Le Chant du loup : 5 raisons d'aller voir ce thriller haletant, gros pari ambitieux du cinéma français

Le Chant du loup sort le 20 février, et c'est à ne pas manquer.

C'est à coup sûr un pari risqué, mais un risque aussi beau que salvateur dans un paysage français souvent considéré comme sinistré. Premier film d'Antonin Baudry, avec François Civil, Reda Kateb, Omar Sy, Mathieu Kassovitz et Paula Beer, Le Chant du loup est un thriller tendu, situé dans le monde obscur des sous-marins de guerre.

Gros budget (entre 15 et 20 millions), gros casting, grosse ambition, et grosse réussite pour ce coup d'essai impressionnant. 

Si vous n'êtes pas encore curieux, ou n'avez pas encore lu notre critique, voici 5 raisons de l'être. 

C'EST SUPER EFFICACE

Premier facteur de la réussite : Le Chant du loup est un coup d'éclat en terme de mise en scène. Dès l'intro, palpitante, Antonin Baudry impose un sens du découpage et du montage qui remplit de bonheur. Le tempo est donnée en l'espace de quelques minutes, avec une sobriété impressionnante, et une économie de plans et effets plus qu'efficace.

Le film prendra alors des airs de tunnel en apnée, d'odyssée guerrière sous haute tension. Près de deux heures implacables, tenues d'une main de fer, avec une narration claire qui tourne autour d'un conflit musclé, potentiellement catastrophique d'un point de vue humain et politique.

Jusqu'aux derniers instants, le film se révèle être un modèle d'efficacité et de précision, qui enclenche un à un tous les boutons pour composer un suspense redoutable. C'est par ailleurs très beau de voir émerger, derrière la tension, une vive émotion autour de ce héros malgré lui, qui traverse une épreuve aussi spectaculaire qu'intime à travers cette crise.

 Au bord du gouffre des abysses

L'ATOUT FRANÇOIS CIVIL

C'est un visage croisé à de nombreuses reprises depuis des années, dans Soit je meurs, soit je vais mieux en 2008, Elles en 2012, Catacombes en 2014, Frank en 2015, ou encore Made in France et Five en 2016. Il a peu à peu accédé au premier plan, avec Ce qui nous lie de Cédric Klapisch et Burn Out de Yann Gozlan. Et Un inconnu dans mon lit et Celle que vous croyez à l'horizon 2019, pour le confirmer encore.

Ce n'est plus vraiment une révélation, mais dans Le Chant du loup, il est majeur. Il porte le film sur ses épaules, avec une belle gueule de cinéma, mais surtout une sensibilité et une finesse captivantes. Chanteraide, alias Chaussettes, est une oreille d'or, précieux opérateur sonar qui décrypte mieux que quiconque les bruits des abysses pour capter les dangers.

Un rôle tout en nuances, loin des stéréotypes virils du genre, que François Civil habite avec une fausse fragilité, comme un enfant à fleur de peau, prêt à vaciller d'un instant à l'autre. C'est un phare dans les abysses du Chant du loup.

 Nouvelle étape dans une carrière qui s'écrit doucement mais sûrement

UN RÉALISATEUR QUI DEVRAIT REFAIRE PARLER DE LUI

La réussite du film est d'autant plus sensationnelle que c'est le premier essai d'Antonin Baudry, ancien diplomate reconverti dans la BD, qui a notamment co-signé l'adaptation de son Quai d'Orsay pour Bertrand Tavernier. Réalisateur et scénariste de ce Chant du loup, il démontre un talent remarquable, qui en fait immédiatement un nom à suivre de très près.

Aussi à l'aise dans l'action à coup de lance-roquette que dans l'émotion la plus simple (les très belles et sobres scènes avec Paula Beer), il tient son récit à merveille, et dirige brillamment ses acteurs. Sans jamais se laisser écraser par les modèles du genre, sans chercher à creuser une approche hollywoodienne ou au contraire y résister par principe, il trouve un point d'équilibre qui a fière allure à l'écran.

Et grâce à des collaborateurs solides - le mixage son a été assuré au Skywalker Ranch, la musique est composée par Tomandandy, la photo signée par Pierre Cottereau, et le montage est de Nassim Gordji Tehrani et Saar Klein (lequel a travaillé sur La Mémoire dans la peau et auprès de Terrence Malick) -, il a permis au Chant du loup d'avoir de la gueule.

Un peu de douceur, un peu de Paula Beer

C'EST UNE RÉFLEXION SUR LE MONDE ACTUEL

Hormis quelques répliques trop lourdes, Le Chant du loup pose un regard froid et un brin effrayant sur l'état de la géopolitique actuelle. Brandir le spectre du diable russe est presque devenu un gag aujourd'hui, mais le scénario l'utilise de manière adroite : non pas pour désigner les ennemis et tracer une ligne entre le bien et le mal, mais pour pointer du doigt les limites d'un système et d'un logiciel de pensée.

C'est bien sûr le prétexte à une crise spectaculaire susceptible de déclencher une Troisième Guerre mondiale, mais Antonin Baudry ne tire jamais sur la corde. L'escalade de l'angoisse reste toujours rattachée aux personnages, à leur humanité et leurs valeurs, et empêche systématiquement l'histoire de sombrer dans un mauvais ersatz "à l'américaine".

L'autorité et ses paradoxes

C'EST PRÉCIEUX DANS LE CINÉ FRANÇAIS

Beaucoup de voix s'élèvent pour déplorer le poids commercial immense des comédies et autres mauvais produits préfabriqués dans le cinéma français. Le Chant du loup est une des ces trop rares occasions où le public a la possibilité de soutenir une alternative, un pari risqué et une ambition qui fait trop souvent défaut dans l'hexagone.

Un thriller en français, situé dans le monde des sous-marins, avec un casting porté par des noms populaires comme Omar Sy et Mathieu Kassovitz, ça n'arrive pas tous les jours. Et pour une fois, les producteurs ont soutenu l'ambition avec un budget à la hauteur (entre 15 et 20 millions d'euros, soit quasiment le prix de Taxi 5, qui en a coûté 20,3), chose suffisamment rare dans le cinéma de genre pour être notée (merci Les Productions du Trésor, Pathé Production et Chi-Fou-Mi Productions).

Panique à bord

Aucune obligation d'aimer et valider bien sûr, et Le Chant du loup a bien entendu ses limites et faiblesses. Mais difficile de ne pas saluer l'envie de cinéma derrière, et la valeur d'une telle production en 2019. Et c'est en allant voir ce genre de film qu'on en verra plus, et de plus en plus solides. Il faut un (re)commencement à tout, et c'est au spectateur d'empêcher ce Chant du loup d'être un chant du cygne.

Bref, Ecran Large vous conseille vivement de donner sa chance au film, pour envoyer un signal aux réalisateurs, scénaristes, acteurs, producteurs et distributeurs, et leur exprimer une envie collective et cinéphile de voir ces projets fleurir.

En salles dès le 20 février.