Shazam 2 : 5 preuves que les films de super-héros sont en train de mourir

La Rédaction | 31 mars 2023
La Rédaction | 31 mars 2023

Shazam 2 : La Rage des dieux est peut-être l'un des pires films de super-héros récents. Décryptage en 5 points d'une catastrophe industrielle. ATTENTION SPOILERS !

Notre critique de Shazam 2 : La Rage des dieux

Après un premier film déjà inoffensif (mais finalement pas déplaisant), Shazam 2 : La Rage des dieux est sorti en salles en se prenant une volée de bois vert. Au-delà d'un box-office américain catastrophique pour un blockbuster de ce type, la production de DC a forcément souffert de sa place dans un univers étendu en plein remaniement.

A vrai dire, le film de David F. Sandberg semble synthétiser tout ce qui ne va pas dans le cinéma de super-héros grand public, entre les désidératas d'un studio indécis et l'accumulation d'idées vues, revues, et mal agencées. Après les fiascos successifs de Morbius, Thor 4, Black Adam et Ant-Man 3, il est difficile de ne pas voir le genre dominant d'Hollywood tourner en rond, et lasser un public trop vite considéré comme captif. Est-ce à dire que les films de super-héros se dirigent (dans leur état actuel) vers la tombe ? Quelle que soit la réponse, Shazam 2 prouve définitivement que certains ont lâché l'affaire, comme le montrent ces 5 erreurs impardonnables.

 

 

1. Une écriture qui n'importe plus

Si le premier Shazam était loin d'être parfait, il avait pour lui de garder à l'arrière-plan les passages obligés d'une origin-story assez convenue. Derrière la grosse machine calibrée, il y avait un petit coeur qui bat, au point même de faire dérailler le film par instants (cf. la scène où Billy retrouve sa mère biologique avant de se faire rejeter). En bref, les tourments de ces enfants délaissés étaient le centre névralgique du long-métrage, là où sa suite tombe dans le piège du plus gros, plus grand, plus lourd qui n'a plus rien à raconter.

Résultat, La Rage des dieux court désespérément après sa dimension spectaculaire, sans jamais vraiment la mériter. Au-delà d'une mise en scène quelconque et peu impressionnante, les enjeux humains sont réduits à peau de chagrin. Les conflits et les non-dits, pourtant essentiels pour l'efficacité de leur résolution dans le dernier acte, restent à la surface. Plus généralement, Shazam 2 est l'exemple parfait du film qui privilégie son intrigue mortifère à ses personnages. Tout tourne autour de l'obtention de deux McGuffin inintéressants, tandis que la débilité du scénario, pontué de phrases neuneus, est raillée par les personnages dans un second degré à la Deadpool. Mais que fait la Convention de Genève ?

Encore une fois, se moquer de ses propres clichés ne les rendent pas moins clichés pour autant. De toute façon, passées ces facilités, Shazam 2 est un encéphalogramme plat, qui ne croit jamais à ce qu'il raconte. La preuve : le meilleur élément narratif du long-métrage n'est autre qu'un set-up/pay-off improbable autour de Skittles. Un placement de produit honteux, pour un film qui n'a honte de rien.

 

Shazam! La Rage des Dieux : photoOver(dose) the rainbow

 

2. Des personnages qui n'importent plus

Tout l'habillage super-héroïque du premier Shazam était au service de son arc narratif, le but du film étant plus pour Billy Batson de trouver une famille que de sauver le monde. La suite était donc l'occasion de compléter la caractérisation des autres membres de la famille, toujours dans l'optique de laisser les humains au premier plan du récit, et non d'y catapulter quelques babioles magiques ou une quelconque menace planétaire n°894. Sauf que Shazam 2 a préféré mettre en retrait la famille adoptive de Billy, et Billy lui-même

Seules quelques lignes de dialogues expédiées dans les 15 premières minutes et avant le climax donnent l'illusion d'un nouvel arc pour le jeune héros, même si le scénario ne creuse jamais ses états d'âme ou les bouleversements qu'implique l'approche de ses 18 ans. La suite délaisse également les autres adolescents, qui tournent en rond autour d'un ou deux traits de caractère et ne parviennent jamais à sortir de leur rôle de sidekick (sauf peut-être Freddy, qui reste un accessoire, mais sert au moins à quelque chose). 

L'autre mauvaise idée concerne le traitement du Sorcier (Djimon Hounsou), un des rares éléments sérieux et graves de la mythologie, qui tranchait d'ailleurs avec la nonchalance de Billy. Celui-ci est transformé en bouffon et babysitter qui finit par se faire babysitter lui-même. Et du côté des parents, qui mériteraient plus de place pour exister, ils sont encore moins présents que dans le premier film, et sont tristement relégués au rôle de chauffeurs de minivan(nes). Le scénario semblait pourtant vouloir leur donner une occupation ou un semblant d'arc avec leurs éventuels problèmes financiers, finalement réglés en une réplique. 

 

Shazam! La Rage des Dieux : photoDéfaite de famille

 

3. Une menace qui n'importe plus

Sans possibilité d'affronter Black Adam ou de croiser Superman, Shazam doit une nouvelle fois se contenter d'ennemies bas de gamme après le Docteur Sivana de Mark Strong. Cette fois, ce sont donc les filles d'Atlas qui jouent les trouble-fêtes, ou du moins essaient de le faire. Elles ont beau être surpuissantes, la menace qu'elles représentent n'est jamais claire, tout comme leurs motivations.

En plus d'une caractérisation rachitique et d'un scénario qui ne montre jamais l'étendue de leur pouvoirs, les actrices Helen Mirren et Lucy Liu font le minimum syndical, c'est-à-dire débiter des répliques débiles avec une rigidité à toute épreuve. La jeune Rachel Zegler est quant à elle plus investie pour son second rôle au cinéma, mais ne peut pas arriver à grand-chose avec aussi peu à exploiter. Après un début de carrière retentissant dans West Side Story, le revers de la médaille est amer et pourrait l'être encore plus avec le remake de Blanche-Neige et le spin-off d'Hunger Games. 

Pour revenir au film, il compile également ce qui se fait de plus dépassé dans le genre : le bâton magique qui retire les super-pouvoirs, le MacGuffin n°2 qui fait apparaître des monstres tout pas beaux, le pouvoir de l'amour qui règle tout et n'importe quoi et le dôme magique qui encapsule la ville et justifie l'inaction de TOUS les autres super-héros que le film a cités. 

 

Shazam! La Rage des Dieux : Photo Lucy Liu, Helen MirrenPar le pouvoir de la force cosmique du rayon magique des dieux

 

4. UNE MYTHOLOGIE QUI N'IMPORTE PLUS

Dès la scène d'ouverture, Shazam! La Rage des Dieux piétine sa propre mythologie en envoyant Hespéra (Helen Mirren) et Kalypso (Lucy Liu) à la recherche du gourdin magique que Shazam avait brisé à la fin du premier film. Cette suite trahit à peu près tout ce que Shazam avait pris la peine d'établir et ne s'embarasse pas avec le scénario.

Alors qu'il était réduit en un "tas de cendres" après avoir transmis ses pouvoirs (parce qu'il ne peut y avoir qu'un champion), le Sorcier réapparaît sans plus de justifications, simplement pour accompagner Freddy. Les portes menant vers d'autres dimensions ne servent qu'à créer un gag dans une scène et le Rocher de l'Éternité est véritablement traité comme un simple "QG" avec des éléments extraordinaires dedans. La seule et unique explication donnée par le film pourrait d'ailleurs se résumer à "ta gueule, c'est magique", tellement il ne fait aucun effort pour raconter son histoire ou y apporter un tant soit peu de cohérence : Shazam et sa famille apprennent littéralement qui ils affrontent dans une scène d'exposition grâce à un stylo enchanté et... Wikipédia.

Puis, plutôt que de développer la sienne, le scénario puise allégrement dans la mythologie grecque, mais toujours sans aucune logique (en donnant les pouvoirs de Méduse aux filles d'Atlas ou en faisant apparaître une harpie, une chimère, un Minotaure, un cyclope et d'autres créatures légendaires à côté de licornes). Quand le film ose un rebondissement inattendu en tuant son héros, c'est pour s'enfoncer encore un peu plus dans l'absurdité. Sous prétexte qu'elle est la fille de Zeus, Wonder Woman apparaît pour redonner de la magie au gourdin et ressusciter Shazam avant de disparaître aussitôt. Le Sorcier s'offre un nouveau look et revient une dernière fois pour récupérer son bâton et partir à son tour. Mais pas d'inquiétude : tant qu'il y a la magie, rien ne peut arriver.

 

Shazam ! la Rage des dieux : photo, Djimon HounsouMême lui il ne sait pas pourquoi il est là

 

5. Un univers étendu qui n'importe plus

A force d'avoir été repoussé et réécrit, Shazam 2 a subi de plein fouet le remaniement du DCEU et son annulation, annoncée quelques semaines à peine avant sa sortie. Autant dire que la raison d'être du long-métrage en a grandement souffert, d'autant que le personnage a été transposé sur grand écran dans l'optique de le voir affronter le Black Adam de Dwayne Johnson. Pas de bol, The Rock a joué les divas, et a refusé que le duel ait lieu, ou soit même teasé.

Cette guéguerre d'egos a fait ressortir tout le monde perdant, puisque Shazam 2 s'est pris une tôle au box-office encore plus violente que Black Adam. Les stigmates de ces coulisses de l'enfer se voient à chaque photogramme. Tout le monde sait que c'est mort, mais ça n'empêche pas le film de forcer les connexions attendues avec le monde de DC. Le name-dropping du protagoniste est toujours aussi embarassant, au même titre que l'apparition à peine justifiée de Wonder Woman dans le final. Cerise sur le gâteau de fumier : Warner a spoilé cette maigre surprise dans l'un des spots TV du film.

 

Shazam ! la Rage des dieux : photoL'épée de Damoclès du DCEU

 

A ce moment-là, l'envie de facepalm démange, mais le doigt d'honneur final réside dans la honte absolue des scènes post-générique. Zachary Levi a révélé que les membres de la Justice Society devaient l'inviter à rejoindre la bande, mais les chouineries de Dwayne Johnson en ont voulu autrement. Résultat, c'est aux subalternes d'Amanda Waller (vus dans The Suicide Squad et Peacemaker) de faire le sale boulot. Et enfin, comment ne pas évoquer le retour de Mark Strong et de la chenille Mister Mind dans une séquence encore plus gênante que celle du premier film ? Face à ce teasing qui ne menait déjà nulle part, le film se moque ouvertement de son utilité, comme pour mieux insulter le temps perdu par le spectateur.

Tout savoir sur Shazam ! la Rage des dieux

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commentaires
Fliflu
10/04/2023 à 08:39

Petit message aux anciens:vous achetiez strange quand il y avait en couverture ROM et à l intérieur ,les canadiens Alpha ,les nouveaux mutans et l autre manche à cou...de rodey en armure contre je ne sais qui???mettez nous le super bouffon vs peter parker sans un sous et une tante malade ,un tony alcoolique mais genial,un hulk incontrôlable vs un tian fou qui adore la mort ,et wolverine vs oméga red (tendance) ,toute façon deadpool peut revenir dans le temps pour éteindre le gaz qu il avait oublié ,maque de bol il modifie l histoire et thanos doit retrouver les pierres mais cette fois l histoire originale (qui montre vraiment qui il est )...des héros sans problème c est comme une bombe atomique qui ne fait rien le premier soir...et attend le mariage !

Moreje
08/04/2023 à 21:50

Je n'arrive pas à comprendre en quoi la 1ère scène post générique est gênante ? Moi j'ai bien aimé retrouver les perso de peacemaker (une de mes séries top de ces derniers mois)

souleater34
02/04/2023 à 13:47

@Woost er Analyse intéressante (et peut-être inquiétante).Je crois que ce qui a tué le Cinéma c'est l'excès d'effets spéciaux, le peu de vrais(es) acteurs(trices),des scénarios faibles et le prix des places (je vous fait grâce des cassos qui vous gâchent le visionnage du film).Tous les films ne demandent pas forcément un grand écran et si maintenant il ne faut aller au ciné que pour voir des blockbusters décérébrés et paresseux (cf.DC et Marvel), je crois que je vais m'en abstenir...

Xgump
01/04/2023 à 23:38

Perso j'ai surkiffé et je m'en ballec royal des critiques.
La salle IMAX (20€ la place) était blindée et les gens sont repartis ravis. Y a eu des barres de rire collectives à plusieurs moments. Donc à priori je suis loin d'être le seul.
Ecran Large peut cracher sur Marvel et DC 15 fois par jour, et encenser Avatar 53 en version 15 heures 232 ans avant sa sortie, je m'en BALLEC.

J'ai surkiffé ce Shazam 2.

Redwan78
01/04/2023 à 22:17

Robert Downey jr a porté le costume d'Iron man et a lancé avec le cycle Nolan la mode des super-héros. Chris Evans a été critiqué pour son manque de charisme mais les Captain America ont tous été réussi à part le 1er. Finalement,endgame a clos le chapitre de l'âge d'or des super-héros. Il a quand même duré 15ans. Un manque de 2nd souffle,des personnages qui manquent de profondeur. Trop de contenus. On va pouvoir voir d'autres films.

Wooster
01/04/2023 à 11:53

@souleater34. Le cinéma a effectivement connu des cycles, mais peut être que le genre Super Héros sera le dernier. Il n’est pas évident que le cinéma continue à exister, en tout cas au sens du film qui sort en salles. Il y aura toujours des films parce que la multiplication des plateformes crée une forte demande de contenus, mais le modèle économique du cinéma lui-même semble compromis. L’amélioration des conditions de visionnage chez soi (écrans plats de grande dimension, 4K, Dolby atmos, vidéo projection…) font que l’avantage n’est plus aussi marqué qu’autrefois. Cela a en premier lieu défavorisé les films à moyen budget : pas assez spectaculaires pour donner envie de se déplacer en salle et trop cher pour être rentable. Restaient donc les blockbusters, qui ces dernières années ont accaparés l’essentiel des recettes. Mais on le voit : les coûts de production, de distribution et de marketing de ces blockbusters ont atteint de tels sommets que leur rentabilité est compromise s’ils n’engrangent pas 300 millions de dollars en salle sur le seul marché américain. Quelques gros échecs, et c’est tout l’édifice qui s’écroule. Hollywood avait réussi depuis les années 80 à limiter les risques en capitalisant sur les franchises, mais le modèle s’essouffle : combien de nouvelles franchises ont été créées dans les dix dernières années? Il n’est donc pas exclu que le cinéma en salle disparaisse.

Sold out to Satan
01/04/2023 à 09:44

magnifique premiere photo où le type vous fait un "devil hand sign" de sa maison gauche ,
on sait pour Qui bosse Hollywood, n'est ce pas?

Maurice
01/04/2023 à 09:34

Donc le problème n'est pas le genre, ce sont les gens qui le font.

souleater34
01/04/2023 à 09:32

Si ça pouvait être vrai! On se rend compte que le cinéma a eu ses cycles péplums guerre, westerns, action, super-héros... Que sera la suite?

PatrickJammet
01/04/2023 à 03:07

D'Un point de vue purement bankable, la question est, est-ce qu'un film de super-héros pourra encore flirter avec les 3 Mds de dollars comme les Avengers ? - L'Apogée _/\_ ! - "Non" ! - D'Époque ! Dépense/recette et évolution technologique... Toujours plus loin, toujours plus cher (ex: Avatar 2) et, en comptant l'inflation, de moins en moins rentables. Des super-héros, moins puissants technologiquement et plus malins intellectuellement, peut-être ? - Des nerd...- snipers ! Cet anglicisme de précision est aussi valable pour vous l'équipe d'écran large ?! Vous en êtes déjà un peu...

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