Underwater : le film de monstre a bien été un désastre, malheureusement

Geoffrey Crété | 22 janvier 2021 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 22 janvier 2021 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Kristen Stewart a affronté un gros monstre mais aussi un sacré échec avec Underwater.

Chez Ecran Large, on a été parmi les rares à défendre avec un réel plaisir Underwater, grosse série B où Kristen Stewart affronte du gros monstre des abysses, sois très forte inspiration Alien et Soma - voir notre heureuse critique. Un peu comme Life : Origine Inconnue en 2017, le film de William Eubank est un cas trop rare de film de genre doté d'un budget digne de ce nom, qui donne envie de soutenir l'effort, surtout quand il est emballé avec savoir-faire.

Mais le public a parlé, aidé par une distribution pas très généreuse et une promo discrète : Underwater a été un échec en salles. C'est triste, mais vrai.

Retour sur la carrière ratée de ce film.

 

 

LE BUDGET

Underwater a coûté entre 50 et 60 millions. C'est un gros budget pour un film de monstre de ce genre, similaire à Life - Origine inconnue (environ 60 millions). Ce type de budget intermédiaire n'est pas si banal, à cheval entre les blockbusters comme Godzilla et Pacific Rim (budgets entre 160 et 200 millions), et des films de genre plus modestes comme Crawl (moins de 15 millions).

Pour trouver des films similaires, il faut remonter à Mimic (30 millions, environ 50 avec inflation), Anaconda, le prédateur (45 millions, plus de 70 avec inflation), ou Un cri dans l'océan (45 millions en 1998, plus de 70 avec inflation), tous sortis à la fin des années 90. Mais tout ça reste moins cher que Sphère (dans les 75 millions en 1998, soit plus de 110 millions avec inflation). A titre de comparaison, Underwater a coûté plus cher que la plupart des Resident Evil (Retribution a coûté le plus, environ 65 millions).

A noter aussi qu'Abyss de James Cameron, qui n'a pas grand-chose à voir avec Underwater au-delà du décor, avait coûté dans les 50 millions en 1989, soit une centaine de millions avec l'inflation.

Ce budget s'explique en partie par une utilisation réduite des fonds verts, et un tournage "dry for wet" : les scènes sous-marines ont été tournées en studio, avec des fonds sombres et au milieu de vrais morceaux de décor, dans un éclairage particulier, avec notamment un peu de fumée. En post-production, l'effet aquatique a été recréé autour des acteurs. La post-production a ainsi duré un an, et le film était terminé fin 2018.

 

photoQuand tu découvres le budget d'Anaconda, avec Jennifer Lopez

 

Derrière le projet, il y a TSG Entertainment, une société américaine, partenaire financier de la Fox depuis 2012. Le groupe chinois Bona Film Group a investi dans TSG en 2015, et depuis, Disney a hérité du deal avec TSG en récupérant la Fox.

A ces 50-60 millions s'ajoute le budget marketing. Un aspect particulièrement difficile à cerner, le film ayant été lancé par la Fox début 2017 et récupéré par Disney lors du rachat finalisé courant 2018. Le tournage était terminé dès mai 2017, et le film était en pleine post-production quand Mickey est arrivé dans l'équation. La sortie est donc restée en suspens un moment, le réalisateur attendant de savoir si son film allait être éjecté du planning. Underwater a d'ailleurs été le dernier film de la Fox distribué avec l'étiquette 20th Century Fox, avant que le nom ne soit changé par Disney en 20th Century Studio.

Le marketing du film a dans tous les cas été léger, et lancé très tard (en août 2019, soit 5 mois avant la sortie). Disney a sorti le film, mais a limité la casse et les dépenses marketing.

Underwater aurait donc coûté dans les 80 millions minimum.

 

photo, Kristen StewartTwilight Zone : Underwater edition

 

LE BOX-OFFICE MONDIAL

À peine 41 millions. Autant dire que c'est une catastrophe. Life avait atteint le cap des 100 millions, et Crawl celui des 90 millions. Underwater rejoint la liste des bides maritimes, avec Un cri dans l'océan, énorme four à sa sortie - alors qu'il mérite mieux, comme expliqué ici.

Sorti début janvier, le film est arrivé dans un paysage bien occupé par Star Wars : L'Ascension de Skywalker, Jumanji : Next level, La Reine des neiges 2Scandale, Cats, 1917, ou encore The Grudge. Au-delà même du public visé, exister était déjà un gros challenge.

 

photo, Jessica HenwickAlerte rouge service compta

 

LE BOX-OFFICE DOMESTIQUE

Environ 17 millions. Là encore, désastre, qui rappelle Un cri dans l'océan (11 millions). Même The Grudge, qui n'a pas rencontré le succès attendu à la même période, a tout de même encaissé plus de 21 millions.

Il y a peu de comparaison pour un gros film de monstre sous l'eau, mais notons que 47 Meters Down avait engrangé plus de 44 millions, et sa suite 47 Meters Down : Uncaged, plus de 22 millions. Tout ça avec des budgets moindres, mais l'étiquette requins bien plus identifiée par le public, comme l'avait rappelé le succès de En eaux troubles.

Underwater est pourtant sorti sur 2 791 écrans. C'est presque autant que Midsommar, plus que The Grudge, mais c'est moins que Crawl (plus de 3000 écrans), Annabelle : la Maison du mal (3600 et quelques), et bien sûr les poids lourds des deux films Ça (plus de 4000 écrans).

A titre de comparaison, The Lighthouse, film d'horreur bien plus étrange et étiquetté auteur, avait encaissé à peine 11 millions... sur moins de 1000 écrans.

 

photo, Kristen Stewart, Vincent Cassel"Mais bien sûr que ce film est une bonne idée, autant que quand j'ai accepté Enfant 44"

 

LE BOX-OFFICE INTERNATIONAL

L'international aurait pu sauver Underwater, mais non : moins de 24 millions. Le film a peu intéressé, mais sortent du lot quelques pays : le Mexique, l'Indonésie, le Malaisie, la Russie, Taiwan... et la France, première sur le podium hors box-office domestique, avec 2,5 millions.

Le film était sorti sur 203 écrans (en comparaison, Ça : Chapitre 2 était sorti sur 600 copies et Us, sur 339). Il a attiré plus de 319 000 spectateurs, soit moins que Life (511 000 environ).

Inutile de redire que c'est un échec ici aussi. Malgré la présence de Bona Film Group via TSG, Underwater n'est pas sorti en Chine, territoire majeur qui rejette quasi d'office tout film d'horreur ou d'angoisse, surtout avec la moindre connotation fantastique - sauf si c'est un cartoon comme Jason Staham vs The Meg avec des acteurs locaux pour faire beau.

 

photo, John Gallagher Jr.Bibendum Chamallow de SOS Fantômes : 30 ans après

 

LE BILAN

Un coût total d'au moins 80 millions, 41 millions au box-office mondial dont 17 côté domestique : Underwater n'a clairement pas été rentable sur sa sortie salles. A vue de nez, TSG a perdu au moins 40 millions.

Bien entendu, l'exploitation salles ne fait pas tout, particulièrement sur ce type de film. Le marché post-cinéma (ventes TV, VOD, etc) est majeur, le public des films de genre ayant l'habitude de consommer un film comme Underwater dans son salon, des mois après. Life avait par exemple encaissé une dizaine de millions rien qu'aux Etats-Unis, en DVD et Blu-ray. Nul doute que TSG avait conscience de cet aspect du business.

Reste que le film a été un échec très sévère en salles, à ranger parmi les nombreux flops dont Disney a hérité de la Fox - X-Men : Dark Phoenix étant le plus flamboyant.

 

photoRéunion au sommet pour aller dans les kermesses vendre des DVD

 

LES RAISONS

La première : un tel budget pour un tel film, c'était quasiment se tirer une balle dans le pied. La série B à ce niveau de production est une espèce rare et fragile, et Underwater portait ses limites dans son ADN. Entre les films aux budgets très modestes (même pas 6 millions pour 47 Meters Down, et 12 pour sa suite), et les blockbusters grand public qui visent large (En eaux troubles, 130 millions de budget et autant d'efforts pour éviter le gore et la violence), il y a un trou noir, et il y a une raison.

Ce n'est pas un hasard si Blumhouse est devenu expert de la formule petit budget & maxi profit. A moins d'être lié à une franchise comme Alien, un budget trop élevé reste un risque vu le public relativement limité qui va en salles pour avoir peur. Même Alien : Covenant en a payé le prix d'ailleurs, avec un succès très timide (environ 240 millions au box-office, pour un budget officiel d'environ 100 millions). Sans parler du désastre The Predator (détaillé ici). Et encore une fois, Life est un exemple intéressant vu son gros casting (Jake Gyllenhaal, Ryan Reynolds), son côté Gravity horrifique... et son score trop modeste (envrion 100 millions, pour un budget de 60).

 

Jake GyllenhaalKristen, Jake : même combat, même combi

 

La deuxième : le bordel en coulisses, entre la Fox et Disney. Un peu comme Dark Phoenix, Underwater a été pris dans cette tornade de milliards, les négociations ayant commencé pendant que le film était en post-production. Le temps qu'il soit totalement fini (fin 2018), tout était acté sur cette acquisition énorme, et tout était donc mis en pause pour les films de la Fox.

La question s'est alors naturellement posée : Underwater avait-il sa place chez Disney, d'abord connue pour son étiquette familiale ? Comme Wedding Nightmare, le film a bien été validé et exploité en salles par Disney, et officiellement, le studio soutenait le film, comme avec Ad Astra, lui aussi anti-Mickey au possible.

A The Hollywood Reporter, le réalisateur William Eubank racontait : « Pour être honnête, je devais me taire à ce sujet. Je ne savais pas ce qui allait se passer, et les gens au-dessus de moi n'avaient pas l'air de savoir non plus - ou ne pouvaient pas en parler - pendant un moment. On commence du coup à se demander si on a fait un film qui ne sera pas montré. J'ai commencé à être nerveux, c'est sûr, mais... à la fin, tout s'est arrangé. On n'était pas sûr de ce que Disney allait dire, mais finalement, ils ont dit : "On adore, on va le sortir". »

 

photo, William Eubank, Kristen Stewart, Mamoudou AthieWilliam Eubank, quand tout était simple, sur le tournage début 2017

 

Mais difficile de ne pas constater que le marketing aura été traité très légerement. Une bande-annonce fin août, une affiche et des images dans la foulée, quelques spots TV en décembre ; et surtout une Kristen Stewart qui aura assuré largement le service, par tous les moyens possibles et imaginables, dans un festival d'interviews, vidéos et autres machins sur les réseaux sociaux. Underwater voulait parler au public jeune.

Et peu importe ce qu'on pense de l'actrice de Twilight et Sils Maria, sa popularité ne se retranscrit pas spécialement au box-office : depuis Blanche-Neige et le chasseur en 2012, elle a enchaîné les films indé, s'adressant à un public plus cinéphile, pour qui Underwater n'avait rien d'un grand rendez-vous de cinéma. Le public ciblé par le film, lui, aime peut-être suivre sa vie amoureuse et ses tendances vestimentaires, mais pas au point de courir la voir en salles dans un film d'horreur. Miser sur Kristen Stewart à ce point (l'affiche repose entièrement sur elle) était donc une fausse bonne idée, de toute évidence. Le bide de Charlie's Angels juste avant n'aura pas aidé.

A noter que la promo a été si mal gérée qu'une vidéo promo décalée, sortie pour les fêtes de Noël avec une musique décalée vu l'horreur à l'écran, est passée totalement inaperçue.

 

 

Enfin, la date de sortie. Début janvier est plutôt considéré comme le cimetière des sorties. Certes, il y a des exceptions, et Shyamalan s'était calé sur ce créneau avec Glass. Cloverfield est encore plus parlant : il est sorti mi-janvier en 2008, a été un gros succès (budget officiel de 25 millions, et plus de 170 en salles)... mais tout ça reposait sur une campagne promo bien pensée, depuis plusieurs mois, jouant à fond la carte du buzz, du mystère, pour nourrir l'excitation. Le contraire d'Underwater donc, réduit à une bande-annonce, et dont même l'affiche aura refusé de jouer un quelconque mystère, préférant miser sur Stewart aux Etats-Unis.

Le problème la visibilité est donc central dans l'échec d'Underwater, qui a récolté des critiques moyennes, ce qui n'a jamais vraiment été si important pour un film d'horreur de ce type.

 

photo, Kristen StewartDans l'abysse, personne ne viendra vous voir

 

LES CONSÉQUENCES

Déjà, Underwater devrait calmer pas mal d'ambitions à l'avenir, et empêcher des réalisateurs et producteurs de se lancer dans une telle aventure - ce qui devrait au final servir Netflix, où un film comme celui-ci aurait été consommé sans aucune hésitation par une tonne de clients.

Pour Kristen Stewart, le double échec d'Underwater et Charlie's Angels (détaillé par ici) n'aura probablement pas un grand impact au fond. Après tout, Robert Pattinson n'a jamais été un moteur à box-office ; CosmopolisLife (celui avec James Dean, pas celui avec les aliens), The Rover, Good Time n'ont pas vraiment été des succès, et il sera pourtant Batman. La grosse différence est plutôt du côté de la perception des films de l'actrice, qui a été sur le terrain du divertissement plus grand public, moins auteur, avec la mauvaise critique qui va avec.

Mais au final, la carrière d'Underwater commence à peine. Le film sera découvert, téléchargé et consommé pendant des années, et pourrait sans surprise gagner un peu d'amour et bienveillance dans ces conditions. Et pourquoi pas, devenir un de ces mal-aimés dans quelques années. William Eubank en a conscience, comme il l'a dit à THR : "Bien sûr on veut toujours que le film marche bien pour tous ceux qui ont plongé dans les abysses pour le faire, mais je pense vraiment que le film a une longue vie devant lui."

 

Photo Famke Janssen, Treat WilliamsBeaucoup de Cris de détresse dans l'océan des flops

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commentaires
Antho24
25/01/2021 à 15:20

C'est pour ce genre de film que la baisse des ventes des supports physiques est regrettable. Nul doute qu'en 2005, au plus fort du marché dvd, il aurait fini par trouver son public et être rentabilisé.

Bilbo
25/01/2021 à 03:33

Le film a été un désastre parce que c'est un désastre. La photographie et de manière générale la confusion qui règne à l'écran en font non seulement un film raté mais d'une rare crétinerie, vu son scénario, son actrice principale, et ce qu'il tente laborieusement de reproduire ou d'imiter. C'est techniquement une horrible daube.

Karlito
24/01/2021 à 17:04

Un film très décevant. L'impression est de regarder les scènes intermédiaires d'un jeu vidéo. La première demie-heure accroche, les acteurs sont très bons et les monstres plutôt pas mal, mais il manque cruellement un contexte pour rendre le métrage vraiment intéressant à suivre. Un générique à la Godzilla aurait peut-être donné une certaine épaisseur à l'histoire et aux enjeux pour impliquer les spectateurs. Car au fond, on se sent assez éloigné de leur détresse, les clichés s'accumulant sans arrêt et atomisant le moindre effet... Une histoire qui méritait vraiment à être plus creusée, surtout à cause de la surprise finale qui suggère carrément un univers (pour ceux qui connaissent Lovecraft), mais complètement inexploité.

Kane04
24/01/2021 à 06:39

C'est dommage, l'idée était bonne.mais ça démarre dans la 1er minute,on ne sait même pas ce qu'il font vraiment dans cette station, ce qu'il s'est passé pour que ça parte en vrille,on est dans les abysses ok mais le film est bien trop sombre on ne voit rien ou pas grand chose,un script quasi inexistant, une déception pour moi j'en attendais bien plus.ma note serai de 4 sur 10.

water flooded
23/01/2021 à 13:17

vers la fin, on a un deluge de boullie numerique,
Stewart en cheveu rasés,tendance chez les le-sbiennes lg bt çà suffit a couler un film qui était dejà limite sans cela

jorgio6924
22/01/2021 à 19:57

Je regarde ce film avec plaisir mais j'aurai aimé une plus grande exposition.
En 30 secondes l'héroïne se brosse les dents, tout pète et on commence à parcourir des couloirs... des couloirs et encore des couloirs.
Un meilleur équilibre aurait été intéressant.
La fin et la nature des monstres était très bien trouvé pour ma part.

Kyle Reese
22/01/2021 à 18:47

Échec quelque part logique donc. Un budget bcq trop gros pour le potentiel de spectateur mais un résultat à la hauteur (c'est comme les film de sous marin). Visuellement c'est très beau, la photo, les maquettes, les SFX. L'ambiance est très réaliste, le sound design et la musique vont très bien. C'est un survival, donc pas besoin de trop caractériser les persos, et j'y ai trouvé une certaine poésie notamment grâce à Kirsten Steward et le drame de l'histoire de son perso joliment esquissé, pas de lourdeur.
La fin est belle. J'ai beaucoup aimé et regrette de ne pas l'avoir vu au ciné. Et j'invite tous les ceux qui hésitaient à le regarder. Pour peu qu'on se laisse porter sans attendre un grand film on passe un très bon moment.

Tuk
27/10/2020 à 14:21

Ce qui me dérange dans ce film, c'est qu'ils sont tous sur le point de mourir mais ils continuent faire de l'humour à deux balles !
Exemple ; il découvre l'héroine sous un tas de décombre et au lieu de lui demander si elle va bien, le mec s'exclame un truc du style " Chouette, on à retrouver notre petite elfette !"
Ou encore ; "La base va exploser !" Et l'autre "Chouette, comme dans les manga !"
Mon pc à planter à 15mn de la fin et je n'ai jamais remis ce film en route !
Un film vraiment pas terrible, voir un peu lourd.... Dommage...

Le Bûcheron
20/06/2020 à 04:57

La vraie raison de ce four, c'est que c'est un navet. Dès que j'ai vue la superstructure de la base (du béton!!!), j'ai décroché. Et la suite est à l'avenant.

Camille
01/06/2020 à 08:40

Dans 1 mois ça sort en dvd, je l'achetterai car comme dab mon ciné de quartier ne l'a pas proposé. Sur les sites marchants il semble que ça doit direct à 9,99 , ça vaut le coup si y a des bonus.

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