Tout Cronenberg sur Ecran Large

Johan Beyney | 9 décembre 2006
Johan Beyney | 9 décembre 2006

Hors norme, obsessionnel, scandaleux, horrifique, malsain, inattendu, irrégulier, mais définitivement talentueux, David Cronenberg plonge depuis plus de trente ans ses spectateurs dans l'inconfort. À la fois grand public et intimiste, gore et philosophe, abordable et hermétique, le réalisateur canadien s'est construit un univers très personnel échappant à toutes les compromissions. En ressort une filmographie éclectique allant de la série B gore au drame psychologique, mais pourtant marquée d'une incroyable cohérence thématique. Celle-là même qui l'a intronisé « Maître de la chair ».

 

Né à Toronto en 1943, Cronenberg commence à filmer dès la fin de ses études. Parallèlement à ses travaux pour la télévision canadienne, il réalise des courts-métrages (Transfer et From the drain notamment), puis des moyens (Stereo et Crimes of the future), avant de se lancer dans le long métrage. En quelques films (Frissons, 1974 ; Rage, 1976 ; Chromosome 3, 1979 ; Scanners, 1981 et Videodrome, 1982), il se taille un nom dans l'univers du gore et de l'horreur. S'il parvient à se faire reconnaître, dans cette période qui a pourtant vu fleurir les nanars sanguinolents et naître les scream girls, c'est parce que les films de Cronenberg apportent déjà bien plus que de l'hémoglobine et du soutif déchiré. Derrière l'horreur, le réalisateur insinue déjà un sentiment plus profond et surtout plus durable : le malaise. Contrairement aux autres productions du même genre et de la même époque, le sang et le sexe chez Cronenberg ne sont pas des images gratuites pour spectateurs en quête de sensations, mais bien les supports majeurs d'une thématique qu'il explorera tout au long de sa filmographie.

 

Le succès de Videodrome, n°1 au box-office américain lors de sa sortie en salles, lui permet de franchir la frontière canadienne pour aller tourner aux États-Unis. Comme tout jeune réalisateur promis à un brillant avenir dans le domaine du thriller (Brian de Palma et John Carpenter en tête), Cronenberg se voit confier l'adaptation d'un roman de Stephen King, Dead Zone (1983). Sur une idée de Mel Brooks, il s'attelle ensuite au remake d'un film des années 1950. Succès critique et public, La Mouche (1986) lui accorde la renommée internationale. Alors ça y est, Cronenberg est désormais un réalisateur hollywoodien à succès ? Il va en tout cas tout faire pour que ce ne soit pas le cas.

 

En effet, après le succès de La Mouche, le cinéma de Cronenberg va encore s'opacifier. Tout en conservant sa patte, il délaisse le domaine de l'horreur et du fantastique pur pour se tourner vers des projets plus intimistes et définitivement moins faciles d'accès, au risque de dérouter le public. Relations troubles et dérangeantes entre deux jumeaux gynécologues (Faux-semblants, 1988), adaptation d'un roman psychotrope réputé inadaptable (Le Festin nu, 1991), drame (M. Butterfly, 1993), Cronenberg brouille les pistes. Un scandale cannois (Crash, 1996) et un retour à la SF (eXistenZ, 1999) plus tard, et le revoilà sur le devant de la scène. Il en descend aussitôt pour aller se réfugier dans les méandres du cerveau dérangé de Spider (2001), bien loin de la critique – et des spectateurs.

 

Pour autant, cette filmographie disparate n'affiche qu'un éclectisme de façade. En effet, et ce depuis le début de sa carrière, Cronenberg continue à traiter du même thème. À la manière d'un chirurgien minutieux, il triture depuis des années la chair humaine et les pulsions qui s'y logent. Animal social, animal doté d'une âme, animal technologique, mais animal avant tout : l'homme n'est chez le réalisateur qu'un amas de chair et de sang sur lequel sont venus se greffer l'esprit et la conscience, la société et la machine. Au fil de ses films, cet explorateur de la chair cumule les expériences : en modifiant le corps ou en lui faisant subir d'étranges mutations, en donnant successivement l'avantage à la chair, à l'esprit ou à la machine, il n'a de cesse que de rompre ce fragile équilibre qui fait de nous des êtres humains. Ce sont toujours des monstres hybrides qui sortent de cet étrange laboratoire, des créatures organiques soumises au sexe et à la violence (deux éléments toujours très présents et très liés chez Cronenberg), des personnages écœurants, incomplets, imparfaits, mais pourtant – et c'est sans doute ce qui est le plus dérangeant – humains.

 

Avec A history of violence, Cronenberg poursuit ses recherches et nous offre l'un des meilleurs films de sa filmographie et de l'année 2005. La réussite du film débute une collaboration fructueuse avec Viggo Mortensen. En 2007, ils se retrouvent pour le tout aussi fascinant Les Promesses de l'ombre. Cette plongée dans l'univers de la mafia russe fantasmée confirme que David Cronenberg n'est pas près de s'assagir et de cesser de nous surprendre.

 

 

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Toujours inédit en DVD, M. Butterfly, dont vous pouvez retrouver la critique cinéma en cliquant sur l'affiche ci-dessous

 

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