Cabal : quand le réalisateur d'Hellraiser fait passer Le Seigneur des Anneaux pour Bambi

Simon Riaux | 9 janvier 2022
Simon Riaux | 9 janvier 2022

À la fin des années 80, Clive Barker est le nouveau maître de l'horreur. Avec Cabal, l'auteur d'Hellraiser va réaliser un film maudit, culte, et dévastateur.

Dès son premier fascinant recueil de nouvelles, Les Livres de Sang, Clive Barker est remarqué des lecteurs de fantastique, qui trouvent dans les mots du natif de Liverpool un terrain de jeu neuf. Ses thèmes charrient une horreur volontiers gore, ultra-violente, où les descriptions de sévices variées s'étalent sur quantité de pages au style tantôt venimeux, tantôt terriblement sensuel. Son verbe est aussi à l'aise avec la revisitation de canons esthétiques classiques qu'avec la réflexion théologique, quand il n'explore pas les chaînes qui relient ses personnages à une sexualité fluide, changeante, parfois macabre. 

En trois petites années, il écrit son premier roman, Le Jeu de la Damnation, joyau de terreur putrescente, puis The Hellbound heart, novella fantastique qui flirte ouvertement avec le sadomasochisme et l'homoérotisme. C'est l'oeuvre qu'il adapte et rebaptise pour l'occasion Hellraiser - Le pacte. Cette première mise en scène est un choc cauchemardesque pour des millions de spectateurs, pas nécessairement rompus à la représentation d'une terreur intérieur cuir qui ne lésine pas sur les chaînes.

C'est un succès immédiat qui fera dire à Stephen King qu'il vient de découvrir "le futur de l'horreur". Tout s'emballe, tandis que sort un deuxième roman, Le Royaume des devins, son premier chef d'oeuvre, qui préfigurera le reste de son oeuvre, mais aussi le long-métrage férocement ambitieux dans lequel il se lance alors : Cabal, basé sur un de ses textes, passablement inabouti, mais à la mythologie suintante de possibilités.

 

Cabal : afficheUn vrai feu de joie

 

MONSTROPOLIS

Aaron Boone est un jeune homme troublé, dont la psychothérapie l'amène à se soupçonner d'être l'auteur des meurtres abominables qui ensanglantent les horizons. Alors qu'il s'intéresse à la légendaire Midian, cité mythique où se retrancheraient parias et monstres, il ignore que son psychiatre est le tueur en série que traquent les autorités. Abattu par la police, le voilà précipité à Midian, où il ne tarde pas à réviser son opinion sur la nature des créatures qui la peuplent.

Pour brillant qu'il fût, Hellraiser demeurait un film de genre tourné à l'économie, tirant le meilleur d'un nombre de décors extrêmement limité "contraint" de faire preuve d'une remarquable inventivité en matière de mise en scène. Avec Cabal, Barker tient là l'opportunité de nous immerger dans un long-métrage au budget conséquent, qui l'autorisera tout à fait à donner vie aux formidables personnages, décors et concepts qui peuplent son imaginaire. Et dès le premier acte du récit, le constat est frappant : les espaces sont multiples, la direction artistique d'une richesse affolante, tandis que la caméra égraine sous nos yeux quantité de visions effarantes.

C'est d'abord la géographie de Midian qui saute aux yeux. La variété et le gigantisme des décors composent un dédale aussi impressionnant qu'inédit. En matière d'architecture barkerienne et même s'il ne l'a pas réalisé, c'est souvent l'Enfer d' Hellraiser 2 : Les Écorchés, surplombé par la glaciale entité Leviathan, qui est cité. En effet, l'insuccès de Cabal a largement éclipsé le souvenir de Midian dans la mémoire collective. Pourtant, entre ses constructions vastes, ses jeux de lumière et de texture, mais aussi ses perspectives peintes, la cité s'inscrit dans la tradition des lieux fictionnels aux proportions légendaires, une Metropolis de chair, de veines et de muqueuses.

La suite est réservée aux abonnés. Déjà abonné ?

Accèder à tous les
contenus en illimité

Sauvez Soutenez une rédaction indépendante
(et sympa)

Profiter d'un confort
de navigation amélioré

Tout savoir sur Cabal

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Sebde3
14/01/2022 à 12:41

Quel rapport avec le seigneur des anneaux ?

Lolesque
10/01/2022 à 07:33

Cabal, un film "J&m entertainment"

Patrick bateman
10/01/2022 à 01:04

Cabal ce film est une Cabal. Helraiser 10 fois meilleur. Next.

Adam
09/01/2022 à 18:28

Diantre ! Moi qui croyais que c’était un perso un peu bizarre de Mortal Kombat 3..

Benoit1967
09/01/2022 à 17:40

Le film est souvent considéré comme une allégorie de l'intolérance à l'endroit des communautés LGBTQ. La haine et le dégoût manifestés par les forces de l'ordre, le représentant de l'Église ainsi que différents éléments de la population plus redneck sont assez évocateurs à ce sujet. Dans le même esprit, on peut noter les gestes de tendresses entre certains des "monstres" qui révulsent ces mêmes représentants.
La narration présentée à Boone, agrémentée de gravures et de flashback, est dans le même esprit et trace des parallèles troublants, bien que métaphoriques, avec les chasses à l'homo qui ont parsemé l'histoire et les bûchers associés.
Cette orientation plus ou moins métaphorique n'est pas surprenante puisqu'il faut se rappeler qu'à l'époque (les années 80), Clive Barker était extrêmement discret à l'endroit de son orientation sexuelle; l'écriture de ses romans et scénarios lui servait sans doute ainsi d'exutoire. Ce n'est en fait que des années plus tard qu'il l'a finalement évoqué.
Dans les années 80 et début 90, la lecture de ses romans ainsi que le visionnement du film Nightbreed m'avaient d'ailleurs amené à m'interroger à ce sujet et à soulever auprès de mes proches l'hypothèse de son homosexualité. Ceux et celles qui avaient lu ses œuvres ou vu Nightbreed avaient bien souvent les mêmes interrogations.
Une hypothèse qui fut éventuellement confirmée, mais beaucoup plus tard, puisqu'il fit sa sortie du placard dans la seconde moitié des années 90 avec la publication de Sacrements (Sacrament), qui met pour la première fois en scène un personnage principal gai, et une déclaration corollaire dans le cadre de l'émission de radio Loveline le 20 août 1996.

Mx
09/01/2022 à 13:25

J'en garde le souvenir d'un film attachant, mais néanmoins très très bancal, je ppréfère largement hellraiser ou encore le moins connu Le maître des illusions!!!

Ray Peterson
09/01/2022 à 11:50

Quel dommage que le studio l'ai lâché pendant la prod. Certains maquillages et FX du coup sont ratés. La Cabal Cut rattrape un peu le torpillage mais bon... Cela aurait pu être un chef d'oeuvre mais reste pour moi un un bon film. Et puis quand y a du Cronenberg et du Danny Elfman (quand il était encore bon) on va pas faire la fine bouche!