Le mal-aimé : Dead Silence, ou quand James Wan (Conjuring) réinvente la poupée maléfique

Camille Vignes | 19 avril 2020 - MAJ : 08/04/2022 10:32
Camille Vignes | 19 avril 2020 - MAJ : 08/04/2022 10:32

Parce que le cinéma est un univers à géométrie variable, soumis aux modes et à la mauvaise foi, Ecran Large, pourfendeur de l'injustice, se pose en sauveur de la cinéphilie avec un nouveau rendez-vous. Le but : sauver des abîmes un film oublié, mésestimé, amoché par la critique, le public, ou les deux à sa sortie.

MAJ : Dossier écrit à l'origine à l'été 2019 et ressorti à l'occasion de la disponibilité du film sur Amazon Prime Video

  

Affiche française

 

"Par amour pour Chucky, tenez-vous éloigné de cette tentative insipide de raviver l'horreur de la poupée tueuse" (Empire)

"Seul le metteur en scène est à blâmer pour la débâcle de Dead Silence" (Critikat)

"Si vous ne l'avez pas revu depuis longtemps ou que vous ne l'avez jamais vu, donnez-lui absolument sa chance" (Bloody Disgusting)

 

 

 

LE RÉSUMÉ EXPRESS

Chaque ville à son histoire d'épouvante ou de fantômes... celle de Ravens Fair est habitée par Mary Shaw, une ventriloque autrefois poursuivie - accusée d'avoir kidnappé un enfant - puis tuée par des villageois. Depuis, les habitants de la ville sont persuadés que l'esprit de Mary revient pour les terroriser et couper la langue de celui qui la voit...  

Cette histoire, Jaime et Liza Ashen ont grandi avec, puis l'ont laissée traîner dans un coin de leur tête en partant vivre en ville. Pourtant, elle revient les frapper en pleine face quand ils trouvent un mystérieux paquet enfermant une vieille marionnette devant leur porte (on se demande toujours pourquoi ils l'ont gardée tellement elle est flippante, mais bon... ça n'aurait certainement rien changé). S'en suit alors le meurtre effroyable de Liza...  

Le récit principal du long-métrage peut alors commencer, Jaime, retourné à Ravens Fair pour enquêter sur la mort de sa femme, déterre progressivement les secrets de la ville et de la fameuse Mary Shaw... À la fin, le village n'est pas au mieux de sa forme, mais Jaime est en vie... c'est déjà ça. 

 

photoEt le twist final laisse sans voix

 

LES COULISSES

Trois ans après SawJames Wan confirme le talent que l'on avait deviné dans son premier long-métrage. Associé à Leigh Whannell à l'écriture et à une bonne partie de l'équipe de sa première franchise, il livre une histoire très différente de celle de Jigsaw, un brin classique sur le fond, mais terriblement efficace sur la forme. 

Avec Dead Silence, le réalisateur ne cache plus son but : inscrire son nom au panthéon des réalisateurs de film d'horreur. Pour ça, il reprend des thèmes (peurs d'enfants, poupée maléfique et horreur gothique) et des façons d'amener le frisson dignes des plus grands : 

"Nous voulions revenir à un genre plus traditionnel, une bonne vieille histoire de fantôme. Les gens sont tellement habitués aux films d'horreur contemporains que nous voulions les surprendre. Nous voulions faire un film qui nous plaise, un peu comme les films des années 50, les films de la Hammer ou les films italiens avec Mario Bava."

 

photo, Ryan KwantenLa figure du clown, elle aussi un grand classique

 

Côté concept, impossible de ne pas penser à la poupée sanguinaire Chucky, que Wan prend pourtant à revers. Billy, la marionnette tueuse de James Wan (même nom que celle de la franchise Saw même si ce n'est pas la même poupée), ne pourrait être plus éloignée de la poupée maléfique créée par Don Mancini. Chucky a un aspect enfantin et moderne de son visage à ses vêtements et enferme l'âme d'un tueur abject, la marionnette de Dead Silence a tout d'un garçon de bonne famille, tout ou presque...

De la dimension effrayante des marionnettes ventriloques, le cinéaste use et abuse dans le film puisque c'est une centaine de marionnettes qui ont été créées pour le final (dont une en clin d'oeil au Billy de Jigsaw). C'est leur côté "primaire et glauque" qui fascinait le réalisateur, la possibilité que tout bon manipulateur ait d'insuffler de la vie en elles, et la peur de penser que même seule, elles pourraient prendre vie.

Aux commandes de la bande originale, on retrouve Charlie Clouser, ex-membre du groupe de métal industriel Nine Inch Nails. Un choix intelligent quand on connait la musique entêtante du film, se jouant des mêmes codes que celles de grands classiques comme L'Exorciste. Soulignée par des bruitages judicieux, et de longs moments de silence (le film a failli s'appeler Silence d'ailleurs), l'ambiance sonore n'a qu'un seul but : faire monter la pression chez le spectateur.

 

   

LE BOX-OFFICE

Malheureusement, Dead Silence est un bon bide international. En effet, avec son budget hors marketing de 20 millions de dollars, il n'a encaissé que 16,8 millions à domicile et 22,2 millions à l'international. Et les critiques n'ont jamais réussi à faire pencher la balance du côté du film, une partie l'adorant, l'autre le détestant cordialement : il n'est noté que 37/100 sur Metacritic (alors qu'il mérite, selon nous, beaucoup plus).

Une chose est sûre, Dead Silence est très loin du succès incontestable du long-métrage suivant de James Wan, Insidious, qui a récolté 54 millions de dollars à domicile et 97 à l'international en 2011, alors qu'il n'avait coûté que 1,5 million hors marketing. C'est également très éloigné de l'immense réussite de Saw qui, avec le tout petit budget de production de 1,2 million, avait réussi à engranger 56 millions à domicile et 103,9 à l'international... 

 

photo, Judith RobertsBox-office desséché comme fantôme après 60 ans de tourmente

 

LE MEILLEUR

Alors que James Wan avait fait d'une salle de bain crasseuse le principal décor de son premier film d'horreur, il agrandit le champ des possibles avec Dead Silence. Pourtant, la ville de Ravens Fair renferme toujours cette ambiance claustrophobe si bien maniée par le réalisateur dans Saw.

Débutant en milieu urbain, l'action est vite déplacée vers la petite bourgade natale du héros et, dès son arrivée, l’impression d’une force maléfique pèse sur lui et sur le spectateur. L'entrée de Jamie à Ravens Fair est presque digne d'un western, lorsque sa voiture remonte la rue principale où magasins et habitations semblent abandonnés depuis bien trop longtemps. C'est une ville fantôme, avant même d’être une ville de fantômes. 

 

photoAttendez qu'il ouvre la bouche pour le trouver flippant...

 

Du cimetière d'enfants à la maison familiale du protagoniste, bâtisse victorienne froide et sans joie, en passant par la morgue et ses habitants (un vieillard superstitieux, sa femme et son corbeau empaillé) et surtout par l'ancienne demeure de Mary Shaw, endroit immense et lugubre isolé sur une île, la ville est glauque et mystérieuse ; les cadres - travaillés comme des peintures gothiques (musique entêtante, clairs-obscures, maison de Mary Shaw - accentuent l'atmosphère déjà oppressante.  

À noter également, le très bon travail photographique de John R. Leonetti (déjà sur Death Sentence, mais aussi I know who killed me de Chris Sivertson) : sa palette de couleurs est presque monochrome tant elle est désaturée. Elle donne un aspect minéral aux décors et aux personnages, l'impression d'un village pétrifié, d'habitants figés comme autant de poupées.

On comprend que ce qui n'était qu'un gimmick dans Saw a une importance capitale dans cette nouvelle histoire et que cette image de marionnette peut prendre bien des formes (marionnette de Mary, marionnette humaine, humain se laissant manipuler par des légendes urbaines...). 

 

photoMary Shaw, la femme aux cent poupées

 

LE PIRE

Le gros point noir de Dead Silence reste son scénario. Un peu trop balisé pour entraîner totalement le spectateur, il délaisse malheureusement le thème de la ventriloquie en milieu de parcours (alors qu'il y avait tant à faire avec). Ainsi, James Wan, qui a tenté de développer une mythologie autour des figures de bois, instruments d'une double personnalité pour leur manipulateur, se heurte à son propre script, un peu trop simpliste, et l'empêche de s'épanouir pleinement (hormis par un twist final bienvenu et maîtrisé). 

Le scénariste et surtout le réalisateur ont préféré prendre le public à revers, et offrir plutôt un film d'ambiance qu'un film à histoire, laissant en un sens le spectacle pâtir de cette décision. 

 

photo, Judith RobertsPersonnages en PLS

 

L'autre élément déceptif du long-métrage découle du premier : son casting et certains de ses personnages pêchent par leurs faiblesses. Certains personnages ne possèdent simplement pas assez de background pour se déployer, certains acteurs semblent avoir encore un peu de chemin a parcourir pour renforcer leur jeu.

Seul suspect du meurtre de sa femme, la police laisse tout de même Jamie - Ryan Kwanten, dont la performance est oubliable - partir (petite facilité scénaristique), le faisant tout de même suivre par un policier mou et persistant campé par Donnie Wahlberg (Saw). Mis à part un rasoir électrique qu'il emmène partout, le personnage n'est pas caractérisé, n'a aucune profondeur et finalement pas une grande utilité. 

 

photo, Amber VallettaAmber Valletta, plutôt convaincante dans son rôle  

 

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commentaires
hellh
01/03/2021 à 13:47

Jamais compris pourquoi le film n'avait pas plu. ..

La poupée hantée, ok c'est pas franchement original. Mais le film a une esthétique gothique plutôt réussie, un atmosphère qui oscille entre le glacial et le glauque, et surtout un antagoniste grimaçant qui fait son petit effet (ca marche toujours avec les vieux).

A la rigueur, on pourrait critiquer le jeu de certains acteurs qui n'ont pas toujours l'air très impliqués (coucou donnie walberg), mais j'ai toujours un grand plaisir à le revoir.

Fred_NTH
19/04/2020 à 22:26

Esthétique forte, sorcière ultra flippante. Je crois qu'on a eu le droit à un dtv en France ? Je me souviens qu'il était bien au-dessus du lot des films de genre de l'époque (ceux qui ne bénéficiaient pas d'une forte exposition). il préfigurait les réussites d'Insidious et de The Conjuring. Des producteurs malins ont su quoi faire de son talent et tant mieux pour le cinéma de genre.

Sanchez
19/04/2020 à 19:26

Un nanar de compet

alulu
19/04/2020 à 18:52

Vu et vite oublié.

Aragorn59
19/04/2020 à 18:50

Une horreur frontale et sans détour qui m avait plu et puis j aime bien James wan, le premier insidious et le premier saw étant mes préférés. Conjuring 1 et surtout le 2 sont au-dessus du tout venant horrifique . Surpris qu il réalise FF7 mais c est un des meilleurs dans le portnawak qu est devenu la série. Aquaman reste son moins bon même si visuellement, c est démentiel

Pat Rick
19/04/2020 à 15:47

J'ai bien aimé ce film, l'histoire manque d'originalité mais il y a une vraie ambition.

Je préfère Dead Silence à Conjuring ou Insidious qui sont assez formatés.

hihihi
22/07/2019 à 05:08

"Box-office desséché comme fantôme après 60 ans de tourmente" ... arrêter de faire ce genre de vanne j'ai faillit mourir de rire ... surtout l'image correspond bien a la blague

Murata
24/06/2019 à 21:44

Un scénario effectivement un peu trop déjà vu mais prenant et j'avais pas arrêté de sursauter en le voyant ! Une bonne série B.

Andrew Van
24/06/2019 à 20:28

XD je viens de le revoir aujourd’hui. C'est toujours aussi fun et ce twist final complétement pété aussi inattendu que complétement stupide et incohérente quant on y réfléchit 5 min... Mais qu'importe !

905
24/06/2019 à 14:54

C'était un de mes plaisirs coupables, je suis surpris et heureux (et rassuré aussi!) de le retrouver dans votre rubrique de films à redorer!
Plaisir moins coupable du coup, merci

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