Le mal-aimé - Halloween III : Le sang du sorcier, la belle anomalie de la saga de John Carpenter

Mathieu Jaborska | 31 octobre 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Mathieu Jaborska | 31 octobre 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Parce que le cinéma est un univers à géométrie variable, soumis aux modes et à la mauvaise foi, Ecran Large, pourfendeur de l'injustice, se pose en sauveur de la cinéphilie avec un nouveau rendez-vous. Le but : sauver des abîmes un film oublié, mésestimé, amoché par la critique, le public, ou les deux à sa sortie. 

 

Affiche

 

 "Il n'y a rien à dire sur Halloween III qui n'a déjà été dit à propos des deux autres Halloween ou de la pléthore d'imitateurs" Variety

 

"C'est un de ces films en kit, assemblés à partir de parties familières d'autres meilleurs films" Roger Ebert

 

"Et mais on voit pas Michael Myers, c'est nul" Les fans d'Halloween

 

 

Le résumé express

On est quelques jours avant Halloween, un pauvre commerçant est poursuivi par une horde d'étranges individus en costard-cravate. Il finit à l'hôpital, oû ses assaillants viennent pour finir le travail, avant de faire péter sa voiture.

Voilà qui interpelle le médecin moustachu du nom de Challis. Celui-ci contacte alors la fille du défunt, Ellie, laquelle lui révèle que son père travaillait pour un fabricant de masques pour le moins omniprésent en ces temps de fête. En effet, très, très, très, régulièrement, un spot TV promouvant ces masques fascine les enfants de la ville. Un véritable phénomène comparable aux Bayblades, sauf qu'ici, ce sont des déguisements moches.

Intrigué, ce duo décide d'aller voir à quoi ressemble la fameuse entreprise, perdue dans la pampa américaine. Alors que les incidents étranges se multiplient, ils sont invités, eux et une insupportable famille, à une visite de l'usine de masques. Mais lors de cette visite, Challis découvre que les hommes en noir sont en réalité des androïdes, comme ceux d'Alien mais avec un sang jaune, et sa toute nouvelle petite copine est enlevée.

 

photoLa nuit des masques

 

Finalement capturé par le patron de l'entreprise, le docteur est mis au courant de son plan machiavélique, démonstration à l'appui : grâce à un badge placé sur le masque et à la publicité entêtante diffusée partout dans le pays, il compte sacrifier les têtes blondes américaines pour renouer avec les traditions celtes. On ne déconne pas avec les traditions, en Irlande.

Challis parvient finalement à s'enfuir, et libère sa compagne avant d'exploser tous les ordinateurs de la pièce grâce aux fameux badges. Sans trop d'explications, tout le monde meurt, psychopathe ou machine humanoïde, et le couple se fait la malle. Sur la route, Ellie révèle sa vraie nature : elle aussi a été transformée en androïde. Elle attaque Challis, bien obligé de se défendre.

Après l'avoir décapitée, il atteint une station service et appelle les chaines de télévision pour leur demander de couper la vidéo meurtrière. Il finit par obtenir gain de cause auprès de deux chaines, mais le film se termine avant qu'on soit fixés sur la troisième... FIN.

 

photoUn bonbon ou une mort

 

les coulisses

La genèse de ce Halloween III est une bien étrange histoire, à l'origine d'un bien étrange film. Inutile de revenir sur le succès ahurissant du premier Halloween, carton stratosphérique appelant forcément à la première suite de l'histoire du slasher. Le duo à son origine, formé par John Carpenter et Debra Hill, est donc engagé par Dino De Laurentiis pour transformer l'essai. Carpenter refuse de garder le poste de metteur en scène, qu'il compte d'abord confier à Tommy Lee Wallace, le monteur du premier opus.

Finalement, c'est Rick Rosenthal qui s'en occupe, avec l'appui du duo de scénaristes. Mais une fois le film sorti, le réalisateur de New-York 1997 l'assume beaucoup moins, surtout après l'introduction au forceps d'une relation fraternelle entre Laurie et Michael Myers, garante de l'exploitation de la franchise. Comme souvent très méfiant envers l'industrie qui l'exploite, le cinéaste voit d'un mauvais oeil la mutation de son chef-d'oeuvre en marque déclinable à l'infini.

 

photoHalloween 2, pour le Myers ou pour le pire

 

Le studio laisse une fois de plus les rênes du troisième film à Hill et Carpenter, qui proposent de s'éloigner complètement de la formule classique de la saga. Ils rappellent Tommy Lee Wallace, qui avait quitté la production d'Halloween 2 parce qu'il détestait "le concept", et décident à trois de transformer complètement leur projet. L'idée est d'en faire une saga anthologique, en quelque sorte : chaque nouveau film mettra en scène une histoire flippante, en lien avec Halloween. En d'autres termes, Michael Myers ne doit plus apparaitre.

Hill et Carpenter proposent à Nigel Kneale, célèbre pour la création du personnage de Quatermass, d'écrire un premier scénario, à partir duquel ils travaillent avec Lee Wallace pour aboutir au résultat final, quasiment dénué de tout lien avec les deux premiers longs-métrages. L'écrivain ne sera pas mentionné dans le générique.

 

photo, Tom Atkins, Stacey NelkinTom Atkins et Stacey Nelkin dans les rôles principaux

 

Dans le making-of proposé par l'édition Shout! Factory, le producteur exécutif Irwin Yablans est encore amer : "Je ne suis pas responsable d'Halloween 3, je n'ai rien à voir avec lui. On m'a juste donné un beau et gros chèque. La décision de ne pas utiliser le personnage de Michael Myers était stupide, c'était vraiment malavisé. On sait maintenant que Michael Myers est la colonne vertébrale de cette franchise. Pourquoi ils ont décidé d'abandonner ça ? Je ne sais pas, on ne m'a pas consulté."

Et de son point de vue, la déception est justifiée. Si les critiques sont plutôt mauvaises sans pour autant être catastrophiques, la campagne de publicité mise en place par Universal est désastreuse. Il n'est jamais fait mention de cette nouvelle orientation, tandis que le sous-titre, "Season of the Witch" spoile allégrement les derniers retournements de situation. Résultat : le public ne comprend pas, et sort forcément déçu que son boogeyman préféré ne découpe pas quelques ados.

 

photoCinq pour le prix d'un

 

le box-office

Logiquement, c'est une déconvenue au box-office. Le film sort le 22 octobre 1982 aux États-Unis (le même jour que Rambo) dans 1 297 salles. Sur ses trois pauvres semaines d'exploitation, il amasse 14,4 millions de dollars. À titre de comparaison, le premier opus en avait récolté 47,1 millions et le deuxième 25,5 millions. Et inutile d'évoquer l'effet de dépréciation qui hante les suites de grosses franchises. Halloween 4, logiquement sous-titré "The return of Michael Myers", a fait plus de 3 millions de plus.

C'est très loin des grosses machines horrifiques de la même année. Vendredi 13 : Meurtres en 3 dimensions, également le troisième volet d'une saga emblématique du slashers 80s, resté 141 jours à l'affiche, et qui a empoché 34,5 millions de dollars sur le sol américain, pour un budget à peine 200 000 dollars moins élevé. Plus impressionnant encore : le hit flippé de 1982 reste Poltergeist et ses 76,6 millions de dollars pour 10 millions d'investissement.

Reste qu'avec un budget réduit (2,5 millions de dollars), Halloween III parvient à se rembourser et à perpétuer une saga qui jurera de ne plus jamais bouder son principal antagoniste. Halloween 4 se fait donc sans Carpenter, lequel ne reviendra pas à son bébé avant le Halloween de 2018. The Season of the Witch est donc, paradoxalement, un tournant majeur dans la franchise.

 

photo, Tom AtkinsLa machine du box-office est en panne

 

le meilleur

À l'époque, le film déçoit grandement, la faute à l'absence du tueur. Un flop d'estime pas aidé par le petit pied de nez perpétré par Lee Wallace, incluant Halloween premier du nom à la télévision, télévision qui sera elle-même l'instrument de mort dans cet épisode.

Mais aujourd'hui, tout porte à apprécier ce Halloween III pour ce qu'il est, c'est-à-dire une série B assumant de faire partie d'une anthologie, et par conséquent, de se suffire à elle-même. Et si celle-ci est parfois un peu bancale, elle fait preuve d'une liberté de ton assez unique, grâce notamment à un rythme lancinant, distillant le malaise plutôt que de jouer bêtement de ses quelques scènes choc, pourtant parfois bien gratinées. Lee Wallace n'a pas peur de prendre son temps et de conter cette histoire de théorie du complot farfelue en laissant le complot en question s'appesantir dans l'atmosphère générale.

Une atmosphère très travaillée, donc, que ce soit grâce à la photographie inquiétante, toute en nuances de nuit, du célèbre Dean Cundey, qui sera engagé plus tard sur New-York 1997Retour vers le futur ou même Jurassic Park, ou à la musique de Carpenter, rappellant le meilleur de la bande-originale de The Thing, sorti à peine quelques mois plus tôt, sans pour autant tomber dans le recyclage. Cette ligne de synthé grave participe grandement à la noirceur d'un scénario qui aurait bien pu tomber dans la farce laborieuse sans un tel effort technique.

 

photoQuelques plans sublimes au moment de mettre le plan à exécution

 

Mais c'est rarement le cas, d'autant plus que cette histoire de masques maléfiques, en plus de constituer un joli clin d'oeil à la genèse du classique original, est l'occasion de se laisser aller à une vraie méchanceté, de plus en plus marquée au fur et à mesure que le récit se déplie. À travers cette organisation maléfique, le cinéaste s'amuse comme un petit fou à rendre encore plus macabre Halloween, misant sur son nouveau coeur marketing : la publicité, et ses entêtants, très entêtants jingle, qu'il n'accompagne pas de sa propre voix par hasard.

Satire industrielle grinçante ou célébration horrifique particulièrement noire ? Un peu des deux. Comme le dit la critique du New-York Times d'époque : "Halloween III accomplit l'exploit d'être anti-enfant, anti-capitalisme, anti-télévision et anti-irlandais en même temps". Belle performance, en effet.

Une direction assez effrontée quand on y pense, donc, surtout quand elle donne lieu à deux séquences d'anthologie. D'abord la mort d'un enfant et de sa famille d'américains typiques bien crédules, terriblement graphique et absolument sans répit : le père a le temps de voir les vers sortir de la bouche de sa progéniture avant d'y passer à son tour. Et puis cette fin, atrocement ouverte, voire carrément nihiliste. L'excellent éditeur Le Chat qui Fume possède encore quelques exemplaires du film en Blu-ray : une bonne occasion de rattraper ce petit bijou de noirceur.

 

photoTélé / Réalité

 

le pire

C'était l'un des principaux arguments de ses détracteurs : si on oublie la pesante langueur horrifique qui se dégage du film, force est de constater que rien n'y fait trop de sens. L'idée d'adapter la sorcellerie païenne folklorique aux nouvelles technologies suscite forcément pas mal d'incohérences, même une fois accepté le postulat fantastique. Que dire par exemple de la destruction finale du repère du méchant, aussi visuellement absurde que narrativement douteuse ?

Dommage également que certains retournements de situation s'en retrouvent un peu trop prévisibles. À force d'étirer ses enjeux pour faire triompher son atmosphère pourrie par les publicités pour ces satanés masques, Lee Wallace a tendance à sacrifier un peu la consistance de son intrigue, et en a logiquement laissé plus d'un sur le carreau. Malgré une explication relativement limpide, les motivations de ce gardien allumé de la tradition restent, après visionnage, assez obscures, en partie parce qu'aucun temps n'est consacré à la description plus précise du sorte de culte dont il est l'incarnation. Le mystère complet qui rôde autour de ce monolithe bizarroïde n'arrange pas les choses.

Enfin, il y a la frustration de ne pas avoir vu plus de cette proto-anthologie autour des fêtes d'Halloween, qui aurait pu donner lieu à de sacrées singularités si l'amour des fans pour Michael Myers n'avait pas tout enterré. Mais bon, on les aime quand même.

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commentaires
Michael Myers
02/11/2020 à 07:23

Quand j ai vu le film a l époque, j ai bien compris le concept d émettre différentes situation d horreur sous le thème dé la fête d Halloween! Et j' avais trouvé l idée génial!..ça aurait été sympathique de voir plusieurs films défiler sous cette thématique...mais Michael Myers étant un icône incontournable de l horreur quoi de plus logique que d exploiter une valeurs sure des plus rentables!...mais sincèrement l idée d émettre des films basés sur des situations d horreur sur le thème de l Halloween devrait être repris sans hésiter par un producteur futé et compétent!.....halloween 3 est un très sympathique divertissement..quoi qu en aient dit les citrouilles a l époque!

Laurent B
31/10/2020 à 21:50

Malgré qu'à halloween 3 ne fait pas partie de la série des halloween (Michael) je le trouve plus sympa pour l'avoir regardé quand jetait plus jeune il m'avait quand fait flippé pas sur que aujourd'hui il fasse autant flippé à la génération d'aujourd'hui

Daddy Rich
31/10/2020 à 16:56

Si on lui retire son titre... (Carpenter voulait faire une sorte de série ciné se basant sur Halloween et pas l'histoire d'un serial killer au départ!)
Ce 3ème opus est véritablement un film à redécouvrir pour certains moments juste, brillants!
Et une BO exceptionnelle!!!!!!
Enfin bon bref, j'adore!

Bond
31/10/2020 à 13:34

J’ai adoré ce film , pour son atmosphère, sa cruauté, le méchant , et son ambiance (le début du film ) , un très bon film
Par contre dommage que vous ayez spolié tout le film en début d’article :(

Dirty Cop
31/10/2020 à 13:28

J'en garde de bons souvenirs, j'aime bien les Stand Alone, c'est rafraîchissant.