Le Festin nu : quand Cronenberg fait passer Las Vegas Parano pour un Disney

Simon Riaux | 5 juin 2022
Simon Riaux | 5 juin 2022

S’il est reparti bredouille du 75e Festival de Cannes, David Cronenberg y a néanmoins opéré un retour apprécié des spectateurs et de la critique. L’occasion de revenir sur Le festin nu, qui est peut-être le film le plus fou de son auteur. 

De David Cronenberg, les uns retiennent la veine furibarde du body horror, les autres ses autopsies auteurisantes de la psyché humaine, de son rapport à la violence. Deux branches de sa filmographie, présentes depuis ses débuts, qu’il a réussi à réunir dans Les Crimes du futur. Mais bien avant de devenir un des chouchous de la Croisette, le metteur en scène canadien était déjà parvenu à explorer son amour de l’horreur viscérale aussi bien que son goût pour les vertiges intellectuels

Passionnante hybridation entre les obsessions du réalisateur et celle d’un de ses écrivains préférés, Le festin Nu n’est sans doute pas son œuvre la plus reconnue. Elle n’en constitue pas moins un jalon parmi les plus importants de sa carrière. Et pour bien comprendre comment le long-métrage s’est imposé comme une exploration importante d’un monument littéraire américain, mais aussi une auscultation décomplexée de la toxicomanie, il faut revenir aux inventions vénéneuses d’un William S. Burroughs

 

Le Festin nu : photoBonjour, petit scarabée !

 

MACHINE PAS SI MOLLE 

À première vue, Le festin Nu narre les mésaventures de Bill Lee. Dératiseur pour le compte d’une bien étrange entreprise, dont les employés, dont ce bon Bill, ont la fâcheuse tendance à se shooter avec les produits chimiques destinés à la vermine, il perd progressivement pied. Au point de tuer sa femme (plus ou moins) involontairement. Un crime qui lui vaudra de se retrouver impliqué dans un vaste complot international, ourdi par des insectes géants et bipèdes sécrétant de curieux fluides séminaux. 

Voilà déjà un sacré morceau, que traduire à l’écran n’a rien d’une sinécure. Mais il faut se pencher sur le roman culte éponyme pour mieux saisir l’ambition folle de David Cronenberg. William Seward Burroughs naît dans une famille bourgeoise, à Saint-Louis, en 1914. Après des études de médecine, il bifurque vers des études de littérature, qu’il poursuit à Harvard, dont il sort diplômé en 1936. Ce parcours ne le satisfera guère, mais le laissera passionné par la médecine, les altérations de l’esprit induites par la neurologie, l’usage de différentes drogues et bien sûr... les lettres.  

 

Le Festin nu : photo, Peter WellerBienvenue dans l'Interzone

 

Un cocktail détonnant pour ce jeune urbain, qui ne tardera pas à aller tenter sa chance à New York. Il y travaille comme détective privé, et ne craint pas de s’acoquiner avec la pègre. Parallèlement, il partage l’essentiel de son temps (et de sa colocation) avec Jack Kerouack et Allen Ginsberg, qui formeront quelques années plus tard la première ligne de la beat generation. L’homosexualité n’étant guère en odeur de sainteté aux États-Unis, Burroughs se marie à Joan Vollmer, qui évolue dans ce même cercle littéraire et comptera parmi ses principales inspiratrices. 

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commentaires
taffey lewis
06/06/2022 à 10:28

Le moment dans la carrière de Cronenberg où il devient pénible.
(déjà des prémices : Faux-Semblants, même si J. Irons est incroyable.)
Probablement due au fait de sa recherche de reconnaissance par la critique.
Il devient un Auteur mais plus un réalisateur de films d'horreur (pour aller vite).
Il fait des films plus fous mais moins portés vers l'horreur, plus portés sur la folie intellectuelle.
En résulte des films plus "respectables" (pour Télérama, Le Monde, Libération et consort) mais moins passionnants pour ceux qui avaient adoré Scanners, Dead Zone, Parasite, Chromosomes 3, Vidéodrome, ou The Fly.
Il gagne en estime ce qu'il perd en sauvagerie, body-horror comme on le dit maintenant...
Même si quelques films gardent cette hargne (A History Of Violence, Crash...) ses films quittent les écrans d'Avoriaz, du festival de Paris pour rejoindre ceux de Cannes ou des Oscars.
Je n'en attends plus grand chose, mais ce qui est certain, c'est qu'il a ouvert une porte, donné naissance à un genre dans la fin 70's début 80's, et rien que pour ça, il mérite sa couronne.