Jumper : pourquoi le film avec Hayden Christensen reste une petite catastrophe

Axelle Vacher | 18 juillet 2022 - MAJ : 18/07/2022 16:32
Axelle Vacher | 18 juillet 2022 - MAJ : 18/07/2022 16:32

Annoncé comme le gros blockbuster SF de 2008, Jumper, avec Hayden Christensen, s'est finalement cassé les dents à sa sortie. Retour sur un phénomène condamné à l'échec. 

Adapté du roman homonyme de l’auteur Steven Gould, Jumper fait le récit de David Rice, un adolescent qui, suite à un accident tragique, découvre qu’il a la capacité de se déplacer n’importe où dans l’espace. Mais comme on n'est pas chez Marvel, ce dernier n'utilise pas tant ses nouveaux pouvoirs en vue de servir son prochain, mais plutôt de multiplier les braquages de banques et mener la grande vie. 

Fort d'une intrigue mi-ridicule mi-attrayante, réalisé par le dégourdi Doug Liman (La Mémoire dans la peau, Mr. & Mrs. Smith), et porté par Hayden Christensen, tête d'affiche de la prélogie Star Wars, Jumper s'annonçait donc comme un succès garanti. Mais que nenni. Alors que toute une franchise se profilait derrière la réussite anticipée du métrage, de modestes performances au box-office et une réception critique désastreuse ont à jamais enterré tout projet subséquent, et promptement plongé Jumper dans l'oubli. À vrai dire, seul.es les soupirant.es de Kristen Stewart concèdent encore à revisiter le métrage à leurs heures perdues (ah, les choses que l'on fait par amour).

Mais alors, comment diable Jumper a-t-il réussi à se rendre coupable d’un naufrage pareil ? On se propose de revenir sur le gros bordel que fut la production du métrage, soit, un condensé de diverses péripéties en coulisse, et un sympathique manquement à la tâche que même le réalisateur reconnait. 

 

 

PHoto Afffiche Jumper

 

 

AVANT LE COMMENCEMENT, LE CHAOS 

On retrouve ainsi à la barre de ce triste métrage le suscité Doug Liman, lequel compte à son actif une petite poignée de succès critiques et commerciaux tels que La Mémoire dans la peau, Mr. & Mrs. Smith, ou plus récemment, le blockbuster SF Edge of Tomorrow, gaillardement porté par Tom Cruise.  

Côté scénario, Jim Uhls, à qui l’on doit notamment l’adaptation scénaristique de Fight Club pour David Fincher, se voit attribuer le crédit principal. Pour ce qui est du casting de tête enfin, Hayden Christensen, star déchue dont il s’agirait de ne plus se moquer, se voit confier le rôle-titre aux côtés de Rachel Bilson, Jamie Bell, et Samuel L. Jackson. Derrière cette sympathique distribution se terre néanmoins les germes d’un vaste capharnaüm.

 

Jumper : Photo Rachel Bilson"Naufrage en vue, je répète, naufrage en vue"

 

En novembre 2005, la société de production New Regency Production engage donc officiellement Liman afin de diriger l’adaptation du tout premier roman de Steven Gould, paru en 1992. Jim Uhls est engagé à sa suite afin de retravailler un premier scénario de David S. Goyer, à qui l’on doit notamment les scénarios de Dark City, ou Batman Begins.

Toutefois, peu convaincu par cette première réécriture, Liman requiert une nouvelle révision, assistée par le scénariste et producteur Simon Kinberg, avec lequel il avait déjà eu l’occasion de collaborer sur Mr. & Mrs. Smith. Dès ses débuts, le scénario passe donc entre de nombreuses mains, et accuse le coup de moult réécritures. Mais qu’à cela ne tienne, la production progresse gaillardement, et rapidement, un premier casting est révélé au public.  

 

Fight Club : Photo Edward Norton, Brad PittCarrière en dents de scie

 

et si dark vador pouvait se téléporter ?

En avril 2006, les acteurs Tom Sturridge (à l’époque déjà aperçu aux côtés de Toni Collette et Eddie Redmayne à l’affiche de Like Minds), Teresa Palmer (laquelle a été observée dans le drame australien 2:37) et Jamie Bell (révélé au grand public pour son interprétation de Billy Elliot dans le métrage éponyme) sont annoncés comme le trio de tête. 

Mais peu après l’annonce finalement précoce du casting principal, la production accuse un premier temps d’arrêt en juin 2006. En effet, le producteur Tom Rothman (oui, le fondateur de Fox Searchlight Pictures) suggère à Liman de vieillir les personnages (lesquels sont censés avoir 18 ans) en vue de rendre le métrage attractif à une audience plus âgée, et subséquemment, plus large. Un changement qui, malheureusement pour Sturridge et Palmer, impliquera qu’ils soient tous deux remplacés au profit de comédiens certes plus vieux, mais surtout, plus populaires. 

Ainsi, à deux semaines seulement du tournage, Hayden Christensen, fraichement libéré de la tristement célèbre prélogie Star Wars, reprend le rôle-titre, tandis que Rachel Bilson, principalement connue pour avoir interprété Summer Roberts dans la série adolescente Newport Beach, est choisie pour succéder à une Teresa Palmer dévastée. Fatalement, ce changement entraine pour le récit une nouvelle vague de réécritures, et sous les conseils de Rothman, Liman développe au pied levé un segment romantique plus abouti entre David et Millie. 

 

Jumper : photo, Rachel Bilson, Hayden ChristensenAu moins l'alchimie n'était pas mauvaise

 

tournage des enfers

Le nouveau casting tout trouvé, les caméras sont désormais prêtes à tourner. En vue de donner la part belle aux capacités de téléportation de son protagoniste, Jumper profite d'un plan de tournage réparti à travers 14 pays différents. Un parti pris coûteux, lequel aurait dû garantir au métrage une trame narrative dynamique, sous-tendue par une poignée de visuels spectaculaires. Et pourtant, la multiplicité des décors ne sera finalement nullement appréciable au spectateur tant le montage final n'en fera pas grand cas.

Un fait d'autant plus regrettable que ce tournage étalé aux quatre coins du monde est bien loin de s'être déroulé sans incident. En janvier 2007, le décorateur David Ritchie trouve la mort alors qu'il s'attèle à démonter un mur de sable et de terre gelé par l'hiver canadien. Une pelleteuse ayant heurté le décor extérieur en aurait fragilisé la structure, entrainant une chute de plusieurs tonnes de gravats sur l'homme et son équipe, tuant le premier sur le coup, et hospitalisant un autre technicien pour de sérieuses blessures à la tête.

Sur une note moins tragique, mais pas moins préoccupante, Hayden Christensen souffrira pour sa part moult blessures. Un rapide coup d'oeil à la filmographie de Doug Liman suffit à établir combien le cinéaste est friand de scènes d'action, et se plait à en agrémenter généreusement ses métrages. Par souci d'authenticité toutefois, ce dernier aurait exigé de son acteur principal qu'il réalise lui-même une majorité de ses cascades. N'est cependant pas Tom Cruise qui veut, et Christensen récoltera de cette fantaisie une lésion à la main, une déchirure de l'oreille, et une inflammation de la pupille qui nécessitera un petit séjour aux urgences.

 

Jumper : Photo Hayden ChristensenIl faut souffrir pour son art, Hayden

 

"Je hais les jumpers"

De l'aveu de Doug Liman lui-même, Jumper est un film malade. Dans un entretien accordé à Collider en 2018, le cinéaste a confié sans y aller par quatre chemins avoir perdu le cap de son métrage, et s'être laissé dépasser par ses propres ambitions. Fort d'un certain esprit de contradiction, Liman souhaitait initialement prendre le contrepied des codes habituels du genre :

"Quand j'ai dirigé Jumper, j'ai eu envie de réaliser un film de super-héros où le personnage ne devient pas un superhéros. Il a bien des habilités surnaturelles, mais il les utilise plutôt pour se sauver lui-même, pas pour sauver la demoiselle en détresse. [...] Et puis il arrive un moment où on réalise que, si les clichés existent, c'est parce qu'ils fonctionnent, et je me suis rendu compte que j'avais intentionnellement dépourvu le film de quelque chose qui marche pour en faire quelque chose de plus expérimental."

 

Jumper : photo, Jamie Bell"Oui bonjour, je suis l'élément sympa du film, oui, voilà, de rien"

 

Une volonté de contre-emploi qui se ressent bel et bien au visionnage, mais participe malheureusement au caractère bancal et éparpillé de son intrigue. De fait, le métrage manque cruellement d'enjeux, et se répond d'une trame scénaristique insipide aux retors perpétuellement inexploités. Sans direction, objectifs ou arc narratifs bien définis auxquels se raccrocher, les personnages se laissent quant à eux porter sans jamais déployer le moindre capital sympathie (exception faite de Griffin, coeur sur lui), ni même développer le minimum syndical de personnalité.

Plus encore qu'un métrage gentiment raté, Jumper est avant tout un acte manqué pour New Regency Production. En effet, les studios aspiraient avant tout à développer une franchise, laquelle aurait dû comprendre de multiples itérations. Ces diverses suites auraient ainsi pu étendre les habilités des jumpers à grands coups de téléportation interplanétaire et autres voyages dans le temps, ce qui, bien mené, aurait donné lieu à une oeuvre SF intéressante. Mais ainsi va la vie.

Tout savoir sur Jumper

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commentaires
Mickey
20/07/2022 à 16:36

Le film a donné lieu à une sympathique série reboot : Impulse
https://fr.wikipedia.org/wiki/Impulse_(s%C3%A9rie_t%C3%A9l%C3%A9vis%C3%A9e)

Malheureusement, étant l'une des premières (et seule?) séries Youtube Premium (oui, rappelez-vous cette époque où YT se voyait concurant sérieux du gros N rouge...), elle a été annulé après sa 2nde saison.

OyBoY'
20/07/2022 à 01:58

Malgré tout ses défauts, il reste parmi mes films favoris, je l'adore.

Venger
19/07/2022 à 23:24

Franchement, j ai bien apprécier le film, j'ai trouver dommage que il n y ai pas de suite.

Shim
19/07/2022 à 19:40

Le film a beau être foiré, je le regarde à chaque fois qu'il passe à la télé.

Robertrob
19/07/2022 à 19:29

Pour ma part vu au cinoche j'avais adoré !

Dadoum Dadoum
19/07/2022 à 00:20

Le film n'est pas si mauvais, il est même distrayant par moment. Par contre c'est une adaptation très libre du livre qui lui est autrement plus intéressant.

Doug
19/07/2022 à 00:04

Doug Liman c'est un peu comme Martin Campbell, très compétent mais capable de contorsions abominables.

Gogocenseur
18/07/2022 à 23:54

Et dire que ce film est meilleur que tout le mcu

Peter Petrelli
18/07/2022 à 22:08

D'accord avec toi Ano. J'ai bien aimé ce film et j'aurais voulu une suite!

Ano
18/07/2022 à 19:50

Personnellement, j’avait apprécié le film pour ce qu’il était, un film d’action sympathique. Dommage qu’il n’y ait pas eu de suites.