Top des Meilleurs Films 2020 - EcranLarge

La Rédaction | 5 novembre 2021 - MAJ : 24/01/2022 19:48
La Rédaction | 5 novembre 2021 - MAJ : 24/01/2022 19:48

Le Top 25 des meilleurs films de 2020 selon Écran Large, avec de l'horreur, du drame, de l'amour, de l'animation, et du rire.

Quelle année, n'est-ce pas ? Sans l'arrivée d'un petit virus venu jouer les trouble-fêtes, ce top aurait peut-être compris des films comme DuneMourir peut attendre ou Monster Hunter (rendez-vous dans un an pour savoir si c'est une blague). L'absence de blockbusters américains, tous repoussés au mieux à 2021, a certes bousculé l'économie pour les exploitants, mais n'a pas pour autant entaché qualitativement ce crû, au moins aussi bon que les autres années, grâce au travail acharné des distributeurs français.

Notre top 25 de l'année, rassemblant tous les membres de la rédaction, leur rend donc indirectement hommage, puisqu'il célèbre la richesse de 12 mois forts en coups de coeur, tout en rappelant que même chez nous, enfin, surtout chez nous, la diversité d'opinion est une force (Dossier mis à jour en novembre 2021).

 

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MANK

Sortie 4 décembre 2020 (Netflix) - Durée 2h12

 

Gary Oldman"Vous là-bas, vous attendez quoi pour regarder Mank ?"

 

De quoi ça parle : Les coulisses de l'écriture du scénario de Citizen Kane, à travers le point de vue caustique de son scénariste : l'alcoolique et non moins talentueux Herman J. Mankiewicz.

Pourquoi c'est génial : Après six ans d'absence et son passage remarqué derrière Mindhunter, David Fincher était attendu au tournant avec sa plongée dans le Hollywood des années 30-40. Sans grande surprise, le maître a tenu son rang avec un long-métrage terriblement exigeant et dense. C'est sans doute son plus gros point faible (puisque ce n'est pas un défaut en soi) : son oeuvre demande un investissement profond du spectateur, habitude devenue si rare à Hollywood (et ses blockbusters Happy Meal), voire une connaissance accrue du 7e art.

Pour autant, derrière cette lettre d'amour cinéphile âpre et rude, se cache en réalité une de ses oeuvres les plus touchantes et humbles. Alors que le film est d'une beauté technique et artistique ahurissante, le long-métrage vaut pour la réflexion très personnelle de Fincher sur feu Jack Fincher, son père et scénariste du film, et le cinéma d'antan (et intrinsèquement celui d'aujourd'hui et de demain). Regard acéré sur l'art, Mank est finalement le plaidoyer d'un cinéaste sur la création et le statut d'artiste, mais aussi celui d'un homme soucieux du monde qui l'entoure (manipulation des médias, business de l'art...). Bref, une oeuvre riche et majeure comme on en fait plus.

Ça te plaira si t'aimesCitizen Kane de Orson Welles évidemment, et plus globalement les films de l'âge d'or d'Hollywood. Et puis aussi les films très verbeux, allant à un rythme si effréné dans certaines séquences qu'en perdre le fil devient presque rédhibitoire.

Notre critique de Mank
 Film sélectionné par Alexandre Janowiak 

  

ADOLESCENTES / PETITE FILLE

Sortie 9 septembre 2020 / 2 décembre 2020 (VOD) - Durée 

 

/Des documentaires indispensables !

 

De quoi ça parle : Sébastien Lifshitz a signé en 2020 deux documentaires pour suivre le quotidien de personnages hauts en couleur. Avec Adolescentes, il s'attarde sur les années lycée de deux amies, Emma et Anaïs. Et avec Petite fille, il raconte l'histoire de Sasha, née garçon, mais qui se sait fille depuis son plus jeune âge. 

Pourquoi c'est génial : Avec Adolescentes et Petite filleSébastien Lifshitz confirme son statut de documentariste courageux, toujours prêt à se frotter à des sujets ultra-casse-gueule. D'un côté, il y a Emma et Anaïs, deux jeunes femmes en train de façonner leur avenir. De l’autre, il y a Sasha, qui depuis toute petite sait qu’elle veut être une fille. Mais dans les deux cas, c’est bien un portrait magnifique de la France d’aujourd’hui que le cinéaste parvient à délivrer.

Alors qu’il pourrait traiter ses personnages comme des rats de laboratoire, Lifshitz réussit en permanence à mettre sa caméra à la bonne distance. Qu’il filme des engueulades de famille déchirantes ou des consultations chez le psychiatre, les images du cinéaste sont toujours sublimées par son évidente bienveillance. Des attentats de 2015 à l’évolution des mentalités sur les questions de genre, il déploie par petites touches impressionnistes une capsule temporelle fascinante.

Néanmoins, Adolescentes et Petite fille n’en oublient jamais d’être des œuvres à l’humanité bouleversante et universelle, qui captent comme aucune autre les affres du doute, et le besoin de le surmonter. Avec ce doublé magistral, Sébastien Lifshitz prouve qu’il y a quand même du bon à tirer de 2020 !

Ça te plaira si t'aimesBoyhood, Les Invisibles

Notre critique de Petite fille
Film sélectionné par Antoine Desrues

 

UNCUT GEMS

Sortie 31 janvier 2020 (Netflix) - 2h15

 

Adam SandlerAdam Sandler, au milieu du capharnaüm urbain qu'est New York

 

De quoi ça parle : Avec des dettes qui s'accumulent et des percepteurs qui le cernent, un bijoutier new-yorkais volubile risque tout dans l'espoir de rester à flot... et en vie.

Pourquoi c'est génial : Après Mad Love in New York et Good TimeJosh et Benny Safdie nous replongent dans un New York bouillonnant et bruyant, où la ville devient un personnage à part entière dans leur cinéma. On y suit Howard, un bijoutier à la moralité vraiment douteuse, incarné par un Adam Sandler brillant, qui va se retrouver plongé dans une véritable descente aux enfers, dans un polar nerveux au rythme effréné et épuisant.

Avec Uncut Gems, les frères Safdie sont tout simplement au sommet de leur maîtrise, aussi bien au niveau du rythme que de la mise en scène, où les cinéastes déploient des idées visuelles dingues à la seconde, ne serait-ce que dans une scène d'ouverture sous acides, où les cinéastes passent des éclats d'un diamant brut à la coloscopie de leur personnage principal en l'espace d'une transition. Uncut Gems devient alors une véritable course contre la montre au rythme implacable, avec un Adam Sandler possédé, qui éclate littéralement à l'écran.

Rarement une ville comme New York n'aura été filmée de manière aussi vivante, organique, tel un monstre qui recrache son personnage, que les frères Safdie n'hésitent pas à malmener à leur guise, devenant tour à tour sympathiques et pathétiques. On ressort de cet uppercut totalement lessivé, autant moralement que physiquement, après une scène finale mémorable, qui nous met littéralement K.O. Une claque.

Ça te plaira si t'aimes : Made Love in New York et Good Time, les deux précédents films des frangins. 

Notre critique d'Uncut Gems
Film sélectionné par Gaël Delachapelle

 

MADRE

Sortie 22 juillet 2020 - Durée 2h09

 

Marta NietoL'amour à la plage

 

De quoi ça parle : Elena reçoit un coup de téléphone de son fils, âgé de 6 ans et laissé sans surveillance par son père, quelques minutes avant qu'il disparaisse sur une plage des Landes. Dix ans plus tard, la mère dévastée vit près de cette plage, où elle travaille et tente tant bien que mal de reprendre le dessus, jusqu'à ce qu'elle croise un adolescent qui lui rappelle son fils.

Pourquoi c'est génial : Particulièrement apprécié des cinéphiles français, le cinéma espagnol est souvent perçu comme une enclave pour les productions de genre que l’Hexagone n’aurait plus la passion de produire. Mais en seulement 3 longs-métrages, Rodrigo Sorogoyen a démontré qu’il était bien plus qu’un (brillant) auteur de polar. Avec Madre, il quitte – en apparence – les rivages du thriller pour le drame, suivant le parcours d’une mère traumatisée par la perte d’un enfant, et troublée par sa rencontre avec un adolescent qu’elle ne laisse pas insensible. 

Récit d’un double deuil et d’un renoncement à l’innocence, Madre étonne par la grâce évidente, l’humaine poésie avec laquelle il aborde des thèmes d’une noirceur absolue. Devant la caméra précise et alerte de Sorogoyen, la côte Basque se mue en une zone fantomatique, où les vivants errent le long de langues sablonneuses, face à la mer et au ciel, interconnectés par le même halo blafard. 

Impossible de résister à cette rêverie amoureuse, éplorée, sensuelle, inconsolable et finalement passionnée. Les interprétations de Marta Nieto et Jules Poirier comptent parmi les plus fortes de ces récents mois. Et malgré ces défis, posés par le sujet, et par la frontalité avec laquelle l’auteur les aborde, Madre ne vire jamais à la performance, à la tentative de sur-récit glauque et performatif. Jamais surplombant, Sorogoyen livre encore une fois un geste de cinéma étourdissant. 

Ça te plaira si t'aimes : L'échange, La fille dans le parc, La Disparition de mon enfant, Mon garçon

Notre critique de Madre
Film sélectionné par Simon Riaux

 

WAVES

Sortie 29 janvier 2020 - Durée 2h17

 

Kelvin Harrison, Alexa DemieLe plus beau début de film de 2020

 

De quoi ça parle : La vie d'un frère et d'une soeur, bouleversée suite à une tragédie qui va plonger la famille entière dans un océan de violence, de douleur, et de questionnements.

Pourquoi c'est génial : Dans ses longs-métrages, Trey Edward Shults nous plonge au sein de la famille pour en présenter aussi bien la tendresse que les dysfonctionnements. Son troisième film, Waves, est une expérience sensorielle bouleversante, qui submerge et emporte tout son sur passage.

La première séquence à elle seule suffit à donner le tournis (littéralement), avec une caméra qui tournoie dans une voiture sur la route de Floride, puis navigue entre les couloirs d’un lycée, un entraînement de lutte ou une salle de musculation pour nous présenter l’environnement dans lequel le scénario va évoluer. Comme un tourbillon, le film nous plonge dans les abysses avant de nous ramener vers la lumière et nous immerge dans ce récit diptyque où la colère, la joie, la culpabilité, la terreur et le chagrin s’opposent et se mélangent avec virtuosité.

Un sublime enchaînement de moments suspendus captés avec une finesse, une sensibilité et une mélancolie entre Terrence Malick et Euphoria. Deux ressemblances qui s’expliquent par l’expérience de stagiaire de Trey Edward Shults sur les tournages du cinéaste et par le directeur de la photographie, Drew Daniels, présent sur deux épisodes de la série HBO.

Les sons, les couleurs, tout est aussi saturé que les sensations tandis que la superbe bande-son de Trent Reznor et Atticus Ross se conjugue aux morceaux d’A$AP Rocky, Kendrick Lamar ou Frank Ocean et berce ces deux histoires d’amour d’une aura presque fantastique. Taylor Russell illumine le cadre à chacune de ses apparitions, tout en délicatesse, et le reste du casting composé de Kelvin Harrison, Alexa Demie, Renée Elise Goldsberry ou encore Sterling K. Brown est tout aussi merveilleux. Alors que, comme un symbole, « Sound & Color » d’Alabama Shakes accompagne le générique de fin, les larmes coulent encore.

Ça te plaira si t'aimes : Mommy, In the bedroom

Notre critique de Waves
Film sélectionné par Arnold Petit

  

EMA

Sortie 2 septembre 2020 - Durée 1h47

 

Mariana Di Girolamo, Gael García BernalUn sacré duo

 

De quoi ça parle : Rien n'arrête Ema, même pas elle-même. Danseuse chilienne qui doit se remettre d'un drame parental spectaculaire, tout en se séparant d'un compagnon et pygmalion un tantinet toxique, la jeune femme traverse son existence comme Santiago, avec une puissance qui embrase tout autour d'elle.

Pourquoi c'est génial : Dans les rues de Valparaiso, une jeune femme marche à la nuit tombée, équipée d’un lance-flamme. Comme si de rien n’était, elle incinère un feu de circulation, avant de s’allumer une cigarette. Et le film Ema de Pablo Larraín de démarrer, au son d’une fanfare électro au bord de l’explosion, dès ses premières notes. Toujours aussi versatile et techniquement virtuose, le réalisateur de Jackie entame une nouvelle dissection de personnage féminin, toujours plus ambitieuse et accomplie. 

À travers son héroïne, danseuse se séparant d’un compagnon chorégraphe après une adoption catastrophique, Larrain prend le pouls de toute une génération, laisse monter une soif de révolte et de liberté, qui souffle bientôt sur son film avec une puissance incommensurable. Loin de tomber dans le portrait fantasmé d’une jeunesse libertaire, le cinéaste compose une œuvre infiniment plus complexe et revigorante. 

Ni bons ni mauvais, magnétiques, mais toujours sur le point d’entrer en collision, ses personnages disent tout d’une époque insatiable et désespérée. Tour à tour vénéneux et lumineux, Gael García Bernal et Mariana Di Girolamo explosent constamment à l’écran, composant une des expériences de cinéma les plus éminemment sensorielles et immersives de 2020. 

Ça te plaira si t'aimes : Nomadland, Promising Young Woman, Spencer.

Notre critique d'Ema
Film sélectionné par Simon Riaux

 

LA DERNIÈRE VIE DE SIMON

Sortie 5 février 2020 - Durée 1h43

 

Camille Claris, Benjamin VoisinUne simplicité magique

 

De quoi ça parle : Simon est un orphelin de 8 ans, qui rêve de trouver une famille, mais n’est pas tout à fait comme les autres enfants : il est capable de prendre l’apparence de n’importe quelle personne qu’il a déjà touchée. Il confit ce secret à ses nouveaux amis, mais ne se doute pas du drame qui les attend.

Pourquoi c'est génial : Après avoir balayé ses quelques maladresses tout ce qu’il y a de plus pardonnables, il ne reste du film de Léo Karmann qu’une prouesse et un nouvel argument à rétorquer aux détracteurs aveugles du cinéma français, qu’on condamne trop facilement à cause de la prolifération des comédies grasses et empotées à l’affiche. Mais comme avec Edmond l’année dernière, La Dernière Vie de Simon est la preuve que le cinéma hexagonal regorge encore de générosité et d’audace quand on sait où chercher. 

Pour son premier film, Léo Karmann s’aventure ainsi du côté du fantastique, avec une ouverture spielbergienne qui contraste brillamment avec le réalisme du film passé son ellipse. Loin de se reposer sur la magie de Simon, un orphelin capable de prendre l’apparence des gens qu’il a déjà touchés, le film émerveille avant tout par l’émotion qu’il dégage, ses envolées lyriques, les thèmes qu’il aborde subtilement et surtout sa mise en scène sobre, efficace et poétique, probablement motivée par un manque de moyens parfaitement contre-balancé. Léo Karmann et son talent de conteur sont donc à surveiller de près.

Ça te plaira si t'aimes : Midnight Special, Misfits

Notre critique de La dernière vie de Simon
Film sélectionné par Déborah Lechner
 

 

UN PAYS QUI SE TIENT SAGE

Sortie 30 septembre 2020 - Durée 1h26

 

/Un pavé dans la tronche

 

De quoi ça parle : Mains arrachées filmées par un téléphone, yeux crevés en direct... En 2018, alors qu'éclate le mouvement des Gilets jaunes, le peuple français découvre avec horreur et indignation les images des violences policières modernes contre le peuple qu'elle est censée protéger.

Pourquoi c'est génial : Journaliste de formation ayant notamment contribué à la fondation de Mediapart, David Dufresne se consacre depuis le milieu des années 90 à l’observation de la police et ses dérives mettant à mal les libertés publiques, particulièrement visibles depuis deux ans. Un pays qui se tient sage, son premier long-métrage de cinéma, confronte intellectuels et victimes de violences policières aux images insoutenables des bavures les plus marquantes de ces deux dernières années. Des images que tout le monde a vues, mais que personne n’a regardées.

On comprend pourquoi : c’est bien un sentiment de confusion traumatique désespéré qui domine le spectateur face à Un Pays qui se tient sage, auquel s’ajoute bien rapidement un écœurement à la limite du vomitif face à tant d’obscènes projeté à l’écran. Ne vous y trompez pas cependant: c’est bien le signe qu’Un Pays qui se tient sage est un film surpuissant, capable d'interpeler un pouvoir politique et de changer les êtres.

Ça te plaira si t'aimes : Antidisturbios, La Haine, Les Misérables, Law and Order de Frederick Wiseman 

Notre critique d'Un Pays qui se tient sage
Film sélectionné par Lino Cassinat

  

LES SEPT DE CHICAGO 

Sortie 16 octobre 2020 (Netflix) - Durée 2h09

 

Sacha Baron Cohen, Danny Flaherty, Eddie Redmayne, Jeremy Strong, Mark Rylance"Il n'est pas question de 1968 - il s'agit surtout d'aujourd'hui" -  Aaron Sorkin

 

De quoi ça parle : Le procès des 7 de Chicago, amenés devant la justice suite à une manifestation en marge de la convention démocrate de 1968, pour un procès qui a vite tourné à l'affrontement purement politique.

Pourquoi c'est génial : C’est étrange comme certains films, malgré leurs défauts de fabrique, peuvent marquer l’esprit. Les Sept de Chicago n'est pas ce qu'on appelle communément un chef d’œuvre, et finalement ce n’est ni son ambiance ni sa mise en scène qui s’imposent aux souvenirs de l’auteure de ces lignes. Car il semblerait même que le dynamisme fou de sa réalisation, devenant parfois un peu systématique, et sa construction extrêmement efficace s’effacent par pudeur devant le propos du métrage.

Non. Les sept de Chicago c'est un discours terriblement révoltant et tellement bien porté par son parterre d'acteurs brillants (Yahya Abdul-Mateen II, Sacha Baron Cohen, Joseph Gordon-Levitt, Michael Keaton, Frank Langella, John Carroll Lynch, Mark Rylance, Eddie Redmayne...) que ses infimes faiblesses de factures se font oublier pour ne laisser plus que le souvenir de ses revendications et de ses batailles politiques encore fichtrement actuelles. Un discours sur la discrimination raciale, un procès politique sur la puissance de la colère des opprimés et qui pointe du doigt le pouvoir aveugle d’oppresseurs amoraux. Un besoin chevillé au corps de faire changer les choses. Oui, mais comment ? 

Ça te plaira si t'aimes : Des hommes d'honneur, L'Affaire Josey Aimes 

Notre critique des Sept de Chicago
Film sélectionné par Camille Vignes

 

ADORATION

Sortie 22 janvier 2020 - Durée 1h38

 

/Le voyage vers la solitude

 

De quoi ça parle : Le jeune Paul s'enfuit avec Gloria, patiente d'une clinique psychiatrique. Leur voyage sera mouvementé, difficile, mais surtout sublime.

Pourquoi c'est génial : Injuste bide en salles, l'avant-dernier film de Fabrice Du WelzAdoration, est peut-être un de ses plus beaux. En effet, le récit qu'il déploie s'accorde particulièrement bien à son style. Le cinéaste y retrouve après la parenthèse Message from the King son 16mm adoré, avec lequel il travaille la texture de l'aventure de ses deux jeunes héros. Comme une sorte de Bonnie et Clyde juvénile et incandescent, Adoration est une véritable ode à l'atmosphère particulière qui baigne les cavales purement cinématographiques.

Après un point de départ très dur, l'épopée se conforme progressivement aux fantasmes de ses protagonistes, fantasmes qui motivent leur relation et les enfoncent dans un univers où la solitude est reine, jusqu'au point de non-retour symbolisé par le personnage de Benoît Poelvoorde. L'acteur, dans son meilleur rôle, campe une sorte d'anti-Kurtz d'Apocalypse Now. C'est un vrai personnage de cinéma et un ermite qui préfère se terrer dans la lumière que dans l'obscurité.

L'ultime destination, un dernier plan aussi techniquement spectaculaire que sensiblement poétique, résume bien la conception du 7e art du metteur en scène, conception qu'on pourrait croire gommée par les patines numériques des services de SVoD : de la lumière et des personnages qui s'impriment sur la pellicule, et donc sur la rétine.

Ça te plaira si t'aimes : Bonnie and Clyde, Monos

Notre critique d'Adoration
Film sélectionné par Mathieu Jaborska

 

ADIEU LES CONS
Sortie 21 octobre 2020 - Durée 1h27

 

Albert Dupontel, Virginie EfiraOk, les boomers

 

De quoi ça parle : Suze (Virginie Efira) apprend qu'il ne lui reste plus très longtemps à vivre. Elle part alors à la recherche de son fils qu'elle a été forcée d'abandonner lorsqu'elle était adolescente. Durant sa quête, elle croise la route de JB, un informaticien qui semble chercher une façon de mettre fin à ses jours.

Pourquoi c'est génial : Comme toujours, Albert Dupontel met en scène une critique de notre société individualiste, capitaliste et consumériste. Et bien sûr, une forme de fantaisie vient se faufiler dans son chef-d'œuvre. Dans Adieu les cons, on a droit à du cinéma d'anticipation. Le cinéaste place la réalisation, les décors, les personnages et les coups de gueule devant la cohérence et c'est tant mieux, le cinéma n'a pas toujours eu besoin d'être logique.

Après l'introduction du film, la fameuse phrase « Adieu les cons ! » résonne dans nos têtes à chaque fois que des personnages secondaires veulent s'en prendre aux protagonistes. Durant toute l'intrigue, il y a effectivement une volonté chez les personnages de fuir. Fuir les problèmes, les autres, la société... Une volonté de fuir qui va se solder de façon tragique.

Mais il y a aussi une volonté de retrouver un amour volé, un passé plus paisible, quelqu'un en qui on tient... On observe ces désirs chez tous les personnages principaux. Derrière un gros budget, Adieu les cons est une œuvre très personnelle de Dupontel, un réalisateur qui semble bien s'adapter à son époque, tout en essayant de s'en éloigner.

Ça te plaira si t'aimes : Bonnie & ClydeMicmacs à tire-larigot et la plupart des films d'Albert Dupontel.

Notre critique d'Adieu les cons
Film sélectionné par Elliot Amor

 

1917

Sortie 15 janvier 2020 - Durée 1h59

 

George MacKayUne séquence dantesque

 

De quoi ça parle : Durant la Première Guerre mondiale, deux jeunes soldats britanniques se lancent dans une véritable course contre la montre pour porter un message de l'autre côté des lignes ennemies, afin d'empêcher une attaque dévastatrice.

Pourquoi c'est génial : Après avoir expérimenté le faux plan-séquence pour l'ouverture de son second James Bond, après Skyfall, Spectre, le cinéaste Sam Mendes a voulu appliquer cette technique sur tout un long-métrage, en l'occurrence un film de guerre, où le réalisateur voulait retranscrire le plus fidèlement possible l'expérience de la Première Guerre mondiale que lui a raconté son grand-père, en immergeant le spectateur au plus près de ses personnages. Et cela donne le film le plus ambitieux de son réalisateur, mais aussi son plus personnel. 

Durant plus de deux heures éprouvantes, 1917 nous immerge dans une expérience sensorielle dont le postulat de départ n'est pas sans rappeler le Dunkerque de Christopher Nolan, où la caméra colle au corps ses protagonistes, sans jamais les lâcher. Un faux plan-séquence virtuose, où l'illusion d'un plan unique par le montage retranscrit brillamment le périple de ces soldats en quasi-temps réel, à l'exception d'une ellipse très bien justifiée. Cette odyssée finit par prendre des allures de pure rêverie qui se transforme en cauchemar nocturne, où la photographie de Roger Deakins renoue avec les exploits visuels de Skyfall, le temps d'une scène de poursuite dans un décor de No man's land surréaliste. Un grand film de guerre.

Ça te plaira si t'aimes : Dunkerque, pour l'exercice de style pur, ou Il faut sauver le soldat Ryan, pour la maîtrise technique virtuose.

Notre critique de 1917
Film sélectionné par Gaël Delachapelle

 

BLOOD MACHINES

Sortie 14 août 2020 - Durée 0h50

 

/Une grosse influence des pochettes d'album de metal

 

De quoi ça parle : Des chasseurs de l'espace partent à la poursuite d'une intelligence artificielle et sont témoins d'un étrange phénomène.

Pourquoi c'est génial : Le pari était dingue : réaliser un film de genre spatial et musical avec quelques centaines de milliers d'euros, la passion des fans de Carpenter Brut, beaucoup d'effets spéciaux et un sens de la débrouille miraculeux, tout en sachant pertinemment que le résultat n'aurait pas droit à une exploitation digne de ce nom. Et non seulement Seth Ickerman (le duo de réalisateur) a relevé ce défi, mais il en a en plus profité pour ressusciter tout un pan de la science-fiction vénère inspiré par Metal Hurlant.

Plus délirant encore, l'objet est complètement hybride, à mi-chemin entre le blockbuster généreux et le clip sous psychotropes. Un format inclassable et follement libre, à partir duquel les cinéastes conçoivent un univers si jusqu'au-boutiste dans sa mise en scène du space opera qu'il en vient à en extraire l'essence même du genre, en l'occurrence la femme.

La féminité de Blood Machines, principal véhicule du spectacle son et lumière qui y réside, regagne sa place dans l'univers, rien que ça, le tout accompagnés de la sublime bande originale de Carpenter Brut et en à peine 50 minutes. Dommage qu'il soit resté si peu de temps à l'affiche.

Ça te plaira si t'aimes : Le clip de Turbo Killer, Metal Hurlant.

Notre critique de Blood Machines
Film sélectionné par Mathieu Jaborska

 

FREAKS

Sortie 7 janvier 2020 (VOD) - Durée 1h44

 

Emile Hirsch, Lexy KolkerEmile Hirsch et l'impressionnante Lexy Kolker

 

De quoi ça parle : Un père et sa fille vivent reclus dans une maison de banlieue américaine. L'extérieur serait un endroit dangereux, interdit d'accès et où se trouvent beaucoup de vilains pas beaux. Mais est-ce que tout cela est vrai ?

Pourquoi c'est génial : Ce film indépendant de Zach Lipovsky et Adam B. Stein est une des plus grandes surprises du début de 2020. Avec un budget très réduit, ce huis clos super-héroïque parvient à être aussi spectaculaire qu'un blockbuster. Freaks raconte l'histoire d'une petite fille qui vit avec son papa dans une maison dont elle ne peut pas sortir. Le père surprotecteur prétend que l'extérieur est un lieu extrêmement dangereux où des vilains pas beaux voudraient la tuer. Mais est-ce que tout ceci est vrai ?

Les réalisateurs font preuve d'une immense ingéniosité, le casting se donne à fond, en particulier Emile Hirsch, Bruce Dern et la petite Lexy Kolker (qu'il faudra suivre de près). Certes, les quelques effets spéciaux ne sont pas toujours convaincants, mais cela n'a aucune importance, le film nous fait ressentir un paquet d'émotions en moins de deux heures, une sacrée gageuse pour un film de genre indépendant.

Ça te plaira si t'aimes : Raiponce, Le ViIllage, Incassable.

Notre critique de Freaks
Film sélectionné par Elliot Amor

 

JE VEUX JUSTE EN FINIR

Sortie 4 septembre 2020 (Netflix) - Durée 2h14

 

Jessie Buckley, Jesse PlemonsL'insoutenable légèreté du mal-être

 

De quoi ça parle : En route avec son petit ami pour rencontrer ses beaux-parents, au milieu d'une tempête de neige, une jeune femme se dit qu'elle aimerait bien rompre. Mais cette escale familiale mi-gênante mi-flippante va la pousser bien plus loin dans ses réflexions.

Pourquoi c'est génial : Ce n'est pas le meilleur film imaginé par Charlie Kaufman, qui avait réalisé l'incroyable Synecdoche, New York, et signé les scénarios fabuleux de Dans la peau de John Malkovich, Adaptation et Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Mais malgré ses faiblesses, notamment dans sa troisième partie, Je veux juste en finir ne ressemble à rien d'autre. Et c'est certainement le plus beau des compliments.

Adapté de roman d'Ian Reid, le film raconte tout bêtement le repas de Noël d'une jeune femme chez ses beaux-parents, perdus dans une maison au milieu d'une tempête de neige. Un point de départ qui ne prépare en rien au voyage à venir, qui flirte avec l'angoisse, la comédie, le drame et bien plus encore.

Quelque part entre Wes Anderson, David Lynch et Roy Andersson, Charlie Kaufman joue intelligemment avec le montage, les ruptures de rythme, et la durée des scènes, créant un vertige de malaise. Avec un étrange chien, une porte inquiétante, un message vocal ou encore un stand de glaces au milieu du désert gelé, le cinéaste assemble un monde à la fois familier et cauchemardesque, dont l'issue semble forcément être du côté de la folie. Dans ce labyrinthe, Jessie Buckley tire son épingle du jeu, face aux non moins excellents Jesse Plemons, Toni Collette et David Thewlis.

Et malgré une durée excessive et un troisième acte a de quoi définitivement perdre le spectateur (avec un refus de livrer les clés pourtant présentes dans le roman), Je veux juste en finir reste l'une des oeuvres les plus marquantes de 2020. Mieux vaut un peu rater un grand film, que réussir un petit film.

Ça te plaira si t'aimes : Eternal Sunshine of the Spotless Mind, Synecdoche, New York, la dépression les soirs d'hiver.

Notre critique de Je veux juste en finir
Film sélectionné par Geoffrey Crété

 

THE KING OF STATEN ISLAND

Sortie 22 juillet 2020 - Durée 2h17

 

Pete DavidsonLe discours d'un King

 

De quoi ça parle : Scott, 24 ans, passe son temps à traîner, entre sa chambre chez sa mère, ses potes, et ses rêves de salon de tatouage. Jusqu'au jour où sa mère commence à refaire sa vie avec un nouvel homme, ce qui le pousse à affronter quelques-uns de ses problèmes d'éternel adolescent.

Pourquoi c'est génial : Au milieu d'un box-office complètement atone cet été, l'humoriste Pete Davidson a essayé de se tailler une place de roi. Raté :  The King of Staten Island n'a pas dépassé la barre des 35 000 entrées en France. C'est bien dommage ceci dit, car Judd Apatow signait là une de ses meilleures comédies. Une fois n'est pas coutume, le cinéaste américain filme un double presque-fictif de son acteur principal, dans un environnement qu'il maîtrise. Davidson vient de Staten Island et comme son personnage, c'est un jeune homme un peu perdu, dépressif et accro à la weed - il en joue d'ailleurs beaucoup lors de ses apparitions hebdomadaires sur le plateau du Saturday Night Live. Grand dadais aussi bébête que charismatique, son personnage est bougrement attachant.

S'il pouvait probablement s'épargner quelques longueurs (à l'image des précédents films de Judd Apatow), le long-métrage est dénué des blagues potaches et faciles auxquelles nous avait habitués le réalisateur. Une bouffée d'air frais bienvenue, qui donnerait presque envie de chiller avec Scott et ses potes, dans un terrain vague en face de Manhattan.

Ça te plaira si t'aimes : Garden State, Lady Bird, Submarine

Notre critique de The King of Staten Island
Film sélectionné par Mathias Penguilly

 

DRUNK

Sortie 14 octobre 2020 - Durée 1h57

 

Mads MikkelsenÀ la vôtre !

 

De quoi ça parle : Quatre amis profs décident de tester la théorie d'un psychologue norvégien affirmant que les humains ont un déficit d'alcool dans le sang. Leur expérience les amène alors à boire pour mieux étudier leur comportement, leur évolution... jusqu'à que tout soit hors de contrôle.

Pourquoi c'est génial : Cannes n'a pas eu lieu et pourtant, impossible de douter que sa Palme d'or (oui, on peut l'imaginer sans complexe) a bel et bien eu les honneurs d'une sortie en salles avec Drunk. Après l'incroyable La Chasse, Thomas Vinterberg s'était plus ou moins perdu avec ces trois dernières trois oeuvres (moins réussies) et son retour à un cinéma plus personnel était donc très attendu.

Terriblement chaleureux, humain, jouissif, revigorant et surtout vivant, aucun film ne pouvait mieux tomber en cette période si troublée et ces temps si moroses que Drunk. Mené par un fantastique Mads Mikkelsen (aussi impressionnant que pour La Chasse), le nouveau long-métrage du Danois est un tourbillon émotionnel existentiel à la fois ravageur et euphorisant, d'une puissance évocatrice bienvenue. Son grand final libérateur, exubérant et festif est assurément l'un des moments les plus réjouissants de l'année cinéma.

Si l'alcool est à consommer avec modération, la folie poétique et l'élégance magnétique de Drunk se dégustent à l'excès, tant nos vies méritent plus que jamais de s'enivrer. What a life !

Ça te plaira si t'aimes : L'incontournable film australien Réveil de la Terreur (ou Wake in Fright en anglais) pour une plongée sombre dans l'alcool ou l'amusant Le Dernier Pub avant la fin du monde pour les beuveries entre amis.

Notre critique de Drunk
Film sélectionné par Alexandre Janowiak

 

EFFACER L'HISTORIQUE

Sortie 26 août 2020 - Durée 1h46

 

Blanche GardinAh mais qu'est-ce qu'on se marre !

 

De quoi ça parle : Marie, Bertrand et Christine sont voisins et les nouvelles technologies leur bousillent la vie. La première est victime de chantage avec une sextape filmée à son insu, le deuxième est désemparé par le harcèlement que subit sa fille sur les réseaux sociaux, et la troisième, une chauffeuse VTC, voit sa clientèle baisser à cause de mauvaises notes. Ensemble, ils décident de partir en guerre contre les géants d’internet.

Pourquoi c'est génial : Il aurait été un peu injuste de finir ce podium sans mentionner au moins une des comédies françaises qui ont rythmé notre été. D'une qualité inégale certes, on doit quand même reconnaître qu'il y a eu quelques pépites cette année : Effacer l'historique en fait partie. Signée Benoît Delépine et Gustave Kervern, cette comédie tout à fait absurde nous plonge dans le quotidien de Marie, Bertrand et Christine, trois quarantenaires complètement paumés dans leur petit lotissement résidentiel aseptisé.

Le film prend systématiquement des détours surprenants, tout en refaisant le portrait de notre société consumériste et accro aux technologies. Blanche Gardin fait montre une fois encore de son grand talent comique et sa complicité avec Corinne Masiero et Denis Podalydès contribue à la réussite du film. On en redemanderait presque...

Ça te plaira si t'aimes : Selfie (avec Blanche Gardin dans la distribution), #JeSuisLà, Un profil pour deux

Notre critique d'Effacer l'historique
Film sélectionné par Mathias Penguilly

 

LES ENFANTS DU TEMPS

Sortie 8 janvier 2020 - Durée 1h54

 

/Des choses simples. Sublimées.

 

De quoi ça parle : Hodaka, un adolescent rebelle, fait une fugue pour partir s'installer à Tokyo. Il parvient à trouver un petit boulot qui lui permet de survivre, mais il fait surtout la rencontre de Hina, une fille du même âge qui semble pouvoir contrôler la météo.

Pourquoi c'est génial : Après la surprise de Your Name en 2016, Makoto Shinkai est revenu pour faire encore mieux avec Les Enfants du tempsComme souvent dans l'animation japonaise et dans le manga, l'histoire parle d'une jeunesse qui rejette, fuit et affronte l'ancienne génération qui tente de lui dire comment vivre. Hina et Hodaka, les protagonistes adolescents, répandent le beau temps à travers la métropole de Tokyo (principalement à la demande des adultes). Et finalement, ils vont jusqu'à provoquer un cataclysme pour pouvoir rester ensemble. Mais là encore, le monde des adultes s'en mêle et les sépare.

L'aventure est mise en scène dans un univers époustouflant et ostentatoire. L'animation du studio CoMix Wave se veut réaliste, surtout en termes de décors et d'objets inanimés. Mais ces éléments sont si réalistes qu'ils deviennent trop beaux pour être vrais. Avec Makoto Shinkai, des choses simples comme un personnage qui cuisine deviennent exaltantes. Et c'est souvent ça qui rend son cinéma captivant.

Ça te plaira si t'aimes : Your NameLe Château dans le cielLes Enfants loups.

Notre critique des Enfants du temps
Film sélectionné par Elliot Amor

  

QUEEN & SLIM

Sortie 12 février 2020 - Durée 2h12

 

Jodie Turner-Smith, Daniel KaluuyaGet Out (of America)

 

De quoi ça parle : Après avoir accidentellement tué un policier, en position de légitime défense, un homme et une femme décident de fuir à travers l'Amérique, devenant des fugitifs recherchés par tout le monde.

Pourquoi c'est génial : Que seraient Bonnie et Clyde dans l'Amérique 2020 ? L'insouciance et la soif de vie d'hier auraient un autre visage, et le combat serait certainement moins abstrait. C'est le point de départ du premier film de Melina Matsoukas, écrit par Lena Waithe - actrice vue notamment dans Ready Player One et Master of None, et créatrice de la série The Chi. Ou comment un date Tinder vire à la cavale pour deux Afro-Américains, après un contrôle de police qui se transforme en cauchemar.

Queen & Slim prend alors des airs d'anti-conte de fées, de road movie désaxé, où un homme et une femme que rien ne réunissait (hormis leur couleur de peau, et le hasard ou le destin) explorent l'Amérique pour trouver une sortie de secours. Entre peinture sociale et fantasme de pur cinéma, entre missile politique et romance savoureuse, Melina Matsoukas orchestre une étonnante fuite désespérée.

La réaction a priori folle de l'héroïne pourtant avocate qui choisit immédiatement la fuite, la parenthèse fiévreuse dans un club sur Pocket Full of Money de Little Freddy King, le choix précipité des tenues qui transforme le duo en icônes : Queen & Slim joue sur l'ambiguïté, l'exagération, l'évidence étrange de certains motifs, au milieu d'une Amérique qui crève en attendant le prochain symbole qui refera vivre le peuple. Souvent à la limite de s'écrouler, régulièrement touché par la grâce, le film est systématiquement tenu par Jodie Turner-Smith et Daniel Kaluuya, renversants du début à la fin.

Ça te plaira si t'aimes : Bonnie & Clyde, Waves, Si Beale Street pouvait parler

Film sélectionné par Geoffrey Crété

 

HIS HOUSE

Sortie 30 octobre 2020 (Netflix) - Durée 1h33

 

/C'est absolument beau. Et ça fait peur.

 

De quoi ça parle : Un jeune couple de réfugiés sud-soudanais fuyant la guerre civile s’installe dans une ville anglaise, où ils s’apprêtent à vivre un nouveau cauchemar, mais cette fois surnaturel.

Pourquoi c'est génial : His House est un film discret qui fait pourtant l'effet d'une bombe horrifique, émotionnelle et politique. Côté épouvante, le film est efficace de bout en bout tant il maîtrise le hors-champ, l'obscurité, mais aussi l'idée que les murs d'une maison peuvent abriter bien des cauchemars, à l'instar des traumatismes qui s'emmurent dans des recoins de la conscience et du corps.

Le film regorge de propositions visuelles et scénaristiques marquantes, dont certaines absorbent notre regard par leur beauté (la cuisine qui s'éloigne) et d'autres nous font le détourner tant elles sont insoutenables (la terreur s'infiltrant sous la peau...) Jamais vaine, l'horreur se fait le symptôme du traumatisme. Mais le registre intime n'est pas synonyme d'individualisme.

Au contraire : le mal est politique. Le couple devient une sorte de plaie béante qui ne peut pas cicatriser. En cela, il incarne une histoire postcoloniale qui continue de travailler le réel et créer du monstrueux (la banlieue londonienne n'a jamais été aussi hostile). Mais ce que le film montre, c'est qu'une fois l'existence du monstre nommée, confrontée et admise, il redevient possible de l'éradiquer et de faire communauté.

Ça te plaira si t'aimes : les films ou séries de maisons hantées (Conjuring, Amityville, Sinister, The Haunting of Hill House) et les films d'horreur politiquement engagés comme Us ou Get Out de Jordan Peele.

Film sélectionné par Maya Boukella

 

POUR L'ÉTERNITÉ

Sortie 

 

/Edward Hopper sauce dépression nordique

 

De quoi ça parle : Une réflexion onirique et kaléidoscopique de l'existence, scrutant avec intelligence la grâce et splendeur humaine tout autant que sa cruauté, sa fragilité et sa vanité.

Pourquoi c'est génial : Le dispositif est simple, mais tellement différent de ce que l'on a l'habitude de voir. Une caméra fixe d’un seul plan extrêmement travaillé des saynètes de quelques minutes qui s’enchaînent, sans lien apparent entre elles, sans se ressembler. Des saynètes qui ne laissent rien au hasard, où tout est net, où rien ne peut se cacher. Elles sont banales, la plupart du temps. Dépeuplée, l’image met rarement en scène plus d’une ou deux personnes, et ces dernières n’interagissent que très peu entre elles. Elles ont le visage pâle, presque maladif, toujours résigné. Les corps sont statiques, quasiment immobiles, comme peints par la caméra.

Un homme monte les escaliers d’une rue et apostrophe le spectateur, une femme savoure du champagne, les tirs des troupes alliées résonnent dans le bunker d’Adolf Hitler, un homme pleure son sort dans un bus, un autre la femme morte qui gît dans ses bras, un couple survole une ville en ruine, comme dans un rêve…

Elle est morose cette humanité, esseulée jusqu’à l’absurde cette éternité. L’animal social d’Aristote s’est perdu dans le vertige des grandes villes. Il porte sa croix sans but, ne raconte pas l’histoire commune d’une société, mais celle, kaléidoscopique, de solitudes qui se croisent. Elle fait pitié cette vie, tellement qu’elle en devient risible. Pour l'éternité, c’est un cadavre exquis cynique.

Ça te plaira si t'aimes : Le cinéma de Roy Andersson évidemment, unique en son genre et notamment son précédent essai Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l'existence. Possiblement le cinéma de Apichatpong Weerasethakul également très contemplatif et onirique.

Film sélectionné par Camille Vignes

 

JOSEP

Sortie 30 septembre 2020 - Durée 1H11

 

/Image d'un exploitant de salle en 2020

 

De quoi ça parle : En 1939, les Républicains espagnols font tout pour fuir la dictature de Franco. Arrivés en France, ils se retrouvent parqués dans des camps. De cette partie méconnue de l'histoire française naît l'amitié de deux hommes. L'un est gendarme, l'autre est Josep Bartolí, un illustrateur anti-franquiste. 

Pourquoi c'est génial : En rendant hommage au caricaturiste Josep Bartoli, le dessinateur Aurel imagine un film d’animation puissant sur un événement honteux (bien que méconnu) de l’histoire française : la Retirada, fuite des Espagnols anti-franquistes vers l’Hexagone, finalement entassés dans des camps de concentration. Au milieu de l’horreur, ce n’est pas tant le regard désespéré de Bartoli que l’on suit, mais plutôt celui d’un de ses geôliers, et son incompréhension face à la haine.

Par sa structure intelligente en flashbacks, Josep devient une œuvre pertinente sur l’Histoire, l’héritage du savoir et de l’art. L’animation d’Aurel, volontairement minimaliste, joue à merveille avec un aspect heurté, presque fixe par instants. Comme si le dessin en mouvement se formait sous nos yeux, le long-métrage devient un manifeste sur le pouvoir de création, et sa nécessité, pour empêcher que le souvenir s’efface. Un film brut et sans concession, absolument essentiel.

Ça te plaira si t'aimes : Frida Khalo, Valse avec Bachir

Film sélectionné par Antoine Desrues

 

BLACKBIRD

Sortie 23 septembre 2020 - 1h37

 

Susan SarandonLast Christmas, litterally

 

De quoi ça parle : Le temps d'un week-end, trois générations d'une famille se réunissent dans une maison de campagne. Mais la réunion est tout sauf légère, puisque la mère veut annoncer qu'elle est gravement malade, et va mourir. Et elle a décidé de prendre son destin en main, pour ne pas subir cette maladie...

Pourquoi c'est génial : Malgré son casting 5 étoiles (Susan Sarandon, Kate Winslet, Sam Neill, Mia Wasikowska), Blackbird est passé presque inaperçu lors de son passage dans les salles françaises, au début de l'automne dernier. Il s'agit d'une fable mélancolique sur la fin de vie. Elle se déroule à huis clos dans la maison de vacances familiale, que le personnage principal a choisie pour être le théâtre de sa mort : atteinte d'une maladie incurable, Lily a décidé de disparaître avant de devenir impotente.

Sur le papier, le film n'offre pas grand-chose d'inattendu, mais sa force réside ailleurs. Son trio d'actrices de tête est impressionnant : de la sœur cadette déprimée, à la sœur aînée control freak, en passant par la mère malade, elles portent ce drame avec une grande force. Le film est simplement bouleversant, il nous invite à la table de cette famille avec laquelle on ressent une proximité évidente. Susan Sarandon y est simplement magistrale.

Ça te plaira si t'aimes : Un été à Osage County, Une ode américaine, Beginners

Film sélectionné par Mathias Penguilly

 

KONGO

Sortie 11 mars 2020 - Durée 1h10

 

/La photo du film est sublime

 

De quoi ça parle : À Brazzaville, l’apôtre Médard tente de soigner les malades victimes de mauvais sorts, mais sa vie bascule lorsqu’il est publiquement accusé de pratiquer la magie noire.

Pourquoi c'est génial Kongo est catégorisé comme un documentaire. Pourtant, il faut voir comment ce bijou de 1h10 à peine nous immerge dans un récit qui parle plus de fiction que ne le font bien des films considérés comme fictionnels. Hadrien La Vapeur et Corto Vaclav suivent l'apôtre Médard, un guérisseur à Brazzaville qui voit sa vie basculer lorsqu'on l'accuse publiquement d'avoir foudroyé deux jeunes enfants en pratiquant la magie noire.

La mise en scène des réalisateurs n'a rien d'ethnologique. Au contraire : à travers les scènes de transe dans un cimetière, de procès pour sorcellerie, ou encore des séquences avec des sirènes, le film déploie notre façon de percevoir le réel et ouvre des perspectives aussi passionnantes que vertigineuses. Pendant le temps du film, le fait qu'un monde invisible régisse le visible semble beaucoup plus rationnel que ce que le paradigme moderne et occidental définit comme tel.

On reste en particulier marqué par la dernière image du film. Le travelling arrière et l'enfoncée de la caméra dans l'océan traduit parfaitement l'idée d'une plongée dans un monde aussi magique, qu'insondable et effrayant. Il résume parfaitement un film, qui évoque sans dévoiler, suggère plutôt qu'asséner, invite au lieu d'imposer.

Ça te plaira si t'aimes : Timbuktu, Sur le chemin de l'école

Film sélectionné par Maya Boukella

 

FAQ

QUELS SONT LES MEILLEURS FILMS DE 2020 SUR NETFLIX ?

En plus du dernier film de David Fincher, Mank, et des Sept de Chicago, le deuxième film d’Aaron Sorkin en tant que réalisateur - tous les deux présents dans notre classement - le catalogue de Netflix s’est enrichi de plusieurs surprises inattendues, comme le huis-clos sadique espagnol La Plateforme, la chasse aux trésors Da 5 Bloods - Frères de sang réalisé par Spike Lee, le drame cruel Le Diable, tout le temps avec Tom Holland ou le film d'animation familial La Famille Willoughby. Une réalisation française s'est également démarquée du lot : le film d’action Balle perdue. 

QUELS SONT LES PIRES FILMS DE 2020 SUR NETFLIX ?

En 2020, Netflix a aussi diffusé plusieurs films médiocres (indépendamment de leur succès), comme l'adaptation de The Old Guard, le mommy-porn 365 days, l’abrutissant Bob l’Éponge le film : Éponge en eaux troubles ou le gênant Love Wedding Repeat. On peut aussi rallonger la liste avec des films complètement oubliables comme Ava, Horse Girl, Froid Mortel ou C’est nous les héros.

QUELS SONT LES PIRES FILMS DE 2020 ?

Pour tous les coups de coeur de 2020, il y a autant, et même plus de coups de poing, en l’occurrence  les « comédies » françaises Brutus vs. Cesar et Connectés, qu’on apparente plus à un drame et un naufrage cinématographique, mais aussi les films Artemis Fowl et Bloodshot, qui parviennent à agresser nos cinq sens. On n’oublie pas non plus les déceptions de Mulan, Nightmare Island ou Les nouveaux mutants.

QUELS SONT LES PLUS GROS SUCCÈS DE 2020 ?

Si Tenet s’est positionné comme le seul blockbuster américain exclusivement projeté en salles de l’année, c’est le film chinois The Eight Hundred qui a retourné le box-office mondial, suivi du film animé japonais Demon Slayer, le train de l’infini. Enfin, et même si nos critiques ne sont pas très tendres à leur égard, Sonic, le film et Bad Boys : For Life sont les deux autres films qui ont réussi à s’en sortir malgré la pandémie.

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commentaires
Flo 1
06/02/2024 à 14:10

– « Queen and Slim »…
Melina Matsoukas, avec Lena Waithe au scénario, fait dans le road movie pour son premier film, dans la lignée de « Les amants de la nuit » de Nicholas Ray. Et c’est vrai que la nuit est très belle là dedans, très languide, autant que ses acteurs (elle surtout – Jodie Turner-Smith).

Un début intemporel (un restaurant Diner typique), aux protagonistes différents des codes cinématographiques usuels, et en même c’est inscrit dans son époque contemporaine (Tinder). Les deux se rencontrent à peine, ils sont tout ce qu’il y a de plus tranquilles et timorés, on est plutôt dans un début de comédie romantique.
Puis le quiproquo va venir d’un abus de pouvoir, d’une légitime défense, et après tout deviendra vite clair : le traitement médiatique et la création d’une mythologie anti-système… la fascination pour des hors-la-loi (mais qui ne sont pas criminels récidivistes, eux)… la colère impulsive d’une partie des forces de l’ordre, surtout parce qu’ils sont insaisissables et ne veulent pas se soumettre.
Et pas de jugement envers tout ceux qu’on y croise, personnes de couleur ou pas, apportant une aide ou pas… Autant de réactions excessives que d’échanges compatissants, jamais là où l’attend – un tel équilibre et une telle absence de radicalité, ça semble bien un film de femmes.

Pendant ce temps nos deux loustics devenus malgré eux symboles d’une communauté, s’aiment au fur et à mesure, prenant l’un de l’autre (sa force à elle, sa douceur à lui – quoi de plus débonnaire que Daniel Kaluuya). Toujours très drôle dans leurs réparties respectives, la comédie romantique reste bel et bien centrale dans ce film qui agrège beaucoup d’idées, certaines moyennement pertinentes (un rapprochement intime monté en parallèle d’une manif dramatique). D’autres plus intéressantes, comme ces désynchronisations régulières entre les dialogues et l’image, qui donne l’impression d’une voix-off télépathique – impression qui continue lors d’un dialogue contenu dans le générique final.
Une constante opposition entre les contraires, nous faisant presque croire à un conte de fée, jusqu’à une conclusion malheureusement écrite à l’avance.
Mais pas si pessimiste que ça.

vanessianes28
05/01/2022 à 00:20

Coucou tout le monde ;-)
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9

GTB
06/11/2021 à 13:04

Ethan > Lorsqu'on souhaite dénigrer un sujet juste parce qu'il nous pose problème, autant essayer de bien le faire. Commencer par regarder les documentaires par exemple. Cela vous aurait permis de savoir que cette fameuse révélation, cette vérité cachée, n'en est pas une puisque Petite Fille expose très clairement cela tôt dans le film. Il va même au delà puisqu'il évoque les doutes et les interrogations de la mère sur sa propre responsabilité justement par rapport au fait qu'elle avait toujours souhaité avoir une fille.
Le figaro semble avoir mené une enquête profonde, ils ont regardé les premières minutes du docu! ^^

Guéguette
06/11/2021 à 00:09

Je veux juste en finir c'est une blague. Aucun intérêt dramaturgique, le délire peut être impressionnant mais aucune suspension d'incrédulité, rien à quoi se rattacher...à part pour briller en société je ne vois pas l'intérêt.

Ethan
05/11/2021 à 19:44

Ajoutons que la réalité concernant les films adolescentes et petite fille est différente. Sur Petite fille, le figaro ayant enquêté sur la famille a trouvé que la mère avait toujours souhaité avoir une petite fille et qu'un traitement était envisagé pour stopper les effets de la puberté et rendre stérile l'enfant

alulu
05/11/2021 à 17:38

1917, Enragé, The Gentlemen, Uncut Gems, Greenland - Le Dernier refuge, Le Cas Richard Jewell.

Kyle Reese
05/11/2021 à 14:08

Bonne piqure de rappel, Sur ma liste de rattrapage Waves, Freaks, les enfants du temps (les enfants loups étant sublime), Drunk en premier. Et toujours pas vu Mank ... pfff

aqualand
09/01/2021 à 12:19

oh les goûts de fosses sceptiques, ça explique pas mal de choses du coup hahaha :)

Alxs
24/12/2020 à 15:10

@ La rédaction

Top, j'étais passé à côté de la critique. En espérant un distributeur français et des salles ouvertes.

Mathieu Jaborska - Rédaction
23/12/2020 à 16:06

@Alxs

Nous sommes plusieurs à l'avoir vu, et attendons avec impatience sa sortie en France pour l'incorporer à nos tops. En attendant, vous pouvez retrouver notre critique, très enthousiaste :

https://www.ecranlarge.com/films/critique/1348992-possessor-critique-qui-fait-brandon-mouche

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