Le Roi Arthur de Guy Ritchie : retour sur un film-flop royal mais sans gentlemen

Simon Riaux | 12 décembre 2022 - MAJ : 13/12/2022 10:02
Simon Riaux | 12 décembre 2022 - MAJ : 13/12/2022 10:02

On revient sur un film détesté et adulé de Guy Ritchie. Son Roi Arthur offre la quintessence de son cinéma (quitte à tuer son sujet).

Le Roi Arthur : La légende d'Excalibur avec Charlie Hunnam est sorti sur les écrans internationaux en mai 2017. Échec critique et public, il constitue pourtant la plus fiévreuse déclaration d’amour de Guy Ritchie au cinéma. Autopsie d’un grand film malade, à la fois génial et monstrueux. 

 

Photo Charlie HunnamA l'assaut du Roi Arthur

 

RITCHIE RICH 

C’est d’une évidente banalité, Mais Guy Ritchie a du style. Du chien. Du panache. Dès Arnaques, crimes et botanique, il a montré qu’il était capable de penser des séquences entières pour le seul bonheur d’un effet bien pensé, d’une pirouette de montage ravageuse. Au cours de sa filmographie remuante, il a multiplié les formes de signatures, avec une gourmandise évidente. 

Interdépendance entre verbe et image, montage en apparence dément, qui construit puis déconstruit le sens du récit, jeu sur les formats, les ratios, la texture, les filtres, caméras embarquées, ralentis, accélérés... Aucune expérimentation n’est trop bizarroïde, voyante ou vulgaire pour Ritchie, qui en caviarde ses films, générant une complicité incroyable avec un spectateur sans cesse remué, forcé d’appréhender l’oeuvre comme un grand huit absurde et jubilatoire. 

 

Photo Charlie HunnamLe swag Arthur

 

Aucun de ses films n’a à ce point assumé cette idée de frénésie visuelle. Le Roi Arthur est un condensé inédit de formes mutantes, et aucune de ses séquences n’échappe au désir ardent d’embarquer le public pour un ride créatif ininterrompu. Cette énergie meut le cinéaste jusque dans la salle de montage, où il n’hésite pas à retravailler son film, à la manière d’un diamant brut dont la forme n’est jamais arrêtée. En témoignent les dix minutes centrées sur le personnage de Jack’s Eye, imaginées initialement comme un pan entier du métrage s’étalant sur 40 minutes.

Comme le dévoila Charlie Hunnam dans les colonnes de Cinemablend, Ritchie n’hésita pas à métamorphoser cette base, remontant totalement sa structure pour dynamiter son récit, et livrer un des passages les plus dynamiques du film. Quant à l'ouverture du film, si elle a malheur de rester jusqu'au bout le passage le plus réussi de tout le blockbuster, son goût pour la démesure, les hybridations visuelles et l'imagerie épique tout droit sortie d'un cerveau ivre de Dark Fantasy demeure une promesse d'une puissance ébourriffante, sans réelle comparaison à l'heure actuelle sur grand écran.

Il en va de même pour le climax, où le réalisateur décide de quasiment tout sacrifier au cool et au sentiment de puissance. Excalibur laissant une traînée d’étincelles au sol, Arthur prenant la pose, un serpent géant ravageant un château, un boss final qu’on jurerait sorti de Dark Soul... Ritchie n’hésite pas à marier jeu vidéo, film de gangster quasi-hip-hop et série Z. Pour les amateurs d’alliances folles, la recette est orgasmique. 

 

Photo Charlie HunnamPas encore libéré, et pas franchement délivré non plus

 

RICHIE CINEMATIC MESS ? 

À ce jour, le film demeure la déclaration d’amour filmique la plus ambitieuse et inclassable de son auteur. Et c’est sans doute cette singularité qui lui vaut de régulières déclarations d’amour des cinéphiles qui aiment ses créations depuis ses débuts. Mais cette déferlante plastique a une autre conséquence, et c’est peut-être ce qui a coûté au blockbuster une partie de son succès. 

Non seulement (et on lui en sait gré), Ritchie se focalise sur sa mise en scène et ses désirs furibards, mais il doit composer avec la nature du projet tel que l’entend Warner : la gestation d’un univers cinématographique étendu dans la philosophie de celui bâti par Marvel. L’idée pharaonique n’est autre que de lancer une franchise de six films, ce qui est particulièrement copieux, le mythe Arthurien reposant seulement sur une poignée d’éléments bien connus du grand public, à savoir Excalibur, Guenièvre, quelques chevaliers, la Dame du Lac et la mort du souverain. 

 

Photo Jude LawQuand tu comprends que tu es trop vieux pour jouer le gentil

 

À cela s’ajoute une autre difficulté. Le studio veut ressusciter le personnage sur grand écran depuis plusieurs années (le réalisateur Bryan Singer fut un temps envisagé) et le script dont hérite Ritchie est déjà un assemblage peu orthodoxe de nombreux projets passés. À tel point qu’un journaliste du Guardian qualifiera le projet quand le réalisateur en prend la tête de “bien étrange monstre de Frankenstein”

Face à un studio aux ambitions démesurées, à un système de production qui tend à prévoir une date de sortie en dépit du temps nécessaire à la maturation d’un projet de cette ampleur, le metteur en scène n’a pas eu d’autre choix que de maximiser ses qualités plastiques. 

 

photo"T'es gentil Bobby, tu leur mets des casques à pointes à mes éléphants géants."

 

OÙ EST ARTHUR ? 

Tout cela au détriment de la légende du Roi Arthur, qui paraît curieusement absente du récit. Nulle trace réelle de Merlin, le surnaturel intervient pour mieux se retirer, difficile de voir dans cette galerie de personnages parfois réduits à des silhouettes de potentiels chevaliers, rien qui puisse évoquer un Saint Graal, ne parlons même pas de Morgane, quant à Guenièvre, elle a manifestement subi un tronçonnage en règle. 

En témoigne la tragique écriture de la magicienne interprétée par Astrid Berges-Frisbey. Initialement présentée comme le love interest d’Arthur (la future reine Guenièvre donc), plusieurs déclarations ambiguës de Charlie Hunnam au micro d’Entertainment Weekly laissent clairement entendre que son personnage a totalement été repensé en cours de production (et vraisemblablement réduit). 

 

Photo  Astrid Bergès-FrisbeyLa première magicienne avec le pouvoir d'effacer le scénario !

 

Pour réserver certaines intrigues aux épisodes à venir ? Alléger le récit ? Laisser la place à la déferlante stylistique de Guy Ritchie ? Nul ne le sait mais cette amputation demeure une des aberrations narratives les plus visibles du long-métrage, qui paraît se refuser à aborder frontalement le mythe arthurien et ses identités remarquables. 

Ainsi, cinq ans après sa sortie et son flop cataclysmique, Le Roi Arthur demeure une proposition filmique résolument à part, plus riche et unique que l’immense majorité des blockbusters contemporains. Mais la furie avec laquelle son réalisateur s’y exprime a peut-être tué dans l’oeuf la raison d’être de ce récit connu et adoré de par le monde depuis des siècles.

Tout savoir sur Le Roi Arthur : La légende d'Excalibur

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
redwan78
15/12/2022 à 13:51

J'ai adoré ce film. Pour moi la meilleure scéne est la scéne du bordel. On sent tout la filmo de Guy Ritchie. Le film est dynamique, Il y'a aussi la scéne de la fléche qui est juste magnifique. Ce Roi Arthur sort de l'ordinaire.

Cidjay
14/12/2022 à 10:59

Le film avait une super intro !
Mais les personnages est très mal travaillés (ce qui fait vraiment tâche pour du Guy Ritchie...)
au final, c'était quand même décevant.

Atom
13/12/2022 à 10:13

Je ne cesserais défendre ce film et de le faire découvrir à beaucoup de mes potes.

Ce film est ultra généreux dans un peu près tout ce qu'il propose en plus d'être une gifle au passage.

Quelques minutes en plus n'auraient pas été de trop. Voir carrément une Richie's Cut. Là aussi le combat aurait valu le coup, mais en attendant, on se contentera de ça.

Et que dire de la bande-son les gars!??!??!?????

J'emporterai ce blockbuster dans ma tombe. Malgré toutes les contraintes qu'à connu le film, il s'en sort beaucoup mieux qu'une grande majorité des blockbusters sortie a cette même date.

Mon dieu, quel regret de ne pas l'avoir découvrir au cinéma. Cette bande son de malade, ça devait être quelque chose en salle.

Eddie Felson
13/12/2022 à 06:56

Inégal, foutraque & flamboyant.

Frank F. Drebin
13/12/2022 à 02:25

L'ouverture du film, 5 ans plus tard, continue de me faire rêver. Dans le rayon dark fantasy, cette séquence est d'une puissance évocatrice inégalée.

Mathieu le messie
04/08/2021 à 21:45

Un grand bravo pour ce blockbuster ,

Au diable les critiques, un blu-ray de plus à ajouter à ma collection !

Il a fait son taff , le mérite est de le regarder et d’apprécier la séance .

Bon film à tous

Pog
23/06/2020 à 21:45

Pour ceux qui découvrent Ecran Large : M1pats c'est le semi-troll semi-gentil bouffon qui s'est installé dans le coin, et aime attaquer, embêter, réagir à tout va. Tous les habitués le connaissent avec tous ses excès.

Sortir 4 ou 5 exemples et en faire une règle générale, c'est un truc comme un autre. Suffit de voir leurs critiques de films unanimement adorés (du Fincher, du Scorsese, du Tarantino, Call Me By Your Name, Parasite, par ex) ou détestés (récemment, Artemis Fowl par ex, ou Hellboy aussi tiens), pour constater que c'est juste la petite blague de prétendre qu'il y a une logique derrière tous les avis ici. Mignon comme tout.

M1pats
23/06/2020 à 21:40

Pour ceux qui découvrent ecranlarge : ce site est spécialisé journalistes comme lecteurs dans le contre pied, c est à dire qu ils vont tjrs vous dire qu un film naze et pourri par la critique que celui-ci est qlq part beau et incompris, y a un paquet des comme ça ( Jupiter, BvS, Batman et Robin, les 4 Fantastiques ( le one shot ) et plein d autres

Donc soyez pas étonnés

ragnagnas
23/06/2020 à 20:11

espritlarge , le site qui n'aime pas que l'on critique leurs critiques. même de façon correcte , et qui supprime les posts qui le font. Grandeur quand tu nous tient. .Mais bof , quelqu'un n'a t'il pas dit , si l'on te coupe la tête pour pas grand chose tu en sors grandi ! Au fait , j'ai bien aimé ce film.

maxleresistant
23/06/2020 à 08:48

Votre article m'a décidé à le revoir enfin, et j'ai vraiment pris mon pied.
Le film est une vraie réussite à tous les niveaux, une épopée magique et guerrière menée de main de maître par son style unique et une frénésie enivrante.
J'ai toujours aimé Ritchie et je conçois que beaucoup de gens (et critiques surtout) sont hermétique à son style. Mais même derrière tout ça, il y a de vrais enjeux dramatique réussis, porté surtout par un Jude Law dévoré par ses ambitions.

Un film pop corn comme on en fait rarement. Et franchement, quand je vois la complexité du montage et des plans, je me demande comment la plupart des critiques n'ont pas su reconnaître le talent indéniable qu'il a fallu pour que cela fonctionne.

Le jeu des narrations accélérés lors de scènes où les personnages discutent est un régal, mélangeant, flashback, flash forward etc.

Le film impressionne si on se laisse porté par les choix de Ritchie. Le film est riche et on en regrette que Ritchie ne nous fera jamais un 2nd.

Mais peut être que c'est mieux comme ça. Le film se suffit à lui même et sa singularité est justement sa plus grande et sa plus belle force.

Un des meilleurs blockbuster de ses 10 dernières années.

Plus