My Blueberry Nights : le doux rêve américain de Wong Kar-Wai

Geoffrey Fouillet | 2 octobre 2022
Geoffrey Fouillet | 2 octobre 2022

Le grand amour exige parfois de faire de grands détours, comme en témoigne My Blueberry Nights, l'échappée belle de Wong Kar-Wai aux États-Unis.

Dans la galaxie du cinéma hongkongais, Wong Kar-Wai fait sans doute figure d'outsider. Quand ses compatriotes John Woo, Tsui Hark ou Johnnie To préfèrent bander les muscles et multiplier les gunfights, le réalisateur de In the Mood for Love et Chungking Express s'intéresse avant tout aux élans du cœur, adoptant un tempo radicalement opposé. Alors que l'on croyait la ville de Hong Kong indissociable de la poésie de ses films, My Blueberry Nights vient prouver que les paysages américains lui vont tout aussi bien.

Pour son premier film en langue anglaise, Wong Kar-Wai fait appel à l'un des meilleurs chefs opérateurs en activité, Darius Khondji, qui remplace l'habituel collaborateur du cinéaste, Christopher Doyle, un autre grand nom de la profession. Côté casting, il réussit à rassembler un parterre de stars exceptionnel, incluant Jude LawRachel Weisz et Natalie Portman, et choisit la musicienne et chanteuse Norah Jones pour incarner le rôle principal. Une première pour l'artiste, encore jamais apparue au cinéma.

Présenté en ouverture au Festival de Cannes en 2007, le film ne séduit pas outre mesure, la presse anglophone étant probablement, ironie du sort, la plus sévère à son encontre. Certains esprits chagrins s'accordent même à dire à sa sortie qu'il s'agit du long-métrage le plus mineur de la carrière du réalisateur. Dans ces conditions, on pose la question qui fâche (ou pas) : et s'ils avaient tort ?

 

My Blueberry Nights : photo, Jude Law, Norah JonesCes deux-là étaient faits pour se rencontrer

 

MES NUITS SAVEUR MYRTILLE

Dès les premiers plans sur les rames du métro aérien new-yorkais, Wong Kar-Wai rend honneur à l'autre surnom de la Big Apple : "la ville qui ne dort jamais". C'est au cœur de cette effervescence, dans un café bondé, que l'on fait la connaissance d'Elizabeth (Norah Jones), simple cliente, et de Jeremy (Jude Law), serveur au sein de l'établissement. Tous deux prennent alors l'habitude de se voir, soir après soir, la jeune femme cherchant surtout un moyen d'occuper ses longues nuits d'insomnie après avoir découvert l'infidélité de son petit ami.

Fidèle au style feutré qui a forgé sa renommée, le cinéaste enferme ses personnages à l'intérieur d'une petite bulle d'intimité, circonscrite aux baies vitrées du café, avec en son centre ce comptoir servant de passerelle entre Elizabeth et Jeremy. Un espace quotidien qui revêt tout à coup un caractère onirique grâce aux talents d'esthète de Wong Kar-Wai. Entre l'éclairage au néon, la playlist soul & folk (le merveilleux morceau The Greatest de Cat Power, qui joue aussi un petit rôle dans le film) et les plans tournés en huit images par seconde, qui donnent cette sensation de ralenti saccadé, tout conspire à reproduire à l'écran l'état de conscience embrumé de l'héroïne.

 

My Blueberry Nights : photo, Norah JonesLa dévoreuse de tartes aux myrtilles

 

Si la nourriture agissait déjà comme le catalyseur du sentiment amoureux dans In the Mood for Love, il en va de même ici, puisque Elizabeth jette assez vite son dévolu sur les tartes aux myrtilles que lui propose Jeremy. Un penchant pour la gourmandise que le générique de début mettait déjà copieusement en avant, via une suite de très gros plans sur une part de tarte et une boule de glace à la vanille servie avec. Un leitmotiv visuel qui reviendra de manière sporadique, notamment à la toute fin où la glace fond et s'assimile au reste des ingrédients. Faut-il y voir pour autant une métaphore de l'alchimie romantique entre les deux protagonistes ? Sans doute.

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commentaires
alshamanaac
03/10/2022 à 16:24

J'aime beaucoup WKW, et pour avoir vu toute sa filmo, je confirme quand même que Blueberry est a rangé dans la catégorie de ses films mineurs... un peu resucé de Chungking Express dans sa mise en forme. Avis purement subjectif et basé sur mes souvenirs en salle car pas revu depuis sa sortie ciné ;-)