Dressé pour tuer : la version violente et politique de L’incroyable Voyage

Simon Riaux | 17 juillet 2022
Simon Riaux | 17 juillet 2022

Quand Samuel Fuller réalise Dressé pour tuer à partir d'un texte de Romain Gary, vous pouvez oublier CujoLassie et Beethoven. C'est l'heure de prendre une grosse claque.

N'en déplaise aux plus inquiets des commentateurs, le cinéma et à fortiori le cinéma américain, n'a pas attendu les années 2010 pour se questionner sur le racisme. En témoigne un des derniers films de Samuel Fuller, Dressé pour tuer, adapté en 1982 d'un texte sulfureux de Romain Gary, qui s'empare avec une puissance rare du sujet, et le traite avec une audace formelle et thématique aussi rare que troublante.

Hier comme aujourd'hui, le sujet était aussi grave que source d'emportements. En effet, malgré une réussite cinématographique indiscutable, le long-métrage du maître est longtemps demeuré invisible dans son pays d'origine, après avoir été carrément privé de sortie par son distributeur. Alors que son héritage demeure vif et que quantité de créateurs y font encore référence, jusqu'à Kornél Mundruczó et son épatant White God (référence au titre original de Fuller, White Dog), il était urgent de se replonger sur ce long-métrage.

 

Dressé pour tuer : photoUn compagnon corrompu

 

HISTOIRE DE LA VIOLENCE

Julie est une aspirante comédienne, vivant à Los Angeles. Un beau jour, elle découvre un magnifique chien errant, qui ne tarde pas à se révéler un précieux compagnon. Mais le canidé complice n'est pas seulement un animal marqué par des temps difficiles. Après une série d'agressions plus terribles les unes que les autres, l'actrice doit se rendre à l'évidence : le chien a été dressé pour attaquer, et attaquer les noirs. Désespérant de réussir à inverser ce terrible processus de dressage, elle se tourne vers Carruthers, propriétaire d'un abri, lequel sert aussi de lieu de dressage pour les nombreux animaux que requiert l'industrie hollywoodienne.

Julie y découvre une horreur qu'elle ne soupçonnait pas. Son chien n'est pas simplement un chien d'attaque dressé par quelque fou furieux inconséquent. C'est un "white dog", programmé depuis sa naissance pour être le prolongement animal du programme du Klu klux klan. Au sein de l'établissement de Carruthers, un dresseur noir prend cette question particulièrement à coeur, s'étant juré parvenir à "guérir" un white dog. Commence alors un processus rien moins qu'incertain.

 

Dressé pour tuer : photoRantanplan s'énerve

 

Dernier film américain de Samuel Fuller et expérience particulièrement douloureuse pour lui (il s'exilera après sa sortie avortée pour l'Europe), Dressé pour tuer impressionne en cela qu'il condense tout le savoir-faire d'un artiste au parcours exceptionnel. Devenu à 17 ans le plus jeune chef de rubrique de l'histoire du Sun de San Diego, il s'y consacre aux affaires criminelles, ce qui lui permet de voyager notamment dans le sud des Etats-Unis. Il écrit en parallèle des nouvelles, puis collabore à divers scénarios et parvient au cours des années 30 à publier ses premiers romans dans diverses publications accueillant des pulps.

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commentaires
L'indien Zarbi.
18/07/2022 à 12:36

Magnifique.

Rakis
17/07/2022 à 22:56

Vu au ciné Art et Essais de ma ville il y a quelques années, soirée unique avec présentation et débat, un grand moment de cinéma. Je repense souvent à certaines scènes du film, au fait que l'on a beau se battre pour changer les mentalités (chien élevé à des fins racistes et extrêmes), rien n'y fait. L'alliance entre la jeune femme blanche et le dresseur noir, leur obstination, sont d'une puissance rare.

Brad Eastwood
17/07/2022 à 17:36

J'imagine si un jour un remake de ce film sort, vu la mentalité actuelle...

Dario 2 Palma
17/07/2022 à 16:42

A Indy75:

"Un film qui va à l'essentiel que j'ai découvert il y a quelques années seulement. Rien à jeter dans ces 90 minutes. Chef d'œuvre pour ma part."

Oui c'est ça aussi la beauté du film, de Fuller et de la grande série B en général, sa durée raisonnable...encore plus précieuse à notre époque où tant de films s'épanchent laborieusement sur 2h30-3heures! Ici Fuller fonce, va à l''essentiel, pas de longs dialogues explicatifs, de discours moralisateur ou consensuel, tout passe par la mise en scène...c'est juste admirable.

indy75
17/07/2022 à 13:47

Un film qui va à l'essentiel que j'ai découvert il y a quelques années seulement. Rien à jeter dans ces 90 minutes. Chef d'œuvre pour ma part.

alulu
17/07/2022 à 13:30

Vu sur Paramount channel ce American History X en mode canigou , j'ai pas trop kiffé.

Flash
17/07/2022 à 12:34

Je me rends compte que je n’ai jamais vu ce film.
A corriger rapidement !

Kyle Reese
17/07/2022 à 11:01

Le genre de film qui secoue et marque longtemps. Qu’un aussi bel animal puisse être utilisé comme une arme de haine c’est aussi cruel qu’abject. Le KKK et consœur , la connerie humaine a l’état pure.

Un certain cinéma qui se fait de plus en plus rare de nos jours, ou alors n’est-ce qu’une impression …

Dario 2 Palma
17/07/2022 à 10:28

Découvert sur Canal + à la fin des années 80...une énorme claque!!
Un grand film, tellement triste et douloureux, d'une puissance émotionnelle terrassante...les images de Fuller et la musique de Morricone sont inoubliables...un film indispensable. L'absence de Blu Ray/Dvd français est très regrettable, d'autant plus que le film était ressorti restauré en salle il y a quelques années dans une copie impeccable (puis ensuite diffusé sur Arte).