Tigre et Dragon : comment Matrix a revigoré le film d'arts martiaux chinois

Geoffrey Fouillet | 13 novembre 2022 - MAJ : 13/11/2022 11:50
Geoffrey Fouillet | 13 novembre 2022 - MAJ : 13/11/2022 11:50

Avec Tigre et Dragon, l'affrontement a lieu sur terre ou dans les airs, mais toujours à cœur ouvert. Du Ang Lee pure souche, aussi épique que romantique.

À l'exception de quelques cinéphiles un rien aventuriers, le genre du wu-xia-pian (le film de cape et d'épée chinois) a dû s'armer de patience avant de conquérir le public occidental. S'il connaît son âge d'or entre les années 1960 et 1970, sous l'impulsion de cinéastes comme King Hu, réalisateur du désormais célèbre A Touch of Zen, tous les yeux sont pourtant braqués sur la légende Bruce Lee, dont les exploits et le charisme marquent à l'époque le film de kung-fu hongkongais.

Après deux décennies de morne plaine, le wu-xia-pian renaît dans le sanglant The Blade de Tsui Hark en 1995, mais le vrai renouveau a lieu cinq années plus tard avec Tigre et Dragon d'Ang Lee. Signant le retour du cinéaste taïwanais en Asie après trois longs-métrages tournés en langue anglaise, le film est l'adaptation du quatrième livre issu de la Pentalogie de la Grue d'Acier de Wang Dulu. Après avoir porté à l'écran le roman Raison et sentiments de Jane Austen, Ang Lee renoue ici avec la veine mélodramatique de son cinéma et s'offre un casting de luxe, Chow Yun-Fat et Michelle Yeoh en tête.

Coproduction internationale entre la Chine, Hong Kong, Taïwan et les États-Unis, Tigre et Dragon remporte tous les suffrages lors de sa présentation hors compétition au Festival de Cannes en 2000, et va jusqu'à décrocher quatre Oscars parmi de nombreuses autres récompenses. Récoltant 213 millions de dollars de recettes mondiales pour un budget initial de 17 millions seulement, le film est un triomphe total. Dans ces conditions, on s'interroge : et si le wu-xia-pian moderne lui devait tout ?

 

Tigre et Dragon : photo, Chow Yun-Fat, Michelle YeohLes monstres sacrés sont de sortie

 

DUELS ASCENSIONNELS

Dès l'entame du film, tout respire la sérénité, du hameau en bordure de fleuve aux paysans vaquant à leurs occupations. On est alors dans la Chine rurale du XIXe siècle. Sorti de sa retraite, le chevalier Li Mu-Bai (Chow Yun-Fat) vient confier à la guerrière Yu Shu-Lien (Michelle Yeoh), une amie de longue date, son épée nommée "Destinée" pour qu'elle la transmette à son tour au seigneur Té. Mais une fois remise à son destinataire à Pékin, l'épée est dérobée la nuit même par un mystérieux voleur. Très vite, les soupçons se portent sur Yu Jiao-Long (Zhang Ziyi, fabuleuse révélation), fille d'un gouverneur, et sur Jade "La Hyène" (Cheng Pei-Pei), une criminelle redoutée et redoutable.

Bien sûr, récupérer l'épée va relever du véritable parcours du combattant, et pour orchestrer cette lutte acharnée, Ang Lee fait appel aux talents du chorégraphe et cascadeur Yuen Woo-Ping, à qui l'on doit entre autres les joutes martiales de Fist of Legend et Matrix. Et il va sans dire que les acrobaties de Neo et Trinity se rappellent au bon souvenir du spectateur ici, tant les sauts périlleux, les lévitations spontanées et les sprints sur les murs sont légion. Mais la dynamique y est pourtant différente, assumant un rapport direct aux éléments, la pensée chinoise établissant une interaction immuable entre le ciel et la terre, d'où ces envolées magiques dont sont coutumiers les héros du film.

 

Tigre et Dragon : photo, Chow Yun-Fat, Zhang ZiyiUne nouvelle discipline fait son entrée aux Jeux olympiques

 

Cette connexion à la Nature se trouve également dans les surnoms "animaliers" des personnages, comme Jade "La Hyène" et d'autres sobriquets du même acabit : "Aigle de fer", "Puma ailé", etc. Alors oui, on nage en plein zoocentrisme, mais la plupart des cultures, orientales ou occidentales, en ont quasiment fait une religion. Il n'y a qu'à voir les superhéros Black Panther ou Wolverine pour se convaincre de cette mimétique animale du guerrier. Il en va ainsi dans la tradition du wu-xia-pian qui invite les combattants à lâcher le fauve qui sommeille en eux à condition de savoir le dompter.

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commentaires
ZakmacK
14/11/2022 à 20:38

@kyle Reese @zetagundam je suis un peu d'accord avec vous sur le côté Canada dry du film de sabre hong-kongais. Après je trouve que le film est une très belle porte d'entrée sur le genre. Je ne crois pas avoir vu the blade, je vais réparer cette erreur au plus vite. Surtout que j'adore Wesley Snipe (ok je sors, pardon )

Renardinski
14/11/2022 à 12:56

Encore une vision catastrophique et extrêmement simpliste concernant l'histoire du cinéma chinois. Écran large toujours à la ramasse quand il s'agit de pousser un petit peu les curseurs historiques.

Kyle Reese
13/11/2022 à 23:35

Du même avis que @Zetagundam

Un très beau film de sabre mais un peu trop occidentalisé. Mais il fallait surement ça pour attirer un public qui ne connaissait rien à ce genre de film.

Sinon comme l'a dit @Ray Peterson, The Blade autre film de sabre majeur au traitement bien différent. Plus réaliste dur et brutal. Ce film fut une plus grande claque que celui de Ang Lee.

The Poulpix
13/11/2022 à 21:30

Ce film est juste magique, mais bon faut aimer le Wu xia!
Ne surtout pas s'affliger Tigre et dragon 2 qui est d'une extrême nullité!

rientintinchti2
13/11/2022 à 20:22

@la Rédac
Attention à ne pas trop me tendre la perche quand même hein...

Mouais bof...
13/11/2022 à 20:12

Très grande oeuvre.Poetique ,triste et une réalisation remarquable. Ang Lee nous livre une oeuvre sincère et esthetiquement grandiose. Une référence du wu xia pian.

2 ans plus tard son homologue Zhang Yimou nous signe un "Hero" tout aussi magistral.

2 films inoubliables de sabres chinois profonds et philosophiques.

Ray Peterson
13/11/2022 à 14:20

A l'époque, je découvrais Zhang Ziyi, Ang Lee et Tan Dun. 3 claques dans 3 professions artistiques différentes. Le combat entre Ziyi et Yeoh est hallucinant et la séquence des bambous belle à pleurer. A coeur vaillant, rien d'impossible. Respect Mr Ang Lee.

Bon après, si on chipote, en terme de film de sabre avant y'a eu The Blade de Hark qui mettait la barre bien bien haut.

zetagundam
13/11/2022 à 12:42

Je n'ai pas revu le film depuis sa sortie ciné mais j'ai le souvenir d'un très beau film visuellement, bien qu'un peu long pour ma part, mais plombé par un gros sentiment de déjà vu quand on a quelques connaissances dans le cinéma de Hong Kong

ZakmacK
13/11/2022 à 11:30

Un très beau film. Je l'ai revu récemment pour le faire découvrir à mes enfants, et l'émerveillement reste total. Merci pour l'article !