Les Valseuses, Buffet froid... le génie Bertrand Blier en 8 films

La Rédaction | 3 mars 2023 - MAJ : 06/03/2023 10:08
La Rédaction | 3 mars 2023 - MAJ : 06/03/2023 10:08

C'est toujours l'occasion de le redire : Bertrand Blier est l'un des plus grands cinéastes français, et pas que. On revient donc sur huit de ses meilleurs films.

Bertrand Blier occupe une place à part dans le paysage culturel français. Fils de Bernard Blier, comédien exceptionnel, devenu une légende du 7e Art Hexagonal, il parvient à s'y tailler une place exceptionnelle, en tant que metteur en scène. Conteur érudit, provocateur, poète et chantre d'un humour absurde tour à tour noir et lumineux, il publie ces jours son quatrième roman, teinté d'autobiographie.

Pour l'envie de reparler de son cinéma atypique, la rédaction vous propose de revisiter huit de ses plus beaux films.

 

Les Valseuses : photo, Patrick Dewaere, Gérard DepardieuÀ la pêche aux chefs-d'œuvre

  

LES VALSEUSES 

Sortie : 1974 – Durée : 1h57

 

photo, Gérard Depardieu, Jeanne MoreauJeanne Moreau, celle grâce à qui le film a pu se monter, dans un très, très beau rôle

 

Après Si j'étais un espion, un premier coup d'essai et échec retentissant en 1967 (77 290 entrées en France), et même si son talent prometteur est reconnu, Bertrand Blier attendra 7 ans avant de retourner derrière la caméra. Et, cette fois, il décide de prendre son destin en main et de s'occuper aussi du scénario (ce qui n'était pas le cas sur son premier film) puisqu'il va carrément adapter l'un de ses romans, Les Valseuses, publié en 1972.

Une comédie de mœurs tout autant qu'une charge énorme contre la vieille France, pur produit de mai 68, qui montre déjà le côté fortement désenchanté du bonhomme. Il y fait preuve dès le départ d'une violence ahurissante contre les institutions, la bienpensance, la France du Général et la bonne conscience à papa. En prenant pour héros deux losers voyoux, superbement interprétés par Patrick Dewaere et Gérard Depardieu, Blier nous montre une jeunesse qui change, qui s'émancipe. Et comme souvent, cela passe par le sexe.

 

photo, Patrick Dewaere, Gérard DepardieuDes sales gosses qui ont bien les yeux en face des trous

 

Drôle, triste, politique, Les Valseuses est surtout sulfureux dans son approche des plaisirs de la chair, transformés en quête de soi, exploration de l'autre, tout autant que fuite désespérée en avant pour échapper à sa condition. Un propos extrêmement transgressif à l'époque et qui le serait tout autant aujourd'hui, à tel point qu'on se dit qu'il serait impossible à refaire en l'état.

Le film fera l'effet d'une bombe à sa sortie, scandalisant la France un peu trop coincée (ça tombe bien, c'est le but du film), qui le qualifia de "film d'obsédé sexuel", de "décharge publique" voire de film "authentiquement nazi". Le public lui fera un triomphe puisque le film attirera pas moins de 5,7 millions de spectateurs - son plus gros succès à ce jour. La carrière de Blier était définitivement lancée, la France avait encore les joues rouges et c'est en plein post-coïtum qu'elle se préparait à recevoir Calmos.

 

CALMOS 

Sortie : 1974 – Durée : 1h47

 

photo Jean Rochefort et Jean-Pierre Marielle

 

Après la déflagration des ValseusesCalmos fera l’effet d’une nouvelle explosion, tant il va un temps pulvériser la réputation nouvellement acquise de son réalisateur, tout en scandalisant une partie du public. Il n’existe à peu près aucun exemple de création si absolument kamikaze dans le paysage français.

On est en 1976, au cœur de révolutions sociétales menées entre autres par le MLF. Autonomie financière, contraception, avortement : les femmes viennent (re)prendre leurs droits et secouent en profondeur la société française. C’est dans ce contexte que Bertrand Blier balance Calmos, soit l’aventure surréaliste des mâles, insupportés par les femelles, lassés du sexe, dépassés par des femmes maîtresses de leurs corps et de leurs destins. Les hommes font sécession, provoquant une guerre totale entre les sexes, et la traque des mâles du maquis par des hordes de soldates nymphomanes.

 

photo, Jean RochefortLa liberté d'importuner version Blier

 

Calmos sera perçu comme un brûlot misogyne, quand sa cible va bien au-delà des femmes. Le film s'amuse en premier lieu de la panique morale d’hommes sidérés par le monde nouveau qui s’annonce, incapables de concilier l’amour du coup de rouge, du pâté bien fait, et la coexistence des femmes. Et voilà donc Jean-Pierre Marielle et Jean Rochefort lancés dans une guerre civile et sexuelle d’une absurdité sidérante, émaillée des plus beaux dialogues de toute la carrière de Blier, vantant les mérites des caries et du tabac à chiquer, tout en éduquant les enfants à résister aux charmes humides des bonnes bretonnes pubescentes.

Calmos fonctionne à la manière d’un hilarant lance-flammes, qui s’attaque à tout et tout le monde, sans faire de prisonniers. N’y survit qu’un certain hédonisme français, en apparence combattu tant par les soldates désireuses de transformer les hommes en chibres domestiques, que par ces gars ensuqués dans une peur des femmes hilarante. Un film culte et méconnu, à la folie salvatrice.

 

PRÉPAREZ VOS MOUCHOIRS 

Sortie : 1978 – Durée : 1h48

 

photo, Patrick Dewaere, Gérard DepardieuUn duo mémorable, adoré par Blier

 

Quatre ans après le succès des Valseuses, avec Gérard Depardieu et Patrick Dewaere, Bertrand Blier n'en a toujours pas fini avec sa fameuse misogynie ravageuse (mais est-elle seulement vraie ?) et son attaque de la bienpensance. Préparez vos mouchoirs est un succès incontestable : il enregistre plus de 1,3 million d'entrées et remporte l’Oscar du meilleur film étranger en 1977.

Comédie provocante et anti-conformiste. Préparez vos mouchoirs offre très peu de détails et de background, au-delà des événements narratifs eux-mêmes. Les actions, les événements, les dialogues et l’environnement dans lesquels baignent les personnages constituent le cœur de l’intrigue.

Dès son ouverture – au milieu d’un bistrot, alors que Raoul (Gérard Depardieu) ne sait plus que faire de sa femme (Carole Laure) dépressive et l’offre à Stéphane (Patrick Dewaere), un parfait inconnu –, le spectateur prend le train de la narration en marche. Déjà captivante, cette scène ouvre la porte sur l’histoire de ce trio pour le moins grotesque, et ces deux hommes, potes dans l’absurde.

 

photo, Carole Laure, Riton LiebmanL'amour au-delà des principes

 

Reflets du film, les premiers dialogues, brillamment écrits par Blier, abordent déjà le thème de l’obsession. Et la suite des évènements enroule le récit autour de cette idée. Progressivement, Préparez vos mouchoirs entraîne le spectateur dans un univers feutré et intimiste où ce motif prend des aspects multiples : l’infertilité de Solange, l’amour de Mozart, la collection de livres de poche…

Central dans le récit, le jeune Riton Liebman vient imposer sa fausse fragilité face à la virilité exacerbée de Depardieu et le charisme lassé de Dewaere. Il campe de manière très convaincante le personnage de Christian Beloeil, un jeune ado prisonnier dans un corps d'enfant, qui séduit Carole Laure et la sauve de l'ennui.

Subversif, fait pour choquer le bourgeois en reprenant un thème des plus nabokoviens, Préparez vos mouchoirs s'offre un personnage secondaire venu de l'au-delà. Comme le sera Schubert quelques années plus tard dans Trop belle pour toi, Mozart s'invite tout au long du métrage, et il est l'occasion d'une réplique devenue culte, celle de Stéphane à son ami Raoul :

"C'est pas compliqué, avant de te rencontrer, c'était mon seul pote". 

 

BUFFET FROID

Sortie : 1979 – Durée : 1h35

 

photo, Bernard Blier, Gérard DepardieuTueurs à tour de rôle ?

 

Buffet froid marque une rupture fondamentale dans l’œuvre et les thématiques abordées par Bertrand Blier. Au ton audacieux, enlevé, bouillonnant, positif et emprunt d’une certaine poésie des débuts, succèdent ici de nouvelles thématiques plus sombres, beaucoup plus pessimistes, avec la mort en trame de fond.

Sorti un an et demi après Préparez vos mouchoirs, Buffet froid est glacial dans son propos. Il n’y a plus de rêve ou d’ambition chez ses personnages, il n'y a plus d'aspiration, mais simplement des êtres qui fuient le quotidien et tuent l'ennui autant que leurs semblables. Jean Carmet, Bernard Blier et Gérard Depardieu forment un trio tragi-comique qui se débat pour empêcher les évènements de prendre le dessus sur eux.

Blier père dans le rôle du flic, censé évoquer la morale autant que la justice, ne tient jamais ce rôle. De sa préférence pour un coupable en liberté plutôt qu'en prison (sait-on jamais, il pourrait contaminer les autres détenus), à ses tirs et meurtres intempestifs, en passant par l'équipe absurdément cynique qu'il forme avec un tueur pathétique et un homme qui se croit meurtrier, tout son personnage prend la logique à rebrousse poil.

 

photo, Gérard Depardieu, Bernard BlierUn final mémorable

 

Buffet froid porte à l'écran des personnages qui ont été corrompus par une société malade et décadente. Symbole de cette nouvelle ère dépressive : les tours immenses et anonymes (qui transformaient alors les paysages urbains français) dans lesquelles s’engouffrent des populations tout aussi anonymes. Et c'est de cet environnement bien rangé et symétrique que naissent un chaos et une anarchie stupéfiante.

Blier déshumanise les décors autant que la vie, et les hommes y sont des êtres malades de leur propre création. Une séquence du film résume tout son propos, lorsqu'un des protagonistes craint de rentrer chez lui seul, car il avoue avoir peur de son ombre.

Même la dernière partie, en opposition visuelle avec le reste du film puisqu'elle se déroule en pleine nature, renforce la déshumanisation de la société : les trois protagonistes y sont mal à l'aise, gauches. Et après avoir fait de la mort le quatrième personnage principal du film, Buffet froid se clôt comme il a commencé : sur l'idée que la mort, on en fait tout un plat... 

 

TENUE DE SOIRÉE 

Sortie : 1986 – Durée : 1h24

 

photo, Gérard Depardieu, Miou-Miou Le trio met le feu à une vie bourgeoise sans âme, et "un piano sans musique"

 

Après Les Valseuses (5,7 millions d'entrées), c'est son plus gros succès public en France, avec 3,1 millions de spectateurs. Que tant de monde se soit déplacé pour suivre les mésaventures d'un couple de SDF passablement allumés, embarqués par un voyou bisexuel dans une odyssée hallucinée qui va les mener à se travestir et se prostituer, relève d'un joyeux miracle. Le formidable "PUTAIN DE FILM !" imprimé en gros sur l'affiche, au-dessus de Depardieu et Michel Blanc travestis, a certainement joué.

Censé reformer à l'origine le trio des Valseuses, avant le suicide de Patrick Dewaere, Tenue de soirée est à bien des égards l'essence du cinéma de Blier. Son sens aigü des dialogues ("Je vais tout de même pas me faire enculer sous prétexte que c'est un ami !") et du rythme (1h20 environ, d'où rien ne dépasse), sa fascination pour les rapports de domination, son regard caustique sur l'humanité et la sexualité, son talent pour dessiner des seconds rôles en quelques répliques (Jean-Pierre Marielle, magique) : tout y est, et y est flamboyant et irrésistible.

 

Tenue de soirée : Photo , Michel Blanc, Gérard DepardieuDeux par dieu

 

Avec sa noire et irrésistible légèreté, le réalisateur et scénariste se joue des clichés, autopsie son époque, et pose un bâton de dynamite qui n'épargne rien ni personne - ni les riches ni les pauvres, ni les hommes ni les femmes, ni les hétéros ni les homos. Pas étonnant que Blier ait souvent été qualifié de tout et n'importe quoi : il prend un malin plaisir à taper sur tout le monde, dans un mélange détonant de petite provocation et de tendresse désarmante, sans jamais donner une grille de lecture simple et manichéenne.

Tenue de soirée est un bijou d'écriture, qui brille de mille feux dès sa scène d'introduction, où Miou-Miou torpille un Michel Blanc sauvé par Gérard Depardieu, jusqu'aux ultimes instants, avec ces regards caméra troublants et grotesque. Le rire le dispute aux larmes, les sourires gênés calment les yeux écarquillés. Et la musique de Serge Gainsbourg y participe aussi. C'est simple : ce film ne ressemble à rien, et rien n'a pu lui ressembler ne serait-ce que de loin depuis. 

 

TROP BELLE POUR TOI 

Sortie : 1989 - Durée : 1h31

 

photo, Josiane Balasko, Gérard DepardieuJosiane Balasko, magnifique et sublimée par Blier

 

Les années 80 ont été l'âge d'or de Bertrand Blier, et s'achèvent avec l'un de ses films les plus beaux, tendres et humains. Autour de sa muse Gérard Depardieu, il met en place un monde que personne n'avait osé imaginer : un monde où Josiane Balasko est préférée à Carole Bouquet. La star du Splendid, qui enchaîne les succès en salles, se voit offrir son premier grand rôle dramatique, tandis que celle qui vient d'être la James Bond girl de Rien que pour vos yeux redevient une femme parmi les femmes, magnifique mais humaine.

Jamais le lyrisme musical de Blier n'a atteint de tels sommets, avec Schubert servi à tous les étages (il est le premier à apparaître au générique de fin) pour accompagner cette valse des sentiments aussi tragique qu'étrange. Trop belle pour toi est un film qui vibre, au rythme des violons, des coeurs tremblants des personnages, de la voix angélique de Carole Bouquet et de celle, fragile, de Josiane Balasko. Revoir le film, c'est avoir la sensation d'un sommet pour beaucoup des gens impliqués.

La photo signée Philippe Rousselot est l'une des plus belles de la filmo de Blier (avec lequel il retravaillera sur Merci la vie en 1991, un autre bijou de sa filmo). Le directeur de la photo oscarisé quelques années après pour Et au milieu coule une rivière a travaillé avec Beineix, Annaud ou encore Frears, et apporte une touche de cinéma plus subtile, parfaitement adaptée à cette histoire plus intime. Nommée aux César, la monteuse Claudine Merlin (fidèle collaboratrice de Blier) y signe l'un de ses plus beaux travaux.

 

Trop belle pour toi : photo, Gérard Depardieu, Carole BouquetUne équipe acide

 

Pour Josiane Balasko, c'est évidemment une consécration. Elle apparaît nue, sans aucun masque de clown, pour révéler une sensibilité, une douceur et une beauté alors insoupçonnés. Rien que sa voix semble totalement transformée. Carole Bouquet (qui aura le César de la meilleure actrice, face à Balasko) est elle aussi formidable, quand Depardieu est sans surprise brillant, plus que jamais dans la retenue chez Blier.

De ces magnifiques confessions face caméra, où les personnages partagent leurs plus profonds désirs et douleurs, aux moments où le quatrième mur est brisé ("Il me fait chier votre Schubert vous comprenez !"), Trop belle pour toi est un moment de cinéma renversant d'une beauté et d'une finesse éclatantes, même dans la filmographie de Bertrand Blier.

Là encore, le succès public (plus de 2 millions d'entrées, soit son troisième plus gros succès), ainsi que ses distinctions diverses (Grand Prix du jury à Cannes, 5 César dont meilleur film et meilleur réalisateur), relèvent du petit miracle.

 

LES ACTEURS

Sortie : 2000 – Durée : 1h43

 

photo "C'est quand même fascinant, la connerie d'un mec amoureux"

 

Le cinéma de Bertrand Blier ne serait pas grand-chose sans les comédiens qui le peuplent et l’incarnent, formant les organes, la chair et les membres de cet organisme polymorphe, issu du cerveau d’un metteur en scène - lui-même fils de Bernard Blier, qui compta parmi les plus grands acteurs hexagonaux.

Les Acteurs lui offre d’ailleurs un hommage particulièrement bouleversant, une flèche décochée directement au cœur du spectateur, du cinéphile. Une flèche parmi la bordée que tire Bertrand Blier, avec un rythme et une régularité incroyables. Si le méta-discours, le clin d’œil ou la mise en abîme ont toujours constitué des ingrédients essentiels des univers de Blier, ici ils prennent encore une autre dimension, alors qu’il épouse les passions et les névroses des acteurs.

 

photo, Jean-Pierre MarielleJean-Pierre Marielle, le grand et l'unique

 

Tous ou presque dans leurs propres rôles, les grands artistes du cinéma français (Claude Brasseur, Jean-Paul Belmondo, Alain Delon, Michel Piccoli, Michel Serrault, Jean Yanne, Dominique Blanc, Pierre Arditi, Josiane Balasko, Gérard Depardieu, Claude Rich, François Berléand, Jacques Villeret) se succèdent, s’affolent puis se perdent, après une subite bouffée d’angoisse de Jean-Pierre Marielle, terrifié à l’idée d’avoir mal demandé un pot d’eau chaude à un barman qui ne lui apporte pas.

Quelques minutes plus tard, c’est tout un casting pléthorique qui turbine pour offrir le plus fou et le meilleur de la comédie, à force de retournements et de délires. Plus miraculeux encore, Les Acteurs place ses artisans dans une position schizophrène magnifique : à la fois maîtres de leur art, capables de démonstrations de force sublimes, mais toujours sur la corde raide, en danger, et laissant le spectateur ressentir le panache de cet exercice funambule.

 

LE BRUIT DES GLAÇONS  

Sortie : 2010 – Durée : 1h27

 

Le Bruit des glaçons : photo, Jean DujardinEn voilà deux qu'il ne faut pas faire chier avant le coup de blanc

 

Les Acteurs a été reçu avec tiédeur, Les Côtelettes s’est fait étriper par la critique après avoir laissé la Croisette dans un état de coma avancé, et Combien tu m'aimes ? a provoqué plus d’embarras qu’autre chose. Autant dire que personne n’attendait vraiment Le Bruit des glaçons. Et c’est peut-être de là que provient la divine surprise qui accompagne le film.

La mort accompagne le cinéma de Blier depuis ses débuts (avec ses personnages toujours embarqués le long de pentes glissantes ou dépressionnaires), quand il ne l’a pas directement personnifiée. Mais pour la première fois, elle se heurte à un principe vital essentiel, à une Grande bouffe liquide follement enthousiasmante.

En 2010, Jean Dujardin est déjà une icône populaire, mais n’a pas encore brillé dans des rôles purement dramatiques au premier plan. Sa rencontre avec Blier relève du miracle, tant il ressuscite la truculence du cinéaste. Et en sa présence, c’est toute la gourmandise de son verbe que l’on retrouve. Mieux encore, il permet à Albert Dupontel de se donner complètement dans la veine grinçante qu'il affectionne et maîtrise. Anne Alvaro, elle, est formidable à leurs côtés. Le pas de deux entamé par ce duo de comédiens est rapidement fascinant, alors qu'un bon vivant se lasse de vivre, pour que son cancer lui, se surprenne à aimer.

 

Le Bruit des glaçons : photo, Jean DujardinConférence de rédaction chez Ecran Large

 

On commente rarement le travail du son chez Bertrand Blier, mais il est pourtant essentiel, porteur d'une poésie singulière, qui prend ici une ampleur qu'on lui avait peut-être pas connue depuis Buffet froid. Pour qui a déjà eu la constructive idée de dialoguer avec un petit blanc sec avant midi, la richesse du mixage, mêlé à une partition détonnante, s'avère surprenamment évocatrice.

Avec son titre évocateur, Le Bruit des glaçons se fait alors expérience sensorielle et poétique, où la mélopée du coup de blanc se marie à la lumière irréelle du Sud de la France, inondant un casting hétéroclite, sauvé par un amour immodéré de l’excès de chair, de sens, d’alcool. Un régal à consommer sans modération.

Tout savoir sur Bertrand Blier

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commentaires
Miss M
06/03/2023 à 12:24

Merci pour cet article !

Chris
05/03/2023 à 18:46

Merci Ecranlarge pour ce dossier. Toujours bien de parler de M. Blier, qui reste un réalisateur unique en son genre, avec des films que l'on ne voit dans aucun autre cinéma.

"Une serrure il faut qu'ça mouille, c'est comme tous les orifices."
04/03/2023 à 19:50

ah Tenue de soiree, il est repasse hier soir sur la 5,
je l'avais vu et enregistré sur magnetoscope il y a plus 30 ans, fin 80, debut 90, et j'avais 14 , 15 ans!
j'avais totalement oublié le film excepte quelques best Sequence qu'on peut retrouver sur YT,
ce film est court, j'ai note moins de 1H 20 entre l'intro et la fin dans le bar,
çà passe tellement vite, trop vite , aurait merité 20 min de plus!
ce film est tres decousu, c'est une succession de scenes,ce n'est pas lineaire, çà peut surprendre,
la fin est glauque,... dans les wc, j'aime pas cette partie de film quand Miou miou se barre;
çà demarrait comique et sa devient glauque, comme dit plus bas,, Blier termine souvent mal ses films, alors qu'il commence souvent trop haut, difficile de tenir le rythme apres l'intro magistrale dans la salle de fête avec l'orchestre-Municipal-?;

Michel Blanc, son Personnage est le vrai psychopathe du film, faut voir comment il se maquille dans le bar, à la fin en Trans, en regardant 2 fois la Camera avec son mouvement de bouche ...

Bilbo
03/03/2023 à 23:56

@EL : merci à la redac pour cet article sur ce grand réal !

Real
03/03/2023 à 23:47

Et "1-2-3 Soleil" ? Il est si beau , "1-2-3 Soleil" ! Géniale Anouk Grinberg !!

jenajena
03/03/2023 à 20:15

C'est marrant moi j'ai essayé de regarder les valseuses et je trouve que ça a super mal vieilli

Notamment la scène du train où on est sensés apprécier une scène de viol où deux mecs coincent une mère de famille pour la forcer à un rapport sexuel "mais en fait elle aime ça et elle oublie vite" - c'est devenu même irregardable, on sent le fantasme sordide du realisateur.

Rien de "transgressif" la dedans, juste le témoin d'une époque où violer une femme n'était pas si grave

X-or
10/03/2022 à 21:37

@LaRedaction

J'ai vu Calmos !
Fou.
La première moitié est chef-d'œuvresque.

Mais question :

Que vaut le film avec Delon ?

Frasier
16/02/2022 à 23:43

Blier a fait des films formidables. Son principal défaut est de ne pas savoir comment les finir.

Andarioch2
15/02/2022 à 22:13

Gamin je me délectais des vieux films dans lesquels Blier père débitait du Audiard.
Puis à la pré-adolescence découverte quasi simultanée des valseuses (gros parfum d'interdit, et choc immédiat) et de buffet froid, qui réussissait le petit miracle de parler au môme que j'était encore. Le tout avec le même amour du verbe que le paternel.
Des films qui constituent une bonne part des fondations de ma cinéphilie
Grand merci pour cet article

Ankytos
15/02/2022 à 19:47

Effectivement, merci pour cet article qui donne envie de revoir les Blier ou de voir ceux qu'on ne connait pas (passé à côté de Calmos).
Et surtout qui parle de cinéma de qualité.

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