Uncharted le film : pourquoi c'est très, très loin des excellents jeux vidéo

La Rédaction | 7 octobre 2022 - MAJ : 17/10/2022 18:12
La Rédaction | 7 octobre 2022 - MAJ : 17/10/2022 18:12

L'adaptation d'Uncharted a déçu beaucoup de joueurs... et de cinéphiles.

Véritable arlésienne hollywoodienne sur laquelle d'innombrables réalisateurs se sont cassé les dents, attendue avec méfiance, manette en main, depuis plus de dix ans par à peu près tout le monde, l'adaptation d'Uncharted se range finalement selon nous dans la catégorie du "pas si pire". Plus divertissante que certaines arnaques mercantiles hollywoodiennes, elle n'en reste pas moins un piètre hommage à la saga vidéoludique de Naughty Dog, autrement plus ambitieuse à tous les niveaux.

Le film réalisé par Ruben Fleischer avec Tom Holland et Mark Wahlberg contient beaucoup d'idées rafraichissantes... qu'il n'exploite jamais vraiment. La preuve point par point.

On a aussi classé tous les jeux Uncharted, du pire au meilleur.

ATTENTION SPOILERS

 

 

L'intrigue

Pourquoi ça aurait pu être cool : C'est à Uncharted 4 que le blockbuster fait les plus gros emprunts, narrativement parlant. Et c'est un choix malin, signe sur le papier que l'équipe en charge de cette adaptation était consciente au moins en partie, des défis qui l'attendaient. En effet, le quatrième opus de la saga Sony est de loin celui qui a le plus soigné sa charpente scénaristique, ou plutôt qui l'a travaillé en accord avec les règles qui fondent l'écriture de cinéma. Tous les personnages y sont très clairement définis et surtout, jouissent d'enjeux et de conflits internes qui les relient les uns aux autres, et demeurent le premier moteur de l'histoire.

Nate va ainsi devoir trancher entre son désir de renouer avec l'aventure et celui de ne pas trahir Héléna, l'amour de sa vie. Son frère Sam incarne à la fois ce qu'il souhaite retrouver, mais aussi la dimension dévoyée de la vie de chasseur de trésor, synonyme de solitude, de trahison et d'une fausseté avec laquelle il a coupé les ponts. Il en va ainsi de tous les protagonistes qui sont autant de déclinaisons de ce dilemme central et poussent notre héros à trancher dans une direction ou une autre.

Avec son arrière-plan basé sur une utopie pirate doublée d'un trésor délirant, Uncharted 4 faisait aussi figure de cahier des charges cohérent. L'absence de surnaturel pouvait faciliter éventuellement l'identification d'un grand public et cette quête d'une simili-civilisation pirate, écartelée entre son idéal collectiviste et sa cupidité renvoyait brillamment aux conflits intérieurs de Drake, tout en fournissant une belle lampée de mythologie et de décors spectaculaire. Malheureusement, le film qui s'en inspire a pioché là-dedans sans y rien comprendre.

 

Uncharted 4 : A Thief's End : photoTrahir ses idéaux ? Soi-même ? Ses rêves ? Un questionnement radicalement absent du film

 

Pourquoi ça ne l'est pas : Si le jeu désignait la lune, l'idiot a préféré regarder le doigt, et choisir des décors, plutôt que des situations. Sam a beau être présent, il est purement et simplement éjecté de l'histoire pour servir de futur appât narratif. Un choix qui désosse par conséquent le récit du long-métrage, rend son existence accessoire, et dépossède les personnages d'interactions et motivations fondamentales. Tout sera malheureusement à l'avenant.

Quelle belle idée ces bateaux pleins d'or ! Vite, dépouillons-les du formidable contexte qui les accompagnait, de l'énigme pirate qui leur donnait tout leur sens et conférait une formidable amertume à leur découverte ! Et que faire de cette grandiose séquence en salles des ventes où se nouait la première interaction durable entre les deux frangins, remplacés ici par le duo Nate/Sully, qui devrait s'y éprouver et poser les bases d'un bon buddy movie (puisque tel est finalement le programme), mais s'avère terriblement paresseux en la matière.

Par conséquent, plus rien n'aura de véritable gravité émotionnelle. Le clone savonneux de Nadine est dépouillé de toutes motivations (on y reviendra) et les quelques secondes passées sur les deux épaves dissimulées dans leur grotte n'ont plus rien d'évocateur, autorisant simplement des infographistes à pomper brutalement le climax de Pan. En l'état, et malgré un plan de travail idéal en la matière d'Uncharted 4, le blockbuster aura préféré l'ombre à la proie.

 

Uncharted : photo, Sophia Taylor Ali, Tom Holland"C'est quand même vraiment pratique ces scénarios qui tiennent sur une carte postale"

 

Les emprunts aux jeux UNCHARTED

Pourquoi ça aurait pu être cool : Impossible d'adapter Uncharted sans avoir en tête que les jeux ont marqué les esprits grâce à un quota d'action dantesque, et une poignée de scènes absolument folles. L'immeuble qui s'écroule, la course sur le train et le wagon suspendu dans le vide dans Uncharted 2, le crash de l'avion et le bateau retourné dans Uncharted 3, la poursuite à King's Bay d'Uncharted 4... la saga Nathan Drake est un boulevard pour un film hollywoodien au budget de 120 millions. Reprendre des idées et scènes des jeux était donc une décision logique.

Sans surprise, le film Uncharted a repris une des scènes les plus cultes de la saga : celle de l'avion, qui a été une pièce centrale de la promo (bande-annonce, affiche, extrait entier). D'une pierre deux coups, la séquence permettait à la fois de combler et séduire les fans, et exciter le grand public vu la folie de l'action. C'est ce que le récent film Tomb Raider avait voulu faire avec la scène de la rivière-avion-parachute, pour un résultat abominable.

 

 

Au-delà de cette scène centrale dans les airs, le film Uncharted a bien sûr pioché à droite à gauche dans les jeux, mais principalement dans Uncharted 4 : A Thief's End. Samuel Drake n'est pas là, mais son fantôme est omniprésent, les flashbacks montrent l'enfance de Nate, Jo semble clairement inspirée par Nadine, le riche Moncada rappelle Rafe qui se paye des mercenaires, et la caverne finale où Nate découvre les bateaux renvoie directement au trésor d'Avery (avec un zeste du premier jeu pour le transport aérien, rappelant la statue d'El Dorado emporté par le méchant).

Du côté d'Uncharted 2, de maigres clins d'oeil : la présence de Chloé en alliée-ennemie, et l'intro in media res. Et en mettant l'accent sur le duo avec Sully, le scénario revient aussi aux racines du premier jeu.

Si ce n'est l'absence totale d'Elena, centrale dans la saga de jeux vidéo, le film Uncharted a donc repris les éléments incontournables de la série pour créer un mix idéal sur le papier : beaucoup de liens avec les jeux, mais surtout une formule solide de film d'aventure. Comment rater quoi que ce soit avec un tel cocktail ?

 

Uncharted 4 : A Thief's End : photoUn environnement qu'on retrouve (un peu) dans le film

 

Pourquoi ça ne l'est pas : Il n'y a qu'à voir la scène de l'avion justement, réduite à peau de chagrin. Nate déclenche le chaos pour une raison nettement moins forte que dans le jeu (où il doit d'abord et surtout se débarrasser d'un colosse), Sully est là, mais est évacué en sécurité, l'avion n'explose pas, Chloé est au milieu avec sa voiture de luxe, et le duo se retrouve à dériver sur l'eau pour quelques blagues. Soit un résultat beaucoup moins fou, épique et tragique dans Uncharted 3, où Nate était solo, échappait à l'explosion de l'avion, et atterrissait dans un désert aux airs de tombe. Le héros avait survécu, mais pour affronter une épreuve bien pire encore.

Adapter un tel morceau comportait son lot de défis, techniques et scénaristiques. Mais le film Uncharted a réussi l'exploit de transformer ce moment fou en scène d'action sympathique-sans-plus - en reprenant avant tout l'histoire de Drake accroché aux caisses, dans les airs. Idem pour la fin avec les bateaux dans la caverne : il y a deux, contre un dans Uncharted 4, et pourtant ils semblent minuscules sur le sable.

Voilà donc ce qui manque au film : un sentiment de gigantisme, d'émerveillement et de magie. Ce n'est peut-être pas un hasard si la seule scène qui retrouve un peu de cette énergie est celle des bateaux volants, imaginée pour le film (et merci, Joe Wright et Pan). L'adaptation s'est peut-être tiré une balle dans le pied en se mesurant directement aux jeux, avec la fausse bonne idée d'en reprendre quelques scènes à l'identique (ou presque), se condamnant ainsi à être trop ou pas assez fidèle. Et s'empêchant d'écrire sa propre histoire, cinématographique.

 

 

Le climax

Pourquoi ça aurait pu être cool : Ironiquement, la meilleure scène du film est l'une des seules à ne pas être issue des jeux. Libérés de l'obligation de respecter leurs codes - ce qui handicape pas mal la séquence de l'avion -, Ruben Fleischer et ses scénaristes peuvent enfin lâcher les chiens du divertissement décérébré dans un dernier acte étonnamment généreux, qui emprunte à quelques bons (ou débiles) blockbusters récents, comme Pan, Les Aventures de Tintin ou encore... Les Trois Mousquetaires, version P.W. Anderson.

Comme l'oeuvre dont il s'inspire, le film envoie valser toutes les règles de la physique le temps d'une séquence virevoltante et spectaculaire. On s'inquiète peu de la manière dont Sully parvient à grimper sur l'hélicoptère ou de la résistance de navires de plusieurs siècles. Seule compte cette course-poursuite aérienne entre les rochers, qui revendique son aspect pop jusqu'à citer directement le cinéma de cape et d'épée hollywoodien. On y retrouve même quelques bastons dignes des jeux (jusqu'ici souvent absentes), se soldant par la mort violente d'une dizaine de sbires anonymes. Il fallait donc s'éloigner un peu des créations de Naughty Dog pour tutoyer leur fibre spectaculaire.

 

Uncharted : photoUn climax un peu bateau

 

Pourquoi ça ne l'est pas : Malheureusement, le long-métrage ne bénéficie pas de leur sens de la mise en scène. Certes, il ne cède pas à la bouillie visuelle et au montage frénétique de certains de ses contemporains et nous fait l'honneur de nous dévoiler un climax en plein jour (chose plutôt rare chez Sony, qui aime dissimuler ses CGI foireux dans l'obscurité nocturne). Mais l'académisme ronflant de la réalisation de Ruben Fleischer, déjà réalisateur du plan-plan Venom, gâche tout.

Sa caméra semble empêcher la moindre envolée, la moindre audace formelle, si bien que la séquence s'écrase sous le poids des références citées plus haut. Spielberg et Wright profitaient de pousser la suspension d'incrédulité dans des extrêmes pour jouer sur les échelles de plan, virevolter de concert avec leurs personnages et ménager de grands élans épiques quand cette adaptation mise avant tout sur ses décors numériques et ses cascades... numériques. Même la musique (voire plus bas) n'est pas assez à la hauteur pour pallier ce manque d'ambition visuelle, très frustrant aux vues de l'ampleur de la scène.

De même que les fameux hommages aux grands films de cape et d'épée hollywoodiens sont en fait plus des clins d'oeil fugaces. Drake et Sully cessent vite d'utiliser leurs lames (manquant de faire honneur à une séquence mémorable d'Uncharted 4). Jamais leurs affrontements ne s'échappent du marasme esthétique hollywoodien, en dépit de la situation, franchement amusante. Si la réalisation avait été à la hauteur du concept, Uncharted aurait largement pu s'imposer comme un blockbuster généreux et honnête. En l'état, il se termine avec amertume.

 

Uncharted : photo, Mark Wahlberg, Tom HollandCapitaines d'industrie

 

Le casting 

Pourquoi ça aurait pu être cool : Après près d’une décennie de production chaotique, d’embauche, de remplacements ou de défection, on pouvait craindre que l’adaptation ait bien du mal à assembler un casting cohérent. Pire, qu’elle aligne une brochette insipide de sensations du moment et autres célébrités venues cachetonner, trop éloignées de leurs modèles, ou incapables de s’en faire l’écho. Mais à bien y regarder, la distribution de cet Uncharted possède d’énormes atouts. 

Il est actuellement de bon ton, après le triomphe des trois derniers Spider-Man, de taper aveuglément sur Tom Holland (qui a largement prouvé hors Marvel l’étendue de son talent). Mais quel jeune comédien pouvait proposer la palette de jeu, le charisme, l’énergie, la malice et surtout les capacités physiques indispensables au rôle ? À peu près aucun autre. Quant à Mark Wahlberg, il n’a plus rien à prouver en matière de bastonnade musculeuse et de jets de répliques acides. 

Antonio Banderas sait depuis de longues années jouer les vilains matous, et n’a pas à se forcer pour remplir son contrat. Du côté de Tati Gabrielle et Sophia Ali, énergie magnétique et athlétisme forment un duo de qualité également appréciable. 

 

Uncharted : photoLe saut de haies de bar d'alcool, une discipline olympique sponsorisée par la rédaction

 

Pourquoi ça ne l'est pas : Hélas, si tout ce beau monde rivalise de charisme et d’intensité, assurant un réel divertissement au spectateur pas trop exigeant, impossible de créer quoi que ce soit de mémorable... quand il n’y a aucun personnage à l’écran. Pour sûr, Holland se démène et nous offre autant de cascades réglées avec talent que de vannes acérées. Mais il n’existe jamais, la faute à une écriture qui n’a pas daigné lui conférer de personnalité, ou d’enjeux. Être sympa n’étant pas un trait de caractère, et chercher un frère apparu 23 secondes à l’écran n’étant pas un enjeu palpable ou caractérisé, notre héros restera une feuille blanche. 

Même constat pour Sully, dont le seul arc évolutif consistera à se laisser pousser la moustache. Et que dire ce qui aurait pu être la meilleure idée de cette intrigue balisée, à savoir exécuter le prévisible méchant Banderas, pour que Tati Gabrielle le remplace ? L’énergie déployée par la véritable antagoniste est indiscutable, dans ses scènes de baston comme de confrontation verbale avec nos héros, mais... qui peut nous dire à quoi sert ce personnage, exception faite de nous surprendre à mi-parcours. 

Le personnage n’a ni rôle défini, ni personnalité, ni métier, ni désir propre, ni but au sein de l’intrigue. Il nous est absolument impossible de déterminer qui est elle, et pourquoi elle agit. Et donc, impossible de la considérer comme une menace véritable, ou comme une opposante de choix. Sophia Ali, malgré une introduction spectaculaire et plaisante, ne sera pas mieux lotie. Condamnée à incarner au sein du scénario le cliché absolu des gentils, mais pas trop, qui se trahissent, mais pas trop, sans même que quiconque se soit inquiété d'avoir donné un aboutissement à son arc personnel (ambition de franchise oblige), nous voici donc face à un décalque de personnage, dont l'interprète est condamné à jouer un demi-protagoniste.

 

Uncharted : photo, Tati Gabrielle"Je suis méchante, mais je ne sais pas du tout pourquoi"

 

L'humour d'uncharted

Pourquoi ça aurait pu être cool : Parce qu'à l'origine des jeux Uncharted, il y a un amour du cinéma hollywoodien, que ce soit Indiana Jones, Doc Savage arrive ou Les Voyages de Sullivan, sans parler de Tintin et Buck Rogers. Le point commun : l'humour. Les blagues étaient là dès les premières scènes avec Nate, Sully et Elena, qui multipliaient les clins d'oeil et sous-entendus sexuels. Et l'arrivée de personnages comme Chloé, Charlie et Sam a confirmé cet appétit pour les pics et autres sarcasmes, notamment autour de tous les problèmes et catastrophes que traverse le héros, lequel essaye toujours de garder une miette de fierté.

Nathan Drake n'est pas un solitaire, et le héros a toujours été écrit en miroir avec quelqu'un, que ce soit le bon vieux Sully, Elena, Chloé, ou Sam, entre complicité, séduction et amitié. Cet humour a toujours assumé sa part de douce beauferie, comme lorsque Nate lâche un "Nice view" devant un panorama de l'Himalaya... et les fesses d'Elena, ou quand Sully se plaint de suer "comme une pute dans une église". Et petit à petit, cette légèreté s'est étalée jusqu'au gameplay, où des conversations décalées avaient lieu pendant les phases plus calmes d'exploration, donnant lieu à quelques-uns des moments les plus amusants de la saga.

Uncharted a donc toujours carburé aux (mauvaises) plaisanteries, et le film l'a bien compris. En formant un duo entre Tom Holland, petit clown-araignée, et Mark Wahlberg, gros bras pince-sans-rire, Uncharted version cinéma avait une formule de buddy movie classique.

 

Uncharted : Drake's Fortune : photo"I'm sweating like a hooker in church"

 

Pourquoi ça ne l'est pas : Parce que le film Uncharted est écrit avec des pieds nommés Rafe Judkins (le showrunner de la série La Roue du Temps), et Art Marcum et Matt Holloway, un duo capable du meilleur comme du pire, puisque crédité sur Iron Man, Punisher : Zone de guerre, Bumblebee, et Men in Black International. Pour leur défense, ce scénario est le fruit d'années de développement et réécritures, si bien que le résultat doit certainement appartenir à absolument personne.

Dans Uncharted, l'humour vient de Sully qui utilise Tinder, qui a un chat malgré lui et l'adore, et qui finit par arborer sa fameuse moustache (tout en portant son chat monsieur moustache dans son dos), en commentant la puberté fragile de Nathan Drake. Il y a également l'apparition de Nolan North, la voix de Nate dans les jeux, pour une parenthèse sur la plage. Ou une histoire de chewing-gum en guise de cadeau. C'est donc très drôle.

 

Uncharted : photo, Sophia Taylor Ali, Tom Holland, Mark Wahlberg"J'ai un chat, rigole"

 

Les moments éventuellement amusants sont rares : Sully qui manque de mourir après avoir dit à Nate et Chloé d'activer un mécanisme au hasard, ou Chloé qui ravale son air grave sur l'incapacité de Sully à faire confiance à quiconque, alors que celui-ci lâche la précieuse croix à ses pieds. Et nul doute que sans Tom Holland, Uncharted serait aussi joyeux qu'une averse d'automne.

Cet échec vient en (grande) partie du caractère de Sully version Wahlberg, qui passe du vieux beau attachant dans les jeux au tonton désagréable (et qui serait totalement antipathique s'il ne tombait pas amoureux d'un chat) au cinéma. Le duo qu'il forme avec Nate est beaucoup moins doux que dans les jeux vidéo, où une complicité moins guerrière était installée dès leur première rencontre, en flashback. Mark Wahlberg joue Mark Wahlberg ou presque, traînant avec lui la même légèreté glaciale, et le même air hautain prêt à sauter dans le premier combat de coqs viril.

Quant à Chloé, qui brille par son attitude désinvolte et son humour froid dans les jeux, elle est globalement insipide dans le film ; et c'est là encore à cause de l'écriture, plus que de Sophia Taylor Ali. Avec deux personnages faiblards sur le trio, normal donc que ce Uncharted soit si tiède côté humour.

 

Uncharted : photoTiens, une scène coupée

 

Les relations entre les personnages

Pourquoi ça aurait pu être cool : Les jeux Uncharted ont toujours privilégié l'action sur la narration, emmenant nos héros aux 4 coins du monde sans condition. Mais les scénarios restent plaisants, car ils jouent de la complicité des différents personnages. Une complicité qui se tisse un peu dans les cinématiques, beaucoup en plein gameplay. Les créateurs souhaitaient en effet dès le début fondre les interactions dans la partie, afin de ne pas briser le rythme et relier Drake, Sully et les autres en permanence.

Uncharted pourrait presque être interprété comme une grande saga sur l'amitié, celle qui se transforme en amour (Elena), celle qui dérape (Chloe), celle qui se révèle (Charlie) et celle qui dure (Sully). La simplicité narrative du film était parfaite pour les développer. Le film ne met finalement en scène que peu de personnages, souvent forcés de collaborer. Le défi était bien sûr de condenser des arcs narratifs contenus sur plusieurs heures. Mais la candeur de certains d'entre eux les prédestinait au grand écran.

 

Uncharted : Nathan Drake, jeu vidéoCopains comme cochon

 

Pourquoi ça ne l'est pas : Sauf que les scénaristes ont décidé de tout articuler autour de l'avarice de Sully et de faire de leur complicité une fin en soi. En gros, ils ne deviennent vraiment amis qu'à la dernière minute. Avant ça, ils doutent l'un de l'autre, se toisent de travers, se trahissent plus ou moins puis se réconcilient plus ou moins, jusqu'à ce qu'ils apprennent à se faire confiance. Un modèle narratif classique et assez évident, surtout dans la perspective d'une création de franchise, mais qui ne fait que frustrer le joueur. Joueur qui se faisait une joie d'entendre les joutes verbales et les petites piques que nos deux héros se lancent.

Une situation pas aidée par le jeu de Mark Wahlberg, qui fait tout son possible pour gommer la sympathie du personnage original, et par l'évolution du personnage, qui témoigne d'une certaine faignantise d'écriture. En effet, le personnage de Chloe remplit déjà le rôle de potentiel agent double. Les deux seules relations qui se tissent font doublon. Résultat des courses : Drake ne sera pas attaché à grand monde. Sa relation avec Chloe semble prendre une direction romantique, puis taquine avant de s'arrêter net, le scénario éjectant violemment la jeune femme du film le temps du dernier acte.

On repassera donc pour la complicité des jeux ou même pour tout autre développement de personnage. Comme si la seule finalité du long-métrage était cette scène post-générique navrante, en réalité le véritable début de l'aventure. Pour voir Drake et Sully comme nous les imaginions, il faudra forcément attendre les suites. C'est le triste prix de l'origin story. Encore une fois, les réalités des impératifs de Sony rattrapent bien vite la sincérité de Naughty Dog.

 

Uncharted : photo, Sophia Taylor Ali, Tom Holland"Je veux juste être ton ami !"

 

La musique

Pourquoi ça aurait pu être cool : La musique adoucit peut-être les mœurs, mais ce qui est certain, c’est qu’elle se marie fort bien avec le cinéma. D’ailleurs, Hollywood se sera rapidement attaché les services de compositeurs de talent, afin de décupler l’impact émotionnel de ses récits. Ce n’est pas pour rien que les créations de certains sont encore fredonnées de par le monde. Et les aventuriers le savent bien, ainsi qu’en témoigne le thème inoxydable d’Indiana Jones. 

On ne s’étonnera donc pas que les jeux Uncharted se soient munis d’une bande originale éminemment cinématographique, commandée à Greg Edmonson, qui trouva sans doute là matière à briller dans plus de mémoires que lorsqu’il composa les thèmes de Le Rebelle ou encore Miss Naufragée et les filles de l’île. Thème reconnaissable entre mille, à la fois enlevé et un peu empesé, un tantinet bravache et appelant à la découverte, le morceau Nate, décliné et repensé à chaque épisode a beaucoup fait pour l’identité sonore des jeux. 

Par conséquent, il semblait logique, clair comme de l’eau de roche que le blockbuster mettrait en avant cet ingrédient constitutif, quitte à le ripoliner un peu pour son arrivée sur grand écran. Et puis, là encore, le long-métrage pouvait bénéficier du fait que plusieurs productions vidéoludiques lui aient mâché le travail, en offrant à ses spectateurs familiers avec la licence de quoi leur coller un énorme sourire en travers de la figure. 

 

Uncharted 3 : L'Illusion de Drake : PhotoLe cimetière des bandes-originales

 

Pourquoi ça ne l'est pas : Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué. En l’état, le thème originel a été évidé comme une truie et pour l’essentiel, jeté aux ordures. Nous aurons droit à quelques piteuses notes lorsque Tom Holland vient faire un clin d’oeil à celui qui doubla le personnage de Nate. Encore quelques accords quand, lors du climax, il joue brièvement avec un revolver. Avant que le film ne nous balance ledit thème durant le générique de fin, à la manière d’un jouet encombrant ne rentrant pas dans son coffre.

Non seulement le film a quasiment sacrifié une bande-originale parfaitement fonctionnelle et populaire, mais il a totalement échoué à lui trouver une alternative. Et malheureusement, on pouvait le redouter. Certes, Ramin Djawadi a été salué (un peu vite) pour quelques ritournelles plaisantes du côté de Westworld ou de Game of Thrones, mais la plupart du temps, les créations du compositeur de Royal Corgi sont loin d’être impérissables.

Et il reproduit ici ce que les années ont consacré comme la recette du blockbuster contemporain, à savoir un salmigondis de sonorités banales, capables d’accompagner tout type d’action, sans véritablement caractériser quoi que ce soit. Une sorte d’huile de coude sonore qui est ici dispensée sans applicateur. Et comme tous les autres ingrédients du film, s’il n’y a pas de fausse note majeure, impossible ici de trouver quoi que ce soit de mémorable à l’entreprise.

Tout savoir sur Uncharted

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commentaires
ded77
02/05/2023 à 11:03

Uncharted égal à lui même, ont ne peut pas faire un bon film, d'un mauvais jeu.

Porter
10/10/2022 à 20:03

Oui c'était un film de merde.

Solo seul
08/10/2022 à 15:33

Vu au ciné mais à reculons et au final encore plus déçu qu'avant. Rien ne va, tout est faussé et trop simple dans ce film. D'abord la quête qui part dans tous les sens sans rapport et lien avec la découverte faite juste avant. La plaque d'égout italien au dessus d'une fontaine qui donne sur la salle recherchée, comme si aucune évacuation d'eau de pluie n'a servait à ça ? Et comme si aucun égoutter n'avait découvert ce lieu et le révéler ensuite aux autorités ?.
Nathan qui saute en avant de palettes en palettes alors que le sens de la vitesse de l'avion et du vent vont à sa rencontre, les bateaux posés dans le gouffre avec un accès par la mer dans une crypte comme si aucun touriste n'étaient passés par là depuis des année soit en se baignant et en découvrant le passage visible en plongeant, soit en faisant de la descente en rappel de spedeologues dans la grotte alors qu'on voit 10 mn avant que le groupe arrive sur une plage bondée de vacanciers.
Et que dire de la montée impossible de Drake sur des grosses chaînes portant les bateaux avec une arrivée directe sans effort dans l'helico ? Au moins dans Indiana Jones on le voit monter et souffrir ... là tout est facile. Même dans le jeu on fait l'effort de tapoter sur les manettes ce qui amène de l'épuisement. Tout est trop facile et dans un monde où n'importe qui aurait pu trouver le trésor sans effort en tombant dessus par hasard et sans avoir besoin d'une carte.
Je me pose maintenant la question : pourquoi personne à la lecture d'un tel scénario n'a eu les mêmes réflexions que moi ? Cela économiserait beaucoup d'argent et de temps si les scénaristes, les producteurs, le réalisateur et les acteurs avaient réfléchis un peu en se posant des questions de véracité pour une fois. Non bon allez on commence le tournage, on s'en fou le public ne réfléchis pas. Et maintenant voilà où on en est !