 2004, elle divorce de Phil Bronstein et adopte un nouvel enfant qui lui apporte une toute neuve sérénité. « J'ai recommencé une nouvelle vie. Ces années ont donc été un recommencement (…) j'ai regardé ma vie différemment, je ne suis plus inspirée par les mêmes choses. Je me suis dit que la grande question de la vie porte sur la foi et que la grande réponse est aussi la foi. Donc, forte de cela après ma maladie, j'avais une vision toute différente du métier et de ma vie en général ».

C'est avec une définition toute autre du mot « priorité » que Sharon Stone reprend le travail. Elle affiche une entière indépendance vis-à-vis du star-system. Le pitoyable Catwoman de Pitof ? Elle s'en fiche joyeusement : « C'est mon agent qui m'a poussée à accepter Catwoman. Selon lui, je devais figurer au générique d'un blockbuster, sinon les studios ne m'appelleraient plus. J'ai obtempéré, mais cela n'a pas changé grand-chose ! » Désormais, Sharon Stone choisit ses rôles uniquement en fonction de ses envies. Elle tourne A different Loyalty film d'espionnage discrètement salué par la critique américaine, suivi par le formidable Broken flowers de Jim Jarmusch. Elle reçoit les insignes d'Officier des arts et des lettres en France et s'apprête à sortir un livre le 15 avril prochain au profit de amfAR, fondation américaine contre le sida.

2006 marque son grand retour sur les écrans. Plus fraîche malgré les années et plus sexy que jamais, elle reprend son rôle culte qu'elle justifie par l'envie de (re?)vivre une expérience particulièrement excitante : « une avancée dramatique dans un univers différent, (…) avoir à interpréter un personnage plus mature, plus subtil. Tramell a aiguisé ses armes de séduction. » Si la presse voit plus en cette resucée un intérêt financier, qu'importe à Sharon Stone qui autour de Basic instinct 2 renoue avec un cinéma de bonne facture : après Jim Jarmusch, ce sera chez Nick Cassavetes qu'elle s'investira pour le très attendu Alpha dog, aux côtés du chanteur Justin Timberlake et de Bruce Willis.

L'actrice parle également de produire When a man falls in the forest afin de soutenir un jeune réalisateur prometteur, Ryan Eslinger. Enfin, son nom sera sur l'affiche de Bobby, oeuvre ambitieuse au casting hallucinant : Anthony Hopkins, Demi Moore, Elijah Wood, Laurence Fishburne, Helen hunt, Heather Graham, Ashton Kutcher, Christian Slater, Lindsay Lohan… Et la liste est encore longue ! Réalisé par Emilio Estevez, le film actuellement en post-production retrace les dernières heures du sénateur Robert F. Kennedy. Sharon Stone espère que le film sera sélectionné au prochain Festival de Cannes, qu'elle considère comme le berceau de sa naissance d'actrice. Et de sa renaissance ? Quoi qu'il en soit, ni les déroutes professionnelles, ni les débâcles personnelles n'auront eu raison d'une telle battante. À voir son visage éclatant, on croirait que rien ne la mine et que Sharon n'a presque rien à envier à Norma Jean.

 

 

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