Goodbye, Dragon Inn : oubliez Hollywood, l'hommage ultime au cinéma vient de Taïwan

Lino Cassinat | 30 mars 2023
Lino Cassinat | 30 mars 2023

En racontant l'ultime séance d'un cinéma sur le point de fermer, Goodbye, Dragon Inn s'impose comme l'hommage terminal au 7e Art.

On sait qui fait du cinéma : les cinéastes, les producteurs, les chefs opérateurs, les acteurs, etc. Mais qui fait le cinéma ? Qui décide que le tas d'images assemblées produit un effet de sens, provoque un voyage émotionnel induisant une expérience renouvelée du monde ? En somme, qui est le créateur final de la beauté ? Nul autre que celui qui pose son regard sur un objet, le désigne et affirme : "ceci est beau". La fonction de l'artiste diront certains : ils auraient tort et Goodbye, Dragon Inn le prouve, ou plutôt, le montre.

L'artiste désigne l'objet, mais celui qui, en premier lieu, pose ce regard, c'est littéralement le spectateur. "La beauté réside dans l'œil de celui qui regarde" dit l'adage. Goodbye, Dragon Inn de Tsai Ming-Liang est dédié à cet œil réceptacle, humble et essentiel, loin d'autres hommages autrement plus vaniteux aux artistes et à une industrie économique. Tout le sel de Goodbye, Dragon Inn est d'ailleurs concentré dans le dernier plan de son montage d'ouverture, qui opère une fabuleuse double monstration et établit une dynamique fondamentale : c'est l'écran qui occupe le cadre, mais c'est sur le spectateur qu'on fait le point.

Si "exister c'est être perçu" comme dirait l'autre adage, aimer le cinéma, c'est aimer celui qui le perçoit. Goodbye, Dragon Inn est la lettre d'amour finale au cinéma, car il loue son rouage le plus essentiel, celui qui donne vie au cinéma : le spectateur qui accepte l'invitation au voyage esthétique, et regarde le film.

 

Goodbye, Dragon Inn : photoPartons en voyage

 

VOYAGE SPATIAL

Un gigantesque cinéma à Taïwan, plein à craquer. Le film projeté est Dragon Inn, un film d'art martial taïwanais sorti en 1967 absolument fondateur du cinéma local et raz-de-marée populaire d'ampleur mythologique sur l'île – mais aussi à Hong-kong. L'équivalent de notre Grande Vadrouille, mais avec des sabres et du kung-fu à la place des nazis et des grimaces de Louis De Funès.

Le même cinéma, plus tard. Sa fermeture a été actée, et pour sa dernière séance, il projette à nouveau Dragon Inn, comme un souvenir de gloire d'antan. Pas un chat dans la salle. Enfin, façon de parler. Il y a bien un chat de gouttière qui traverse le cadre de temps en temps, et quelques oiseaux de nuit venus errer dans le cinéma.

Ces quelques corps en action, réunis dans ce bâtiment qui prend l'eau de partout comme une Méduse sur le point de sombrer, seront nos personnages principaux. Un équipage taiseux et clairsemé, mais qui a encore une pulsion de vie. On pourrait même dire pour certains qu'ils ont une sacrée bougeotte. Goodbye, Dragon Inn établit d'emblée ce curieux phénomène : l'art d'aimer l'art, c'est l'art d'aller vers l'art, c'est l'art de bouger le cul de son siège pour aller poser son cul dans un siège. Un déplacement physique, et donc, un voyage en somme. Vers l'inconnu qui plus est, et donc presque une aventure.

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