Deauville - Jour 9 (interview de Michel Burnstein)

La Rédaction | 11 septembre 2005
La Rédaction | 11 septembre 2005

Abel Ferrara vient de remporter au Festival de Venise le Grand Prix du jury avec Mary et a dû écourter son séjour à Deauville. Dommage pour nous qui devions le rencontrer aujourd'hui... Alors pour nous consoler, nous avons demandé à son attaché de presse, Michel Burnstein, de raconter les vingt heures de l'excentrique cinéaste passées sur les planches.

Quel a été le planning d'Abel Ferrara ?
À l'origine, il devait venir jeudi soir de Venise, mais le matin même, il a décidé de changer d'avis et de rentrer à Rome – où il habite. On lui a pris un vol pour Paris le vendredi matin vers 07h30 du matin. Il est arrivé à Deauville à 12h30. 20 minutes plus tard il commençait à donner des interviews, il a ensuite déjeuné pour reprendre vers 14h30 jusqu'à 17h. Puis, il a eu 1h pour se changer et se préparer à assister à la projection officielle de Mary. Il y a eu un photocall vers 20h et l'hommage à Forest Whitaker. Abel est resté dans la salle pour voir son film et a terminé la soirée au restaurant avec les gens présents de la production et de la distribution. Aux alentours de 00h30, il s'est éclipsé avec sa compagne et je suppose qu'ils sont rentrés directement à l'hôtel.

 


Il devait rester jusqu'à dimanche ?
Oui mais à 19h, le Festival de Venise l'a contacté pour lui dire que son film avait un prix, ce qui l'a rendu fou de joie. Nous avons organisé son départ précipité et je lui ai annoncé le soir qu'il aurait une voiture à 08h du matin et qu'il n'avait pas intérêt à la rater car il n'y aurait pas d'autre vol disponible. Il m'a répondu : « Bien sûr. » Je l'appelle ce matin dans sa chambre à 08h et il me demande à quelle heure il devait partir. (Rire.) « 08h. » « Quelle heure est-il maintenant ? » « 08h. » Je l'ai récupéré dans sa chambre à 08h25 et sa copine m'a demandé pourquoi personne ne les avait réveillé à 07h ! Ils sont partis à 08h30 et n'ont pas eu de mal à prendre l'avion qui décollait. Je crois même qu'ils en ont pris un autre et sont passés par Bologne car ils étaient avec leur producteur et sa copine qui n'avait pas de billet donc il y a eu des changements à Roissy. Sauf mauvaise surprise, Mary devrait avoir l'un des trois prix les plus importants à Venise (Lion d'or, Prix du jury ou de la mise en scène). Je ne pense pas qu'on le ferait déplacer en avion si cela n'en valait pas la peine.

 

Il reviendra faire de la promo ?
Oui, il m'a promis qu'il reviendrait à Paris avant la sortie du film qui aura lieu le 21 décembre.

Tout le monde se demande s'il a vidé le mini-bar de sa chambre... Alors ?
La note de ses extras était à mon avis inférieure à la mienne, elle était très modeste. Une anecdote amusante quand même : dans l'une des chambres louées pour les interviews, il s'est servi au milieu d'un entretien une bouteille de champagne dans le mini-bar et l'a sifflé avec le journaliste, ravi.

 


Au bout du compte, le séjour est resté soft ?
Il a la réputation d'être très spontané, il peut changer d'avis immédiatement mais il n'y a eu aucun incident à signaler. Quand on m'annonce des clients difficiles, très souvent ils s'avèrent beaucoup plus agréables que prévu. J'avais été plusieurs fois sur le tournage de Mary, Abel m'avait vu, je le connaissais un peu. Il est démesurément chaleureux, c'est tout juste s'il n'embrasse pas les gens sans les connaître, juste parce qu'ils lui plaisent ! Comme tous ces gens qui sont trop gentils ou affectifs, cela peut aller parfois dans le sens inverse. J'imagine qu'il peut péter les plombs pour pas grand chose et devenir fou furieux. Sur le tournage, je me souviens d'un jour où il tournait sur une plage à 200 km de Rome. Toute l'équipe était prête mais la barque qu'on voit dans le film n'était pas là. La production avait manifestement merdé et il y avait du retard. J'ai vu Abel devenir complètement hy-sté-ri-que et hurler à un tel point que j'ai eu le sentiment que la plage tremblait, qu'il y avait un séisme en Italie. Il ne s'arrêtait pas ! J'ai eu peur qu'il continue jusqu'à ce que le bateau arrive, qu'il perde la voix ou qu'il fasse un coma ! Quand il fait des films, il n'a pas d'argent, il fait très peu de prises, les comédiens jouent quasiment gratuitement pour lui, et on ressent le besoin vital qu'il a de bien filmer. Là ou un réalisateur aurait quatre caméras, pourrait découper la scène et se protéger au maximum, lui ne fera qu'une prise avec une caméra en plan-séquence. C'est de la haute voltige et ça se sent à l'écran. Il y a une fragilité dans ses films en raison du désir qu'il a de filmer qui n'est pas assouvi.

 

Comment la presse a-t-elle accueilli Mary ?
Globalement, les échos sont très positifs. Les journalistes sont dans l'ensemble surpris qu'il s'agisse d'un Ferrara revigoré par rapport à ses derniers films et qui tient un propos de maturité. Il a été heureux de rencontrer des journalistes et de sentir qu'ils s'intéressaient à son travail en posant de bonnes questions. C'en était même très émouvant.

Propos recueillis samedi par Didier Verdurand.
Autoportrait de Michel Burnstein.

 

 

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