Titanic 2, Titanic 3, Titanic 666... 5 naufrages nazis, érotiques ou pire

On a tendance à l'oublier, mais James Cameron n'est pas le seul réalisateur à s'être emparé de l'histoire du Titanic. La preuve en cinq naufrages plus ou moins opportunistes, de la propagande au navet pur et simple, en passant par la parodie soft-porn fantastique (oui).

Sa re(re)ressortie récente en salles en atteste : le Titanic de James Cameron est devenu une pierre angulaire de la culture populaire américaine. Toutefois, le Canadien est loin d'être le premier à s'être intéressé au drame. Le naufrage a très vite eu une influence sur le cinéma, et ce dès... mai 1912, soit quelques mois à peine après l'évènement ! Saved from the Titanic, interprété par la survivante Dorothy Gibson, est néanmoins désormais perdu. Après lui, de nombreuses fictions inspirées du paquebot et de sa fin ont vu le jour, comme le film de 1953, le téléfilm S.O.S Titanic ou bien sûr Atlantique, latitude 41°, précédé d'une réputation très flatteuse.

Bien entendu, ce ne sont pas ceux-là qui nous intéressent. Car la catastrophe maritime a aussi inspiré une flotte de navets crétins, de nanars surréalistes, voire de purs pétages de câble. La plupart d'entre eux capitalisent maladroitement sur le nom et l'histoire du célèbre navire, ainsi que sur le succès de la version la plus célèbre, mais pas tous. Petite sélection de 5 hallucinations clairement submersibles.

La face émergée de l'iceberg

Titanic

Sortie : 1943 - Durée : 1h25

Moins naze que nazi

Parmi les premiers films censés conter la catastrophe, Titanic parait bien classique à première vue : noir et blanc, reconstitution approximative, sous-intrigue amoureuse... Qu'est-ce qui le distingue des autrement plus respectés Atlantic, de la version de 1953, d’Atlantique, latitude 41° ou même de SOS Titanic ? Eh bien, il est allemand. Et... il fut produit en 1943.

C'est bel et bien un pur film de propagande nazie, commandé par le ministre de la propagande Joseph Goebbels en personne, dans la lignée des grandes fresques à la gloire de la nation allemande. La superproduction de Cameron est célèbre pour son tournage chaotique, avec les tensions, les dépassements et l'empoisonnement de la cantine, mais il n'a rien à envier à son prédécesseur. Le premier réalisateur, Herbert Selpin, aurait, lors d'une dispute avec son scénariste, lâché un petit "armée de merde" qui lui aurait valu un séjour en prison. Le lendemain de son incarcération, il fut retrouvé pendu. Un suicide selon les autorités, mais pas selon certains historiens, d'autant qu'il n'était pas dans les petits papiers de Goebbels. Ambiance.

Salauds de riches (anglais) !

Monsieur propagande fut forcé de menacer l'équipe du même sort pour qu'elle adresse à nouveau la parole au scénariste, Walter Zerlett-Olfenius. Goebbels interdit la mention du nom de Selpin et engagea Werner Klingler à la mise en scène... tout ça pour ne même pas sortir le film en Allemagne. L'hypothèse principale, c'est que la population était trop angoissée par les bombardements qui pleuvaient sur le pays pour subir un film catastrophe.

Et le résultat, dans tout ça ? D'un classicisme total, il exploite plutôt bien les décors du Cap Arcona (qui a lui aussi fini au fond de l'océan avec plusieurs milliers de passagers déportés), dépeint les Anglais en capitalistes obsédés par la valeur de leurs actions et l'officier allemand en héros. Sa principale originalité, à savoir la mention du procès qui a suivi le naufrage, n'est qu'une caution propagandiste de bas étage pour appuyer encore un manichéisme nationaliste. L'unique et ultime carton enfonce le clou précisant, au cas où le message n'était pas encore passé : "La mort de 1500 personnes reste inexpiée, une condamnation de la quête éternelle de profit de la Grande-Bretagne".

TITanic 2000 : Vampire of the Titanic

Sortie : 1999 - Durée : 1h18

Ceci est un film sur le Titanic

Oui, vous avez bien lu. Il suffit d'un rapide passage sur n'importe quel site de pornographie mainstream (vérification obligatoire pour tout journaliste culturel qui se respecte) pour trouver des saynètes rejouant certaines scènes clé du film de Cameron, à un degré de fidélité discutable. Mais deux ans à peine après sa sortie, une version pour adulte assez longue pour être considérée comme un long-métrage apparaissait déjà. D'emblée, elle améliore le giga-blockbuster en ajoutant une vampire lesbienne et des prouts aléatoires.

TITanic 2000: Vampire of the Titanic raconte donc l'odyssée du... TITanic (superbe nom floqué sur le paquebot), peuplé de passagers plus excentriques les uns que les autres, mais aussi d'une vampire libidineuse en quête d'une jouvencelle digne de se faire mordre. Les vicelards risquent d'être déçus : la charge érotique se limite à trois ou quatre effeuillages interminables et maladroits, à plusieurs centaines de gros plans sur des poitrines féminines et à une pauvre scène de sexe moins explicite que n'importe quel opus de la saga 50 nuances.

Graphic design is my passion

Ne reste plus qu'une pseudo-comédie over-grasse tournée en DV (ou du moins, ça y ressemble) sur des fonds bleus dignes de Bubsy 3D. TITanic 2000 n'est pas une parodie porno, c'est une parodie tout court lestée de séquences sexy au rabais. Et subir ses "gags" est très probablement plus désagréable qu'une baignade sans gilet de sauvetage dans l'Océan Atlantique.

John Paul Fedele, également auteur d'autres grandes oeuvres comme Mistress Frankenstein, Play-Mates of the Apes, SpiderBabe ou même The Sexy Adventures of Van Helsing, nous refait par exemple la scène de la peinture, mais avec trois travellings sur les seins de la madame et la succession de jump-cuts les moins sexy de l'Histoire sur le peintre, louchant d'un air abruti sur son corps dénudé. Ajoutez à ça un personnage nommé Prince Leonardo of Di Caprio (vous l'avez ? Elle est subtile) et vous obtenez l'une des plus grandes insultes proférées à l'encontre de Cameron, ses acteurs, son équipe, les victimes du vrai Titanic et l'humanité tout entière.

Titanic : Odyssée 2012

Sortie : 2010 - Durée : 1h30

Le nouveau Titanic part de Criel-sur-mer

Bien évidemment que The Asylum devait ajouter sa version à la liste ! La société de distribution trop connue des amateurs de Z, trop méconnue des pauvres hères qu'elle tente d'escroquer par tous les moyens, s'est spécialisée – entre autres – dans le mockbuster, c'est à dire dans le faux blockbuster au rabais. Subtilement titré Titanic 2 en VO, le film réalisé, écrit (ah !) et interprété (oh !) par Shane Van Dyke (par ailleurs scénariste de Street Racer, Space Destructors, Transmorphers : Robots Invasion, Paranormal Entity et... Don't Worry Darling, oui oui) s'assume comme une suite directe de Titanic... ou du moins des évènements qu'il relate.

Tout part d'une idée de génie : construire un paquebot encore plus gros que le Titanic, l'appeler Titanic II et faire le même trajet. À ceci près, bien sûr, que la salle de bal est devenue une salle des fêtes municipale et la salle des commandes reprend le décor de Caméra Café. Shane Van Dyke n'est pas James Cameron et d'ailleurs, contrairement à son collègue, il est engagé pour l'écologie. Son iceberg à lui est une conséquence malheureuse du réchauffement climatique et sa fonte va enclencher un tsunami de glace dévastateur. Puissant.

Di Caprio et Winslet n'ont qu'à bien se tenir

Outre quelques plans d'extérieurs, l'action se concentre essentiellement dans des couloirs qui clignotent, en compagnie d'un millionnaire qui va prouver sa valeur et d'une membre d'équipage intrépide. Et puisqu'un mockbuster Asylum ne serait pas un mockbuster Asylum sans un ancien second couteau hollywoodien coincé dans un hélicoptère avec une radio. Ici, c'est le pauvre Bruce Davison qui s'y colle, sans trop d'enthousiasme. Volontairement ou pas, l'ensemble finit par croiser le film de Cameron avec L'Aventure du Poséidon. Il fallait oser.

Il n'empêche que toute ironie mise à part, avec un peu de recul et en établissant une étude comparative avec les autres méfaits du studio (encore faut-il devoir se les infliger pour un certain média orange, merci à lui), Titanic : Odyssée 2012 a peut-être un brin plus de tenue que ses semblables. Plus de plans truqués, un semblant de récit... peut-être le budget a-t-il enfin dépassé les 100 dollars, les exécutifs de The Asylum se rendant bien compte que des curieux allaient tenter l'expérience. On plaide coupables.

Titanic 3

Sortie : 2017 - Durée : 1h25

La punchline est meilleure que le film

Vous pensiez que les productions The Asylum représentaient les fonds de tiroir du mockbuster, le pire du Z opportuniste ? Inspirez un grand coup et immergez-vous dans les abysses des films TomCat, où personne ne vous entendra crier au navet. Expression appropriée puisque le titre original de cette nouvelle fausse suite est Aliens vs Titanic, histoire de ratisser large. Qui sait, sur un malentendu ou sur un fan de Cameron particulièrement crédule, ça pourrait marcher. Le film a également été présenté en tant qu'Aliens vs College Girls, Alien Reign, ou encore Predator World. Nouveau nom pour une nouvelle vie dans des bacs de DVD piégés.

Attention, jeunes insouciants, cette promesse de crossover ultime cache un ignoble délire de science-fiction érotique, maculée d'éclaboussures de diarrhée visuelle et de dérapages beaufs dans lesquels l'oncle bourré de Bigard n'oserait même pas s'engager. Ici, le vaisseau (spatial) est en fait le TITAN-1C et l'iceberg un météore plein à craquer de parasites extraterrestres. Ceux qui trouvent la première partie du film de Cameron trop longue seront aux anges : l'impact a lieu après 20 minutes de film, le reste étant consacré aux pérégrinations de l'équipage de bras cassés pervers sur un terrain vague censé faire penser à une planète éloignée.

Panic Room

Et pour être tout à fait honnête, le résultat est si outrageusement laid et vulgaire qu'il enterre sans problème la version The Asylum. TomCat ayant par exemple distribué le maître étalon du nanar numérique post-2000, à savoir L'Incroyable Bulk, cette bisserie parodique fait preuve de bien plus de générosité. Les amateurs de CGI baveux atteindront assurément l'orgasme dans les 30 premières minutes. Les passionnés de comédies érotiques misogynes (on sait que vous êtes là) devront attendre le coït entre la télépathe à la perruque rose et les tentacules du monstre de l'espace en caoutchouc pour prendre complètement leur pied. Dommage que le cynisme de l'entreprise donne plus le mal de mer que la banane.

À noter que ce précipité de mauvais goût est disponible en DVD en France chez les kamikazes de Bzz Video et qu'il a été chroniqué pour l'occasion par la team Nanarland.

Titanic 666

Sortie : 2022 - Durée : 1h30

Il fallait mettre du waterproof...

TomCat dégaine, The Asylum riposte, cette fois-ci en collaboration avec Tubi, service de SVoD gratuit américain qui multiplie les productions originales, pour beaucoup des séries B au rabais. Après War of the Worlds : Annihilation et autres Romeo & Juliet Killers, les abonnés de la plateforme ont donc pu découvrir une déclination supplémentaire de Titanic, horrifique cette fois-ci. Le Titanic 3 (dont le nom implique qu'il s'agit d'une suite directe de Titanic 2) est une réplique exacte du premier Titanic. Et d'ailleurs, certaines personnes mal intentionnées vont tenter de faire ressurgir les fantômes du passé.

Surprise ! En 2022, les productions The Asylum comportent plus de 3 plans en CGI et mettent en scène des décors à peu près crédibles, pour peu qu'on se soit fait enlever par voie chirurgicale les souvenirs de ceux de Cameron, Michael Ford et Peter Lamont. Titanic 666 ressemble presque à un vrai film, et ça le rend d'autant plus détestable. Avec une facture technique à peu près tolérable, on lui excuse plus difficilement encore son indigence scénaristique, ses dialogues insupportables et sa faignantise flagrante.

"Bon, on arrête le film ?"

Les fantômes du Titanic sont des figurants maquillés qui sautent devant l'objectif toutes les 20 minutes pour éjecter du récit tantôt des influenceurs caricaturaux (ça dénonce fort), tantôt des membres d'équipage anonymes. Et ni la mise en scène ni l'écriture ne tentent d'accomplir quoi que ce soit d'autre. Un sommet de flemme opportuniste qui n'a pour but que d'aguicher nos tendances bissophiles afin de mieux nous balader de scène soporifique en scène soporifique. Au moins, dans Titanic 3, il y a des tentacules et des explosions.

Mentions honorables

Le paquebot le plus vide de l'histoire

Difficile de ne pas citer les trois films d'animation produits sur le sujet, tous italiens et tous opportunistes. Titanic : The Legend Goes On, sorti en 2000, hybride le ton des productions Disney de l'époque et une romance directement inspirée de celle de Jack et Rose, à ceci près que leurs positions sociales sont inversées (ou presque). Animation pour gosses oblige, la fin est un poil moins déprimante, puisque nos deux amoureux s'en sortent, se marient et vivent heureux jusqu'à la fin de leurs jours. Il faut dire que des dauphins étaient là pour porter secours aux naufragés. Et ça, les médias mainstream révisionnistes ne vous le disent pas ! 

Des dauphins, il y en a aussi dans le diptyque formé par La Légende du Titanic et À la recherche du Titanic, parmi les premiers téléfilms de la firme Mondo TV. Deux films si absurdes (le naufrage du Titanic est empêché par un kraken pénitent, entre autres), dans la grande tradition de leur commanditaire, qu'ils auraient largement mérité de faire partie de la sélection finale.

Mais en France, le Joueur du Grenier a déjà largement propagé la bonne parole, traitant directement du premier film dans un Club JDG. D'ailleurs, le second n'a plus grand-chose à voir avec le paquebot, si ce n'est que la recherche de l'épave est un prétexte pour plonger dans l'Atlantide, où une confrérie de rongeurs prépare son avènement. Autant dire que les débats stériles autour de cette histoire de planche trop grande font pâle figure à côté de certains héritiers du blockbuster de Cameron.