Willow : et si c'était lui, le premier et meilleur enfant de Star Wars ?

Geoffrey Crété | 11 janvier 2023
Geoffrey Crété | 11 janvier 2023

Willow, ce film culte avec Warwick Davis et Val Kilmer, est probablement l'un des plus dignes enfants de Star Wars. Et la mauvaise série Willow sur Disney+ le rappelle bien.

Rien ne se perd, tout se recycle. Disney a bien compris que l'écologie doit s'appliquer au cinéma, et la série Willow, actuellement diffusée sur Disney+, en est la 78e preuve.

C'est la suite du film Willow, carton à sa sortie en 1988 (plus de 137 millions pour un budget de 35), qui ramène Warwick Davis en sorcier pour mener une nouvelle bataille contre les forces du mal. Val Kilmer n'a pas pu revenir pour des raisons de santé, mais la série assure évidemment le service nostalgie, de la musique mémorable au retour de Joanne Whalley en Sorsha.

Néanmoins, le succès du film Willow n'est pas dû au hasard. Ron Howard est le réalisateur, mais George Lucas est le vrai père, et le projet a pu voir le jour pendant la trilogie originale de Star Wars. En somme : Willow est un enfant de Star Wars. Et c'est peut-être le plus digne d'entre eux.

 

 

le pouvoir de la force

Quand Willow est sorti en 1988, la machine George Lucas était déjà bien lancée. Le Retour du Jedi avait """conclu""" en 1983 la trilogie Star Wars, son rêve d'aventurier avait été concrétisé avec Steven Spielberg dans Les Aventuriers de l'arche perdue et Indiana Jones et le Temple maudit (et La Dernière Croisade était dans les tuyaux), et il avait produit d'autres films, notamment MishimaLabyrinthe et Howard... une nouvelle race de héros.

Il avait déjà bien enclenché une franchisation extrême avec les téléfilms L'Aventure des Ewoks et La Bataille d'Endor, et les séries d'animation Droïdes : Les Aventures de R2-D2 et C-3PO et Ewoks. Tout ça entre 1984 et 1985. Comme quoi, Disney n'a pas inventé la surexploitation de Star Wars.

 

Star Wars : Ewoks : photo"Disney a tout ruiné"

 

Le réalisateur-scénariste-producteur-homme d'affaires était devenu le maître d'un petit monde, voire une marque à lui seul. Le succès de sa boîte Industrial Light & Magic (ILM) post-Star Wars l'avait hurlé sur tous les toits, avec un CV en or massif : E.T. l'extra-terrestre, Star Trek, Poltergeist, Dark Crystal, L'Histoire sans fin, Les Goonies, Cocoon, Retour vers le futur ou encore Qui veut la peau de Roger Rabbit.

Comme Indiana Jones, qu'il traînait depuis une dizaine d'années avant de s'associer à Spielberg, Willow était en gestation depuis un moment. "J'ai cette idée depuis 15 ans", disait-il au New York Times en 1988. Mais c'est uniquement grâce au succès phénoménal de La Guerre des étoiles, et de la réaction en chaîne de ce carton, qu'il a pu avoir les armes nécessaires : les bons talents, et les bons moyens financiers et technologiques à sa disposition.

 

Star Wars : Épisode VI - Le Retour du Jedi : photo, Ian McDiarmidLE POUVOIR

 

réactions en chaîne

Si la première étincelle de Willow remontait au début des années 70, c'est Star Wars qui a finalement allumé le feu. Et tout ça grâce à une suite d'accidents plus ou moins heureux. C'est parce que sa grand-mère a vu que la production recherchait des acteurs de petite taille que Warwick Davis a tenté sa chance, alors qu'il n'avait que 11 ans et aucune expérience des tournages. C'est parce que Kenny Baker est tombé malade qu'il a finalement décroché le rôle l'ewok Wicket (celui qui trouve et aide Leia), alors qu'il ne devait être que simple figurant. Et c'est grâce à cette performance que George Lucas lui a proposé le rôle de Willow Ufgood (en plus de le faire revenir dans les téléfilms L'Aventure des Ewoks et La Bataille d'Endor).

George Lucas raconte que l'idée est venue naturellement : pour lui qui aime raconter les histoires des petites gens écrasés par le système, mettre en avant un héros de petite taille était presque parfait.

En 2016, Warwick Davis revenait sur ce moment unique avec News.com.au : "J'avais 17 ans, et George Lucas a créé Willow en pensant à moi. J'avais le premier rôle, et c'était la première fois que j'avais un rôle où c'était moi, et pas une créature alien ou quelque chose comme ça. (...) J'avais de l'expérience sur les films, mais pas sur le jeu d'acteur."

 

Star Wars : Épisode VI - Le Retour du Jedi : photoTout a commencé par une rencontre

 

L'autre alignement des planètes était lui aussi très naturel. Ron Howard venait de boucler son Cocoon avec ILM, et c'est dans les locaux de son entreprise désormais incontournable que George Lucas lui a proposé Willow. Sachant que ce n'était pas une rencontre mais des retrouvailles, puisque Ron Howard l'acteur avait joué dans American Graffiti, réalisé par Lucas.

Ron Howard a pris le relais en amenant le scénariste Bob Dolman. Et c'est bien évidemment au Skywalker Ranch, QG de George Lucas, que le trio a développé le scénario, à partir de l'idée de départ de Lucas.

Dernière preuve que Star Wars a permis à Willow d'exister : en recherche de financement pour boucler le budget de 35 millions, George Lucas a essuyé les refus de tous les studios avant d'être aidé par son vieux copain Alan Ladd Jr. Quand personne ne voulait de son scénario de La Guerre des étoiles, c'est lui qui avait misé dessus, et l'avait soutenu auprès du boss de la Fox. Devenu président à son tour, Ladd Jr. a également misé sur Willow, et allongé la moitié du budget en échange des droits de distribution et diffusion TV. Une décision relativement audacieuse puisque les échecs consécutifs de Krull, Legend, Labyrinthe et Le Dragon du Lac de Feu avaient refroidi tout le monde sur le potentiel de la fantasy au cinéma.

 

Willow : photo, Warwick Davis, Val Kilmer, Joanne WhalleyLa brochette d'anti-héros

 

willow skywalker

George Lucas était le premier à le reconnaître en 1987 dans le New York Times : "Les problèmes sous-jacents, les motifs psychologiques, sont les mêmes dans tous mes films". Aucune surprise donc à voir Willow recycler les 3/4 des mêmes motifs que Star Wars, qui lui-même recyclait tout un tas d'idées, stéréotypes et symboles à la croisée des genres.

Impossible de résister au petit jeu de la comparaison entre le premier Star Wars et Willow. Après tout, Willow est comme comme Luke Skywalker : un simple fermier, emporté un peu malgré lui dans une grande aventure qui le dépasse, face à des forces maléfiques.

 

Willow : photoLa Force, un peu plus concrète ici

 

Willow devra apprendre à maîtriser ses pouvoirs magiques (la Force) en cours de route, avec la figure du sage magicien Aldwin (mi-Yoda, mi-Obi-Wan) pour l'aiguiller, vite fait. Aldwin qui cherche d'ailleurs un apprenti (un Padawan).

Dans son périple, le gentil et candide Willow sera accompagné par Madmartigan, un homme charmeur, blagueur et arrogant (Han Solo) qui n'avait aucune vocation de héros. Il tombera plus tard sous le charme de Sorsha, une princesse guerrière au caractère bien trempé (Leia). Ils feront aussi une pause dans une taverne où les choses vont vite tourner au vinaigre (Mos Eisley).

 

Willow : photoPitié pas eux

 

Pendant l'aventure, les héros seront rejoints par deux lilliputiens (alias brownies) : Raoul et Franjean (R2-D2 et C-3PO). Ils serviront à faire des blagues, aligner les gaffes, et éventuellement donner un coup de main (R2-D2 et C-3PO on a dit). Marmartigan recroisera aussi la route d'un ancien copain nommé Thaughbaer (Lando Calrissian), avec qui il a eu quelques problèmes par le passé.

 

Willow : photoDark Invader

 

Tout ce petit monde va affronter la méchante reine Bavmorda, qui aime lancer des éclairs quand on l'énerve (Palpatine). Son chef de guerre, Kael, est un guerrier redoutable et mutique, qui aime porter une cape et un masque (Dark Vador). Et finalement, la méchante sera vaincue grâce à Raziel, une puissante magicienne aux airs de mamie, qui cache bien sa force et aide Willow à parfaite son apprentissage (mi-Yoda, mi-Obi-Wan).

 

Willow : photo, Jean MarshJe voudrais les plans du bébé svp

 

Et si on voulait abuser (on va abuser), on dirait aussi que la petite Elora Danan est l'équivalent des plans de l'Etoile noire : protégée par les héros au péril de leur vie, et recherchée par les méchants puisque c'est leur seule faiblesse. Le bébé est le MacGuffin de Willow, qui arrive grâce au hasard (ou destin) entre les mains du héros, comme les plans de l'Etoile noire que Leia cache dans R2-D2, et que Luke découvre en passant un coup de chiffon.

Bien sûr, tout ça est exagéré. George Lucas n'avait rien inventé de tout ça avec Star Wars, puisque c'est le b.a.-ba de la fantasy – qu'elle soit heroic ou space. Au lieu de remonter à Star Wars, il faudrait remonter aux grands récits du genre, et/ou comparer avec quantité d'autres œuvres qui ont utilisé et déformé les mêmes idées, clichés et codes. 

Qu'importe : le trait tracé entre Star Wars et Willow est beaucoup trop amusant et évident pour s'en passer.

 

Willow : photoMéfiez-vous des mamies qui dorment

 

svo-dead

Enfin, il y a eu la dernière étape de Star Warisation : la déclinaison dispensable, et lancée pour les pires raisons dans le grand cirque de la guerre du streaming avec Disney+. Certes, l'idée d'une suite de Willow a été plusieurs fois discutée depuis le début des années 2000. On retrouve même la trace d'un projet de suite-série dès 2005 sur Ain't It Cool News.

En 2019, Ron Howard expliquait au podcast Happy Sad Confused que l'idée d'un retour en série (pour une suite ou un reboot) était parfaitement naturelle : "George a toujours parlé de la possibilité d'une série Willow". Lucas a toujours aimé exploiter ses univers, et était notamment à la tête de la série Les Aventures du jeune Indiana Jones au début des années 90, donc zéro surprise.

 

Willow : photo, Warwick Davis"Aie confiance, on va bien s'occuper de ton bébé"

 

La série Willow a finalement été officiellement annoncée en 2020, un peu plus d'un an après le lancement de Disney+, et certainement grâce au succès phénoménal des séries Marvel et surtout... The Mandalorian. Ou comment Star Wars a encore une fois précédé et aidé Willow. Sauf que cette fois, Ufgood trouvait sa place au milieu d'une énorme usine Star Wars (Le Livre de Boba Fett, The Bad Batch, Obi-Wan Kenobi, Andor), entre les nouveaux High-School Musical et Benjamin Gates.

Autre signe des temps : Willow emprunte désormais à Star Wars (tous deux récupérés par Disney lors du rachat de Lucasfilm en 2012) ses pires travers. Le Réveil de la Force tournait autour d'une nouvelle Etoile de la mort de la base Starkiller ? La série Willow remet Elora (l'équivalent de l'Etoile de la mort dans Star Wars IV on vous disait) au centre de l'intrigue, puisque c'est l'élue que les méchants veulent encore trouver.

 

Willow : photo, Warwick DavisEt si on relançait un téléfilm Ewok en fait ?

 

Rey était la petite-fille de Palpatine (on en rigole encore) et Ben, l'enfant de Han et Leia ? Kit mixera les deux, en étant la fille de Sorsha et Madmartigan (dont elle entend même la voix), et la petite-fille de Bavmorda (l'équivalent de Palpatine donc). Et c'est elle qui aura droit à l'arc "mais va-t-elle succomber au côté obscur de la Force la magie, et écouter ce truc louche qui murmure dans l'ombre et lui dit de prendre la suite de Palpatine Bavmorda ?".

La nostalgie est le moteur du pauvre, et le fan service son expression la plus vaine, que ce soit avec des incrustations d'images du premier film, le retour très important de Raoul (clignez des yeux et vous passerez à côté), ou la révélation que le général Kael (vous savez, le sous-Dark Vador) avait deux filles.

Willow, lui, réapparaît à la fin du premier épisode pour guider une jeune génération de personnages gentiment insipides... comme Luke Skywalker, à la fin de Star Wars 7.

 

Willow : photo, Ruby CruzKit de survie en cas de gros navet

 

C'était la dernière étape (fingers crossed) pour cet enfant de Star Wars, passé par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel hollywoodien : rêve un peu geek et projet un peu punk (Warwick Davis héros d'un film à 35 millions), réussite artistique et révolution technologique (la séquence de morphing avec les animaux), succès public et objet de pop culture... puis bidon de lessive parmi d'autres posé sur une étagère de SVoD.

Seule consolation : c'est tellement mal éclairé et étalonné qu'on ne voit rien dans 1/4 des scènes. Et c'est bien la seule chose qui a diverti le pauvre Mathieu, chargé de regarder toute la saison pour écrire dessus.

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commentaires
Madolic
12/01/2023 à 09:36

@TurboGui
Bah justement, non.
L'autodérision, c'est sympa quand c'est utilisé avec parcimonie.
Là franchement, c'est ultra lourd et ça me sort constamment de l'action...

TurboGui
12/01/2023 à 07:43

Ce que j´aime dans la serie c´est l´autoderision qu´elle se permet.
C´est du donjon & dragons, réalisé avec plus de finesse.
Les personnages ne sont pas si manichéen. Et comme a une table de jeu de rôle se permettent des scenes de ´hors jeu´(Boorman qui prend sa douche, ou qui veux crocheter le coffre fort, plus tôt qu´aider a la mission).
Alors ce n´est pas de la fantasy "serieuse". C´est une comédie. Il y a pas mal de dérision et de second degré. Et ce même sur le fan service.
Bref, moi j´aime bien

Prometheus
11/01/2023 à 23:42

Film vu au ciné, j'avais adoré.

Je l'ai montré à mes enfants ce we. Franchement, ça a assez mal vieilli.

Pas encore vu la série. J'attends qu'une saison 2 soit confirmée.

bipbip
11/01/2023 à 21:05

Je ne pourrai jamais dire du mal du film Willow. Je l'ai trop aimé quand j'étais enfant. Avant d'être l'héritier de Star wars, il est surtout le film qui a permis, par son succès, ceux qui sont venus après comme le Seigneur des anneaux, GoT...
La série n'est malheureusement pas au niveau. Il ne faut pas la condamner entièrement. La majorité des acteurs sont biens, à part l'acteur qui joue Erk, vraiment mauvais. Il y a des choses bien et franchement si la série &tait sortie juste après le film, on l'a trouverait bien. Mais elle arrive après GoT et autres qui ont mis la barre très haut, donc c'est un côté désuet, un peu simpliste. En tout cas, je la trouves mal jugée par rapport à certaines production.
Attention spoiler: le générique de fin annonce 3 saisons...

PurPPle
11/01/2023 à 18:11

Mais franchement étonné qu’écran large n'aime pas la serie, moi je trouve qu'elle est super inventive, marrante, bien joué, enfin bien quoi...Chelou. Franchement, j'ai passé plus de plaisir sur celle là que sur les anneaux...

Cidjay
11/01/2023 à 15:41

Willow reste un divertissement honnête malgré ses effets spéciaux aujourd'hui très datés.
J'ai continué la série ! j'ai jamais ressenti autant de foutage de gueule...
Mon dieu la scène du bal dans la forêt.