Ken Park : quand Larry Clark fait passer Euphoria pour les Bisounours

Ange Beuque | 22 septembre 2022
Ange Beuque | 22 septembre 2022

Amateurs d’autostrangulation érotique, de suicide au skatepark et de vioques martyrisés parce qu'ils trichent au Scrabble, bienvenue chez Larry Clark, spécialiste de la dissection adolescente sans compromis. Après Kids, Another Day in Paradise et Bully, il livre avec Ken Park en 2003 le portrait-choc d'une génération étouffée dans son mal-être.

Un jeune homme juché sur son skate dévale les rues de Visalia, Californie. En fond sonore, un titre punk rock tonitruant de The Bouncing souls. Cliché cinématographique de l'adolescent savourant sa liberté ? Pas tout à fait : s'il termine bel et bien sa course au skatepark du coin, il s'assied sur une rampe, sort de son sac à dos un caméscope et un revolver et se tire en souriant une balle en pleine tête.

Il s'agit de la première scène de Ken Park et, comme le confirme le détail du caméscope, elle fait office de parfaite note d'intention : témoigner d'un profond malaise générationnel qui conduit au désespoir. D'autant qu'on apprendra par la suite qu'il s'agissait du personnage éponyme, dont la trajectoire météorique encapsule le film.

Avertissement : certaines photographies d’illustration comportent de la violence et du contenu sexuellement explicite.

 

Ken Park : James Bullard, Stephen Jasso4 jeunes pleins d'avenir (non)

 

L'adolescence dans tous ses états d'âme

Après Kids, qui a séduit Sundance et Cannes avec ses ados lancés à la chasse aux vierges, l'attraction pour le banditisme qui baignait Another Day in Paradise et le projet de meurtre au cœur de Bully, le réputé photographe Larry Clark poursuit son auscultation frontale de l'adolescence et de ses tourments.

Il s'attache cette fois aux pas de quatre protagonistes, pour autant de problématiques édifiantes : les pulsions violentes de Tate, la relation de Shawn avec la mère de sa petite amie et les pères maltraitants, dans des registres divers, de Peaches et de Claude. Ken Park ne dure qu'une heure trente et la multiplicité des personnages dilue d'autant leur temps d'écran : pas de contorsions inutiles, leur trajectoire sera celle d’une balle fendant l’air.

Pour cette coproduction états-unienne, néerlandaise et française, Larry Clark est assisté à la réalisation par Edward Lachman, qui a notamment supervisé la photographie d'un autre grand film sur le désarroi adolescent trois ans plus tôt, le Virgin Suicide de Sofia Coppola. À l'écriture, il s'adjoint les services d'Harmony Korine, déjà signataire du scénario de Kids.

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commentaires
beyond
23/09/2022 à 12:22

En 2016, le monde découvrait avec "stupeur " que David Hamilton était un pédophile alors que le mec avait passé toute sa carrière à photographier des fillettes dénudées. De très jolies photos certes. Alors on peut toujours discuter des qualités de cinéaste de Larry Clark mais sa filmographie n'en demeure pas moins douteuse pour autant. Personne ne pourra dire " on ne pouvait pas savoir."

MoiLeVrai
23/09/2022 à 10:00

Vu à sa sortie. Quelle horreur. Larry Clark est manifestement un détracté, pervers, et j'avoue que je trouve ça incroyable que les qualités de ses films (photographie, aspect immersif, acteurs bruts) puisse pour certains prendre le pas sur les defauts.

JR
22/09/2022 à 19:49

J'ai adoré son expo (je ne sais plus, au grand palais ou autre), dérangeante, mais crue, réelle. Et effectivement, il me semble que c'est sur son dernier film qu'il y a eut des histoires d'attouchements. Cela dit, son segment sur "Destricted", même si révélateur de l'état de la mentalité sexuelle du jeune américain a l'instant T, était déjà très dérangeante.

RobinDesBois
22/09/2022 à 18:29

@JR oui je me rappelle de l’interview d’un jeune acteur pour son film Français dans les Cahiers qui a été tellement écœuré par son comportement qu’il a laissé tomber le ciné.

JR
22/09/2022 à 17:17

Je rejoins Robin des bois, et dans l'ensemble, sa filmo et son travail de photographe est vraiment intéressant... N'oublions pas qu'il a franchit la ligne avec les jeunes ado...

RobinDesBois
22/09/2022 à 16:36

Vu y a un bail, dans mes souvenirs le film le plus Larry Clarkien de la filmo de Clark. C'est à dire que ça n'est pas inoubliable, pas renversant, un peu trop racoleur par moment mais ça se regarde, la photographie est plutôt jolie, ça se passe en Californie, y a des ados autodestructeurs qui s'emmerdent et qui ressemblent vraiment à des ados (alors qu'ils sont joués par des jeunes adultes), y a un peu de trash, y a pas vraiment d'histoire et on ne s'ennuie pas tout en se faisant chier un peu quand même comme les personnages. Il semble avoir écrit et réalisé ça en pilotage auto.

Beaucoup moins intéressant, beau et impactant que Bully mais les amateurs du ciné de Clark y trouvent leur compte.