Inception : et si c’était la meilleure BO d’Hans Zimmer ?

Antoine Desrues | 20 février 2023 - MAJ : 21/02/2023 10:47
Antoine Desrues | 20 février 2023 - MAJ : 21/02/2023 10:47

Christopher Nolan et Hans Zimmer, c’est une grande histoire d’amour. Revenons sur la musique d’Inception, et sur ce qui en fait une BO majeure.

Un travelling avant sur une table. Une toupie qui tourne. À ces simples mots, c’est le déclic : Inception, et sa fin mythique ont marqué toute une génération de cinéphiles. Pour autant, le cliffhanger de Christopher Nolan n’est pas l’unique raison du culte autour de cette brillante scène. Au moment où Dom Cobb (Leonardo DiCaprio) rouvre les yeux après son aventure dans une suite de rêves emboîtés, le piano lancinant d’Hans Zimmer se déclenche, pour l’un des morceaux les plus fameux de sa carrière : Time.

 

 

Simple et épuré, ce lent ostinato (une montée en puissance par l’ajout régulier de nouveaux instruments, comme sur le Boléro de Ravel) exorcise toute la tension accumulée pendant la mission des personnages principaux. La soudaine sérénité de cette conclusion est contrebalancée par l’arrivée des cors et d’une guitare électrique, histoire de renvoyer la dimension épique du voyage que le public vient de vivre.

À vrai dire, la force d’Inception et de son univers doivent beaucoup à la manière dont sa bande-originale est devenue une entité essentielle de son monde, un élément primordial pour épauler le concept de Nolan, les émotions du scénario, et plus généralement l’immersion du spectateur. En bref, expliquons pourquoi c’est la meilleure BO d’Hans Zimmer, et la meilleure BO du monde, sans aucune exagération bien sûr.

 

photo, Joseph Gordon-LevittC'est parti pour le grand huit !

 

Qui a fait ça ?

A-t-on vraiment besoin de présenter Hans Zimmer ? Compositeur hyper-productif depuis les années 80, le bougre est devenu une figure incontournable avec les partitions de Rain Man, du Roi Lion, de Gladiator, ou encore des Pirates des Caraïbes. Mais à vrai dire, Zimmer est bien plus que cela. Autodidacte qui assume lui-même sa connaissance limitée du solfège, il s’est très vite démarqué par ses thèmes simples et ses jeux rythmiques implacables, souvent obtenus à l’aide de synthétiseurs.

 

Photo Hans ZimmerLe patron

 

Avec la création du studio Media Ventures (aujourd’hui renommé Remote Control Productions), Zimmer a perfectionné son approche électro-orchestrale, au point d’en faire un style désormais repris par de nombreux poulains de sa société, de Lorne Balfe (The Crown, Mission : Impossible - Fallout) à Steve Jablonsky (Transformers) en passant par Junkie XL (Mad Max : Fury Road) et Ramin Djawadi (Game of Thrones). En soi, si vous trouvez que la majorité des musiques de film tendent à se ressembler à Hollywood, vous savez maintenant pourquoi.

Pour qu’une telle mise en contexte s’impose, c’est parce qu’avec son succès, Hans Zimmer a parfois tendance à se reposer sur ses lauriers, voire à méchamment s’auto-parodier. Mais depuis Batman Begins en 2005, le compositeur a trouvé un binôme de choix en la personne de Christopher Nolan. Le cinéaste est connu pour être un mélomane exigeant, toujours à chercher une approche théorique à même de sublimer ses longs-métrages. Et avec Inception, le duo a atteint un niveau de symbiose inégalé.

 

photo, Christopher NolanLe Cobb-aye de Nolan

 

Rêve (extra)lucide

S’il y a bien une chose que l’industrie retient d’Inception, c’est ses violentes percées de cuivres. L’effet s’est infusé absolument partout, dans un nombre conséquent de films, mais surtout dans plein de bandes-annonces, pulsées par la violence de ces cors tonitruants. Quand bien même l‘idée est devenue aussi systématique que débilitante, Zimmer l’utilise avec beaucoup de malice pour signifier la fragilité des différents niveaux de rêves emboîtés, jusqu’à leur destruction au cours du métrage.

En fait, il est assez fascinant de voir comment Nolan utilise la musique comme un liant pour ses divers montages parallèles. Tout le principe d’Inception repose sur la magie du pouvoir cinématographique, capable de faire communiquer des espaces et des temporalités a priori imperméables.

 

photo, Leonardo DiCaprioLeo échaudé craint l'eau froide (et après Titanic, on le comprend)

 

Alors que le film débute sur les différents logos de la production, les touches de piano de la piste Half a Remembered Dream se font entendre au loin, tel un écho imperceptible, avant que les cuivres n’entrent progressivement en jeu, jusqu’à devenir assourdissants. En quelques secondes, Inception pose son ambiance, et submerge son spectateur dans son univers, alors même que le premier plan observe au ralenti une vague en train de s’écraser sur le rivage. Le staccato des cordes et les effets électros de Zimmer rythment ainsi ces aplats de cuivres, qui soulignent le débordement permanent du fictif sur le réel.

Par ailleurs, les fameux Bwaaaah ne viennent pas de nulle part. Puisque les personnages utilisent eux-mêmes de la musique pour coordonner les différentes strates de rêves, Hans Zimmer s’amuse à se réapproprier, au ralenti, la partition du morceau Non, je ne regrette rien d’Edith Piaf. La piste Waiting For a Train joue avec cette frontière ténue entre la diégèse et l’extra-diégèse du long-métrage, conférant à Inception un esprit particulièrement ludique. Sur ce point, Christopher Nolan a la bonne idée de commander à son compositeur des morceaux non pas pendant la post-production, mais dès le tournage, afin de laisser au musicien germain une certaine marge de manœuvre et d’expérimentation.

 

photo, Ken Watanabe, Marion CotillardAttention, ça va faire BWAAAAAAAH !

 

Et à vrai dire, il ressort d’Inception l’inventivité évidente de Zimmer, mais surtout un amusement de petit chimiste, trop content qu’on lui confie une telle mallette. Le monsieur en profite pour perfectionner sa gestion des loops électroniques et son mélange rock-orchestral, tout en allant puiser dans de belles inspirations.

Avec certaines pistes plus atmosphériques comme Old Souls, le compositeur déploie toute sa maîtrise des nappes de synthétiseurs, allant jusqu’à convoquer la mélancolie des claviers de Vangelis sur Blade Runner. Ses leitmotivs imprègnent petit à petit l’ensemble de l’album, à la manière des souvenirs douloureux qui empoisonnent la vie de Cobb. Zimmer exploite avec intelligence ce jeu de réminiscences, jusqu’à faire sa propre “inception” avec sa partition, en conditionnant notre esprit autour de ses motifs.

 

photoUne musique qui retourne

 

S’il ne fallait en garder qu’une...

Comme dit précédemment, Time est un morceau incontournable, et un ostinato révélateur de la puissance de la BO. Mais pour apporter du grain à moudre, on s’attardera sur Mombasa. Cet autre moment de bravoure intervient au moment où Cobb part chercher Eames (Tom Hardy) au Kenya, avant d’être pourchassé par d’ex-employeurs dans les rues grouillantes du centre-ville. Pour accompagner cette scène d’action (et d’autres plus tard dans le film), Zimmer pose comme fondation un motif de percussions aussi vif qu’oppressant, introduisant petit à petit une salve d’instruments qui ajoute minutieusement une touche de tension supplémentaire.

En soi, Mombasa est un pur bijou de fabrication, où chaque écoute permet de mieux distinguer les subtilités de mixage de Zimmer, surtout lorsqu’il retouche l’acoustique de son orchestre. Il sublime d’ailleurs l’ensemble par l’ajout d’une basse électrique dont la force semble sonder l’âme à chaque note.

Avec ce morceau, le compositeur condense toutes ses meilleures idées pour coller à la dimension techno-thriller d’Inception. L’idée se retrouve poussée dans ses retranchements lorsque débarque une guitare électrique “à la Morricone”, aussi acide que piquante. Pour l’occasion, Zimmer confie cette partie à Johnny Marr, le guitariste du groupe The Smiths, qui hante la majorité de l’album avec ses riffs entêtants.

PS : Dream is collapsing et One Simple Idea défoncent aussi.

 

 

Il en reste quoi ?

Souvent copiée, rarement égalée, la BO d’Inception est un repère évident pour la musique de blockbusters des années 2010. Utilisée à foison en télévision, la partition d’Hans Zimmer se révèle très utile pour souligner grossièrement des émotions franches. Sur ce point, on ne peut que vous conseiller de faire un test sur les émissions de cuisine, où vous entendrez souvent Mombasa pendant les épreuves, et Time lorsqu’un candidat a raté sa béchamel.

 

Inception : photo, Ellen Page, Leonardo DiCaprioL'effet de la musique sur nos tympans

 

Cependant, l’héritage le plus important d’Inception est à chercher ailleurs. La collaboration privilégiée de Christopher Nolan avec Hans Zimmer permet au cinéaste de faire de la musique un véritable élément de récit, au point d’augmenter drastiquement son volume au sein du mixage global.

La différence avec The Dark Knight (le film précédent de Nolan) est en cela flagrante, et le réalisateur ne cesse depuis Inception de donner plus de place à ses bandes-originales, au grand dam de certains exploitants de salles qui voient mourir leurs caissons de basses. Mais qu’importe, parce qu’au lieu de seulement entendre la partition de sieur Zimmer, on peut pleinement l’écouter pendant le visionnage, et vibrer avec elle.

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commentaires
HarryG
22/07/2023 à 23:22

Puisque la section commentaires est ouverte à tous, je me permets de partager mon avis ici.
Je n'ai jamais vraiment compris l'intérêt suscité par la BO d'Inception. J'ai l'impression que c'est en partie à cause de cette BO que beaucoup de personnes considèrent Hans Zimmer comme un simple "Sound Designer" qui "braaam" dans "tous" ses films, oubliant finalement de nombreux thèmes mélancoliques qu'il a pu composer par le passé. Les gens ont-il oublié le Roi Lion ? USS Alabama et ses choeurs incroyables ? Rangoon? Le Roi Arthur? Le Dernier samourai (évidemment) ? La Ligne rouge (sous-estimée)? Pearl Harbor? Gladiator? ... La liste est interminable, et les thèmes, sont souvent mémorables, pour peu qu'on s'y intéresse. Alors certes, techniquement ce n'est pas du John Williams, mais il a ce petit quelque chose en plus dans ses musiques qui peuvent vraiment transcender un film. Je le comparerais un peu à James Horner, thèmes simples mais d'une efficacité redoutable !

zibouglon
23/02/2023 à 15:32

et le Hanz qui fait toute les meme BO sur tout ses films, on vie dans le meme multiverse ???

zibouglon
23/02/2023 à 15:31

Nolan, il arrive meme a faire des film de guerre sans ame, c'est la que je l'ai laché définitivement

zibouglon
23/02/2023 à 15:25

du Nolan, du sans ame avec filtre vert/bleu ...chacun ses gouts de merde lol.....

Neary
21/02/2023 à 15:22

@Cidjay
Hum c'est le contraire, on retrouve enfin un peu de symphonisme (et de musique tout court...) avec Giacchino et le Batman de Reeves... Même si je préfère évidemment le Batman d'Elfman (surtout Batman Returns).

Cidjay
21/02/2023 à 12:19

Le problème ne vient pas forcément des compositions de Hans Zimmer, mais du Sound design des films, qui tend inexorablement à faire disparaître de vraies composition musicales symphoniques au profit de "plages Sonores "electro" (ou en tout cas beaucoup moins travaillée musicalement parlant) pour faire ressortir les émotions.
C'est triste, mais la musique a beaucoup changée ces 20 dernières années au cinéma... difficile de se rappeler d'un véritable thème de film à moins qu'il ne soit réutilisé plusieurs fois.
On pourrait comparer les Batman de Burton, de Nolan et celui de Reeves.
Tous ceux qui ont vu les films de Burton pourront te ressortir le thème de Batman de Burton.
pour celui de Nolan, il y avait encore un peu de symphonique, mais l'electro commençait à pointer son nez, et pour celui de Reeves, on parle simplement de Sound Design (on est plus du tout sur de la composition musicale symphonique).

Pulsion
21/02/2023 à 09:25

Très bon dossier.
La musique de Inception est remarquable c'est exact. Un être à part entière. Elle reste dans la tête uniquement pour le meilleur.

Augustemars
13/09/2022 à 17:34

Ah, et ma BO préférée de tous les temps et celle de Joe Hisaishi pour Le voyage de Chihiro.

Augustemars
13/09/2022 à 17:32

Je ne suis pas un grand fan d'Inception (ni de Nolan en général) mais on ne peut pas enlever à ce film son excellence BO, qui prouve tout le talent de Hans Zimmer

Incognito
12/09/2022 à 22:49

Interstellar sans hésitation, rien qu'à l'entendre les frissons montent, la raison est suffisante :)

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