Los Angeles 2013 : il faut réhabiliter le doigt d'honneur de Carpenter et Kurt Russell

Simon Riaux | 10 février 2021 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 10 février 2021 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Incompris par la critique et boudé par le public, le doigt d'honneur de John Carpenter et Kurt Russell mérite d'être réévalué de toute urgence.

La carrière de John Carpenter, pour foisonnante et passionnante qu'elle soit, a des airs de long malentendu. Tantôt aimé par le public, tantôt ignoré par celui-ci, le metteur en scène fut longtemps regardé avec dédain par la critique américaine, quand la presse française, pour intéressée qu'elle fut par sa carrière, voyait un peu trop vite en lui un réalisateur de gauche, plus intéressant critique du capitalisme qu'artisan du cinéma de genre. Et s'il est un film qui semble cumuler toutes les difficultés qu'a rencontrées l'artiste dans sa carrière, ainsi que toutes les incompréhensions dont il fut victime, c'est bien Los Angeles 2013.

Pourtant, cette dernière collaboration entre le cinéaste et Kurt Russell vaut bien mieux que l'indifférence qu'elle a longtemps suscitée. Alors, enfilez votre body en cuir, chaussez votre cache-oeil et cirez votre plus belle planche de surf, Big John fait du petit bois de la Babylone américaine. Une nouvelle fois, le hors-la-loi le plus célèbre des USA est envoyé dans une ville en perdition pour y récupérer un McGuffin générique, un ultimatum mortel au-dessus de la tête et de grosses pétoires en bandoulière. Direction la cité des Anges.

 

photo, Steve Buscemi, Kurt Russell"Où c'est qu'elle est la projection-test ?"

 

ESCAPE FROM REMAKE

Sorti en 1981, New-York 1997 est un des films les plus populaires de John Carpenter. Ce dernier n'a jamais été un fervent amateur des suites, qui restent, jusqu'à l'orée des années 90, des sous-produits hollywoodiens et pas encore la mine d'or franchisée d'une industrie qui voit dans des marques connues autant d'occasions de faire fructifier ses actifs. Rarement envisagées comme des oeuvres à part entière, elles souffrent d'une image de photocopie opportuniste établie par les interminables déclinaisons de franchises horrifiques durant les années 80. En effet, de Halloween en passant par Vendredi 13, les déclinaisons à répétition ont donné à la démarche une assez mauvaise réputation.

Architecte de l'une de ces deux sagas, Big John est bien placé pour le savoir, lui qui n'a jamais caché au gré des interviews combien il tenait en peu d'estime Halloween 2 - Le cauchemar n'est pas fini, auquel il contribua néanmoins lors de son écriture. En découvrant Los Angeles 2013,  on a forcément en tête les propos qu'il tint sur le plateau de Cinema Showcase en 1984 : "je pense que Halloween 2 est une abomination et un film horrible". Et c'est avec un certain sadisme qu'il se plaît, dans Los Angeles 2013, à faire de son récit de franc-tireur une leçon de démolition des tropismes hollywoodiens. Le premier volet des aventures de Snake Plissken, découpé en séquences aux airs de tableaux apocalyptiques, se voit ici caricaturé à l'extrême.

 

photoUn film produit à la chaîne ?

 

Non seulement la quasi-intégralité des personnages ressemble à des copies délavées des alliés, traîtres ou adversaires déjà croisés par Snake, mais ils défilent à l'écran dans une suite de saynètes qui évoquent des versions compressées des séquences cultes du film originel. Sauf que bien évidemment, il ne s'agit pas de paresse de la part du metteur en scène ou de cynisme tardif, mais plutôt d'un éclat de rire méta. Car pour chaque passerelle se trouve une mise en perspective, une métaphore, ou un clin d'oeil filmique. Los Angeles 2013 n'est pas une resucée désincarnée de New York 97, c'est une critique de ce que Hollywood a cru pouvoir en faire.

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commentaires
Beerus
04/10/2021 à 14:12

@Dario 2 Palma: Carpenter aurait bien aimé que la boite de SFX de Cameron s’occupe de son film mais il avait pas les moyens de se payer leurs services.

The Moon
27/07/2021 à 21:34

J'ai toujours apprécié escape from L.A mais avec le temps mon préféré reste escape from NY.
Carpenter nous a bien fait réver.
The thing est un chef d'œuvre absolu pour moi car la paranoïa du film s'étend au spéctateur à la fin qui se demande si la chose est toujours là.
On en parle encore aujourd'hui de la fin de ce film...

Dario 2 Palma
12/02/2021 à 19:16

@ Chrisem

"Pour moi "Ghost of Mars et "Los Angeles 2013", qui sont certainement ses deux films les plus anti establishment, cristallisent trop sa rupture avec les grands studios. Alors que c'est paradoxalement "Les mémoires d'un homme invisible" qui en est à l'origine ."

Il y a "Invasion Los Angeles" et "NY 1997" que je place avant dans le genre films "anti establishment", mais là on parle de films indépendants à petit budget.. "Los Angeles 2013" et " "Ghosts of Mars" ont été financés eux par de gros studios, avec des moyens confortables, ce sont des budgets de blockbusters par rapport à "Invasion Los Angeles" "Prince des ténèbres" ou "Assaut"!
c'est la que Carpenter m'a un peu déçu sur ces films là, je parle sur la forme essentiellement qui a perdu pour moi en élégance, parce qu'il a autrefois fait des merveilles avec très peu d'argent à sa disposition...sur "Assaut", "Halloween", "Fog" les meilleurs exemples, et "New York 1997" tout petit budget par rapport à sa suite.

Le truc aussi comme tu dis c'est que "Los Angeles 2013" est probablement né du lourd échec de "l'homme invisible" et aussi du "Village des damnés" et "l'antre de la folie", 3 films qui n'ont pas fait d'étincelles au box office...Carpenter pour se remettre en selle pouvait à priori compter sur la suite tardive de son film le plus populaire (avec "Halloween").

"Enfin bref je ne suis pas un amateur de giallo et de films d'horreur et je ne garde en mémoire que peu d'oeuvres marquantes concernant Agento (Suspuria, Inferno, Ténèbres pour l'essentiel) . Alors que John Carpenter est pour moi à l'origine de nombreux chefs-d'œuvre du cinéma de genre (La nuit des masques, Fog, Assaut, Starman, The thing, Christine) et deux de mes films cultes "Los Angeles 2013" et "Les aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin"

J'apprécie beaucoup Carpenter et Argento mais pour des raisons différentes, leur style leur narration et leurs thèmes ne sont pas les mêmes. Mais je rapproche juste deux films de leur carrière parce que si les genres et sujets sont différents je vois des similitudes dans le ton satirique anarchique et "carnavalesque" de ces deux séquelles,, peut-être aussi un côté misanthrope chez leurs auteurs, et la forme un peu foutraque par moments, expliquée en partie pour budget restreint ou problèmes techniques de post production.

Ce qui différence aussi ces deux cinéastes c'est qu' Argento n'a jamais travaillé pour les gros studios, c'est un artisan qui tourne dans son coin, en Italie; et avec des budgets serrés depuis les années 90...Carpenter lui a eu une carrière américaine alternant les petits budgets et les gros films de studios.

Chrisem
12/02/2021 à 17:03

@ Brian2Palma

Quand je dis consensuelles, il faut comprendre dans la forme . Ce sont des films "sérieux", contrairement à "Los Angeles 2013" qui est un vrai foutage de gueule tant au niveau du studio que du public et de l'histoire qu'il raconte . Même sa lourdeur me semble assumée, tellement on peut voir le nombre d'entorses jubilatoire il fait à la bonne morale .

Comme tout le monde Carpenter ne devait pas cracher sur l'argent, mais n'était pas prêt à tout les consensus pour en avoir . C'est d'ailleurs ce qui lui vaudra une fin de carrière en demi-teinte sur "Master of horror" par exemple . Pour moi "Ghost of Mars et "Los Angeles 2013", qui sont certainement ses deux films les plus anti establishment, cristallisent trop sa rupture avec les grands studios . Alors que c'est paradoxalement "Les mémoires d'un homme invisible" qui en est à l'origine .

Je ne pense pas que l'on puisse réellement comparer Dario Argento à John Carpenter au-delà de leur titre de "maîtres de l'horreur" . N'ayant préféré ne pas voir "Mother of tears" à l'époque de sa sortie, je pense que la chute d'Argento et principalement due à un manque de qualité dans son travail là où Carpenter lui se contente de livrer le travail que la série lui demande . Même si Big John garde une certaine patte visuelle, on sens bien qu'il ne s'implique plus de la même façon dans son travail . Dario Argento a perdu de sa superbe depuis le milieu des années 80 et "Phenomena" alors que Big John est arrivé à perdurer jusqu'en 2001 .Enfin bref je ne suis pas un amateur de giallo et de films d'horreur et je ne garde en mémoire que peu d'oeuvres marquantes concernant Agento (Suspuria, Inferno, Ténèbres pour l'essentiel) . Alors que John Carpenter est pour moi à l'origine de nombreux chefs-d'œuvre du cinéma de genre (La nuit des masques, Fog, Assaut, Starman, The thing, Christine) et deux de mes films cultes "Los Angeles 2013" et "Les aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin"

Après tout ce que je dit et pense n'engage que moi .

Dario 2 Palma
12/02/2021 à 15:51

"c'est d'ailleurs pour ça que beaucoup lui préféreront ces oeuvres les plus consensuelles comme Fog, Ny1997 ou L'antre de la folie "

Je ne trouve pas ces films particulièrement consensuels..."l'antre de la folie" d'ailleurs est un film qui divise chez les fans de Carpenter.

"Certes on pourra décider pendant des heures sur la finalité d'entreprises ayant pour but de gagner de l'argent en proposant des divertissements accessibles au plus grand nombre"

Oui d'ailleurs Carpenter dans le documentaire "Big john" dit qu'il est un bon capitaliste qui aime faire de l'argent et qu'il s'est "vendu" plusieurs fois dans sa carrière...il a le mérite d'être franc!

Je ne nie pas le côté satirique mordant (et parfois lourd aussi) de "Los Angeles 2013", mais si le fond du film peut séduire on peut contester la forme proposée par Carpenter.

Finalement c'est une suite/remake qui me fait penser à celle concoctée par un autre "Master" ...Dario Argento et "Mother of tears". Les deux films étaient très attendus depuis des années par le public respectif de ces deux réalisateurs et les réactions ont été très partagées parce que les films dans le ton et le style prenaient le contre-pied des originaux et se rejoignaient par leur côté satirique (et foutraque aussi). Des films- miroirs à peine déformants de leur époque;;;,

Chrisem
12/02/2021 à 14:10

En fait pour moi LA2013 est un parodie des film post-apocaltyptique qui ont succédé à NY1997 . Big John se moquait non seulement du studio qui voulait pressé jusqu'à la dernière goutte le citron Snake Pleasken . À l'époque du tournage les relations entre John Carpenter et la Paramount s'était sérieusement dégradées et ont poussé le réalisateur à être encore plus anti studios qu'il ne l'était déjà . A l'arrivée le réalisateur a délibérément livré un film foiré qui se foutait autant des ambitions économiques de la Paramount que des balbutiements de l'Amérique SJW que nous connaissons aujourd'hui . En fait sa série B foutraque va jusque dans ses effets spéciaux ratés s'avèrer être un immense pied de nez à cette Amérique ultra puritaine et moralisatrice qu'il condamne dans un final anthologique . Carpenter c'est un des derniers vrais réalisateurs anti système encore en vie, de ceux qui puent la contestation, comme Oliver Stone on peut s'interroger sur le bien-fondé de leurs orientation . Mais je pense que la différence entre Stone et lui, c'est que Carpenter à choisi de se fourre du système qui exploite son talent plutôt que de réellement militer . Et LA2013 en est l'exemple le plus flagrant, un majeur tout droit tendu vers tout les coincés du bulbe qui ne fonctionnent qu'avec un premier degré bien réactionnaire de bien-pensance coincé dans le fondement . N'en déplaise à tout les messieurs/mesdames cinéma nourri aux pis de Studio/Première mais LA2013 ne s'adressait pas à votre vision proprette de l'oeuvre de Big John, c'est d'ailleurs pour ça que beaucoup lui préféreront ces oeuvres les plus consensuelles comme Fog, Ny1997 ou L'antre de la folie . Ceux dont il se moque ouvertement avec délectation en donnant un ton outrancier à sa dernière grosse production avant de fuir les contraintes mercantiles des studios . Certes on pourra décider pendant des heures sur la finalité d'entreprises ayant pour but de gagner de l'argent en proposant des divertissements accessibles au plus grand nombre . Cependant il ne faut pas oublier la démarche de l'artiste dont on pensait user du talent . À l'arrivée les spectateurs se sont plantés en pensant qu'ils allaient voir la digne suite sérieuse de New York 1997, tout comme Paramount s'est planté en croyant produire un pseudo fil d'action post-apocalyptique en oubliant que John Carpenter était avant tout un cinéaste contestataire . Bref Los Angeles 2013 est, pour moi, sous ses airs de nanard un véritable brûlot qui dénonce les dérives consuméristes d'une société moralisatrice . Un Big fuck anticipatoire à tout les SJW liberticides qui ont pris le pouvoir depuis .

"Bienvenue parmi les humains"

Jojo62
11/02/2021 à 22:51

New York 1997
Pour moi, un des meilleurs SF des années 80 !!
CARPENTER, un grand réalisateur

!

Kyle Reese
11/02/2021 à 20:59

@Dario 2 Palma

Thanks, j'ai la mémoire qui flanche, j'ai peut être confondu Télérama et Mad (un comble)
J'avais un super bon souvenir de Vampires grâce notamment à James Woods très bon avec des dialogues qui lui vont très bien, mais c'est long à ce mettre en place, le début traine avant l'attaque réussie du premier "nid", mais ensuite après le carnage du maitre Vampire dans la chambre d'hôtel (scène aussi plutôt pas mal) je me suis ennuyé ferme. Et la musique rock trainante est assez lourde finalement. Bref c'est comme ça. Mais oui, j'ai revu l'Antre de la folie il y 2 ans et ça fonctionne toujours bien, son dernier grand je suis bien d'accord.

Pat Rick
11/02/2021 à 19:45

Un film qui m'avait laissé lors d'une 1ère vision sur ma faim mais j'ai revu et revu récemment avec plaisir.
Moins bon que le 1er néanmoins on prend grand plaisir à retrouver Snake Plissken.

Nico
11/02/2021 à 12:27

@ Dario 2 Palma

Merci pour les précisions !

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