Michelle Yeoh : ses 5 meilleurs films (garanti sans Hollywood)

Bien avant d'avoir un Oscar de la meilleure actrice pour Everything Everywhere All at Once, Michelle Yeoh était déjà l'un des plus grands talents d'Asie du Sud-est. Retour sur ses 5 meilleurs films à l'écart d'Hollywood.

Avec le phénomène Everything Everywhere All at Once, Michelle Yeoh atteint enfin le stade final d'un arc de carrière hollywoodien déjà bien fourni, entre Demain ne meurt jamais, Mémoires d'une geisha, Sunshine ou encore Crazy Rich Asians. Le film des Daniels (et sa reconnaissance critique et académique, confirmée avec 7 Oscars dont meilleur film, meilleurs réalisateurs et meilleure actrice) offre finalement à l'actrice malaisienne un rôle principal révélateur de son immense talent, après plus de vingt-cinq années passées au coeur du paysage cinématographique américain.

Pourtant, avant de s'imposer par la force de la ténacité sur le sol étatsunien, Michelle Yeoh avait déjà fait ses armes (et même bien plus que ça) en terres chinoise et hongkongaise, en s'affirmant comme l'une des grandes égéries du girl with guns et du cinéma d'arts martiaux.

Retour sur 5 films marquants de sa carrière pré-Hollywood, en excluant l'incroyable Tigre et Dragon, puisque c'est une coproduction américaine un peu trop évidente.

Alors comme ça ils n’ont pas mis Tigre et Dragon ?

1. Le sens du devoir 2 (Yes Madam !)

Sortie : 1985 - Durée : 1h33

Intercontinental Connection

Au cours de la décennie 1980, le girl with guns s'affirme comme une alternative solide à l'hégémonie masculine instaurée par le polar hongkongais. En présentant des héroïnes crédibles, aussi capables que leurs homologues masculins et tenues à l'écart de toute sexualisation malvenue, cette réinterprétation du film policier devient extrêmement populaire au sein de l'industrie HK. Réalisé par Corey Yuen et mettant en scène le duo explosif formé par Michelle Yeoh et Cynthia Rothrock, Le Sens du devoir 2 (de son titre original Yes Madam !) est toujours considéré comme l'instigateur du genre.

Ancienne miss Malaisie repérée par l'icône du cinéma d'arts martiaux Sammo Hung, Michelle Yeoh (encore créditée sous le pseudonyme de Michelle Khan, elle reprendra son véritable patronyme au début des années 1990) fait montre d'un investissement sans faille. Elle s'entraine durement afin de limiter au maximum l'intervention de doublures lors des scènes de combat. Le résultat est impressionnant, et l'association efficace de Yeoh avec la championne du monde de taekwondo Cynthia Rothrock redonne aux héroïnes féminines une place qu'elles n'avaient plus depuis la chute du film de sabres.

"Haut les mains"

Le long-métrage regorge ainsi de scènes de combat réussies, à commencer par un affrontement opposant les deux acolytes à une quinzaine d'agresseurs, déroulé sur trois niveaux à la fois. Notons que la commercialisation française du film est totalement incohérente : Yes Madam ! est en effet distribué dans l'Hexagone en tant que suite du Sens du devoir, pourtant sorti à Hong Kong en 1986 (soit une année après le long-métrage de Corey Yuen) sous le titre Royal Warriors.

2. Police Story 3 : Supercop   

Sortie : 1992 - Durée : 1h35

Les deux faces d'une même pièce

Après le succès de Yes Madam !, Yeoh s'établit en tant que nouvelle star du cinéma d'action HK au travers de succès comme Royal Warriors ou Magnificent Warriors. Régulièrement blessée sur les tournages, elle est poussée à l'écart des plateaux par son mari, l'homme d'affaires et producteur Dickson Pooh.

Après son divorce et un hiatus de cinq ans, la reine du girl with guns fait son retour en 1992, aux côtés de Jackie Chan, dans le troisième volet de la saga Police Story. Le film, qui envoie le super flic de Hong Kong au contact de ses homologues du continent, doit aussi servir de plaidoyer pour la collaboration entre les forces de la colonie anglaise et celles de la Chine, à l'approche de l'angoissante rétrocession. C'est donc Michelle Yeoh qui se voit confier la (lourde) tâche de représenter à l'écran le visage de l'allié chinois.

"Arrête ça chatouilllllllllllllle"

Mais celle que l'on a surnommée – de par ses capacités et son aisance à la prise de risques – "Jackie Chan au féminin" n'a aucune envie de faire de la figuration. Incarnant un officier des forces spéciales chinoises, Yeoh ne se contente pas de la position d'alliée du roi de la comédie Kung Fu. Elle s'affirme comme son véritable alter ego, en réalisant la plupart de ses cascades elle même, allant jusqu'à lui voler régulièrement la vedette. Retour gagnant pour Michelle Yeoh qui devient, avec Supercop, l'actrice la plus rentable et la mieux payée du cinéma d'Asie.

Police Story 3 : Supercop n'est, bien évidemment, pas le film le plus brillant de la saga, la faute à un Stanley Tong régulièrement emprunté. Le film fait toutefois figure d'étape marquante dans la carrière de l'actrice, qui prouve dès son retour sa capacité à se mesurer aux plus grandes stars du continent, sans jamais avoir à en rougir. L'épisode suivant de la saga, Supercop 2, adjugera le rôle principal à l'actrice malaisienne, avant que Chan ne fasse son retour dans Contre-attaque.

3. The Heroic Trio

Sortie : 1993 - Durée : 1h28

 
Girls with guns, assemblee

Le nom de Johnnie To est, en premier lieu, associé à quelques grands chefs-d'œuvre du polar ciselé et réaliste. Sans être exhaustifs, nous pourrons aisément citer The Mission, Breaking News ou encore les deux Election. Mais avant d'accoucher de ces multiples morceaux de bravoure, le réalisateur-producteur a longtemps rongé son frein, dans l'ombre de ses compatriotes pourvoyeurs de westerns urbains, Ringo Lam et John Woo en tête. Il faudra en effet attendre le départ des plus grands pour que To s'établisse comme l'un des meilleurs artisans du cinéma HK.

Les décennies 1980 et 1990 du cinéaste sont donc en dents de scie, et majoritairement dictées par les tendances cinématographiques de l'époque, qu'elles émanent d'Extrême-Orient ou d'Occident. Parmi ce flot de sorties aux qualités artistiques irrégulières, The Heroic Trio fait office de petite curiosité enthousiasmante. Clairement mis sur pied pour tenter de capitaliser sur le succès des Batman de Tim Burton, le projet de Johnnie prend un mauvais départ lorsqu'il réalise que les salaires réclamés par les grands acteurs de l'archipel risquent d'entamer une bonne partie de son budget plutôt limité.

Le trio héroïque, littéralement

To se tourne finalement vers trois actrices ayant fait leurs preuves dans le cinéma d'action : Anita Mui (vue dans Le syndicat du crime 3 de Tsui Hark), Maggie Cheung (les trois premiers Police Story ou L'auberge du Dragon de Raymond Lee et Tsui Hark), et bien sûr Michelle Yeoh. Toutes trois forment un trio de super-héroïnes fantasques, évoluant dans un univers rétro-futuriste aussi bien inspiré par les comic-books américain que par la littérature wuxia traditionnelle, qui permet à Yeoh d'éprouver son aisance à la chorégraphie câblée.

L'un des seuls récits ouvertement super-héroïque du cinéma de Hong Kong, aussi atypique qu'un divertissement familial qui perdrait le contrôle pour achever sa course dans la folie de la catégorie 3.

4. Tai-Chi Master

Sortie : 1993 - Durée : 1h33

Tout le monde à table

Après Jackie Chan, c'est à un autre prodige des arts martiaux que Michelle Yeoh tient la dragée haute en la personne du phénoménal Jet Li, qui occupe ici les rôles d'acteur principal et de producteur de Tai chi master. Le film, projet rêvé du réalisateur et directeur des combats Yuen Woo-Ping, explore les multiples facettes de la philosophie taoïste au travers des destins de deux apprentis moines rejetés de Shaolin, aux cheminements bien différents.

Bien que pourvu d'une surcouche comique pas toujours du meilleur effet, le long-métrage vaut surtout pour la grande place accordée aux nombreux talents martiaux constituants sa distribution. Yeoh se montre tout à fait à son aise sous l'égide du légendaire cinéaste-chorégraphe et bénéficie de certaines des séquences les plus marquantes de Tai-Chi Master, dont un combat à deux sabres et un affrontement mémorable et aérien impliquant des pieds de table employés de manière assez originale.

"Attention, ça va couper !"

Encore une fois outsideuse d'un casting essentiellement composé de fortes têtes masculines, l'actrice parvient sans mal à ne jamais se perdre dans l'ombre du Jet Li des années 90, de par ses capacités physiques, mais aussi son potentiel comique largement sous-estimé. Une performance que beaucoup pourraient lui envier.

5. True Legend

Sortie : 2010 - Durée : 1h56

Vertical Limit

Après sa première incursion hollywoodienne dans le rôle de la James Bond Girl Wai-Lin dans Demain ne meurt jamais, suivie trois années plus tard de Tigre et Dragon, Michelle Yeoh s'illustre avec succès dans un registre plus dramatique devant les caméras de Danny Boyle ou Rob Marshall, en délaissant un temps le cinéma d'action pur. Elle y fait son retour en 2010 avec Le règne des assassins, mais aussi True Legend, encore une fois réalisé par le maitre Yuen Woo-Ping.

Le film s'attaque à un gros morceau en contant la destinée du pratiquant d'arts martiaux Beggar Su, héros folklorique au mode de vie dissolu, antithèse de la droiture d'un Wong Fei-Hung, et pratiquant légendaire (et un brin fantasmé) de la boxe de l'homme ivre. Dans True Legend, le célèbre mendiant est présent à l'écran sous les traits de Vincent Zhao, successeur de Jet Li dans la saga Il était une fois en Chine et acteur principal de The Blade.

"Le talent de Michelle il est grand comme ça"

De son côté, Michelle Yeoh incarne la bienfaitrice soeur Yu, habitante des montagnes et sauveuse de Beggar Su après sa descente aux enfers originelle. Même si l'actrice ne dispose pas d'un temps de présence très important, le rôle accordé à Yeoh dans True Legend revêt une haute valeur symbolique. Soeur Yu est en effet présentée, au détour de quelques scènes, comme un personnage quasi-mystique, passeur de savoir à la sagesse infinie.

En guidant le héros sur la voie de l'apprentissage et de la rédemption, Yu se fait l'égale des grands précepteurs des Kung-Fu Pian des années 60 et 70, un privilège rarement accordé à un personnage féminin. Une preuve supplémentaire de l'incomparable aura dégagée par Yeoh sur le continent asiatique, après plus de 25 ans d'une carrière rarement entachée de faux pas.