Furyo : L'Empire des frustrations de David Bowie
Avec Furyo, Nagisa Ōshima propose l'un des plus beaux films sur les frustrations culturelles et sexuelles, porté de surcroit par l'immense David Bowie.
Si les noms d’Akira Kurosawa, Yasujiro Ozu, Kenji Mizoguchi ou, plus récemment, Hirokazu Kore-eda, sont souvent ceux qui viennent le plus naturellement aux esprits cinéphiles dès que l’on mentionne le cinéma nippon, Nagisa Ōshima est probablement celui qui implique le plus de controverses. Considéré comme l’une des figures de proue de la nouvelle vague japonaise (appellation que le principal intéressé a néanmoins rejetée), le réalisateur est principalement reconnu sur la scène internationale pour son sulfureux L’Empire des sens.
Après un passage au Festival de Cannes en 1978 où il remporte le Prix de la mise en scène pour son film suivant, L’Empire de la passion, Ōshima prend un temps ses distances avec le cinéma de fiction pour mieux y revenir en 1983, ne proposant rien de moins qu’un petit monument dramatique tristement méconnu. En lice pour la Palme d’or sur la Croisette, Furyo (Senjō no Merry Christmas en version originale) marque un tournant majeur dans l’oeuvre du cinéaste, laquelle s’était jusqu’alors distinguée par des inclinaisons plus cérébrales qu’émotionnelles. À travers ce récit digne des Lettres persanes de Montesquieu, il recourt à la figure de l’étranger pour mieux dénoncer les travers de son pays.
L’enfer, c’est les autres
Diplômé de l’Université de Kyoto en histoire politique, Ōshima use de ses propres frustrations et désillusions à l’égard du gouvernement japonais – lequel se caractérise selon lui par un climat réactionnaire et xénophobe – en vue de nourrir son oeuvre. Après avoir fondé sa propre maison de production suite au retrait des salles de son très contesté Nuit et brouillard au Japon par la la Shōchiku (la société dont il dépendait jusqu’alors), le cinéaste multiplie les récits dénonçant l’ouverture difficile de son pays aux cultures et nations étrangères.
Cette thématique de prédilection trouve ses origines en 1961 dans Le Piège, avant d’être plus amplement explorée au travers d’autres métrages plus populaires tels que La Pendaison, ou encore Les Trois soulards. Furyo est néanmoins le premier film du cinéaste à mobiliser la nécessité d’adopter un esprit cosmopolite jusque dans sa construction.
Ce « Noël sur le champ de bataille » comme le suggère le titre original, est ainsi la toute première oeuvre du cinéaste à non seulement profiter d’une production et d'un casting international et multilingue (le film est produit par le Britannique Jeremy Thomas, et est coécrit entre Ōshima et Paul Mayersberg), mais surtout, à être tournée bien au-delà des contrées nippones.
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14/12/2022 à 21:23
Oui, merry Christmas Mr Lawrence.
12/12/2022 à 08:07
Je suis un grand fan de Bowie, forcément Furyo, ça me parle.
A l’époque, j’avais trouvé ce film fascinant et puis comme l’a écrit Hasgarn la BO est magnifique.
12/12/2022 à 07:07
Furyo figure dans mon top 10.
Merveilleux a bien des égards, évidement la musique de Ryuichi Sakamoto, les prestations habitées.
Merveille !
11/12/2022 à 13:56
Je ne suis pas trop fan du film auquel je crois n’avoir jamais vraiment accroché mais par contre Bowie est comme à son habitude, fascinant et la musique de Sakamoto à pleurer. Qu’est ce que j’ai pu la jouer, très mal au piano à l’époque. Merry Christmas Mr Lawrence.