Le Dernier Exorcisme : il faut reparler de ces (très) bons films d'horreur oubliés

Judith Beauvallet | 23 mai 2023
Judith Beauvallet | 23 mai 2023

La sortie du très moyen L'Exorciste du Vatican avec Russell Crowe est l’occasion de se remémorer les bons films d'exorcisme, parce que non, il n'y a pas que le film culte L'Exorciste dans la vie.

C'est en 2010 qu'est sorti au cinéma Le Dernier Exorcisme, réalisé par Daniel Stamm, qui récidivera avec beaucoup moins de talent en 2022 avec La Proie du diable. Pas mal de gens ont oublié cette histoire de révérend qui essaie de libérer une adolescente possédée par le Mal, et c'est bien dommage.

Le Dernier Exorcisme est la définition de la bonne surprise dans un genre qui en comporte très peu, et même sa suite, Le Dernier Exorcisme 2, est loin d’être honteuse. Retour sur ce bon élève du cours de possession démoniaque.

 

Le dernier exorcisme : photo, Ashley BellQuand tu as enfin trouvé l'aiguille

 

IR-RéVéREND-CIEUX

L’une des caractéristiques que l’on peut aimer ou détester dans L’Exorciste du Vatican est son humour. Second degré nanardesque assumé ou malaise lourdingue assommant ? Le film peut en tout cas prêter à rire, à ses dépens ou non. Et certains films avant lui ont prouvé qu’humour et possession pouvaient effectivement faire bon ménage. C’est notamment le cas du Dernier Exorcisme qui, s’il n’est pas une comédie (tant s’en faut), observe un ton divertissant et facétieux qu’il allie étonnamment bien avec la gravité de son sujet et ses moments de frousse. Quelle est la recette de cette petite pépite diabolique ?

 

Le dernier exorcisme : photo, Ashley Bell, Patrick FabianC'est juste un rhume, monsieur.

 

Tout d’abord, il y a entre les mains de Daniel Stamm un scénario un peu plus malin et original que dans la plupart des ersatz de L’Exorciste qui peuplent les sous-sols de la VOD. Écrit par les inconnus Huck Botko et Andrew Gurland, le film prend d’entrée de jeu le parti de mettre en scène un révérend qui n’a qu’une envie : envoyer bouler l’Église, et prouver que les exorcismes ne sont que des arnaques. On est bien loin des prêtres à la droiture de titane qui servent en général de colonne vertébrale à des récits dont la morale s’avère souvent puritaine.

Ce révérend rebelle, c’est Cotton Marcus, incarné par Patrick Fabian. Ancien petit prodige de l’église, il a désormais 47 faux exorcismes derrière lui, tous réalisés pour soulager ses ouailles d’un effet placebo. Il accepte une dernière mission avant de raccrocher la soutane, pour réaliser un reportage pendant sa performance prouvant que tout ceci n’est que supercherie, et qu’il n’y a pas de réelle possession. Flanqué de deux assistants qui gèrent la caméra, le voilà qui rend visite à la famille Sweetzer, vivant dans une ferme au fin fond de la Louisiane.

 

Le dernier exorcisme : photo, Ashley Bell, Patrick FabianUn rhume gros comme ça.

 

Par la caractérisation de ce personnage dans les premières séquences passe déjà un ton décalé et intelligent. Le révérend est à la fois drôle et obscène, comme lorsqu’il profite de son aura de star parmi les bancs de l’église pour glisser la recette d’un banana bread dans son sermon scandé comme un slam. Il se fait applaudir comme une rock star sans que personne ne remarque qu’il se moque de ses brebis. Fier de lui, il regarde la caméra en souriant. Le spectateur rit, et à plusieurs reprises, mais sans ignorer le cynisme du spectacle.

Quand Marcus rentre chez lui et retrouve sa parfaite petite famille, une image renforce cette double impression : le révérend taquine son fils qui se cache sous une couette. Celui-ci pousse des cris amusés et se débat joyeusement quand son père l’attrape pour jouer. À la fois brève moquerie des exorcismes que le révérend n’a jamais pris au sérieux et préfiguration de ce qui va lui tomber sur le nez, le film distille de cette manière une légèreté amère.

 

Le dernier exorcisme : photo, Ashley Bell, Patrick FabianOk, c'était pas un rhume.

 

FOUND-Footage de gueule

La mise à distance qui permet cette double lecture légère (suivre un pasteur cool et rassurant qui assène que la possession n’existe pas) et inquiétante (le spectateur se doute que ça va mal se passer) est notamment permise par le found footage. Pour rappel, le found footage est un genre selon lequel l’intégralité du film est composée d’images “trouvées” (comme son nom l’indique), filmées par les personnages eux-mêmes, souvent dans le cadre d’un reportage comme ici. En général, la caméra ne s’arrête de tourner que quand la personne qui la tient passe l’arme à gauche, et il est donc rare qu’un found footage se termine bien.

Le Dernier Exorcisme s’amuse donc sous une double couche de cynisme, entre celui du révérend et celui de la catastrophe annoncée dont le spectateur a l’intuition. Dans la séquence où Marcus conduit son équipe jusqu’à la ferme des Sweetzer, le révérend profite de traverser la petite ville pauvre et sinistre pour expliquer que ce genre de milieu “redneck”, sans accès à la culture et isolé du monde, est particulièrement propice aux croyances. Avec un ton concerné, il dit qu’il est peu surprenant qu’on en appelle à un exorciste dans ce coin pour guérir ce qui n’est sûrement qu’un trouble psychologique.

 

Le dernier exorcisme : photoUn film abajourdissant

 

Dans cette séquence, le ton du film se politise : en quelques mots du révérend, on devine un discours sur la manière dont beaucoup de provinces sont abandonnées de la vie du pays et finissent par avoir recours à leur propre système et croyances pour fonctionner. Une réflexion sur les classes sociales qui fait souvent défaut aux films qui capitalisent sur des événements mystérieux survenus dans de petites villes paumées. Mais ici, il s’agit aussi et surtout de dénoncer le comportement de Marcus qui, s’il a conscience de ce problème et en parle, fait tout pour se rendre supérieur aux petites gens.

En les maintenant dans le mensonge à force d’entrer dans le jeu d’exorcismes auxquels il ne croit pas, en méprisant d’avance l’inculture et la crédulité de gens en détresse qu’il entend mettre en scène dans un reportage, ce curé-star bien propre sur lui dans son costume de lin rehaussé d’un sourire Colgate mérite un revers du destin.

 

Le Dernier exorcisme 2 : photo, Ashley BellObsession-Nell

 

Crise de foi

Malgré ces graines plantées dont le spectateur pressent la terrible récolte, le scénario ne cesse jamais de surprendre en changeant la nature de la menace (on passe d’un potentiel mensonge de la jeune possédée, Nell, à une possible véritable possession tout en passant par le sujet tabou de l’inceste, etc.).

Ces revirements de situation diablement efficaces le sont en grande partie grâce au casting. Ashley Bell et Patrick Fabian en tête, chaque comédien est particulièrement excellent et intègre toutes les sous-couches de la psychologie de son personnage dans un jeu étonnant de naturel. Chose pas nécessairement évidente quand le found footage à tendance à capter des microsecondes de réactions à la volée.

 

Le Dernier exorcisme 2 : photo, Ashley BellLes murs ont mes oreilles

 

Mais non content de réussir l’exploit d’être un bon film de possession, Le Dernier Exorcisme, énorme succès au box-office (68 millions de recette pour moins de 2 millions de budget), réussit aussi celui d’avoir une suite correcte. Moins bon que le premier, Le Dernier Exorcisme 2 (belle ironie du titre) n’en démérite pas si cruellement. Le pari est radicalement différent puisque le found footage est abandonné pour retrouver une forme plus classique, et l’on n’y retrouve pas non plus le point de vue ambigu du révérend Marcus.

Seule la jeune fille possédée, Nell, revient (et ses problèmes aussi). Cet opus est réalisé par Ed Gass-Donnelly et co-écrit par... Damien Chazelle, peu de temps avant Whiplash. Un duo qui aura su tirer quelques bons partis de cette suite opportuniste, puisque Ashley Bell porte le film avec un talent évident, et que des acteurs tels que Julia Garner et Spencer Treat Clark la secondent efficacement. Quelques images très fortes aident aussi le film à se démarquer, comme les ombres apparaissant à travers les fenêtres de l’église, la traînée de feu qui monte petit à petit les escaliers ou encore la toute dernière scène (qui ne sera pas divulgâchée ici).

 

Le Dernier exorcisme 2 : photo, Ashley BellJe crois qu'on nous écoute

 

Autre atout de cette duologie : elle évite de se vautrer dans le catho porn le plus basique en changeant des décors trop vus et revus des cryptes et autres manoirs hantés. Certes, on y trouvera bien quelques crucifix et chapelles, mais la morale ne reconduit pas constamment vers une apologie du puritanisme et d’incessantes récitations du Notre Père. Bref, un vrai dépoussiérage du film de possession, qui redonnerait presque foi en l’exorcisme.

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commentaires
1er oui 2e non
24/05/2023 à 21:41

Comme inégal, le 1er assez efficace et fait le job (avec l'avocat modèle de Better Call Saul) mais le 2e quelle purge, j'ai arrêté ou me suis endormi pdt.

alxs
24/05/2023 à 17:17

Je comprends pas, sur Allociné il est très très mal noté, vous parlez bien de celui de Daniel Stamm ?

Inégal
15/05/2023 à 07:22

Le 1er est vraiment sympa, le 2e un bon nanard qui ne vaut pas la peine.