The Eye : avec Ring et The Grudge, l'autre grand film de fantôme

Geoffrey Fouillet | 23 octobre 2022
Geoffrey Fouillet | 23 octobre 2022

Fantômes vengeurs et âmes en peine traversent The Eye, la ghost-story venue d'Asie qui affole la rétine et tutoie les sommets de l'horreur made in Japan.

Et si on rembobinait ? Nous sommes au début des années 2000 et la vague des films d'horreur japonais submerge les salles et les vidéoclubs du monde entier. Si le séisme commence avant le passage au nouveau millénaire, avec le succès phénoménal de Ring de Hideo Nakata, le public ne tarde pas à découvrir d'autres incontournables du genre, parmi lesquels The Grudge, Kaïro et Dark Water, lui aussi du même Nakata.

En 2002, dans le sud-est de l'Asie, entre Hong Kong et la Thaïlande, les frères Danny et Oxide Pang réalisent leur second long-métrage, The Eye, en s'inspirant d'un fait divers médiatisé des années plus tôt, impliquant le suicide d'une adolescente de 16 ans qui venait de recevoir une greffe de cornée. Pourquoi s'est-elle donné la mort ? A-t-elle vu quelque chose une fois l'opération achevée ? Des questions auxquelles les cinéastes ont voulu répondre à leur façon, à travers un film d'épouvante pensé pour le marché international et misant sur les mêmes ressorts horrifiques que ses voisins japonais.

Présenté dans plusieurs festivals dédiés au cinéma fantastique, dont Sitges et Géradmer, The Eye tape dans l'oeil des cinéphiles puis retient l'attention, à sa sortie, d'un certain Tom Cruise, qui en achète les droits de réadaptation via sa société Cruise/Wagner. Bien mal lui en a pris vu la qualité toute relative - et c'est un euphémisme - du remake américain produit par ses soins, avec Jessica Alba en tête d'affiche. Une raison supplémentaire de préférer l'original, supérieur en tous points. Mais est-ce suffisant pour trôner aux côtés des fleurons de la J-Horror ?

 

The Eye : photo, Angelica LeeParfois, il vaut mieux garder les yeux fermés

 

LA DOUBLE VUE DE MUN

Tandis que des millions d'individus vont et viennent à Hong Kong, sans prendre la peine de regarder autour d'eux, Mun (Angelica Lee), elle, ne rêve que d'une chose : voir le monde. Et pour cause, elle est aveugle. Une injustice enfin réparée quand la jeune femme subit une intervention capable de lui faire recouvrer la vue. Alors qu'elle ne distingue encore que des formes, Mun se met à percevoir d'étranges silhouettes, et bientôt, les morts lui apparaissent aussi clairement que les vivants.

En épousant la subjectivité de leur héroïne, les frères Pang créent un langage visuel riche à partir d'effets d'optique savamment dosés. L'usage du flou, omniprésent dans la première moitié du film, vient incarner cette frontière entre le visible et l'invisible, déjà représentée lors du générique de début, au cours duquel des mains anonymes s'agitent derrière une toile blanche qu'elles distendent. Impossible de ne pas voir le parallèle avec l'écran de cinéma qui, là aussi, garde à distance la fiction du réel, l'irrationnel du vraisemblable.

 

The Eye : photo, Angelica LeeLes mains qui tuent

 

Ainsi, dès lors que la mise en scène recourt au flou ou relègue hors champ l'objet de la peur, le spectateur peut se préparer à assister à d'éventuelles apparitions fantomatiques. Des procédés que les frères Pang choisissent parfois d'abandonner, rendant plus difficile à cerner la nature des différents interlocuteurs de Mun. Doit-elle croire en la réalité de ce petit garçon à la recherche de son carnet ou de cette jeune patiente atteinte d'une tumeur au cerveau ? The Eye interroge alors ce que l'on prend pour acquis et nous invite à suivre notre intuition première en l'absence d'autres repères.

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commentaires
Ray Peterson
23/08/2022 à 19:02

Un plutôt bon film que ce « The Eye”. Ok les jumpscares année 2000 sont old school mais quelques séquences savamment dosées valent le détour (le réveil au couloir, le bus (et tiens merci The Medium pour le pompage) et la fin même si bof.)

EL vous évoquez Dark Water, tellement vous avez raison sur cette période nippone fantastique qui déchirait tout.

Pour ma part bien mieux bien que Ring, mieux abouti, mieux rythmé, beau, dur, mélancolique et culte.