Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ : navet César ou classique coluchien ?

Sa réputation est mauvaise, mais ses audiences mirifiques. On monte à bord de Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ, le char de Coluche et Jean Yanne. Le plus souvent décrit comme un nanar fumant, un navet paresseux, Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ est aussi un formidable succès, le 3e de l’année 1982 derrière E.T. l'extra-terrestre. Quelques décennies plus tard et une tripotée de films s’en inspirant, l’heure est venue de se replonger dans le délire anarcho-franchouillard orchestré par Jean Yanne. En effet, la lutte de Ben Hur Marcel pour de meilleures conditions de vie, face à l’opulence romaine incarnée par César, a réuni 4 601 239 spectateurs lors de sa sortie en salles, et connut une grande réussite lors de ses innombrables diffusions. Une sacrée performance, pour ce qui n'était originellement que la version étendue d'un sketch absurde de quatre minutes. Mais comment cette comédie à priori inoffensive est-elle devenue un classique ?     AUX ORIGINES DU MAL Dès 1923, Buster Keaton s’amusait à jouer des anachronismes dans Les trois âges, et bien après lui, les Monty Python éreintèrent des millions de zygomatiques en revisitant le moyen-âge et son Sacré Graal, ou l’avènement du Christ avec La vie de Brian. La relecture rigolarde du passé, ou le détournement des codes des films historiques n’ont donc certainement pas été inventés par Jean Yanne à l’occasion de Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ, toutefois, le long-métrage a posé en France une pierre remarquable en matière de comédie, tant il semble avoir aujourd’hui de nombreux descendants.   Des moyens gros   Le goût très hexagonal pour ce type de pastiches, que nous avons subi encore tout récemment avec Brutus Vs César, ne saurait toutefois être imputé à ces glorieux ancêtres. D'ailleurs, à bien y regarder, il y a dans l'amour du carton-pâte des Nouvelles aventures d'Aladin, d'Alad'2 et de quelques autres, une filiation directe avec les décors du film de Jean Yanne. En particulier ses intérieurs, qui assument totalement leur facticité et sont pensés comme autant de clins d'oeil au public, générant un espace goguenard, entre blague potache et café-théâtre. Le même constat peut être fait avec Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre. Certes, le film d'Alain Chabat est bien plus luxueux, beau et maîtrisé, mais on sent souvent, dans l'agencement de ses couleurs et de ses motifs, qu'il se situe dans la continuité de Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ.   Comme un air de famille...   Ce n'est d'ailleurs pas un hasard, puisque dès son affiche, la comédie de 1982 revendiquait clairement sa filiation avec l'univers de Goscinny et Uderzo. On évoquera ci-dessous ses dialogues, parfois traînants, souvent étirés volontairement, mais ceux-ci nous renvoient à une autre création éminemment populaire. Il s'agit bien sûr de Kaamelott, dont les premières saisons fleuraient bon le pastiche, avec une grosse louche de Michel Audiard pour faire bonne mesure. Dans leur volonté...