The Faculty : l'invasion des profanateurs de sébum, film culte éternel des années 90

Geoffrey Crété | 24 mai 2021 - MAJ : 09/01/2022 02:07
Geoffrey Crété | 24 mai 2021 - MAJ : 09/01/2022 02:07

Plus de 20 ans après, The Faculty reste un petit modèle du genre, avec une équipe du tonnerre.

C'est un de ces classiques indémodables, qui résiste à l'épreuve du temps et supporte d'être revu une douzaine de fois sans jamais en altérer le plaisir. Deux décennies après sa sortie, The Faculty est un marqueur puissant de la fin des années 90, un hommage réjouissant au cinéma de genre, et un hybride réussi entre le teen movie et le film d'invasion alien, signe d'une époque un peu spéciale.

Comme il n'y a jamais de mauvaise raison de revenir sur un tel film considéré comme culte par bien des cinéphiles attachés aux années 90, il est l'heure de reparler des Ensaignants (c'est le titre québécois, et il est tellement génial qu'on voulait absolument lui rendre hommage).

 

 

SCREAM COUINE

C'était en 1999. Robert Rodriguez n'avait pas encore réalisé Spy Kids et Sin City. Josh Hartnett n'avait pas encore volé d'avion dans Pearl Harbor. Elijah Wood n'avait pas encore volé d'anneau dans Le Seigneur des Anneaux. Jordana Brewster n'avait pas encore vu des voitures volées dans Fast & Furious.

Le monde (hollywoodien) ne s'était toujours pas remis du succès monstre de Scream, qui a renversé en 1997 le rapport du public et des producteurs à ce cinéma de genre. The Faculty a beau être loin de Ghostface sur le spectre de l'horreur, il lui doit sa vie puisque le scénario de David Wechter et Bruce Kimmel traînait depuis des années avant que Miramax, la boîte des Weinstein derrière Scream, ne l'achète. Le duo infernal avait trouvé un filon d'horreur-ado et s'y accrochait, avec Scream 2 lancé sans tarder, et avant Halloween : 20 ans après et quantité d'autres choses plus ou moins oubliables. Cette histoire d'aliens qui envahissent la Terre en commençant par un lycée était donc idéal pour marier tous ces ingrédients.

 

Photo Elijah WoodVade Retro Satané Scream

 

Inutile de changer une formule qui a prouvé son efficacité. Miramax engage immédiatement Kevin Williamson, scénariste de Scream et Souviens-toi... l'été dernier (et la série Dawson aussi, mais c'est une autre histoire d'horreur). Il dira avoir reçu le scénario de The Faculty pendant le tournage du premier Scream.

Il est chargé de reprendre les dialogues, les personnages, et passer une couche de cool sur tout ça. Nulle doute que tout l'aspect teen movie et autres références à la pop-culture sont arrivés à ce stade. L'intrigue, elle, reste sensiblement la même. Wechter et Kimmel seront uniquement crédités pour l'histoire.

Le compositeur Marco Beltrami, derrière Scream et Scream 2, est engagé, histoire de parfaire la formule.

Williamson, qui cherche à passer à la réalisation, est d'abord sur le coup. Mais il préfèrera attendre pour aller sur un projet bien à lui, Mrs. Tingle, où Helen Mirren joue une prof sadique séquestrée par Katie Holmes, la Joey de Dawson. Dommage pour lui, le film sera un bide, pas aidé par une sortie repoussée et frileuse après le massacre de Columbine - le titre original Killing Mrs. Tingle a été changé. Là encore, c'est une autre histoire.

Les Weinstein jettent leur dévolu sur Robert Rodriguez, le petit malin révélé par El Mariachi et Desperado. Il ne sort pas de nulle part : Miramax vient de distribuer Une nuit en enfer, petit carton en salles.

 

photo, Josh HartnettSi tu te tais, toi aussi t'auras une carrière

 

COOL AND THE GANG

A partir de là, le principe est simple : The Faculty doit déborder de cool, qu'il soit typique des années 90 ou d'une autre époque. Sachant qu'une dose de ce cool viendra en grande partie du destin des acteurs, alors méconnus, il y a de quoi se dire que le film avait orchestré quelque chose de fort sans même le savoir.

Car en 1999, Elijah Wood n'est pas grand chose. Il a été vu dans Flipper ou The Ice Storm, certes, mais commence à peine à décoller en tant qu'adulte. Deep Impact sort la même année que The Faculty, et la légende raconte qu'il a entendu parler du Seigneur des anneaux pour la première fois sur le tournage du film de Rodriguez.

Josh Hartnett, lui, n'est personne, et le serait peut-être resté sans Miramax, qui lui a offert ses premiers rôles avec The Faculty et Halloween, tournés et sortis dans la foulée. La maison des Weinstein aime la fidélité, et Clea DuVall et Usher Raymond (une idée de casting apparemment cool à l'époque) repasseront dans d'autres films, notamment Elle est trop bien.

C'était également le premier film de Jordana Brewster, qui a failli avoir une carrière notable avec (et au-delà de) Fast & Furious juste après. Mais tout le monde ne pouvait pas gagner, comme l'ont aussi montré Laura Harris et Shawn Hatosy, très discrets depuis.

 

photoHell School Musical

 

Vue et intronisée dans Une nuit en enfer, Salma Hayek sera elle aussi de retour dans la joyeuse famille. Et Miramax pousse à fond le jeu des références en castant Robert Patrick (alias le T-1000 de Terminator 2 : Le Jugement dernier) et Piper Laurie (alias la maman de Carrie au bal du diable), pour amuser les cinéphiles. Famke Janssen, elle, sort du carton GoldenEye qui a lancé sa carrière.

Charisma Carpenter alias Cordelia de Buffy contre les vampires aurait refusé le rôle de Delilah, écrit pour elle, consciente que c'était une autre version de la même gentille pouffe. Sarah Michelle Gellar aussi aurait décliné un rôle, probablement parce qu'elle s'est déjà offert une dose de Miramax dans Scream 2. Il se dit même que Jessica Alba a tenté le casting, elle qui à l'époque n'était personne.

Dans tous les cas, The Faculty a réuni là un casting d'enfer, excellent à l'époque et encore plus amusant avec le recul.

 

photoPortrait de famille de cinéma de genre

 

BODY SLASHER

Bien entendu, The Faculty n'est rien de plus qu'un remake camouflé de L'Invasion des profanateurs de sépulture. Des adolescents à la place des adultes, de petits parasites à la place des cosses des enfers, mais la même idée d'infiltration diabolique venue de l'espace, qui lisse les émotions humaines pour créer un réseau d'aliens, autour d'une conscience collective.

Le roman Graines d'éprouvantes de Jack Finney, publié dans les années 50, a toujours passionné avec une puissance qui traverse les époques. Don Siegel l'a adapté en film juste après sa publication, Philip Kaufman en a tiré un cauchemardesque film intitulé L'Invasion des profanateurs à la fin des années 70, Abel Ferrara est repassé dessus au début des années 90 avec Body Snatchers, et dans les années 2007, il y a eu Invasion avec Nicole Kidman, plus ou moins réalisé par Oliver Hirschbiegel (le film a été charcuté en post-production, pour devenir un truc informe et poliment oublié depuis).

The Faculty emprunte les grandes lignes de ce terrifiant récit d'invasion, et y ajoute de nombreux ingrédients, dont une certaine légèreté (la drogue comme ultime test pour sauver des vies) et un côté méta directement repris de Scream, qui amène aux personnages la conscience d'être dans une histoire d'invasion alien. "Si tu devais invahir le monde, tu ferais péter la Maison Blanche comme dans Independence Day ou tu passerais discrètement par la porte de service ?", lâche Casey, le geek type Randy dans Scream.

 

photo, Famke JanssenMiss Burke, l'inoubliable

 

Ces profanateurs d'hormones sont agrémentés d'une touche de Breakfast Club. Comme dans ce classique du teen movie par John Hughes, les héros réunis par les événements n'ont à peu près aucun point commun apparent, et appartiennent tous à des groupes sociaux différents. La pouffe royale, le geek timide, le quaterback respectable, le bad boy assumé, la rebelle gothique, et la nouvelle venue toute naïve sont quasiment tous des ennemis programmés dans la jungle du lycée, et la survie face aux aliens est finalement presque aussi extrême que celle au quotidien, dans les couloirs de l'établissement - ce que montre l'intro du film.

L'intelligence de The Faculty sera d'utiliser ce mix entre Breakfast Club et le film d'invasion pour brouiller les cartes, et se jouer des attentes des deux côtés. Ici, les apparences trompeuses qui servent de leçon de vie dans le teen movie, deviennent de potentiels pièges mortels avec des extraterrestes dans les parages. Et de la même manière que le mâle alpha peut rêver de poésie et la lesbienne, d'homme viril à embrasser, la petite chose toute douce venue de sa campagne peut être la reine des aliens insoupçonnée.

 

photoLa blonde de l'espace contre-attaque

 

Tout ça est en plus accompagné d'une métaphore sur l'adolescence comme moment de solitude absolu, où chacun perd, cherche et recrée son identité dans la douleur, et avec la sensation d'être tout simplement un alien, un specimen unique. Ce n'est pas un hasard si la méchante bestiole venue de l'espace propose la sérénité, la paix, et la fin des turpitudes émotionnelles à ces ados vibrants de tout leur corps et leur cœur. Là aussi, The Faculty se révèle bien plus tendre et malin qu'il n'y paraît.

Buffy contre les vampires était passé par là, de toute évidence, avec son florilège de métaphores sur les affres de l'adolescence. Clea Duvall avait d'ailleurs joué dans un épisode de la première saison, dans la peau d'une adolescente si mal dans sa peau et ignorée par ses camarades, qu'elle en devenait littéralement invisible.

 

Photo Clea DuVallAlien dans son propre corps en pleine puberté

 

L'HÉRITAGE DU SUCCÈS

Avec un budget officiel de 15 millions, et plus de 63 millions au box-office, The Faculty sera un succès. La critique sera tiède, et loin de le célébrer comme Scream bien sûr.

Au fil des années, toute l'équipe en a parlé avec une certaine bienveillance mais avec sincérité. Robert Rodriguez dira au Figaro, en promo pour Alita : Battle Angel : "The Faculty était un film de commande. J’ai accepté de le faire, car il m’a permis de faire Spy Kids et Sin City, deux films avec des types de public complètement différents."

A IndieWire, Elijah Wood a raconté : "C'était la fin de l'explosion de Kevin Williamson, quand tout le monde essayait de faire ces films d'horreur ado. Ça a duré des années après ça, avec des résultats allant de moyen à mauvais. (...) J'avais à peine envie de faire The Faculty. La seule raison pour laquelle j'ai accepté, c'est parce que Robert Rodriguez le réalisait et je savais qu'il ferait quelque chose d'intéressant."

Clea Duvall, elle, parlait de l'impact énorme pour le public, en interview avec ShowbizJunkies en 2015 : "Bizarrement, The Faculty compte tellement pour tellement de gens, c'est toujours ce dont ils me parlent le plus. Je pense que les années 90 ont vraiment été uniques en ce sens. Je suis très contente d'avoir fait partie de ça."

 

photo, Elijah WoodMon royaume pour une dose

 

Bien sûr, The Faculty a ses défauts. Même après le 12e visionnage, impossible de comprendre comment Marybeth a pu s'en sortir avec ce test de drogue, le flashback sur son doigt dégueulasse étant totalement ridicule. La morale finale qui voit tout le monde coexister au pays des bisounours, dans le juste milieu, est loin d'être aussi mordante et amusante que tout ce qui a précédé.

Par ailleurs, les effets spéciaux ont pris un petit coup de vieux. Malgré les hommages évidents à The Thing qui prennent par les sentiments, les apparitions pleines de CGI dans le climax ne sont pas toujours heureuses. Et les images les plus marquantes relèvent plus d'effets malins (Marybeth qui avance dans les vestiaires, entourée des ombres de ses tentacules) que de débauches de numérique (la piscine).

Mais il y a bien trop peu de teen movie avec des aliens à tentacules, des acteurs excellents, des professeurs frappadingues, et de la drogue pour ultime bouée de sauvetage pour sauver la Terre. Rien que pour ça, The Faculty est à bénir.

 

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commentaires
Copeau
26/05/2021 à 10:38

Non mais @EL, c'est certainement parce que vous êtes vaccinés non ? La voilà l'explication ! Vous êtes contrôlés par les nanoparticules contenues dans le vaccin qui sont désormais activés via la 5G depuis un labo secret de l'Institut Pasteur.... L'invasion des Profanateurs ! Pas de bol

Geoffrey Crété - Rédaction
26/05/2021 à 09:54

@Ecran Nazi

La gestapo Large s'est prononcée : votre message sera supprimé, votre liberté de pensée écrasée, votre identité annihilée, et plus jamais il n'y aura de débat pour savoir si on a raison ou pas.

Sinon, la réalité : le site déborde d'avis différents du nôtre dans les commentaires, c'est littéralement ce qui se passe chaque jour - j'ai même répondu plus bas à ce sujet. On répète inlassablement que les débats sont au centre du site pour nous, dans l'équipe et dans les commentaires. Et on échange avec les lecteurs et lectrices au quotidien.
Mais libre à vous de fantasmer et créer un ennemi illusoire, avec les mots-clés du moment qui ressortent dès qu'une âme sensible tombe sur un avis qui la froisse. Si ça aide, tant mieux.

Copeau
26/05/2021 à 06:34

@Ecran Nazi
Comparer Écran Large à des nazis ... incroyable on aura tout lu . Enfin tu dois avoir 12 ans pour balancer un truc aussi bas du front ; donc on te pardonne ... maintenant si tu pouvais aller faire un puzzle sur l’autoroute...
( PS : Qui trouve d’où vient cette réplique !? :)

manu_carpediem
25/05/2021 à 16:49

Et The kids aren't alright d'Offspring !!

Miami82
25/05/2021 à 13:51

Pas terrible mais très attachant à l'époque de sa sortie par son côté fun sans réflexion.

Ecran Nazi
25/05/2021 à 13:38

"La morale finale qui voit tout le monde coexister au pays des bisounours, dans le juste milieu, est loin d'être aussi mordante et amusante que tout ce qui a précédé."

Pourquoi le reprocher au film alors que c'est exactement ce que vous êtes ? Des gens conditionnés et la bien-pensance (des journalistes quoi) qui te parles de tolérance et d'ouverture d'esprit mais quand tu es en désaccord avec eux, ils bloquent les gens du site, vous êtes surtout de vrais fachos, vous êtes des bisounours, fragiles, qui ne supportent pas les avis différents, vous n'avez rien de mordant, vous faites partie de la pensée dominante !

Geoffrey Crété - Rédaction
25/05/2021 à 10:20

@Berserkovore

Il me semble que je mentionne ça dans la vidéo dispo dans l'article :)

Geoffrey Crété - Rédaction
25/05/2021 à 10:19

@Arsh

Il y a cette fatalité un peu drôle derrière oui, mais les héros et héroïnes ont tout de même gagné une sérénité et trouvé leur place. Leurs situations ont bien changé, ils sont en couple, et sont plus en paix avec leur rôle dans la société-lycée. La marginalité a été légèrement écrasée, comme on peut le voir avec les personnages de Josh Hartnett (le rebelle-dealer devenu quaterback) et Clea DuVall (la rebelle perçue comme lesbienne, en couple avec l'ex quaterback).

Arsh
25/05/2021 à 09:49

"La morale finale qui voit tout le monde coexister au pays des bisounours, dans le juste milieu, est loin d'être aussi mordante et amusante que tout ce qui a précédé."

Pas trop d'accord avec ça. La fin est justement une reprise de la scène d'introduction, mais avec d'autres personnages (notamment le bizutage d'Elijah repris avec un autre élève)
Bref on a un côté rien ne change malgré les morts et l'invasion qui a failli réussir, comme quoi l'être humain n'apprend rien.

Berserkovore
24/05/2021 à 13:09

Bel article mais qui oublie d'aborder un gros point fort du film : sa bande-son !

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