La double vie de Véronique : c'est comme Amélie Poulain, mais en génial (et polonais)

Simon Riaux | 1 mai 2022
Simon Riaux | 1 mai 2022

La double vie de Véronique est un sommet des années 90 à redécouvrir, pour son influence formelle sur le cinéma international et français, mais aussi pour sa folle étrangeté.

Se prénommer Véronique n'est peut-être pas une sinécure, mais c'est sans doute mieux que d'avoir des rotules en mousse, et peut-être un signe de bon goût. En effet, si vous vous demandez pourquoi vos parents vous ont appelée comme un personnage secondaire d'un mauvais poème de Houellebecq, c'est peut-être parce que comme de nombreux cinéphages ou cinéphiles, ils ont été marqués par un des cinéastes les plus puissants de la fin du XXe siècle, ainsi que par un de ses longs-métrages les plus accomplis, quoique déroutants.

Krzysztof Kieslowski est un réalisateur au parcours pour le moins atypique. Ce Polonais né en 1941 s'est illustré dès les années 60 par une vingtaine de documentaires, très remarqués, avant de se diriger vers la fiction, puis de rompre fortement avec le style qui le fit connaître et de travailler une palette plus métaphysique de son talent. Cette dernière éclate totalement dans La Double vie de Véronique, expérience sensorielle qui prolonge les explorations du Décalogue, son précédent long-métrage, et annonce ses futurs efforts, à commencer par la trilogie Trois couleurs : Bleu, Blanc, Rouge.

Trois décennies plus tard, la passion autour de ses travaux est un tantinet retombée, suivant le cycle immuable des afflux et reflux de curiosité des spectateurs. Il paraît d'autant plus urgent de redécouvrir et célébrer son oeuvre qu'elle a eu une influence majeure sur le cinéma de l'imaginaire, encore très prégnant de nos jours.

 

Irène Jacob : photo, La double vie de VéroniqueLe fabuleux festin d'Amélie Boulain

 

DOUBLE TEAM

Sur le papier, le spectateur peu curieux aura tôt fait de prendre ses jambes à son cou, tant le long-métrage qui nous intéresse coche toutes les cases du cliché méprisant souvent agité sous le nez du cinéphile. Jugez plutôt, nous voici face à un film polonais, à l'intrigue passablement nébuleuse, où il sera question d'une femme, de son double ou de l'inverse et plus généralement de vertige métaphysique. C'est-à-dire l'incarnation chimiquement pure du fameux "machin de l'est sous-titré et dépressif", brandi un peu au hasard par des spectateurs qui voudraient brocarder l'élitisme supposé de leurs interlocuteurs en agitant le leur, tout en le teintant d'un petit mépris de classe bon teint (voire de racisme, parce qu'au point où on en est...).

Justement, La Double Vie de Véronique semble avoir été conçu pour battre en brèche cette fadaise. On le verra, en s'arrimant avant tout aux émotions de ses deux héroïnes, l'ensemble se place du côté du réalisme magique, loin de toute image austère ou ascétique. Dès son ouverture, la découverte de l'héroïne, l'évidence frappe. La mise en scène trouve la distance idéale pour traiter son héroïne à la manière d'une douce énigme. Il faut dire que le scénario, sous ses airs de promenade surréaliste, s'aventure sur un étrange terrain.

 

La double vie de Véronique : photo, Irène JacobAu théâtre ce soir

 

Nous découvrons l'histoire de deux femmes, Weronica  et Véronique, l'une à Cracovie, l'autre à Clermont-Ferrand. Toutes deux émues et attirées par la scène, la musique, elles sont physiquement et psychiquement identiques, jusque dans les questionnements ou problèmes qui rythment leurs quotidiens. Elles ignorent leurs existences respectives et pourtant, leurs destinées semblent influer l'une sur l'autre. Le destin contrarié, puis tragique de Weronica, n'est-il qu'une étape, dans la réussite humaine, artistique et émotionnelle de Véronique ?

La suite est réservée aux abonnés. Déjà abonné ?

Accèder à tous les
contenus en illimité

Sauvez Soutenez une rédaction indépendante
(et sympa)

Profiter d'un confort
de navigation amélioré

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Willpinner
08/07/2022 à 14:25

Oui oui oui... Mais pas un mot (à peine en légende) sur la sublime interprétation d'Irène Jacob, comédienne qui n'a pas eu la carrière qu'elle méritait et porte quand même un peu le film sur ses épaules ??!! Prix d'interprétation à Cannes pour ce film. Je comprends bien qu'il s'agit surtout d'un article sur la mise en scène (fantastique) de Kieslowski, mais tout de même, un petit mot... ^^

Numberz
01/05/2022 à 13:43

Vu il y a quelques mois seulement. Au premier abord, je me suis senti trahi. Je pensais avoir à faire à un film réaliste qui allait glisser sur du fantastique. Surtout au moment où l(es)' héroïne(s) se voit en dehors et dans le bus. Mais non. Du coup j'étais bien frustré. C'est qu'après que j'ai saisi la portée du truc.

Après je l'ai regardé après ne te retournes pas de Roeg, donc forcément, j'avais encore la rétine imprimé d'un trhiller gothico fantastique

Simon le gris
01/05/2022 à 13:34

@The insider
SR un peu jeune ?? Avec sa barbe de vieux Gandalf !!! C’est le gag du 1er mai

The insider38
01/05/2022 à 12:06

@EL : j ai vu tout les kiewsolsky en salle à l’époque de leur sortie.
La double vie de Véronique est un chef d’œuvre, mais mettre Amélie Poulain en face ?????? C est une hérésies en fait , une maladresse journalistique écrit par un auteur un peu jeune
Bon, je vous pardonne mais c est la dernière fois

La double vie d’Irene
01/05/2022 à 10:28

Un film extraordinaire au sens immédiat de ce terme avec un équilibre qui ne sera plus retrouvé après