Alfonso Cuarón : De La Petite Princesse à Harry Potter

Fabien Braule | 31 août 2004
Fabien Braule | 31 août 2004

Biographie

Alfonso Cuarón est né le 28 novembre 1961 à Mexico.

Après une longue carrière télévisée et un premier succès avec son long métrage Sólo con tu pareja (1991), Alfonso Cuarón quitte le Mexique pour rejoindre les États-Unis, où il y réalisera un épisode de la série Fallen Angels (Murder, Obliquely) en 1993, lui ouvrant par la même occasion les portes d'Hollywood et lui offrant ses premières récompenses. En 1995, il signe son second long métrage sous l'égide de la Warner : La Petite Princesse. Succès critique et commercial aux États-Unis, le film ne sera malheureusement distribué en France qu'en vidéo. Deux ans plus tard, il adapte la célèbre roman de Charles Dickens et fait de ses Grandes Espérances une version moderne, oscillant avec ses genres de prédilection : le mélodrame, le film noir et le soap. En 2001, Cuarón retourne dans son pays natal et nous livre avec Y tu mamá también (Et même ta mère) son premier film en espagnol depuis dix ans. Couronné du prix du Meilleur Scénario à la 58e Mostra de Venise, le film fait l'effet d'une petite bombe dans la presse spécialisée. Hier aux commandes du troisième opus des aventures du célèbre petit sorcier (Harry Potter et Le Prisonnier d'Askaban), Alfonso Cuarón prévoit déjà pour 2006 de réaliser un autre film dans sa langue natale : Mexico '68, prouvant, avec son ami Alejandro Gonzáles Iñárritu (Amours chiennes et 21 grammes), que le cinéma mexicain est en pleine émergence.

Filmographie

1983 : Cuarteto para el fin del tiempo
1989 : Cita con la muerte (épisode intitulé No estoy jugando)
1991 : Sólo con tu pareja
1993 : Fallen Angels (épisode intitulé Murder, Obliquely)
1995 : La Petite Princesse
1997 : De grandes espérances
2001 : Y tu mamá también
2003 : The Children of men (projet reporté)
2004 : Harry Potter et Le Prisonnier d'Azkaban
2006 : Mexico '68 (ou The Children of men)

Avant-propos

Il est impossible de considérer l'œuvre d'Alfonso Cuarón sans au préalable mettre en avant l'une des caractéristiques majeures de son cinéma : le réalisme magique – expression née vers 1925 sous la plume d'un critique d'art allemand. Ce terme se répandit véritablement dans le vocabulaire de la critique littéraire pendant les années soixante, lors du boom de la littérature sud-américaine, couronnant en 1982 le roman le plus représentatif de ce courant, Cent ans de solitude de Gabriel García Márquez.

Ce même boom s'inspire du mouvement surréaliste qu'ont fréquenté certains auteurs sud-américains, tels que García Márquez, Luis Sepúlveda ou encore Alejo Carpentier. Selon ce dernier, le réalisme merveilleux diffère pourtant du surréalisme qui s'adonne à la création particulière de formes artificielles et gratuites. Son « réel merveilleux » privilégie le dynamisme, la métamorphose, qu'il oppose à la stagnation, au classicisme excessif du vieux continent (1).

Mais il différencie le « réel merveilleux » du « réalisme magique ». Ces deux expressions ne sont, pour lui, pas équivalentes. On pourrait remarquer que le « réalisme merveilleux » renvoie à l'objet, l'univers, en soi « merveilleux » : il institue un rapport original au monde. Alors que le « réalisme magique » fait allusion à un mode de représentation de l'objet. Il renvoie à une esthétique. Mais les œuvres constituent peut-être le lieu et le moyen pour que cette vision du monde et ces tentatives esthétiques s'associent. On peut penser à Cent ans de solitude comme un exemple possible de cette association. Aussi, il devient facilement envisageable de considérer comme équivalents les termes « réalisme magique » et « réel merveilleux », puisqu'ils entrent en symbiose à l'intérieur même de l'œoeuvre.

C'est dans l'état de postcolonialisme qu'il faut retrouver la source première qui donna naissance au « réalisme magique ». Selon Jean-Pierre Durix, « le réalisme magique, loin de constituer une pure échappée dans un imaginaire totalement débridé, est bien un moyen privilégié dont disposent les écrivains postcoloniaux pour réinterpréter leur histoire et leur propre réalité. » (2) Ceux-ci mettant en avant le caractère nouveau d'une population longtemps mise sous silence, supportant tant bien que mal l'arrivée et la constance d'une culture colonialiste de grandes nations telles que l'Angleterre, la France ou les États-Unis. Ainsi, ces romans sont fortement ancrés dans une réalité politique et sociale aisément reconnaissable. Ces auteurs n'écrivent pas pour passer le temps, mais pour donner un sens à l'histoire dans laquelle s'insèrent les personnages de roman. Toujours selon Jean-Pierre Durix, « Ils renouvellent la tradition réaliste pour l'emmener au-delà du miroir mimétique, en l'enrichissant des apports culturels divers dont ils se nourrissent. » (2) « Le roman ressemble à une fabrique de chutney, une usine à conserver la mémoire » (3). Les écrivains qui pratiquent le « réalisme magique » semblent avoir un sens développé des réalités sociales de leur pays.

Si cette notion littéraire permet de mettre en avant (et en scène) de manière différente et onirique un réalisme fortement ancré dans un univers historique, social et culturel, le cinéma se l'est appropriée, rendant visible à l'écran ce qui l'était à l'écrit.

Il s'oriente ainsi dans la même direction, mettant en avant de manière rationnelle l'irrationnel, ne laissant jamais vaciller la narration dans la catégorie du fantastique.

C'est dans cette direction qu'Alfonso Cuarón dirige son travail. Ainsi, ses films, et plus particulièrement ses deux adaptations de romans anglais de la période victorienne, La Petite Princesse (1995) de F.H. Burnett et De grandes espérances (1997) de Charles Dickens, en sont l'exemple parfait. D'un tempérament généreux, Cuarón transforme dans ses films, comme dans la littérature, les éléments. Là ou García Márquez allait dans la direction de la magie, mais en conservant des éléments historiques passés (la guerre civile mexicaine), présents ou encore imaginaires, Cuarón développe cette tendance en invoquant la magie comme élément du réel. Il présuppose que la magie existe autour de nous, se veut visible, et que l'homme, s'il est suffisamment ouvert d'esprit et de coeur, la reconnaîtra.

Première partie : La Naissance du « réalisme magique »

« Il arrive que cette image soit pittoresque et colorée.
Elle sert de fond contrastant au malheur qui va suivre
». (4)

Que ce soit New York durant la Première Guerre mondiale pour LaPetite Princesse, le New York contemporain de De grandes espérances, ou encore le Mexique actuel pour Y tu mamá también, Cuarón mise sur un espace ancré dans une temporalité donnée, présente ou passée. La magie s'intègre par petites notes au sein d'un univers où sont dépeints la culture et le réalisme social.

Cet espace existant permet au réalisateur de créer une certaine distance entre la réalité et la fiction (bien que les deux se retrouvent au final), et ainsi de laisser libre cours à son imaginaire à travers celui de ses héros. Sara, héroïne de La Petite Princesse a la faculté d'inventer des histoires. Finn, dans De grandes espérances se révèle lui aussi avoir un don, celui de dessiner et de peindre. Enfin, les deux personnages de Y tu mamá también, Julio et Tenoch, inventent un lieu idyllique, une plage rêvée, où l'innocence de l'enfance s'évanouira peu à peu.

Chacun des trois films possède ses propres touches artistiques qui cependant se rejoignent. Il est possible de définir Cuarón comme étant un cinéaste attaché aux cultures, qu'elles soient d'ici où d'ailleurs – afin de mieux représenter des mondes colorés et pittoresques en constante opposition avec le réel et la contemporanéité.

1) La Petite Princesse

Tandis que son père s'engage dans l'armée britannique pour lutter contre les allemands durant la Première Guerre mondiale, Sara est envoyée dans un internat à New York. Sur place, elle entretient des relations très tumultueuses avec la sévère directrice, qui voit d'un mauvais œil les rêves de princesses de la jeune fille.

Dès l'ouverture, Cuarón immerge le spectateur dans un univers enchanteur, proche de celui des contes des Mille et une nuits. Dès lors, il est immergé dans ce qui qualifie le mieux le cinéma cuarónien.

Cette ouverture définit toute la palette de couleurs qu'aime à poser sur sa toile le réalisateur. Des bleus, des jaunes, des verts, et quelques touches de rouge. Chacune des couleurs citées se détachent les unes des autres. Les cadres sont asymétriques, renforçant l'aspect peu conventionnel de son style visuel. On ne trouve pas dans son cinéma de longues perspectives symétriques, comme il en existe par exemple chez Stanley Kubrick. Avec un travail et un goût très prononcé pour le fondu enchaîné, Cuarón rétrécit son espace temporel et casse les barrières du temps. Si bien que l'on ne peut, à la vue du ciel (vert), définir si nous sommes le jour ou la nuit, ni depuis combien de temps le prince Rama est parti pour soigner la biche blessée. Ses fondus créent un impact fort sur le spectateur, car, mélangés à la beauté visuelle du cadre, ils créent à eux seuls une forme de magie et d'enchantement.

 

 

A – Le Conte dans le conte

La Petite Princesse impose dès son ouverture une forme narrative à deux niveaux. Le spectateur se retrouve face à une double temporalité du conte, celle à travers laquelle nous invite le cinéaste, et celle des premières images, du protagoniste principal. Dès lors, il est possible de considérer qu'il y a une mise en abyme de l'univers narratif.

Partant d'un mode narratif au passé bien connu des contes et légendes du monde entier : « Il y a bien longtemps… » (insistant ainsi sur l'idée d'un monde révolu), Alfonso Cuarón met en relation le personnage principal, Sara, avec un univers auquel elle n'appartient pas en tant que personnage physique à part entière, mais en tant que narrateur. Remarquons d'ailleurs que seule Sara est amenée à parler ; les personnages du conte sont muets, laissant place à leur jeu expressif et à la musique comme second élément narratif. Dès lors la magie intervient par l'utilisation de la voix off, puisqu'est amené extra diégétiquement l'espace-temps de Sara (le monde de 1914) à une temporalité plus éloignée et indatable, mettant en place un autre monde, un autre temps, une autre culture, tous aussi révolus que ceux de 1914. De cet univers résulte surtout une abondance de magie où l'immersion est totale, due à une pénétration dans un lieu fantasmagorique, peuplé d'animaux sauvages apprivoisés, de forêts extraordinaires, de princes et de princesses.

La musique séduit le spectateur, sa tonalité exotique lui accorde une connotation proche, là aussi, des contes des Mille et une nuits. Tout comme avec les couleurs, la musique de Patrick Doyle intègre une thématisation forte. Le principal instrument hindou, la cithare, donne à cette première séquence cette texture quasi irréelle. Le thème des Indes se retrouvera dans de nombreuses séquences du film, à chaque fois que le « réalisme magique » interviendra, et que la nostalgie refera surface chez Sara.

Ce conte contient ainsi ses principaux codes, tous créés par la mise en scène et par les choix artistiques et musicaux. Nous avons dans un premier temps une ouverture qui diffère du conte original auquel le spectateur est en droit de s'attendre,effet accentué par un choix pictural des plus inattendus, tout en mettant en avant l'aspect irréel du conte (son ciel vert, ses plantes démesurées, ses couleurs saturées et contrastées), et enfin la musique, qui en un seul et unique thème permettra au spectateur, par la suite, de se souvenir des Indes, comme Sara elle-même peut s'en souvenir par la simple faculté auditive. En amenant dans l'ouverture de son film tous les « clichés » de l'Inde (sonores et picturaux), Cuarón développe ici même son goût particulier pour l'excès, en prenant le spectateur à contre-pied.

La première séquence ne se termine pas sur cette mise en abyme du conte, puisque la narration « imagée » est rompue par le monstre à dix têtes, Ravanna, pour un retour plus paisible dans le monde de la petite princesse Sara. Ce que l'on remarque de suite, c'est que ce qui semblait irréel dans le conte de Sara l'est tout autant ici. Le travail du directeur de la photographie, Emmanuel Lubezki, ne crée pas de rupture entre les deux univers. L'Inde dépeinte par Sara est bien la même dans le choix des couleurs que celle dans lequel elle vit au quotidien.

La démesure du décor prime avant tout, comme le prouve cette tête de Bouddha immergée dans l'eau, ou cette cascade, ou encore l'éléphanteau jouant dans l'eau et arrosant les deux enfants. C'est un univers innocent et insouciant qu'il dépeint, un monde ou les rêves des adultes n'ont pas encore percés.

 

 

B – L'Artiste, ses inspirations et ses sources

a. La Forme picturale hindoue

Passé les cartons verts écrits d'un lettrage jaune (l'une des récurrences du film), ce n'est donc pas sur une mise en image du conte homonyme que le film va s'ouvrir, mais sur un conte à forte connotation hindouiste, sorti tout droit de l'imaginaire de la petite Sara.

L'ouverture à l'iris en témoigne : Cuarón transporte le spectateur dans l'imaginaire débordant de la fillette, aspiré par cette forte source lumineuse et colorée.

C'est sous la forme d'un tableau immobile, ressemblant à s'y méprendre aux fresques et peintures de l'antiquité hindoue, que l'on découvre ce qui sera plus tard dans le film la trame narrative et imaginaire de l'œuvre, ce par quoi se traduisent bon nombre de rebondissements, qu'ils soient heureux ou malheureux. Nous sommes face à une représentation du Ramayana.

Que le tableau prenne vie permet également au réalisateur de créer un décalage évident entre ce qui est à l'écran et ce à quoi le spectateur était censé s'attendre.

L'utilisation de la couleur confère à cet interlude imaginaire une place particulière et primordiale à la bonne compréhension du film où deux couleurs se détachent largement du reste : le vert et le jaune. C'est à travers ces deux couleurs que Cuarón représentera l'Inde, en contrepoint permanent à partir du moment où Sara sera sur le bateau qui l'emmène à New York. Qu'elles apparaissent dans le costume de Ram Dass (personnage garant du souvenir des Indes), ou dans l'emploi symbolique des roses jaunes à tige verte accrochées à la porte du vieux voisin Monsieur Randolph, ces couleurs sont garantes de souvenirs parfumés se rattachant à l'Inde.

 

 

Ce que l'on remarque immédiatement, c'est l'omniprésence de ces deux couleurs issues des tableaux hindous. Elles sont parfaitement en adéquation avec l'imaginaire prolifique de la petite Sara et avec le travail visuel de son metteur en scène. En s'intéressant au conte hindou d'un peu plus près, il devient possible de s'apercevoir que ces deux couleurs primaires ne sont pas seulement représentatives de l'Inde dans son ensemble, mais aussi parfaitement caractéristiques de l'iconographie divine du prince Rama.

Le conte ne sert pas uniquement à caractériser le personnage de Sara et sa faculté à raconter des histoires merveilleuses, mais aussi à faire partager de manière intuitive au spectateur une culture dont il ne connaît pas obligatoirement les racines. Et c'est par le biais de son personnage et de sa vie aux Indes que Cuarón puise ici son inspiration, puisque tous les personnages cités par Sara existent, et qu'ils tiennent tous sans exception une place importante dans les récits et légendes du pays. Ainsi, Rama est représenté de la même manière que dans la transposition qu'en à fait Cuarón (personnage à la peau bleu, ayant deux bras, vêtu d'étoffes jaunes et vertes, et tenant un arc). Bien plus qu'une forme de souvenir qui s'apparente à l'Inde, c'est dans ce personnage que Cuarón puise sa principale source d'inspiration artistique et scénaristique.

Cet intérêt que porte le réalisateur à d'anciennes cultures, symboles des vestiges du temps passé, se retrouvera dans ses films suivants, avec les ruines du Paradiso Perduto pour De grandes espérances, et par le voyage au cœur du Mexique rural de Y tu mamá también.

b. L'Esthétique du XIXe

Cuarón représente New York comme un Londres dans l'Angleterre victorienne. La même architecture et les mêmes détails du quotidien se retrouvent dans les adaptations de Lean des romans de Dickens. Toute une partie de cette esthétique est reprise chez l'illustrateur et caricaturiste George Cruikshank, qui illustra pour Dickens certains de ses romans, et en particulier Oliver Twist. À cette époque, parce que beaucoup d'anglais s'y sont installés, l'ère victorienne est aussi présente en Angleterre que sur la côte est des États-Unis. L'art pictural de l'époque étant très documenté à ce sujet, un cinéaste comme Martin Scorsese a pu parfaitement le faire ressurgir dans Le Temps de l'innocence (1993) ou Gangs of New York (2003). C'est ce qui confère à LaPetite Princesse un certain apport de réalisme, dans un univers où la culture hindoue provoque le décalage nécessaire au bon fonctionnement du « réalisme magique ». La représentation de la ville ne varie que très peu entre les dessins de l'illustrateur, les films de Lean, et le film de Cuarón. Cruikshank joue pourtant plus que de raison sur la forme humoristique. En caricaturant les classes sociales parfois jusqu'à l'excès, il pose sur la société du XIXe un regard qui apporte son lot de vérités sur son fonctionnement et ses différents modes de vie. Aussi, bien que les extérieurs et l'architecture soient très semblables dans le film de Cuarón, ce qui se rejoint surtout, c'est l'opposition entre les différentes classes et la dénonciation d'un système inégal.

 

 

 

 


C – Le Cercle magique

L'un des éléments récurrent de cette ouverture s'inscrit dans le cadre du cercle. Ouvert sur un iris, le conte de Sara ne cesse d'utiliser cette figure comme élément rhétorique. Elle fait partie intégrante de l'univers du conte, et dans bien des cas l'aspect circulaire ressurgit comme figure de style à part entière. Ici aussi, il domine tous les aspects esthétiques et narratifs. Tout d'abord par la mise en place du cercle protecteur. Élément indissociable du conte, ce dernier est le lieu sacré où rien ne peut perturber la tranquillité de celui qui y loge. Le mal ne peut rien contre cet objet mystique et mystérieux.

 

 

Enfin, si l'on considère l'aspect géographique du lieu, celui-ci semble aussi se former à la vue courbée du petit ruisseau. Les fruits démesurés derrière la princesse sont tous ronds, et un paon fait même partie du décor, rappelant, grâce à sa queue, le motif et surtout l'iris qui ouvre le film et le referme.

Le spectateur à affaire ici à un univers très riche, chargé de symboles et de cultures différentes. C'est, dans un premier temps, par la double temporalité du conte qu'intervient le « réalisme magique ». En mettant en scène une représentation de la mythologie hindoue, Cuarón crée une forme esthétique inattendue pour un conte se situant au début de la Première Guerre mondiale. Puis, par la mise en avant des sens, il transforme cette ouverture en rêve coloré aux senteurs exotiques (l'image métaphorique caractérise ce qui ne peut l'être physiquement à l'écran). Bercé dans une atmosphère idyllique, le spectateur perçoit cette forme de magie. Enfin, c'est à travers la transposition d'un univers à un autre que Cuarón laisse place aux éléments irréels. L'apport de l'iconographie hindoue dans un univers volontairement terne joue sur l'attirance de deux formes en oppositions. Son injection dans le quotidien de la petite Sara permet d'apporter à la fois le réalisme nécessaire à son bon fonctionnement, mais aussi une part de magie. La voix off amène une forme de poésie pure et innocente, la vision des parents créant à elle seule une forme de souvenir nostalgique. Cette voix d'enfant permet au spectateur de s'ouvrir intérieurement, et au réalisme magique de faire surface, chargé d'émotions et de souvenirs douloureux.

Notes

(1) Alejo Carpentier, Razon de ser, Madrid, Editorial Letras Cubanas, 1980 in Jean-Pierre Durix, Le réalisme merveilleux, L'Harmattan, Paris, 1998, p.10.
(2) Jean-Pierre Durix, Op. Cit., p.14.
(3) Jean-Pierre Durix, Op. Cit., p.12.
(4) Jean-Pierre Durix, The Magician of history : Salman Rushdie's midnight's children in the writer written, Greenwood Press, 1987, pp. 119-139.

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