Ridicule : la comédie révolutionnaire qui guillotine le cinéma français (ou pas)

Simon Riaux | 23 janvier 2022 - MAJ : 24/01/2022 10:11
Simon Riaux | 23 janvier 2022 - MAJ : 24/01/2022 10:11

C'est à Patrice Leconte, réalisateur prolifique et aux univers multiples, qu'on doit Ridicule, chronique populaire d'une fin de règne promise à la guillotine.

Il y eut à l'origine l'ambition contrariée du scénariste Rémi Waterhouse, qui espérait pouvoir lui-même porter à l'écran son scénario intitulé Ridicule. Il s'est passionné pour son sujet, a effectué quantité de recherches des mois durant, si bien qu'il sera parvenu à en ciseler jusqu'aux stupéfiants dialogues, à la fois férocement exigeants et demeurés miraculeusement accessibles. Malheureusement, si l'auteur a fait preuve là d'une réussite hors-norme, pour les producteurs, il n'a pas encore les épaules pour diriger seul un projet aussi coûteux.

Paradoxalement, c'est la qualité même de ses écrits qui les rendent trop précieux pour être confiés à un talent encore incertain, fut-il celui de leur propre auteur. On confie donc ce Ridicule à un cinéaste très expérimenté, qui a travaillé sur des productions variées, qu'on sait capable de tenir un budget conséquent, aux problématiques diverses. Il s'agit de Patrice Leconte, qui livre ici un de ses tout meilleurs films.

 

Ridicule : Affiche officielleLes collants pour hommes, c'est woke ?

 

LE GROS MYTHE A DUDULLE

Versailles, à la veille de la Révolution. Un jeune noble désireux de faire assécher les marais qui propagent mort et maladie sur ses Terres tente d’approcher le Roi en se rendant à sa cour. Mais on ne l’y a pas attendu et son chemin sera d’autant plus semé d’embûches qu’entre intrigues politiques et séduction, il risque de se perdre dans les arcanes du palais. Voilà pour le point de départ du film de Patrice Leconte. Succès public et critique de l’année 1996, le long-métrage est loin d’une énième production en costume. 

C’est d’ailleurs ce que se charge de nous expliquer le film dès son introduction, qui use du textile à sa manière. Nous y découvrons une humiliation cruelle, complexe, qui se joue à deux niveaux. Le marquis dit de Patatras (surnom qui échut réellement à un nobliau ridiculisé au XVIIIe) fait face à celui dont la moquerie lui valut jadis de se taper grave la honte – ainsi qu’on le mettra plus tard en vers – et en profite pour se venger. Son adversaire d’hier est désormais un vieillard grabataire, qui n’a plus ni l’esprit ni le corps en mesure de se risquer à un duel. 

 

Ridicule : photo, Charles Berling#NotBenoîtHamon

 

Patatras a donc tout loisir de lui asséner à son tour une "correction". Et c'est le plus froidement du monde qu'il lui urine dessus. L'affront est primaire, total, d'une violence inouïe, que retranscrit le plus frontalement et froidement du monde la caméra. Le spectateur découvre ainsi plein cadre l'image d'un pénis, péniblement extrait des couches de vêtements luxueux qui le dissimulent habituellement.

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commentaires
Guéguette
25/01/2022 à 17:06

Lol j'avais lu "réalisateur soporifique", je me disais qu’il y allait un peu fort.

Simon Riaux
24/01/2022 à 10:13

@Ixelle

Merci pour le signalement, c'est corrigé !

Ixelle
23/01/2022 à 20:14

Bonsoir @Monsieur Riaux, une coquille s'est glissé dans le nom du héros incarné par Charles Berling, il s'agit du Baron Ponceludon de Malavoy.
J'ai immédiatement tiqué car, pour une raison que je ne saisi pas, ce nom m'a énormément marqué. Peut-être une certaine musicalité, ou le fait que j'ai vu Ridicule pas loin de 10 fois.
Je me souviens l'avoir vu la première fois lors de sa resortie au cinéma après sa victoire au César du meilleur film. A 12 ans, l'incroyable cruauté des dialogues et l'onctuosité assassine de Giraudeau furent une révélation cinématographique.

Hasgarn
23/01/2022 à 15:03

Revu récemment.

Ces dialogues sont tellement bons !

Mais aujourd'hui, je suis plus dubitatif concernant le jeu et le ton de Berling et Godrèche. Ça passe dans le film mais j'y trouve un côté irritant. D'autant qu'ils doivent tenir la route face à un casting redoutable (l'ardente Ardant et les regrettés Giraudeau et Rochefort).

Un film que j'affection toujours mais dont l'acting-out me sort désormais de l'histoire

real
23/01/2022 à 12:38

Film épatant, ciselé, et unique.

Numberz
23/01/2022 à 10:54

Jamais vu, ça me tente Quechua un peu plus

JR
23/01/2022 à 10:50

Très bel article pour un film exceptionnel.

Kyle Reese
23/01/2022 à 10:37

Très belle critique Mr Riaux.
Quelle grande différence de ton et de mots choisis quand vous appréciez particulièrement bien une œuvre. J’ai dû revenir à la signature en haut de page pour être bien sûr que vous en étiez bien l’auteur ! J’apprécie tout autant vos critiques assassines avec usages de bons ou mauvais mots mais celle-ci apporte un peu de fraîcheur bienvenue. En y repensant je comprend maintenant aussi pourquoi vous aimez bcq ce film, est-ce dire qu’il vous a inspiré pour travailler vos formules très incisives et débordantes d’inventivité et parfois de cruauté ?
Bref vous m’avez donné envie de revoir ce film que j’avais fort apprécié à sa sortie bien qu’il soit d’un style très différent de mes goûts de cette époque. Quoique j’avais déjà énormément aimé Les liaisons Dangereuses grace auquel j’étais sortie de ma zone de confort cinématographique.

Flash
23/01/2022 à 10:21

Le regretté Giraudeau était génial dans ce film.