Intacto : le cousin oublié d'Incassable

Geoffrey Fouillet | 29 septembre 2022
Geoffrey Fouillet | 29 septembre 2022

Parier sa vie en misant sur sa bonne fortune, voici l'idée géniale sur laquelle repose Intacto, coup d'essai et coup de maître de Juan Carlos Fresnadillo.

Le cinéma de genre espagnol ne s'est jamais aussi bien porté qu'au tournant des années 2000, et les fantasticophiles du monde entier s'en sont très vite aperçus. C'est d'abord Álex de la Iglesia qui se signale avec Action mutante et Le Jour de la bête, puis Alejandro Amenábar avec Tesis et Ouvre les yeux, mais aussi Jaume Balagueró avec La secte sans nom et plus tard Fragile. Parmi ces nouveaux prodiges du fantastique Ibérique, Juan Carlos Fresnadillo demeure davantage en retrait, alors que son premier film, Intacto, relève déjà de l'exploit.

Dès sa sortie en 2001 dans les salles espagnoles, le film se hisse sans mal en tête du box-office. L'année suivante, il remporte quatre Goyas (l'équivalent des Césars en Espagne), dont celui du "meilleur jeune réalisateur" pour Fresnadillo et celui de la "meilleure révélation masculine" pour le comédien argentin Leonardo Sbaraglia. Puis, ni une ni deux, le voilà projeté en ouverture de la Semaine de la Critique au Festival de Cannes, avant d'être montré au public américain, là encore très réceptif.

Hélas, malgré son succès, Intacto ne semble pas avoir autant marqué les esprits que certains de ses contemporains, citons au hasard Les Autres et L'Échine du diable, sortis la même année. Heureusement, il est toujours temps de lui redonner la visibilité qu'il mérite.

 

Intacto : photo, Leonardo SbaragliaOui, il est dans un sale état, mais attendez de voir les autres

 

GOOD LUCK

Que le film s'ouvre sur une partie de blackjack fait immédiatement sens. Ne dit-on pas que la roue tourne lorsqu'il s'agit d'évoquer le capital chance de tout à chacun ? Sauf que dans ce prologue, l'avantage revient toujours au même joueur, un anonyme au crâne dégarni, accumulant les jetons sans se douter du don qui est le sien. Federico (Eusebio Poncela) arrive alors à la table de jeu, pose une main furtive sur celle du gagnant et le condamne à l'échec le coup suivant. En une poignée de plans seulement, le constat est sans appel : certains individus sont capables de s'approprier la chance des autres par le toucher. Mais le voleur n'est pas plus en sécurité que ses victimes.

Ce n'est qu'à l'issue de cette séquence d'ouverture, voyant Federico à son tour privé de son don par son mentor, alias "Le Juif" (Max von Sydow, formidablement intimidant), que le vrai héros de cette histoire, Tomas (Leonardo Sbaraglia), apparaît, seul rescapé d'un crash aérien. Grâce à la limpidité de sa mise en scène, Fresnadillo réussit d'une part à clarifier rapidement les tenants et aboutissants de son high-concept et à faire converger d'autre part, avec la même aisance, les arcs narratifs de Federico et Tomas. Sur ce point précis, on pense à Incassable de M. Night Shyamalan, qui trouvait le moyen de réunir logiquement ses deux protagonistes une fois chacun introduit de son côté.

 

Intacto : photoBienvenue dans la salle d'attente des chanceux

 

Intacto est également un pur film noir, convoquant la myriade de figures inhérentes au genre, du hors-la-loi malgré lui à la petite crapule sans envergure, en passant par le grand manitou intraitable. En optant pour cette approche, le réalisateur s'intéresse d'abord aux répercussions souterraines d'un réseau criminel agissant dans l'ombre. Exit donc le récit dystopique à échelle planétaire, il n'est question ici que d'affrontements minimalistes, clandestins, d'où une imagerie de la coulisse qui favorise l'exploration de lieux interdits ou confidentiels : le sous-sol d'un casino, l'arrière-cour d'une auberge, etc.

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commentaires
ZakmacK
29/09/2022 à 17:39

Merci pour cet article sur ce superbe film injustement oublié :)

Et paf
29/09/2022 à 12:35

La course dans la forêt était bien violente pour les malchanceux