Tout James Bond : Bons baisers de Russie, premier triomphe total de Sean Connery

Simon Riaux | 30 juillet 2023
Simon Riaux | 30 juillet 2023

Quelques mois nous séparent encore de Mourir peut attendre, et alors que la dernière aventure de James Bond dans laquelle officiera Daniel Craig attend sagement de pouvoir être exploitée en salles à l'international, Ecran Large ré-explore l'intégralité de la saga consacrée aux aventures de l'agent 007.

Cette semaine, on vous envoie de Bons baisers de Russie, suite directe de James Bond 007 contre Dr. No, qui entend muscler le jeu de la toute jeune saga, en faire un spectacle incontournable et approfondir sa mythologie.

 

Affiche américaine

 

DE QUOI ÇA PARLE ?

Comme son titre ne l’indique pas, cette nouvelle aventure se déroule essentiellement en Turquie, où SPECTRE compte piéger Bond en laissant croire au MI6 qu'il a l’opportunité de mettre la main sur du matériel soviétique. Mais on ne la fait pas à James Bond, même quand on dépêche à ses côtés une espionne russe à la cuisse hospitalière.  Mafieux, terroristes, gitans, services secrets et femmes de chambre revêches auront beau faire l’impossible pour contrecarrer les plans de James, on ne se dresse pas sans conséquence devant un bon Bond. 

 

photo, Sean Connery,, Pedro ArmendárizDur métier que porte-flingue

 

POURQUOI C'EST BIEN

Dr No a été un succès international, et ses producteurs ont mis sa suite en marche aussi vite que possible. Pour adapter le cinquième chapitre de la saga écrite par Ian Flemming, ils suivent la philosophie simple du “bigger and louder” (plus gros, plus fort). Ce deuxième long-métrage multiplie donc les destinations et les décors, mais surtout, les scènes d’action. Et c’est la première réussite de Bons Baisers de Russie. Terence Young est toujours aux commandes, plus maître de ses effets que jamais. 

Il émule à merveille les classiques du cinéma d’espionnage, on sent souvent – notamment dans le segment du train – l'héritage de Hitchcock, dont il fut l’assistant. Mais il a beaucoup gagné en aisance et en fluidité dans la mise en place des séquences spectaculaires. Ces dernières frappent par la rigueur de leur découpage, perpétuellement lisible, capable de rendre iconique une banale séance de snipe, mais aussi leur constante intensité dramatique. Renouvelée par une belle variété en termes d'agencement.

 

photo, Sean Connery"M ? Comme le chanteur ?"

 

On se tape dessus à qui mieux mieux (à la fameuse manchette bondienne), on se flingue bien sûr, mais ce deuxième film nous offre aussi une plaisante scène de baston généralisée dans un campement, une attaque d’hélicoptère, un duel au sommet à bord d’un train, ou une poursuite en bateau enflammée... Autant d’occasions pour 007 d’utiliser ce qui deviendra sa marque de fabrique, à savoir ses gadgets. Malins et très bien incorporés dans le récit, ils nous sont présentés pour la première fois par le légendaire Q, interprété par Desmond Llewelyn, qui lui prêtera ses traits à 17 reprises, jusqu’à son décès en 1999. 

Mais Bons Baisers de Russie, c’est aussi le triomphe total de Sean Connery. Ce n’est pas pour rien que le film est resté son interprétation de 007 préférée, tant le magnétisme de l’acteur envahit littéralement l’écran. Le plaisir qu’il prend à jouer l’espion favori de Sa Majesté est invraisemblablement contagieux, grâce à l’harmonie saisissante entre physicalité, distance quasi-ironique et magnétisme pur. Le long-métrage lui doit énormément et c’est probablement l’intensité roublarde de sa prestation qui lui a permis de traverser les décennies, tant les rapports que le personnage entretient avec la gent féminine (subtil mélange de manipulation, de violence et d’agressivité chimiquement pure) apparaissent aujourd’hui absurdes, voire toxiques. 

 

photo, Sean Connery, Daniela BianchiEt James inventa la sex-tape

 

POURQUOI C'EST PAS SI BIEN

On l’a dit, Terence Young est parfaitement à l’aise avec les codes du cinéma d’espionnage à la papa issu de la Guerre froide, et il s’amuse de son intrigue à tiroirs, qui fait se succéder strates de complot et nouveaux antagonistes, dont chaque stratagème est invariablement déjoué par l’irrésistible Bond. Le procédé a beau encore fonctionner, 60 ans après la sortie du film, difficile de ne pas sentir combien tous les personnages, alliés ou adversaires, sont rendus artificiellement stupides pour gonfler la puissance de 007. Rien de rédhibitoire, mais on peut raisonnablement s’ennuyer poliment devant les premiers rebondissements de l’intrigue, trop mécanique. 

 

photo, Bons baisers de RussieLe Kremlin, nid de pions

 

L’autre point “faible” (tout est relatif) de ce grand Bond tient dans ses antagonistes. Non pas qu’ils soient ratés, au contraire, ils forment un corpus iconographique qui a instantanément marqué l’histoire du cinéma. On cristallise ici le tentaculaire Blofeld et son matou, Red Grant et son allure de serial killer nazi ou encore Rosa Klebb, la frigide du goulag. Tous ont laissé leur empreinte dans la pop culture, jusqu’à être parfois directement cités, comme dans Austin Powers

Mais pour iconiques qu’ils soient et ludiques que s’avèrent leurs mésaventures de vilains pas beaux, leur multiplicité et leur dimension d’exécutants renforcent encore le sentiment de voir Bond avancer dans l’intrigue comme dans du beurre, sans réelle opposition. Véritable tranche de culte indissociable de la franchise, ils limitent néanmoins drastiquement la construction dramatique de cet épisode et ne peuvent effacer le souvenir du (pourtant pas si glop) Dr. No. 

 

photo, Sean Connery, Daniela BianchiUne conception horizontale de la hiérarchie

 

LE BUSINESS BOND 

James Bond contre Dr. No a marché, bien plus que ses producteurs l'espéraient. Harry Saltzman et Albert R. Broccoli sont donc décidés à battre le fer tant qu'il est chaud et mettent en chantier une suite, alors même que le premier film n'a pas terminé son exploitation internationale. Qu'à cela ne tienne, Bons Baisers de Russie doit passer la seconde et tout de suite rassasier les spectateurs déjà conquis par les romans de Fleming, ou fraîchement séduit par 007. Et parce qu'une suite se doit de porter les couleurs de la franchise plus haut encore, ils doublent le budget de production, qui atteint les 2 millions de dollars.

Grand bien leur en a pris, puisque pour un investissement d'un million supplémentaire, le film en rapporte quasiment 20 de plus que son prédécesseur. On se souvient que Dr. No avait amassé 59 millions de dollars, pour ce second long-métrage, c'est pas moins de 78,9 millions que génèrent les mésaventures de Bond. Soit l'équivalent de 671 millions de dollars actuels, de quoi en faire, sur le seul sol américain, le 3e plus gros succès de 1963. En France, le personnage est tout à fait adopté, et ce sont plus de 5 millions de spectateurs qui répondent présents au rendez-vous.  

 

photoAllo ? Monsieur les chiffres ?

 

UNE SCÈNE CULTE

Depuis l'ouverture du film, nous savons que l'assassin entraîné par SPECTRE, Red Grand, croisera la route de James. Préparé à le piéger, lui résister et le tuer, le personnage est une pure fonction de mort lancée aux trousses de l'agent, la pièce maîtresse du piège dans lequel on veut le faire tomber. Et quand tous deux se retrouvent face à face, la nuit tombée, dans le compartiment d'un train, il est évident qu'un seul des deux hommes sortira vivant de la cabine. Or, rien n'est joué en faveur de 007 : il a bel et bien été manipulé, et ne peut jouer ni de l'effet de surprise, de l'ascendant psychologique, ou physique.

Voilà sans doute une des plus belles confrontations, un duel d'abord à fleurets mouchetés, qui va grimper en tension, laisser éclater l'art malicieux de la ruse propre au héros, puis embrayer vers un combat d'une brutalité assez rare dans le cinéma grand public du début des années 60. Le découpage de Terence Young est d'une belle rigueur, qui confère à ce duel une dimension instantanément mémorable. Mais au-delà de la vigueur toujours intacte de la mise en scène, c'est bien l'efficacité avec laquelle la scène s'inscrit dans la mythologie Bondienne, tout en la forgeant, qui est marquante.

 

photo, Robert 'Buddy' Shaw, Sean ConneryBond vs Blond

 

Pour la première fois, James use de ses géniaux gadgets, à la manière d'un fusil de Tchékov dont le spectateur aura attendu longtemps de sentir partir le coup. Et après ce coup de malice, le combat véritable peut commencer, sec, violent. Un duel à mort dont l'issue est entendue, mais chaque étape plus plaisante et élégamment amenée. Tout cela jusqu'au triomphe de 007, dont la brune suavité envoie ad patres le ricanant proto-aryen dépêché par SPECTRE. Miroir déformé du charme Bondien, sorte d'incarnation malade d'une vieille Europe encore en proie à ses vieux démons, Red ne peut que fauter par orgueil et ainsi chuter.

Cet affrontement, où l'intrigue jongle avec violence, symboles et gadgets sera maintes fois cité ou repris dans la saga, jusqu'à devenir une de ses identités remarquables. Pas sûr que quiconque ait accompli l'exercice avec plus de classe ravageuse que Terence Young, allié à Sean Connery et Robert Shaw.

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commentaires
ThisisSparta
31/07/2023 à 05:43

Du vin rouge avec du poisson, j'aurais dut y penser.

Faurefrc
31/07/2023 à 00:40

Bon Bond… mais l’apogée ne sera atteinte qu’à ´opus suivant.
Le générique de Shirley Bassey, le méchant mégalomane bigger han Life, l’Aston Martin, etc. Bref, Goldfinger quoi !

dundar siz
30/07/2023 à 21:56

Le livre est sans aucun doute le meilleur James Bond de Ian Fleming. D'ailleurs, le Spectre n'intervient pas dans le bouquin. C'est un pure thriller guerre froide contre le SMERSH, les services de contre-espionnage russe.
A noter que dans ces films du temps de la guerre froide, les producteurs n'ont jamais vraiment opposé Bond aux soviétiques, ce qui est curieux. A chaque fois, ils sont, en quelque sorte, victimes (ex: dans BBDR et ONVQ2F). Autre exemple: Le Dr No dans le roman est un agent travaillant pour les russes; dans le film, c'est un membre du Spectre. Idem pour Kananga dans Vivre et laisser mourir.
Il faudra attendre véritablement Octopussy en 1983 pour voir vraiment Bond affronter de visu les russes...et encore, puisque c'est un général soviétique félon qui est l'ennemi.
Broccoli et Saltzman frileux? Sans doute.

zetagundam
20/11/2020 à 22:23

Peut être l'un des épisodes que j'aime le moins (hors période Daniel Craig à laquelle je n'accroche vraiment pas à part peut être pour Skyfall qui arrivait à renouer par moment avec l'atmosphère de la saga) notamment à cause du passage dans le camp tzigane qui de mémoire est trop hystérique pour moi mais avec l'une des plus belles Bond Girl en la personne de la magnifique Daniela Bianchi

Jr
20/11/2020 à 11:14

Tout le james bond bien aime vraiment franchement ca reste un classic surtout un Roman film action ou l aventure les femmes ou luxe aussi enquete espionnage criminelle dans la vie reele pour le meilleur james bond il n ya pas verite sincerement du fond mon coeur ca fais 20 ans j adore le cinema ou en mes temps chroniqueur cinema actuellement aussi j adore le cinema vraiment verite james bond a la fois ange et demon mais commun cote humain avant tout Parfois on somme cote james bond facon parle le courage respect aussi le vecu ca mon avis personnel franchement james bond ca reste un mystere a sujet ou histoire complique dans l humanite on sais pas qui es vraiment james bond franchement ca reste un mystere dans l histoire ian Fleming franchement respect pour Lui et sa famille respectif prive franchement merci bq le moment gloire dans la trilogie james bond RIP Sean Connery tout les James bond girl que dieu pardonne et vous aime vraiment ciao peace merci bq mr James bond ciao pour moi un classic le cinema vraiment dans le monde entier ciao peace

John Dee 007
19/11/2020 à 16:38

le MI6, MI 5 et autres organisations gigognes, et dans d'autres pays de premier rang c'est la meme chose, donc ils fabriquent le Terrorisme interieur et exterieur, donc Spectre, dans le film est une émanation du mi6 lol, une Guerre Hors limite pour justifier tout et n'importe quoi
pour tenir, les populations , faut les divertir, du Pain des jeux et du Sang, comme à Rome ( et Rome n'est jamais tombée ..), donc 007 est une Marionnette, dans l'un des dernier 007 avec Craig, ils le micro-chip, c'est dire si 007 est un pantin,...
Orwell dans 84 vous le montre avec les faux blocs qui font semblant de se faire la guerre, alors qu'ils sont de mêche,
donc y a pas de sauveur,que des interêts, merci Hollywood de raconter des enfantillages

Pseudo1
19/11/2020 à 16:02

Petite précision concernant Q : si Desmond Llewelyn est bien décédé en 1999, "le Monde ne suffit pas" aurait été dans tous les cas son dernier Bond puisque le personnage y prenait également sa retraite, présentant son successeur R / John Cleese avant de faire ses adieux.

Kyle Reese
19/11/2020 à 12:58

La scène tout autant réussie du train dans Spectre est sans doute un hommage à celle de Bons baisers de Russie.

john1
19/11/2020 à 12:51

Le vrai triomphe c'est aussi le film suivant, Goldfinger.