65 - La Terre d'avant : ce sous-Jurassic World est déjà l'un des plus gros bides (mérités) de 2023

On n'est même pas en été, et pourtant Adam Driver nous a déjà offert l'un des plus gros bides de 2023 au box-office avec 65 - La Terre d'avant.

Adam Driver qui flingue des dinos avec des fusils du futur, le tout dans le passé d'une Terre sous la menace d'un astéroïde qui s'apprête à pulvériser toute vie à sa surface. Il n'y a pas à dire, Scott Beck et Bryan Woods savent trouver des idées alléchantes, en témoigne le high concept de Sans un bruit dont ils sont à l'origine de l'histoire. 65 - La Terre d'avant, leur troisième réalisation en duo, avait tout du fantasme juteux de blockbuster. Et pourtant, le film s'est planté si fort qu'il finira à coup sûr dans les plus gros bides de 2023 aux côtés de Shazam ! la Rage des dieux et Magic Mike's Last Dance. Que s'est-il passé ?

DINO DANGER

Tourné pour 45 millions de dollars, auxquels il faut ajouter les frais marketing dont le montant est inconnu, 65 - La Terre d'avant est issu d'une équipe de production hétéroclite, mais emmenée principalement par Sam Raimi et la firme Sony, qui est à la fois distributrice et productrice via sa filiale Columbia. Sur le papier, le film n'entre pas techniquement dans la catégorie des films indépendants, mais son attelage financier tend à suggérer que 65 - La Terre d'avant n'est pas un film de studio stricto sensu, plutôt un projet vendu à un studio par des tiers. En bref, 65 - La Terre d'avant a la typologie plus ou moins exacte de la série B à fort potentiel de franchise.

Dès la première semaine, cela ne sent pas très bon. Le film démarre à seulement 12 millions de dollars en Amérique, ce qui est extrêmement léger pour un film qui en a coûté 45 millions, et aurait dû ouvrir avec un score au moins deux à trois fois plus élevé. Mais d'après Deadline, les signaux préparatoires étaient si mauvais que tout le monde s'attendait à une première semaine d'exploitation à un seul chiffre. 65 - La Terre d'avant était donc censé faire pire, donc... bravo ?

On patauge

À moins de devenir un phénomène majeur de popularité type Everything Everywhere All at Once ou Smile (ce qui ne sera pas le cas), c'était donc déjà cuit des la fin du premier week-end de sortie. 65 - La Terre d'avant s'effondre en deuxième semaine, perd 52% de son public et rapporte moins de 6 millions de dollars. En cinq semaines, Adam Driver et ses copains passent sous la barre du million de dollars de recettes, et le film est décroché de l'affiche. Résultat des courses : 31 millions de dollars à domicile, soit une exécution sommaire sur la grand-place.

Côté international, c'est pire encore avec 24 pauvres millions de dollars récoltés dans le monde entier, et seulement trois territoires qui franchissent le cap du million : le Mexique, le Royaume-Uni et... la France. Pas de quoi pavaner pour autant, puisque par chez nous, 65 - La Terre d'avant a fait 286 000 entrées (autrement dire, peau de zob) avant d'être déprogrammé au bout de trois maigres semaines. Bilan total cumulé : 56 millions de dollars de recettes, soit un résultat risible une fois mis en rapport avec le budget de production de 45 millions de dollars, pour rappel.

Regarde, là, une pièce d'or !

DINO CRISIS

Ce piètre résultat ne semble pour autant pas venir de nulle part. Il faut dire que si Deadline et les analystes en général se montraient pessimistes et anticipaient une mauvaise exploitation, c'est bien parce qu'en amont de la sortie, cela n'allait pas fort. Outre un retour critique proprement désastreux avec un piteux 40/100 sur Metacritic, 65 - La Terre d'avant s'est en effet particulièrement illustré par ses absences. Absence de promotion, absence de communication. Ou plus exactement, minimum syndical à tous les étages.

Quelques affiches, une seule bande-annonce, deux-trois interviews dans des médias de moyenne taille et quelques molles incursions dans le monde sportif. Il y a bien eu un spot publicitaire pendant le fameux Super Bowl, mais pendant l'avant-match, soit la case la moins chère de l'évènement, loin de la sacro-sainte mi-temps. Comble du désespoir, 65 - La Terre d'avant s'est également fendu d'un teaser gag profondément affligeant pour la NBA mettant en vedette Anthony Edwards, un très jeune joueur à fort potentiel surveillé de très près par les spécialistes, mais pour le moment cantonné à une équipe mineure dans l'état rural du Minnesota et à mille lieues du star power d'un LeBron James.

Anthony Edwards featured in the upcoming 65 Movie pic.twitter.com/7FsEpBQ4qb

— hoops bot (@hoops_bot) February 25, 2023

Gageons cependant que ce ciblage a probablement fonctionné dans une certaine mesure et permis au film de faire moins pire que ce qu'on lui prédisait. Mais de l'avis général, il ressort tout de même de tout cela que Sony y est allé très (trop) timidement pour soutenir le film, la faute a un manque de confiance dans 65 - La Terre d'avant. D'où une sortie repoussée quatre fois et un marketing à l'économie la plus resserrée possible. D'où également une promotion qui fait le choix de griller l'atout principal du film, à savoir les dinosaures, pourtant amenés comme une révélation par le scénario et pensés de cette manière par les réalisateurs, qui n'ont pas manqué d'exprimer leur frustration à ce sujet dans les colonnes de THR.

Mais la distribution ne peut suffire seule à expliquer un échec, et il faut ajouter à cela l'appréciation publique globalement négative pour 65 - La Terre d'avant, qui récolte un faible 65% d'opinions publiques positives sur Rotten Tomatoes et un horrible C+ sur CinemaScore. En plus d'être quasi inexistant, le bouche-à-oreille était donc négatif. Dernier clou dans le cercueil : repoussé pour ne pas sortir en même temps que Doctor Strange in the Multiverse of Madness, 65 - La Terre d'avant s'est peut-être tiré une balle dans le pied en sortant dans le sillage de Creed III et Scream VI, d'énormes cartons populaires jouant sur des échelles économiques similaires au film avec Adam Driver, qui n'a donc pas pu se démarquer.

Vainqueur par K.O.

DINO PANICK

65 - La Terre d'avant est un flop clair et net, cependant les dégâts devraient être limités pour à peu près toutes les parties impliquées. Sony est une entité gigantesque qui pèse entre 113 et 115 milliards de dollars, donc autant dire que perdre une petite dizaine de millions de ses bourses lui en touche une sans secouer l'autre, surtout qu'il y a fort à parier que la firme n'a vraiment pas beaucoup investi dans la promotion. Même sa filiale Columbia vaut quelques 3 milliards de dollars et malgré une série de déconvenues récentes (Morbius, Devotion), elle reste propriétaire des droits Spider-Man au cinéma, dont la dernière itération n'est pas passée loin de rapporter deux milliards. Bref, ça ira, merci pour eux.

Adam Driver et sa carrière florissante ne souffriront probablement pas non plus de cette défaite. C'est un acteur qui plaît beaucoup et un habitué des collaborations prestigieuses, sans parler du fait que c'est loin d'être son premier échec financier (Annette, Silence, Le Dernier Duel, L'Homme qui tua Don Quichotte...), ce qui n'est d'ailleurs pas sans interpeler sur l'idée de l'embaucher pour porter seul un proto-blockbuster. Cependant, Sam Raimi ajoute encore un mauvais point à sa carrière inégale de producteur, mais quelqu'un d'aussi installé dans le circuit trouvera toujours de quoi rebondir. Même le duo de réalisateurs a déjà plusieurs projets en vue, dont Le Croque-Mitaine, une adaptation de Stephen King fin mai 2023.

Non on ne veut pas reparler de ce film

La situation n'a en revanche de cesse d'empirer et d'inquiéter pour le type de film que 65 - La Terre d'avant représente, à savoir ce qu'on appelle communément les films du milieu. Ni film indé microscopique ni usine à gaz de studio, 65 - La Terre d'avant fait partie de ces films situés sur un plan médian de la production cinématographique, souvent le plus à même de livrer des séries B généreuses comme on les aime, ou des projets risqués financés à la hauteur de leurs ambitions comme The Northman. Autrement dit, une zone de production artistiquement passionnante, mais désertée et particulièrement casse-gueule, prise dans l'étau entre la galaxie des micro-budgets et les énormes colosses à 200 millions.

65 - La Terre d'avant va donc rejoindre des exemples comme Life : Origine Inconnue ou encore Underwater (pourtant également bardés d'énormes têtes d'affiche) dans la longue liste des belles anomalies abandonnées, mal vendues et/ou crucifiées au box-office. On pourra toujours nous dire que 65 - La Terre d'avant a cependant la caractéristique d'être un très mauvais film, contrairement aux autres (on est les premiers à le dire). Mais on est également les premiers à se désoler que l'écosystème économique actuel et le circuit des salles de cinéma leur soient aussi hostiles. Et puis, si la qualité d'un film faisait son succès commercial, cela se saurait.

Il est temps de retourner dans sa grotte

Sera-t-il encore longtemps possible pour ces œuvres d'accéder à des budgets conséquents en dehors de l'inébranlable genre de l'horreur ? Leur futur est-il destiné à s'écrire sur les plateformes de SVoD ? Personne ne peut le prédire, mais on ne peut que se méfier de l'accumulation de flops et de la plus grande frilosité des studios pour de tels projets. En tout cas, la mort de 65 - La Terre d'avant signifie que l'on peut dire adieu à notre fantasme régressif de film de SF avec des dinos, et rien que pour cela, il y a de quoi être triste.