Pas de printemps pour Marnie : et si la romance perverse d'Hitchcock était un grand film d'horreur ?

Simon Riaux | 13 juin 2021
Simon Riaux | 13 juin 2021

De Fenêtre sur cour à L'Inconnu du Nord-Express, en passant par Psychose puis Les Oiseaux, Alfred Hitchcock a mis nos nerfs à rude épreuve. Mais peut-être jamais autant qu’avec Pas de Printemps pour Marnie

Réalisateur de plusieurs dizaines de films, dont quantité de chefs-d’œuvre bardés d’inventions révolutionnaires, Alfred Hitchcock demeure, plus de 40 ans après son décès, un des cinéastes les plus influents. Preuve en est avec Pas de printemps pour Marnie, une de ses créations les plus insaisissables, éprouvantes et précieuses. 

Labyrinthe mental, jeu de dupes, récit implacable d’une entreprise de domination, le pas de deux qu’orchestre le maître entre une voleuse et l’homme qui la convoite a longtemps été incompris et méprisé, tant par le public que la presse. Le long-métrage sorti en 1964 est pourtant un condensé du génie de son auteur, mais aussi de ses démons, et constitue à plusieurs égards un film d’horreur aux thématiques uniques en son genre. Produit dans des conditions de grande violence à l'encontre de sa star, le métrage se voudrait une plongée dans la psyché d'une anti-héroïne torturée... mais explore avec bien plus d'intensité encore le cerveau de son protagoniste venimeux. 

 

photo

 

PSYCHO PATAUD 

Marnie vit selon une routine bien réglée. Changeant régulièrement d'identité, elle se fait embaucher, grâce à son intelligence sociale acérée et sa grande beauté, avant de voler ses employeurs. Mais Mark Rutland, qui vient lui confier le poste de secrétaire-comptable dans sa maison d'édition, sait très bien à qui il a affaire. Fasciné par la magnétique jeune femme, il la surveille jusqu'à la prendre en flagrant délit, alors qu'elle vient de lui dérober le contenu d'un coffre-fort.

Il la met devant un choix cornélien : être dénoncée et donc traînée devant la justice, ou accepter sa demande en mariage. Dès lors, ce qui était déjà une relation passablement déséquilibrée va se complexifier d'autant plus que Marnie semble victime d'un traumatisme ancien, qui dicte le moindre de ses choix.

Décidé à percer le mystère que sa future épouse a enseveli dans sa mémoire, Mark transforme sa dulcinée en terrain d'expérimentation freudien. Terrain d'autant plus instable que l'éditeur doit faire face à la frigidité de la jeune femme. Décidé à posséder Marnie, qu'il compare volontiers à une prise de chasse, Rutland la violera avant de lever le voile sur l'énigme qui a transformé son inconscient en puit de ténèbres. Quitte à la broyer tout à fait. Les grandes lignes de ce synopsis ont déjà de quoi interpeler l'amateur d'Hitchcock. Le genre en est incertain : drame, romance, tragédie, thriller, horreur psychologique...

 

photo, Tippi HedrenMême chez Mad Men, on n'a jamais vu d'assistante de ce calibre

 

Tout y semble incertain et flottant, à tel point que ce questionnement deviendra littéralement un des slogans de la bande-annonce, comme une rêverie psychanalytique sortie d'un autre temps. Ou d'un esprit radicalement autre. Celui du metteur en scène Alfred Hitchcock, qui va faire du tournage un écho sinistre du scénario qu'il a décidé de filmer.

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commentaires
Kyle Reese
14/06/2021 à 08:46

Voilà enfin vu en entier. Et effectivement grand film psychologique. 2 acteurs exceptionnels avec quelque chose qui se passe vraiment entre eux à l’écran. Je ne sais pas comment miss Hedren a pu s’en sortir aussi bien avec cet horrible harcèlement d’Hitchcock. Pas simple d’être admirateur du talent de cet homme tellement talentueux et tellement malade et dangereux. Tipi Hedren est vraiment incroyable. Hitchcock ou comment faire sa propose psychanalyse par le cinéma sans arriver à guérir tout en créant des chef d’œuvre .

Kyle Reese
13/06/2021 à 18:10

Heureusement que vous êtes là car je crois, et c'est la honte, que je n'ai jamais vu ce film ou seulement partiellement, alors que Hitchcock quoi, un des réalisateurs qui m'a le plus marqué et qui avec Spielberg ensuite m'a fait basculer dans la passion du 7 ème art.
J'ai vu ses classiques un nombre incalculable de fois, et pas celui là ... mystère.
Je vais réparer ça (c'est sans doute parce qu'il est considéré comme étant un Hitch mineur). L'affiche est comment dire, pas du tout politiquement correct aux standards d'aujourd'hui (je sais pas pourquoi je pense au scandale, Timberlake/Jakson en la voyant, on dirait que Connery veut exposer le sein de Hedren) . Hitchcock aujourd'hui se ferait accuser sans doute avec raison de harcèlement et surement blacklister voir boycotter par Hollywood et le public. Autre époque ...

Carl Lemme
13/06/2021 à 12:06

L'une des performance du film c'est d'avoir su utiliser le charisme magnétique de Sean Connery pour davantage nourrir l'ambiguïté du film. Enfin, c'est certainement le film qui incarne le mieux le mot "ambiguïté".
Très certainement l'un des tout meilleur Hitchcock.