Les 8 Salopards : et si c'était la meilleure BO du monde ?

Alexandre Janowiak | 13 février 2021 - MAJ : 12/01/2023 11:35
Alexandre Janowiak | 13 février 2021 - MAJ : 12/01/2023 11:35

Ennio Morricone + huis clos glacial + Quentin Tarantino on fire = un des plus grands films des années 2010 et une musique inoubliable avec Les 8 Salopards. 

Évidemment, quand on évoque Ennio Morricone, on pense évidemment à Le Bon, la Brute et le Truand, Il était une fois dans l'Ouest, Mission, Le Professionnel, Les Moissons du ciel, Les incorruptibles, Le clan des siciliens, L'oiseau au plumage de cristal, Cinéma Paradiso ou même plus récemment Mission to Mars. Impossible en tout cas de lister chacune des oeuvres magistrales sans en oublier dans un seul et même article tant le compositeur italien à marquer l'histoire du cinéma.

Lors de son décès en juillet 2020, on était d'ailleurs revenu sur quelques-unes des partitions de légende d'Ennio Morricone ou plutôt de quelques-uns de ses morceaux inoubliables. Et parmi eux, on y retrouvait évidemment l'un de ceux qui composent la bande-originale de Les 8 Salopardsimmense huis clos réalisé par Quentin Tarantino en 2016.

Et à bien y réfléchir, il se pourrait bien que ce soit la meilleure BO du monde, sans aucune exagération bien sûr.

PS : Quelques spoilers peuvent être présents

 

photoEn route pour un voyage entre horreur et western

 

QUI A FAIT Ça ?

Si on parle du film, c'est bien évidemment Quentin Tarantino qui s'est chargé de le réaliser, mais également de l'écrire. Et ce n'est pas peu dire que le long-métrage a connu de nombreux aléas puisque si le cinéaste avait terminé l'écriture en janvier 2014 pour tourner à l'été 2014, le scénario a fuité sur la toile juste après son annonce. Dépité, il avait décidé d'abandonner le projet avant de le relancer trois mois plus tard, en modifiant quelque peu le récit (pour contrecarrer la fuite) et débuter enfin le tournage début 2015.

Et en juillet 2015 lors du Comic-Con de San Diego, Tarantino lâchait la bombe : Ennio Morricone sera le compositeur de son western glacé. Une collaboration dont le cinéaste avait toujours rêvé, mais qui ne s'était jamais faite jusqu'ici (en tout cas pas entièrement). En effet, le compositeur italien avait refusé à plusieurs reprises de travailler avec le réalisateur de Pulp Fiction. Entre autres raisons, le fait que Quentin Tarantino ne lui laisse pas assez de temps pour travailler sur les musiques ou sa manière d'user ses musiques à mauvais escient.

Ainsi, THR avait affirmé en 2013 que le compositeur avait critiqué Tarantino devant des étudiants à Rome : "Je ne veux plus travailler avec lui de nouveau, sur quoi que ce soit [...] L’an dernier, il a dit qu’il voulait que l’on travaille encore ensemble [sur Django Unchained, ndlr] comme sur Inglourious Basterds, mais je lui ai dit que je ne pouvais pas, car il ne me laissait pas assez de temps. Alors, il a juste utilisé une chanson que j’avais déjà écrite avant le film. (...) Il place la musique dans ses films sans aucune cohérence (...) On ne peut rien faire avec quelqu’un comme ça."

 

Photo Jennifer Jason Leigh, Kurt RussellEnnio Morricone quand il entend la musique dans les films de Tarantino

 

De quoi imaginer une relation compliquée entre les deux hommes, mais cela cachait surtout une incompréhension des propos du compositeur. Devant le déferlement de réactions, il avait nuancé et remis les choses au clair dans une lettre ouverte quelques jours plus tard : 

"Ce que j’ai vu au sujet de mes déclarations sur Quentin Tarantino est faux. C'est une lecture partielle de mes pensées. [...] La seule chose que j’ai dite c’est que le choix de Tarantino de prendre plusieurs morceaux de musique très différents dans un même film rend le tout pas toujours très harmonieux avec l’ensemble du travail."

Rien qui n'empêchera donc les deux hommes d'enfin collaborer sur une musique originale (après que Tarantino ait usé d'anciens morceaux du monsieur sur les Kill Bill, Boulevard de la mort, Inglourious Basterds ou encore Django Unchained) avec Les 8 Salopards. Le maestro avait d'ailleurs expliqué ce qui l'avait finalement convaincu de se lancer dans le projet à Rolling Stone :

 

photo, Samuel L. JacksonLe monde se rend devant une telle collaboration

 

"Il y a une femme qui doit être pendue quand ils seront arrivés à la ville où ils se rendent, et ça se termine sur une lecture d'une lettre d'Abraham Lincoln. Tous ces éléments m'ont impressionné. Mais ce qui m'a aussi impressionné, c'était la violence. Avec le scénario, je pouvais dire qu'il y avait des séquences extrêmement brutales, mais qu'elles étaient nécessaires pour montrer que Tarantino était, lui-même, vraiment du côté des victimes."

Résultat, l'Italien a été conquis. Et c'était un sacré coup pour Tarantino puisque le compositeur n'avait pas écrit de bande-originale pour un western depuis 1981 et On m'appelle Malabar et pour une production hollywoodienne depuis 2002 avec Ripley's Game.

 
photoFini de discutailler, on parle musique maintenant

 

EN ROUTE VERS LA MORT

Le western de Tarantino était donc attendu au tournant, et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il a été au rendez-vous. D'une impressionnante richesse, le long-métrage était probablement le plus abouti de la filmographique du cinéaste (avant Once Upon a Time... in Hollywood), rendant à la fois hommage à son propre cinéma tout en y glissant des références évidentes à l'Art (de la littérature d'Agatha Christie au cinéma de Sam Peckinpah ou John Sturges).

Mais si le film est aussi majestueux, c'est notamment grâce à sa musique exceptionnelle signée Ennio Morricone. Dans sa grande intelligence, il a lu au-delà de ce qu'avait imaginé Quentin Tarantino. Il s'était expliqué à Rolling Stone à ce sujet justement :

"Tarantino considère ce film comme un western ; pour moi, ce n'est pas un western. Je voulais faire quelque chose de totalement différent de toutes les musiques de western que j'avais composées dans le passé."

En effet, ce qui compte le plus finalement dans la composition de Morricone, c'est la manière avec laquelle il a su intégrer l'histoire du film sans l'avoir vu (il a composé en ayant seulement lu le scénario) pour mieux en sublimer chaque instant, en accentuer l'atmosphère et surtout faire basculer l'ambiance du western (attendu par le spectateur) en huis clos horrifique anxiogène et angoissant (plus surprenante).

 

Photo Samuel L. Jackson, Demian BichirLes faux-semblants accentués par la musique et l'esthétique du film

 

Une juxtaposition des sonorités et des ambiances qui est particulièrement marquée dans le morceau Narratore Letterario. Démarrant sur une petite mélodie entraînante, la musique bascule finalement vers une orchestration stridente effrayante qui vient annoncer la couleur : derrière le western se cache surtout une horreur sous-jacente. En résulte une alternance de composition plus classique et mélodieuse comme Overture ou Raggi di Sole Sulla Montagna, plus inquiétante comme Sei Cavalli voire complètement hallucinatoire (le poison étant au coeur de la scène) avec L'inferno Bianco.

Par ailleurs, il faut noter que pour éviter de rendre en retard sa composition (qui contient plus de 50 minutes de morceaux originaux), Morricone a suggéré avec malice à Tarantino d'utiliser les partitions non usitées de The Thing (que Morricone avait composée à l'époque). De quoi rajouter à la puissance du métrage, d'autant plus que le film de Tarantino répond quasi directement à l'oeuvre de John Carpenter : une tempête de neige, des identités suspectes, un huis clos, une paranoïa grandissante, beaucoup de sang et puis Kurt Russell. 

Elle est notamment présente lors de la scène du blizzard (Eternity) où O.B. (James Parks) et Mannix (Walton Goggins) plantent des piquets pour baliser un chemin entre le chalet et les toilettes. Un morceau de L'Exorciste 2 : L'Hérétique a également été utilisé dans le métrage. De fait, assez étrangement, Les 8 Salopards est peut-être le moins Tarantinesque des films de Tarantino musicalement parlant, ce qui ne l'empêche pas pour autant d'être la quintessence de son cinéma.

 

photo, Kurt RussellUn relent de The Thing

 

S’IL NE FALLAIT EN GARDER QU’UNE...

Toutefois, si l'on devait en garder un seul, ce serait probablement le morceau L'ultima diligenza di Red Rock qui est le plus impressionnant. Du long de ses 7'31", le thème principal du long-métrage contient absolument tous les genres avec lesquels le film jonglera : western, aventure, thriller et évidemment horreur pure, voire même le giallo.

D'une ampleur à tous les niveaux, c'est assurément le morceau le plus élaboré de la partition (même si Neve tient sérieusement la corde), mêlant douceur et colère, harmonie et cacophonie, relâchement et intensité, quiétude et suspense, note aigüe esseulée et sons caverneux multiples... À l'image du film, qui se transforme en whodunit en milieu de métrage, le morceau multiplie donc les ruptures de ton sans accro, avec grâce et surtout surprise pour mieux décontenancer.

Les "oooh, oooh" d'un choeur d'hommes viennent, par ailleurs, rappeler les immenses partitions du compositeur pour Sergio Leone et notamment celles de Le Bon, la Brute et le Truand, replaçant le genre du western au milieu de cette aliénation collective.

 

 

IL EN RESTE QUOI ?

Globalement, la dernière grande composition de Ennio Morricone et la plus marquante de ses partitions post-2000. Elle permettra d'ailleurs enfin à l'Italien de recevoir un Oscar de la meilleure musique, lui qui n'avait jamais été récompensé (oui, c'est un peu la honte pour l'Académie) et qui avait dû se contenter d'un Oscar d'honneur pour l'ensemble de sa carrière en 2007.

Elle prouve aussi (s'il le fallait encore) qu'Ennio Morricone était sûrement le plus grand compositeur de cinéma au monde. Avec plus de 500 bandes-originales à son actif et malgré ses 86 ans, le maestro a pondu une partition proprement unique, lui qui a cherché à se renouveler afin d'élever à un autre niveau Les 8 Salopards.

Ennio Morricone avait d'ailleurs affirmé vouloir retravailler avec Tarantino sur son prochain film, ayant apprécié leur collaboration. Finalement il n'en fut rien, Once Upon a Time... in Hollywood reposant uniquement sur des titres des années 60 et aucune musique originale. Depuis, Ennio Morricone est décédé et il nous a tristement laissés orphelins de son talent. Nous reste donc à écouter ses musiques et notamment celle de Les 8 Salopards, la meilleure BO du monde, sans aucune exagération bien sûr.

Tout savoir sur Les 8 Salopards

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commentaires
Maxfuriosa
15/02/2021 à 13:07

Conan le barbare de Basil Pouledouris, la meilleure BO du monde

pc
14/02/2021 à 17:36

Le plus grand Tarantino avec Pulp fiction. Ça ne reste que mon avis.

jorgio6924
14/02/2021 à 16:12

@ragnagnas
Tout les goûts sont dans la nature l'ami.
Par exemple, il y a ceux qui tournent 7 fois leur langue dans leur bouche au lieu de dire une connerie.

moky99
14/02/2021 à 12:04

@ragnagna : "Ceux qui ne sont pas foutus d'apprécier ou qui s'ennuient devant ça ne sont pas des amateurs de cinéma." => merci pour la leçon de tolérance...

ragnagnas
14/02/2021 à 11:07

LE MEILLEUR TARANTINO ,ET DE LOIN. Avec une séquence d'ouverture d'anthologie. Magnifique. Merci monsieur Morricone. Ceux qui ne sont pas foutus d'apprécier ou qui s'ennuient devant ça ne sont pas des amateurs de cinéma. Désolé.

DjFab
14/02/2021 à 10:26

Bof bof cette BO comparé aux classiques du compositeur ! Même bof bof tout court, pas envie de l'écouter ! Je rejoins le commentaire de "Mouais Bof" !

Deny
14/02/2021 à 02:47

Musique ok, mais film bof, on s'ennuie ferme

Kyle Reese
13/02/2021 à 23:58

Morricone était effectivement l’un des plus grand sinon le plus grand. Ce que j’adore chez lui se sont ses audaces, ses mélanges, ses expérimentations. Bref vu le film qu’une fois et bien aimé quoique long et extrême tu bavard, étonnamment je ne m’étais pas vraiment attardé sur la musique. Je le ferai la prochaine fois surtout que je n.,avais pas vu les nombreux parallèles avec The Thing plutôt bien vu.

rientintinchti
13/02/2021 à 16:11

Morricone lui était un grand. Dommage qu'il ait associé son nom à cette imposture nullissime de Tarantino.
Remboursez

Copeau
13/02/2021 à 12:14

Hey EL, sympa vos articles « ... et si c’était la meilleure BO du monde ». Pouvez-vous le faire pour Conan ? Car pour le coup c’est vraiment la meilleure BO du monde :)) big bisous

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