Cœur de dragon : le navet qui avait un cœur de chef-d'œuvre

Judith Beauvallet | 3 mars 2023 - MAJ : 05/03/2023 23:24
Judith Beauvallet | 3 mars 2023 - MAJ : 05/03/2023 23:24

Retour sur Cœur de dragon, le premier film dont un personnage principal est entièrement réalisé en images de synthèse.

En 1996 sort au cinéma Cœur de dragon, une épopée niaise dans laquelle une sorte de Lancelot à la manque incarnée par Dennis Quaid fait ami-ami avec un dragon capricieux. Une aventure qui aura ravi pour un court temps les jeunes enfants des années 90 avant que leur adolescence ne les projette dans le tourbillon d’Harry Potter et du Seigneur des Anneaux. Dans la lignée des films d’heroic fantasy étranges et isolés dans leur temps, comme Excalibur de John Boorman, Legend de Ridley Scott ou Willow de Ron Howard, le film de Rob Cohen n’aura pas laissé la même trace.

Il aura seulement laissé celle – tout de même – du premier personnage principal entièrement généré par images de synthèse. Et quand on gratte un peu la surface, on découvre le film qui aurait dû naître : une fable mélancolique et poétique sur l’alliance désespérée et incongrue entre le dernier des dragons et le dernier des chasseurs de dragon. Un projet porté par un créateur amoureux de son histoire, dont il fut dépossédé en s’aventurant dans la jungle hollywoodienne. Retour sur l’histoire d’un dragon déchu.

 

Cœur de dragon : photoDragon d'eau douce

 

GERALT DE RIV (où presque)

Patrick Read Johnson est un scénariste, réalisateur et producteur américain qui ne compte à son actif que quelques films mineurs aux titres alléchants tels que Les Martiens ! ou Bébé part en vadrouille. Pourtant, à une époque, Johnson a failli vivre une autre carrière... Tout commence en l'an de grâce 1988, quand le jeune scénariste imagine une histoire qui deviendra le projet de sa vie et à laquelle il donnera tout ce qu’il a (insérer musique émouvante).

Ce que Johnson imagine être un nouveau Skin Game ou un nouveau Butch Cassidy et le Kid, c’est l’histoire d’un chevalier héritier des préceptes de la Table Ronde qui s’allie avec le dernier des dragons pour arnaquer les paysans afin de survivre dans un monde où les héros et les créatures fantastiques n’ont plus leur place. Johnson veut en faire un film drôle, mais aussi et surtout une fresque noble et touchante. Est-ce un hasard si les romans du Sorceleur (The Witcher) ont commencé à être publiés peu de temps avant, eux qui racontent aussi l’histoire d’un chasseur de monstres solitaire d’un Moyen-Âge imaginaire ?

 

Cœur de dragon : photo, Dennis QuaidSens de sorceleur activé

 

Johnson soumet son pitch à la productrice Raffaella De Laurentiis, fille du célèbre producteur Dino De Laurentiis. Raffaella a déjà à son actif la production de Conan le Barbare et de Dune, et elle semble être la personne idéale pour accompagner un projet comme Cœur de Dragon. En effet, Laurentiis accroche au scénario et décide de le produire. Alors à l’époque sous contrat avec Universal, elle présente l’idée au studio, qui signe le film. Problème : comment réussir à fabriquer un dragon qui puisse parler, voler, cracher du feu et avoir autant de temps de présence à l’écran ?

Les pontes d’Universal sont fermes : si c’est l’inconnu Patrick Read Johnson qui doit réaliser ce film, ils ne s’engageront pas à plus de 22 millions de dollars. C’est à Laurentiis de trouver le moyen de faire rentrer le budget du film dans ce montant. À l’époque, la révolution numérique n’a pas encore eu lieu, et la solution la plus crédible pour ce budget reste de fabriquer un dragon en dur et de le téléguider.

 

Cœur de dragon : photoBarbecue en plein air

 

KERMIT LE DRAGON

Un travail de titan qui est confié à l’atelier Jim Henson’s Creature Shop, la compagnie du créateur du Muppet Show. Mais pas question que le dragon ressemble à Kermit la grenouille, aussi Jim Henson et son équipe passent huit semaines à mettre sur pied un impressionnant et magnifique dragon, qu’ils parviennent à livrer à temps pour les tests. Le test consiste à tourner un brouillon de la séquence du feu de camp pendant laquelle le chevalier Bowen se dispute avec le dragon (subtilement appelé Draco).

À ce stade, c’est un Clive Owen encore inconnu qui incarne Bowen pour les besoins du test, et face à lui s’anime la formidable maquette. Les essais sont tournés et présentés à Universal, mais malgré toute la technique déployée, les financeurs ne sont pas convaincus. Ces messieurs trouvent que les mouvements du dragon ne sont pas assez fluides, et craignent qu’il ne soit pas assez maniable pour les scènes d’action.

 

Cœur de dragon : photo, David Thewlis, Dennis QuaidJe suis ton père

 

L’option marionnette est donc abandonnée, et Laurentiis se retrouve face à un dilemme : Universal n’augmentera le budget pour trouver des solutions plus onéreuses (numériques) que si un réalisateur chevronné reprend le projet. De son côté, Johnson continue de s’investir autant que possible dans le développement de son bébé. Il travaille depuis des mois avec le scénariste de La Mouche, Charles Edward Pogue, pour parvenir au meilleur scénario et à la meilleure écriture de personnages possibles. Il imagine aussi son casting de rêve : pour la voix de Draco, il veut absolument Sean Connery. Il rencontre aussi Liam Neeson avec qui le courant passe bien et qu’il trouve parfait pour le rôle de Bowen.

Mais chez Universal, on trouve que Liam Neeson ne peut pas être marketé dans le rôle d’un héros d’action comme Bowen, car il sort tout juste de Darkman (ce qui ne l’empêchera pourtant pas, quelques années plus tard, de devenir le héros d’action par excellence). Au cours de la production, beaucoup d’acteurs sont envisagés, comme Gabriel Byrne, Timothy DaltonPierce BrosnanTom Hanks, Kevin Bacon, Arnold Schwarzenegger...

 

Cœur de dragon : photo, Dennis QuaidEeeeet c'est finalement Dennis Quaid qui aura le rôle

 

QU'on lui coupe la tête

En marge du casting classique, Kenneth Branagh est aussi envisagé, mais cette fois-ci pour jouer et réaliser le film. Le cachet qu’il demande fait battre Universal en retraite, mais l'idée est là : et si un réalisateur plus connu reprenait le film et décrochait un meilleur budget ? À cause de son manque de renommée et d’expérience, Johnson est poussé vers la sortie de son propre projet, à son grand désespoir. Universal veut alors confier le film à Richard Donner, réalisateur des Goonies et de L’Arme Fatale, mais au bout de six mois de travail infructueux sur le film, Donner repart à ses activités.

Pour prendre sa suite, Laurentiis choisit Rob Cohen, futur réalisateur du premier Fast & Furious et dont elle vient de produire le succès Dragon, l’histoire de Bruce Lee. Si le film sur la vie de la star des arts martiaux ne parle pas d’un vrai dragon, il a le mérite d’avoir coûté 16 millions de dollars et d’en avoir rapporté 63,5 millions. Le type de CV qui plaît. Avec ce nouveau profil à la tête du projet, Universal décide cette fois-ci d’allonger les billets pour mettre un coup d’accélérateur à la production de Cœur de Dragon. Une nouvelle phase de travail commence sur un film à qui on vient de couper la tête. 

 

Cœur de dragon : photo, Dina MeyerKarastrophe

 

En 1993, alors que ça fait maintenant plusieurs années que le projet piétine, Laurentiis et Cohen se rendent ensemble à une projection de Jurassic Park, le nouveau Spielberg qui s’apprête à faire un carton et à révolutionner le monde des effets spéciaux. Au sortir de la séance, le duo tombe d’accord : il faut que le futur Draco soit conçu de la même manière que les dinosaures de tonton Steven. Sauf que, là où le tyrannosaure et ses petits camarades ne représentent que 6'30" minutes de temps d’écran d’images de synthèse, Draco est censé voler la vedette pendant pas moins de 23 minutes à lui tout seul.

Il faut donc pousser la technologie plus loin, et concevoir pour la première fois au cinéma un personnage principal entièrement généré par ordinateur. C’est là que Phil Tippett entre en scène, le magicien des effets pratiques qui a supervisé la conception des dinosaures de Jurassic Park et qui affiche aussi sur son CV Indiana Jones et le Temple MauditRoboCop et Willow. Tippett n’est pas étranger aux dragons, puisqu’il a travaillé sur Le Dragon du lac de feu en 1981, une modeste production Disney dans laquelle le dragon en question était animé en stop-motion.

 

Cœur de dragon : photo, Dennis QuaidLe régime draconien

 

ça tourne (enfin) !

Avec le sculpteur Peter Konig, Tippett commence à imaginer l’apparence de Draco, en fonction de ce que Rob Cohen souhaite. Celui-ci a plusieurs inspirations pour l’apparence du dragon : celle des statues de lions qui gardent l’entrée des temples chinois pour leur aspect très fier et leurs quatre pattes, celle d’un boa constricteur pour la mâchoire extensible et les crocs rétractables, et celle d’un gorille pour le museau arrondi et l’aspect plutôt mammifère que reptilien. Et avec tout ça, il faut aussi essayer de le faire ressembler un tant soit peu à Sean Connery qui, comme le rêvait Johnson, prêtera sa voix au personnage.

En parallèle, le tournage des prises de vue réelles se déroule en Slovaquie, avec le casting définitif. Dennis Quaid incarne Bowen, car Cohen assure qu’il a en lui la noblesse d’un vrai “chevalier de l’ancien code”. Quaid s’entraîne avec Kiyoshi Yamasaki pour donner un parfum d’arts martiaux à ses chorégraphies de combats. Un David Thewlis hystérique incarne le méchant roi Einon, parce qu’il a prouvé avec Naked qu’il était capable d’incarner une enflure. Julie Christie, un peu égarée, joue la mère de Thewlis parce qu’ils ont le même agent et qu’ils s’entendent comme larrons en foire.

 

Cœur de dragon : photo, Julie ChristieJulie Christique

 

On croise aussi Dina Meyer en paysanne manucurée, qui sert vaguement de demoiselle en détresse, et que Cohen dit avoir choisie parce qu’elle semble suffisamment solide pour être crédible avec des armes en main. John Gielgud, quant à lui, accepte de prêter sa voix au spectre du roi Arthur. En lieu et place du dragon, des balles de tennis sur des bâtonnets pour indiquer à Quaid où diriger son regard, et un petit planeur pour servir de référence pendant les scènes de vol. Deux parties de Draco sont aussi construites en dur pour la scène du feu de camp : la patte qui emprisonne Bowen à terre lors d’un plan fixe, et la mâchoire dans laquelle le chevalier se retrouve coincée.

Réalisée avec beaucoup de détails et animée mécaniquement, la tête du dragon autour de cette mâchoire est complétée par les CGI. Dans cette scène figure aussi le tout premier acteur reproduit en images de synthèse au cinéma, lors du plan où Draco soulève Bowen dans sa gueule. Mais le tournage en lui-même n’est pas le gros du travail, car une fois celui-ci achevé, ce sont 13 mois de travail chez Industrial Light & Magic (ILM) qui commencent pour faire vivre Draco à l’écran image par image. Ce chantier coûtera à lui seul 22 millions de dollars, soit le budget qu’Universal voulait au départ consacrer au film entier. Pendant ce temps, Cohen se lance dans la réalisation d’un autre film, Daylight, avec Sylvester Stallone.

 

Cœur de dragon : photo, Dennis QuaidJaws

 

Chaînon manquant

Le tournage de Daylight doit se faire à Rome, aussi une technologie de pointe sera mise en place pour que Cohen puisse travailler le soir en visio depuis Cinecittà avec l’équipe d’ILM en Californie. L’un des défis particuliers que doit relever ILM, c’est de faire en sorte que les expressions de Draco ressemblent à celles de Sean Connery à une époque où la motion capture n’est pas de mise.

Pour les aider, Cohen engage un monteur qui regarde l’entièreté des films de Connery et isole chacune de ses scènes en gros plan, de manière à pouvoir classifier les expressions de son visage selon chaque émotion et ainsi servir de référence aux animateurs. De là à dire que le dragon ressemble réellement à Sean Connery dans le résultat final... peut-être pas.

 

Cœur de dragon : photoPeur de dragon

 

Au bout de ce travail acharné de huit ans au total naît donc Cœur de Dragon en 1996, premier film dont un personnage principal est entièrement généré par ordinateur. Et s’il est plus qu’imparfait dans tout ce qu’il essaye de faire – y compris les images de synthèse qui ont cruellement vieilli –, il a le mérite d’ouvrir la voie pour l’avènement de l’heroic fantasy au cinéma qui ne tardera pas à arriver avec Le Seigneur des Anneaux.

À la fois pur héritier de la technologie de Jurassic Park et pionnier pour ses successeurs, Cœur de Dragon est représentatif de son statut de chaînon manquant, une sorte de brouillon maladroit, rafistolé et épuisé, mais bourré d’idées brillantes. Quelles étaient ces idées, que sont-elles devenues, et que reste-t-il exactement du film ?

 

Cœur de dragon : photo, Dina MeyerDina pas si meilleure

 

LA BOUCHERIE

Patrick Read Johnson, après avoir été évincé du projet, n’en a pas pour autant oublié son bébé, et a regretté beaucoup des directions prises par Cohen. Notamment concernant le casting, puisqu'aujourd’hui Johnson soutient que ni Dennis Quaid ni Dina Meyer (dont la perruque semble avoir été achetée au marché le dimanche matin et change de forme à chaque plan) ne sont crédibles en chevalier et paysanne du haut Moyen-Âge. Et on ne peut pas vraiment lui donner tort. Il regrette aussi une direction d’acteur qui pousse David Thewlis à incarner le méchant comme un sale gosse capricieux plutôt que comme la force tranquille et inquiétante qu’il avait en tête.

Il faut dire qu’il est compliqué pour les acteurs d’interpréter correctement des rôles qui ont été tronçonnés de part et d’autre aussi bien à l’écriture qu’au montage. Cohen a, par exemple, considérablement réduit le rôle de Julie Christie (ce qui est quand même étonnant quand on a la chance d’avoir Julie Christie au casting). Il retire également l’un des coups montés par Bowen et Draco ainsi que des scènes de bataille afin de gagner du temps et de l’argent. Au montage, il tronque toute l’histoire d’amour entre Bowen et Kara, qui s’en tiennent, dans le résultat final, à quelques échanges de regard et d’amabilités sans évolution.

 

Cœur de dragon : photoDavid tout lisse

 

Le scénariste Charles Pogue, qui estime que Cohen n’a pas saisi l’esprit du film, est particulièrement chagriné par ces coupes. Parmi les choses qui l’énervent particulièrement, il y a les incohérences imposées par le réalisateur, comme dans la séquence au cours de laquelle des villageois disent mourir de faim et être obligés de chasser le dragon pour sa viande, mais dans laquelle Cohen a fait rajouter des dizaines de cochons dans le décor. Il y a aussi l’appauvrissement de l’écriture, comme avec le retrait d’une séquence pendant laquelle les paysans révoltés offraient une armure à Bowen et qui était, selon lui, la meilleure scène de Quaid.

Il rapporte qu’à force de vouloir faire de Draco le clou du spectacle, tous les moments censés enrichir la psychologie des personnages et leurs rapports ont été élagués, et il faut bien avouer que ça se sent. Le problème est que, chez Universal, ça essaye comme ça peut de tirer le film du côté des enfants et d’en faire une œuvre familiale. Au cours du casting, le studio a même évoqué l’idée de faire doubler Draco par Whoopi Goldberg, elle qui sortait de Sister Act et venait de prêter sa voix à l’une des hyènes du Roi Lion. Alors exit les parts sombres, la sexualité, l’humour trop subtil...

 

Cœur de dragon : photoSi je ne t'avais pas

 

Histoire éternelle

D'autant plus que Cohen n'est pas le dernier pour rajouter des couches de puérilité, comme en témoignent la séquence où Bowen se fait traîner à travers la forêt par Draco en se cognant à tous les arbres, ou bien celle dans laquelle le dragon fond sur un village en en criant : “Voilà Draco !”. Johnson, qui imaginait son histoire racontée sur un ton à la fois noble et charmant, dans un univers poétique dans le style "de ce qu’un Terry Gilliam aurait pu faire”, en est terriblement frustré.

Elle était pourtant partie pour être belle l'histoire du dernier représentant de son espèce, contraint de s'allier au meurtrier des siens. Johnson est d’autant plus énervé qu’il a le sentiment que Rob Cohen s’approprie des mérites qui ne sont pas les siens (comme le fait d'avoir voulu engager Sean Connery pour incarner la voix de Draco), et qu'il minimise l’importance de Johnson dans l’origine du projet. Difficile, aujourd’hui, de réellement tirer les choses au clair sur cette histoire, bien qu’elle ressemble à une multitude d’autres tragédies hollywoodiennes dans lesquelles de jeunes artistes se font déposséder de leur œuvre pour des questions d’argent.

 

Cœur de dragon : photoDes nouvelles de Guédelon

 

Alors qu’Universal ne voulait pas dépenser plus de 23 millions de dollars pour produire le Cœur de Dragon de Johnson, ils finiront par en dépenser le triple pour celui de Cohen, qui rapportera lui-même pas moins de 115 millions de dollars. Beau résultat pour un film égaré dont le sous-texte et la surface ne se comprennent pas. Si, aujourd’hui, le film occupe une place particulière dans l’histoire des effets spéciaux au cinéma, on peut aussi y voir l’un des jalons du parcours de l’heroic fantasy qui mènera plus tard à Game of Thrones.

Le film de Johnson, s’il avait pu le réaliser, aurait-il été meilleur que celui de Cohen ? L’idée telle qu’il la présente fait rêver, mais Johnson n’ayant pas brillé par le reste de sa carrière, personne ne peut le jurer. Il n’a néanmoins jamais renoncé à l’idée d’en réaliser un jour un remake, et peut-être que ce temps viendra. Ce qui est sûr, c'est qu’il n’y aura plus de Draco réinterprété par Sean Connery, pas de Liam Neeson en chevalier de l’ancien code, ni de bande-originale composée par le génial Jerry Goldsmith, qui voulait à tout prix mettre le film en musique, mais qui quitta le navire quand Johnson fut débarqué.

 

Cœur de dragon : photo, Dennis QuaidTon dentiste lors de ta dernière visite

 

Ce qui reste

Même si la perte d'un Jerry Goldsmith est toujours regrettable, il faut tout de même en profiter pour revenir sur la plus grande qualité du film actuel : la partition de Randy Edelman. À la fois majestueuse, épique et mélancolique, elle colle magnifiquement aux thèmes profonds du film qui transparaissent encore un peu sous toute cette couche de niaiserie. Beaucoup plus réussie que le reste, elle jure presque avec l'ensemble, mais le sauve autant qu'il peut l'être.

Grâce au morceau appelé To the Stars, la fin réelle de Cœur de Dragon ressemble presque à l'univers et au ton que Johnson décrivait, si on oublie les plans en CGI désastreux sur les étoiles qui s'agitent à la mort de Draco. Levez la main, celles et ceux qui versent encore une larme coupable en revoyant cette scène aujourd'hui.

 

Cœur de dragon : photo, Dennis QuaidUn film qui claque

 

Pour terminer par un clin d’œil à celles et ceux qui auront découvert Cœur de Dragon en version française, reconnaissons que le choix d’un acteur comme Philippe Noiret pour doubler Draco était aussi inattendu que judicieux. L'acteur est dans la peau d'un aimable ridicule général dans film, et sa diction héritée des années de théâtre classique ainsi que son timbre caverneux parviennent à donner une dimension réellement belle et impressionnante à la séquence où Draco accorde la moitié de son cœur à Einon, et lorsqu’il fait ses adieux à Bowen. Un reflet fidèle d’une œuvre boiteuse dont, par moments, les reliefs de l’intention originale touchent encore au cœur.

L'histoire qui demeure à travers ce palimpseste cinématographique, c'est celle de la fin d’un monde fantastique encore tourné vers un idéal arthurien en péril. Un monde qui s’efface au fur et à mesure que progresse la civilisation et que la noblesse des dragons n’a plus prise sur l’ambition et la cruauté des hommes. Une conclusion à la fois tragique et belle, avec ce qu’il faut d’espoir pour qu’on en ressorte heureux.

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commentaires
Judith Beauvallet - Rédaction
05/03/2023 à 23:26

@Dehem

Bien, vu, pour le box-office ! C'est rajouté dans le texte. Et je le remets ici : le film a rapporté plus de 115 millions de dollars, ce qui en fait un joli succès.

Merci à toutes les personnes qui prennent le temps de nous féliciter pour l'article !

Rorov94m
05/03/2023 à 07:10

Le projet remonte bien avant 1988:
Il devait être produit par Zoetrope la boîte de Coppola et le scénario était de Talia Shire à la base.
La distribution via ORION.
Phil Tipett, Peter Kuran et Rob Bottin étaient sur le projet (une fois abandonné ils se retrouveront sur ROBOCOP).
Le film s'intitulait déjà DRAGONHEART.
source: Madmovie,Starfix et L'écran fantastique mai/juin 1984.

Nonobi
05/03/2023 à 04:59

Je suis un peu chagrinée de comprendre pourquoi ce film qui me semblait avoir du potentiel était néanmoins un peu raté, merci pour ce bel article informatif

Dragon du lac de feu
05/03/2023 à 00:17

Merci pour ce bel article sérieux et approfondi, c'est ce type d'analyse qu'on aime et qui maintien à flot mon intérêt pour votre site.

Recommandation pour une prochaine investigation : Le Dragon du Lac de feu sorti en 1981, le willow du film de Dragon, et manifestement l'ancêtre (ou aïeul à minima) de Coeur de Dragon

Prisonnier
04/03/2023 à 20:26

Je m'associe aux autres pour dire merci a Judith pour ce bel article, loin d'être pédant, moqueur ou avec des blagues un peu lourdingue mais une belle analyse des réussites et défauts.

C'était pas gagné tant c'est un film de coeur pour moi. Et total in love de Quaid quoiqu'il arrive

Dehem
04/03/2023 à 08:03

Il me manque juste quelque chose dans l'article : quel a été le box office du film ?

BruceWayne
04/03/2023 à 01:26

La musique de Randy Edelman est absolument magnifique !

MarieG
03/03/2023 à 22:30

Je l'avoue, sans aucune honte: ce film est l'un de mes préférés, depuis que j'ai six ans. Je l'aime de façon absolue, la musique me fait pleurer dès que je l'entends, et je le regarde tous les ans. Il est aussi la raison pour laquelle je me suis mise à aimer Noiret, avant même d'avoir vu Cinema Paradiso.
Merci pour ce bel article très éclairant sur la production et la réalisation.

Birdy l'inquisiteur
03/03/2023 à 21:47

Je ne connais de ce film que sa bande originale, que j'ai longtemps cherchée çar son thème principal est utilisé dans la bande annonce de 7 ans au Tibet, et m'avais marqué.
Bravo pour cet analyse, autant dans le fond que la forme. Du vrai bon boulot, un plaisir à lire.

Ffx
03/03/2023 à 19:31

La voix du dragon par Philippe Noiret, bizarre mais inoubliable...

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