Thor 4, Les Gardiens de la Galaxie 3 : Taika Waititi et James Gunn sont-ils les rois chez Marvel ?

Simon Riaux | 19 juillet 2022
Simon Riaux | 19 juillet 2022

Depuis qu’il a rejoint l’écurie Marvel, et plus globalement la centrifugeuse Disney, Taika Waititi est régulièrement comparé à  James Gunn. Le réalisateur de Thor : Love and Thunder et celui des Gardiens de la Galaxie sont-ils les grands gagnants du MCU ? 

Si la quatrième aventure de Thor a démarré en trombe au box-office international, le blockbuster a subi une baisse de fréquentation tout aussi remarquable en deuxième semaine (perdant 68% de recettes). Une situation qui invite à la prudence quant à son interprétation, mais évoque autant la formidable puissance d’attraction d’un auteur aux airs de franc-tireur que la possible lassitude du public à l’égard d’une ritournelle séduisante, mais déjà essorée. 

Du coup, Waititi et Gunn sont-ils les grands gagnants de la nouvelle donne hollywoodienne ?

 

Taika Waititi : photo, Chris Hemsworth"Et là, tu mets un gros coup de marteau au bon goût"

 

À LA LETTRE OU À L’ENVERS ? 

Sur le papier, les Thor de Waititi comme les Gardiens de la Galaxie de Gunn sont de purs produits de leur temps et de la logique Disneyenne. Récits répondant en apparence aux canons de l’univers attendu où ils s’inscrivent, humour omniprésent, clins d’œil à foison, on peut les rapprocher jusque dans leur volonté de faire des films de bande, concept jusqu’alors cantonné aux réunions super-héroïques labellisées Avengers. 

Pourtant, à bien y regarder, tous deux sont parvenus à tordre le cahier des charges pour y imprimer leur empreinte. Beaucoup plus qu’un Sam Raimi, pourtant présenté comme orchestrant une vibration horrifique au sein de Doctor Sieste and Multiverse of Boredness, cantonné à agiter mollement une poignée de citations décontextualisées et techniquement embarrassantes. 

 

Thor : Love and Thunder : photoHéroïque fantaisie

 

Quelques secondes de visionnage permettent de saisir à quel point les deux réalisateurs ont injecté leur humour, leur dinguerie respective au sein de leurs commandes respectives. Et si on a un temps glosé sur leur manque de style, c’était sans doute aller un peu vite en besogne. Alors que les affiches de Thor 4 sont encore visibles partout, impossible de ne pas y observer une nuée d'hommages aux productions typiquement eighties comme Les Maîtres de l'UniversDar l'invincible, Labyrinthe ou encore Krull. Des références dont on pourra se dire qu'elles collent avec la gangue de nostalgie contemporaine, mais qui sont en réalité plutôt à contre-courant de ce que les grands studios vendent et usent comme produits d'appels.

Dans le réseau d'influence de Waititi, en revanche, il faut voir là une signature évidente, tant le metteur en scène fait partie de ces artistes qui s'évertuent à redisposer les jalons de la pop culture, pas tant pour les révérer que pour trouver des soubresauts d'inspiration derrière les Madeleine de Proust de plusieurs générations.

 

Thor : Ragnarok : Photo Taika Waititi"Et on dit que ton personnage est redevenu débile"

 

UNE CERTAINE IDÉE DU LOL 

Marvel a toujours veillé, jusque dans le sommet dramaturgique Endgame, à ne jamais se départir de l’humour apparu dans Iron Man, et consacré définitivement avec la réussite du premier Avengers. Et une fraction du public y vit une manière souvent grossière de refuser toute forme de dramatisation. 

Chez les deux cinéastes qui nous intéressent, une tout autre logique règne. Thor : Ragnarok, Thor : Love and Thunder, aussi bien que Les Gardiens de la galaxie 1 et 2 ne sont pas des films de genre que l’humour vient pirater. Ce sont des comédies, auxquelles sont greffés ici et là des concepts empruntés à telle ou telle période du cinéma américain. 

Cet équilibrage a un effet immédiat : laisser affleurer la patte de ses auteurs. Qu’il s’agisse d’une sorte de naïveté qui évoque les films de cape et d’épée d’Errol Flynn, quand le dieu Asgardien apparaît sous les traits de Chris Hemsworth, ou l’héritage de tout un pan du western dès que la mauvaise troupe de Quill se fédère, un certain rapport de Waititi et Gunn au médium cinéma devient visible. 

 

Brightburn : L'Enfant du mal : photo, James Gunn"Twitter mon vieil ennemi"

 

Si – en apparence – le duo ne discute pas le programme esthétique du studio, dans le tempo des dialogues, ou encore la caractérisation des personnages, chacun trouve un espace qu’il peut investir. Et c’est peut-être la raison pour laquelle jusque dans leur promotion, ces deux univers sont apparus (et demeurent) instantanément distinctifs du reste du MCU. 

D’ailleurs, il suffit d’entendre, dans Love and Thunder, la voix du metteur en scène prendre possession du récit pour bien saisir combien il donne le change au studio, en conservant une part de contrôle inattendue. Il en va de même pour Gunn quand il parvient à faire de ses protagonistes une galerie de névrotiques toxiques, mais incapables de vivre les uns sans les autres, qu’il peut rendre sympathiques, jusque dans leurs excès meurtriers (l’évasion sifflée des Gardiens 2 demeure un des plus sidérants carnages jamais vus dans un long-métrage estampillé Disney). 

 

The Suicide Squad : photo, Nathan FillionSe mettre en quatre pour le cinéma

 

DU LORE ENTRE LES DOIGTS ? 

Usant de la blagounette comme méthode d’abordage, tous deux ont développé un rapport particulier au leg des grands œuvres de la Maison des Idées. Si Disney a logiquement commencé par miser sur des personnages célèbres, tels Iron man, Captain America ou Hulk, les deux réalisateurs ont poussé le MCU dans une direction en prise avec les comics, mais considérée traditionnellement par Hollywood et beaucoup d’acteurs de l’industrie comme une impasse kitsch. 

Il s’agit bien sûr de la dimension cosmique des récits, dont les travaux de Jack Kirby et leur versant psychédélique constituent encore aujourd’hui une des plus épatantes trouvailles plastiques de toute l’histoire de l’éditeur. Pour autant, il s’agit d’une matière visuelle fissible, difficile à adapter, et qui peut virer au ridicule de la plus cuisante des manières (Green Lantern s’en souvient encore). 

 

Thor : Ragnarok : Photo , Taika Waititi"Et là, l'ancien agent de Ryan Reynolds sort de la poubelle pour aspirer ton âme"

 

Mais qu’il s’agisse de la multitude de lieux, d’accessoires, et de vaisseaux dans Les Gardiens premier du nom, ou d’êtres intergalactiques transcendant les notions de corps, aux proportions simultanément intimes ou célestes, ou de la tonalité Flash Gordonienne assumée de Ragnarok, tous ces films sont presque seuls à explorer des couches adorées de ces univers, et à le faire avec un art un sens de l’équilibre qui leur permet de se distinguer instantanément. 

En témoigne le climax des Eternels, et ses difficultés à donner un semblant d’ampleur, ou plutôt de vertige cosmique, aux enjeux qu’il agite. Ce n’est finalement qu’en recyclant la bonne vieille grammaire du gigantisme que Chloé Zhao pourra sauver les meubles. Et si sur le papier c’est bien elle qui peut se targuer d’avoir une patte cinématographique extrêmement travaillée, Gunn et Waititi, eux, auront forgé chacun la leur en se confrontant à un des plus périlleux défis du MCU.

Ce n'est sans doute pas un hasard si le héros asgardien s'est aussi naturellement greffé aux Gardiens, et que sa nouvelle épopée s'ouvre sur une longue scène de collaboration entre ces différents protagonistes. 

 

Brightburn : L'Enfant du mal : photo, James Gunn"Il ne peut plus rien nous arriver d'affreux, maintenant"

 

PLUS FORTS QUE LE SYSTÈME ? 

L’autre particularité des deux artistes tient dans leur capacité à détourner ou dominer les courants contraires d’un espace médiatique, ou communicationnel, qui semble souvent en mesure de broyer purement et simplement quiconque nage à contre-courant. C’est particulièrement vrai dans le cas de James Gunn, qui est revenu en grâce auprès de Disney, après avoir été éparpillé façon puzzle. 

Actif sur les réseaux sociaux, où il attaque, parfois violemment, l’extrême-droite américaine, ainsi que les soutiens de Donald Trump, le cinéaste sera la cible d’un troll droitier, qui va remettre à jour de vieux messages de l’intéressé, volontairement odieux et censés cristallisés les pires horreurs pouvant être engendrées par le mauvais goût. Et le 20 juillet 2018, les Internets s’enflamment. Ni une ni deux, une petite armada de trolls et de sincères internautes trépanés l’accuseront simultanément de racisme et de pédophilie, et Disney annoncera se séparer du metteur en scène. 

 

Thor : Love and Thunder : photo, Russell CroweSupplément de Zeus

 

Moins d’un an plus tard, l’embauche du trublion par Warner qui lui confie la résurrection de sa Suicide Squad, une gestion sans acrimonie de la crise par celui-ci, et l’agacement d’une fan base qui n’a pas mordu à l’hameçon, tonton Mickey rétropédale pour repositionner James Gunn en tant que réalisateur des Gardiens de la Galaxie 3. Une décision qui le met indiscutablement en position de force, tout comme elle le sacralise presque dans une position auteurisante, en cela qu’il apparaît comme le seul capable de diriger une sous-franchise, dont il est alors impensable qu’elle ne porte pas sa marque.

Si Waititi n’a pas eu à affronter de semblable tornade, force est de constater que le réalisateur semble bien plus libre que ses collègues lors de la promotion des épisodes de Thor. La preuve avec ses récentes sorties concernant les director’s cut, ou l’avalanche supposée de séquences jamais finalisées ou montées de Love and Thunder. On pourra également se demander si ses critiques pas franchement voilées quant aux finitions du film, en matière de montage et de VFX, ne témoignent pas en creux de la relative liberté dont il bénéficie.

 

Thor : Love and Thunder : photo, Chris Pratt, Chris Hemsworth, Pom KlementieffUn vrai défilé de mode barbare

 

De même, il n’y a pas si longtemps, le mini-scandale numérique engendré par le dévoilement de photos plus ou moins volées, où le metteur en scène échangeait (plus ou moins) des fluides avec Tessa Thompson et sa future femme Rita Ora a été balayé avec un dilettantisme étonnant par le trio. Il n’y a pas si longtemps, ce type d’images et les commentaires afférant auraient eu pour effet de voir les concernés bannis de la maison Disney.

Mais le metteur en scène n’a même pas eu à feindre de concéder des torts, puisque Thor a ses faveurs.

 

The Suicide Squad : photoUn destin pas évident

 

VERS UNE PARENTHÈSE DÉSENCHANTÉE ?    

Pour autant, ce statut demeure fragile, pour ne pas dire friable. On a constaté par le passé que même le succès pouvait ne pas préserver un auteur au sein de l’écurie Mickey. Bien des artisans de Star Wars en ont fait les frais, et chez Marvel, ni Scott Derrickson, ni Anna Boden, ni Ryan Fleck, ni Shane Black ne sont plus là pour dire le contraire.  

Par conséquent, après le bide de The Suicide Squad et une première saison de Peacemaker saluée par la critique, mais amputée par HBO Max, dont le succès était balbutiant dans les rares territoires ayant accès à la plateforme lors de sa mise en ligne, n’ont pu que limiter le pouvoir de James Gunn. Pour aimé et soutenu qu’il soit, le réalisateur sait forcément que son statut est désormais intrinsèquement lié au succès de son prochain Gardiens, et qu’une réussite en demi-teinte serait déjà un échec cinglant. 

 

Thor : Love and Thunder : photo, Natalie PortmanNatalie porte mal le marteau

 

Du côté de Taika Waititi, malgré un démarrage phénoménal, Love and Thunder accuse le coup d’une baisse de fréquentation frôlant les 70% dès sa deuxième semaine d’exploitation sur le sol américain. En l’état, difficile d'imaginer le blockbuster dépasser les 700 millions au box-office international, a fortiori alors que la Chine a décidé de ne plus laisser les héros marvelliens passer la douane. 

Malgré un beau démarrage, le budget du film avoisinerait les 250 millions de dollars hors promotion, ce qui rend de fait sa rentabilité un sujet épineux. Disney y verra-t-il un signe des temps, d’une érosion de la salle obscure plus que compensée par son rouleau compresseur Disney+, ou la marque d’un fléchissement dans la vista de Taika Waititi ? 

Il est impossible de prédire comment Gunn et Waititi seront en mesure de se maintenir au sein du MCU, ni même de savoir s’ils le désirent ardemment. Le second devra néanmoins y évoluer avec un certain doigté, s’il veut pouvoir réaliser un jour le Star Wars annoncé il y a quelques mois, toujours en quête d’une date de tournage. À moins que l’adaptation de L’incal soit, pour lui, une priorité.

Tout savoir sur Thor : Love and Thunder

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commentaires
Rastan999
21/07/2022 à 08:19

Je viens de voir Thor 4. Je dois bien avouer que le film est vraiment mauvais. Pire que Thor 2. Et pourtant le potentiel était là avec Gorr, Jane/Thor mais quel ratage: Les gardiens de la galaxie relégués en simple figurant encombrant, des blagues lourdes tout le temps, des allusions sexuelles relou hyper présentes et des clichés Bienséants en veux tu en voila pour se donner bonne conscience, un Thor à la fois megalo, pleurnichard, et maladroit, un stormbreaker jaloux de moljnir à qui Thor fait boire une bière (affligeant!)...
Et que dire de Zeus et de son accent en VO!

Bref, si pirates des Caraïbes était une attraction devenue film, la on a un film transformé en attraction (il n’y qu’à voir ce que devient Asgard et son peuple qui perdent tout intérêt).

Attendons de voir la performance de James Gunn pour les gardiens 3. Je crains le pire

rientintinchti2
20/07/2022 à 13:08

Faux!
Les valeurs sures c'est tous les pigeons qui se ruent en masse pour mater ces nullités abrutissantes.
Picoti picota

Kyle Reese
20/07/2022 à 12:00

« Mixe pop » et non lux. ^^

Kyle Reese
20/07/2022 à 11:58

Mise en parallèle Intéressante de ces 2 réalisateurs. Gunn est bien plus inspiré niveau mise en scène. Il a une sacré maîtrise de la caméra, une bonne science du montage et de l’action crescendo avec un dosage d’humour quasi parfait. Son Suicide Quad est excellent à ce niveau. Le problème du film ne vient pas de là. Je pense d’ailleurs sûrement le réévaluer complètement à la hausse après une futur seconde vision maintenant que je sais ce que c’est que le thème
Suicide Quad et que j’ai beaucoup aimé Peacemaker.
J’adore les Gardiens, c’est ce qui était arrivé de mieux au MCU à l’époque.
Maintenant qu’ils sont un peu noyé dans le bordel Marvel et qu’ils ont perdue des plumes je suis très curieux de ce que Gunn va nous proposer, je pense qu’il aura su drame, des émotions et des larmes.
De Marvel depuis End Game seul Les Éternels ont pu sortir du lot et je regrette de ne pas les avoir vu aux ciné.

Pour Waitiki je ne sais pas trop.
J’avais bcq aimé sont Thor 3 parce que ça changeait et les 2 précédents Thor étaient nazes, à la fois trop kitch,
Le costume, trop sérieux, trop chiant. Son Thor était un lux assez réussi d’action pop, fun, decomplexé mais avec des enjeux clairs et bien vu.
Son Jojo Rabbit était un ovni assez étonnant. Mais son Thor 4 ne me
dit absolument rien … et c’est pas’ grave. Alors que j’irais voir les Gardiens pour leur derniers tour de piste les yeux fermés.

Emperor Rayan, bot Dinsey+ LGBTQIENAZE-
20/07/2022 à 10:33

Disney est une sorte de pierre philosophale qui ne transforme rien en or mais tout en merde. Voilà, y'a pas photo .

Disney ne produit ni films ni séries, juste des bande-annonces de plusieurs heures pour promotionner d'autres bande-annonces qui elles-mêmes font la promotion d'autres bande-annonces et ainsi de suite.

Le spectateur est dans l'attente perpétuel d'une promesse qui jamais ne se réalisera, comme une caresse qui jamais ne se transforme en orgasme et n'a pour fonction que de maintenir l'excitation.

Au final tout le monde en ressortira frustré mais en attendant, comme une starup, le combo Disney-Marvel engrange une méga valorisation boursière fondée sur des promesses ...

Momo
20/07/2022 à 08:21

@Vrakar : Ce qui est le plus fascinant pour moi est qu'il déteste quasiment tout de Ecran large, et i revient trjs .. Niveau masochisme il a un sacré niveau..

vrakar
20/07/2022 à 00:16

J'adore les versions multiversiels de rayan et de ses avatars.
Cela prouve que notre monde est vraiment à chier.

Nyl
19/07/2022 à 22:19

Ça y est. Rayan a pété les plombs. Quelqu'un peut faire venir les toubibs ? C'est urgent!

emperorkouado DZ
19/07/2022 à 21:27

Disney est une sorte de pierre philosophale qui ne transforme rien en or mais tout en merde. Voilà, y'a pas photo.

Disney ne produit ni films ni séries, juste des bande-annonces de plusieurs heures pour promotionner d'autres bande-annonces qui elles-mêmes font la promotion d'autres bande-annonces et ainsi de suite.

Le spectateur est dans l'attente perpétuel d'une promesse qui jamais ne se réalisera, comme une caresse qui jamais ne se transforme en orgasme et n'a pour fonction que de maintenir l'excitation.

Au final tout le monde en ressortira frustré mais en attendant, comme une starup, le combo Disney-Marvel engrange une méga valorisation boursière fondée sur des promesses ...

Taika Waititi
19/07/2022 à 21:23

@Bob : Disney est une sorte de pierre philosophale qui ne transforme rien en or mais tout en merde.

Disney ne produit ni films ni séries, juste des bande-annonces de plusieurs heures pour promotionner d'autres bande-annonces qui elles-mêmes font la promotion d'autres bande-annonces et ainsi de suite.

Le spectateur est dans l'attente perpétuel d'une promesse qui jamais ne se réalisera, comme une caresse qui jamais ne se transforme en orgasme et n'a pour fonction que de maintenir l'excitation.

Au final tout le monde en ressortira frustré mais en attendant, comme une starup, le combo Disney-Marvel engrange une méga valorisation boursière fondée sur des promesses ...

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