La Prophétie des ombres : le film qui enterre les prédictions de Destination Finale
Dans La Prophétie des ombres, Richard Gere s'égare à Point Pleasant, la ville qui rivalise d'étrangeté avec ses petites cousines Twin Peaks et Silent Hill.
À l'instar de David Fincher, Spike Jonze ou Jonathan Glazer, Mark Pellington s'est d'abord fait connaître en tant que réalisateur de clips durant l'âge d'or de la chaîne MTV, avec à son palmarès les groupes de rock Pearl Jam et U2. Et comme pour ses contemporains ayant oeuvré en premier lieu dans l'industrie musicale, sa métamorphose en tant que cinéaste n'avait rien d'un caprice, n'en déplaise à une certaine frange conservatrice de la critique qui méprisait alors ces transfuges de la caméra en les qualifiant de "pubards".
Malgré sa relative confidentialité, son premier long-métrage Arlington Road, tristement annonciateur de la paranoïa post-11 septembre, a mis à peu près tout le monde d'accord. Trois ans plus tard, voilà qu'il récidive en signant La Prophétie des ombres avec Richard Gere. Adapté de faits réels relatés dans le livre éponyme de l'ufologue et journaliste John A. Keel, ce thriller paranormal apporte une popularité nouvelle à la figure de "L'Homme-papillon", apparue en Virginie-Occidentale entre 1966 et 1967. Une mythologie que le film parvient à développer en optant pour une approche plutôt expérimentale.
"Je vois des gens qui sont... non, je vois une chose avec des ailes"
L'AUTRE SILENT HILL
Pur hasard du calendrier (ou bien est-ce encore un coup des Illuminati ?), La Prophétie des ombres sort dans la foulée du second opus de la saga vidéoludique Silent Hill. Et si le film de Pellington suit bel et bien la trame du livre qu'il adapte, les similarités avec l'oeuvre développée par Konami n'en demeurent pas moins troublantes. Dans les deux cas, le héros, veuf, roule jusqu'à une ville perdue au milieu de nulle part, avec l'intuition que l'esprit de sa femme l'y a conduit. Et quitte à en rajouter une couche au jeu des comparaisons, des forces obscures hantent les lieux, même s'il s'agit plus spécifiquement d'une créature ailée concernant le film.
Mais en plus de reposer sur des prémisses quasi identiques, les deux projets veillent à créer un monde où chaque décor, chaque objet portent la mémoire du trauma. Quand John (Richard Gere) reconnaît une empreinte en forme de "Y" sur le tronc d'un arbre, après l'avoir vue sur sa propre voiture, c'est le souvenir de sa femme et de l'accident ayant précipité sa mort qui ressurgit de plus belle. Il en va de même lorsqu'il tombe sur des dessins représentant un démon volant, en tous points semblable à ceux que son épouse avait griffonnés juste avant de mourir.
Oh, le mignon petit ange que voilà !
C'est là que le film fraye avec l'inquiétante étrangeté freudienne, en équilibrant les impressions de déjà-vu du héros, qui retourne inexorablement à Point Pleasant comme s'il s'y sentait "à la maison", et les sauts dans l'Inconnu. Un paradoxe que les jeux-vidéos Silent Hill, et notamment le second volet, alimentaient aussi sans relâche, poussant à la fois le personnage principal et le joueur (après tout, c'est lui qui garde les commandes) à s'enfoncer toujours plus profondément dans l'obscurité, à la recherche d'une vérité cachée. Et comme chacun sait, à force de creuser autour de soi, on creuse en soi.
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12/06/2023 à 12:54
Le vrai truc derrière ça l’accident ect vrai ?
12/06/2023 à 11:55
J'adore ce film, il me suit depuis 20 ans. Je le revois régulièrement avec toujours autant de plaisir, et votre décrit à la perfection pourquoi. Merci !
11/06/2023 à 09:49
J'aime beaucoup ce film malgré le jeu de Richard Gere tout en clignement d'oeil et les FX tirés d'un mauvais X Files. Très intéressant aussi de signaler qu'avec l'excellent Arlington Road, ce film SPOILER se termine sur un important accident END OF SPOILER.
L'ambiance est franchement pas mal et la conversation entre Gere et le fameux Cold au téléphone bien flippante (et cette putain d'image de visage glauque en réflexion dans le miroir!!!). Ah oui et Laura Linney est magnifique (après le très chouette Primal fear déjà avec le Richard).
Dommage que Pellington n'ai plus trop fait grand chose de connu après.
Un film franchement à redécouvrir.
10/06/2023 à 20:19
Pas revu depuis sa sortie ciné mais j'en ai gardé un bon souvenir