Les tops films 2018 de la rédaction

La Rédaction | 31 décembre 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
La Rédaction | 31 décembre 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

C'est l'heure des tops. Et on ne vous fera pas l'affront d'écrire une intro pour présenter le concept ou l'originalité de l'article. Puisque personne ne la lirait de toute façon.

Bonne lecture, joyeux Noël et bonne année.

 

photo, Les Chroniques de Noël Sponsorisé par Kurt

 

GEOFFREY CRÉTÉ

1. CALL ME BY YOUR NAME 

Call Me by Your Name n'est pas simplement une magnifique et douloureuse histoire d'amour, portée par deux acteurs sensationnels (la révélation Timothée Chalamet et le magnétique Armie Hammer), et bercée dans une ambiance estivale quasi fantasmatique. Si le film de Luca Guadagnino est si puissant, c'est qu'au-delà des deux hommes, il y a une vision de l'amour, et donc du monde, terriblement belle : un monde où l'amour est si précieux, que tout le monde cherche à le protéger, comme un trésor mystique.

Ça peut sembler niais, mais c'est fait avec tant de délicatesse, intelligence et finesse, que c'est éblouissant. C'est dans le traitement des seconds rôles (comme le père, dans une scène inoubliable), que Call Me by Your Name étonne et s'impose comme un film sublime. Et c'est avec la musique inoubliable de Sufjan Stevens qu'il hante l'esprit, longtemps.

 

Photo , Timothée Chalamet Le songe d'une vie d'été

 

2. CLIMAX

Comme pas mal d'autres cinéastes, Gaspar Noé est là pour hurler que le cinéma français n'est pas en état de mort clinique. Et le cri qu'il pousse avec Climax résonne plus que jamais. Plus proche d'Enter the Void que de Love, c'est un trip sensoriel halluciné, d'une puissance inouïe dès le premier quart d'heure.

En équilibre entre ses obsessions habituelles et sa soif de cinéma pur, Noé laisse respirer son cinéma, bouger ses acteurs, et emporte dans un tourbillon enivrant et destructeur. Sa maîtrise technique, son goût pour les gueules de cinéma et son appétit vorace en font l'un des films les plus revigorants et excitants de 2018. De ceux qui font trembler, et espérer.

 

photo Le tourbillon de la vie

 

3. THUNDER ROAD 

Ne vous fiez pas aux apparences du petit drame indé classique : Thunder Road ne ressemble à quasiment rien d'autre. Entre le mélodrame larmoyant et la comédie grotesque, le film tend vers les extrêmes d'une manière étonnante. C'est drôle, ridicule, gênant, déstabilisant, constamment étrange. Acteur, réalisateur, scénariste, Jim Cummings est la grande révélation. Il a un beau regard de metteur en scène, mais surtout une énergie folle en tant qu'acteur. Rarement on aura vu quelqu'un se mettre dans un tel état, aller si loin sans aucune peur, et provoquer de telles émotions.

 

photo, Jim Cummings LA performance de l'année

 

ALEXANDRE JANOWIAK

1. ROMA

Roma est d'une splendeur exceptionnelle et une oeuvre somme de la vie. A chaque plan de Roma se dégage une simplicité et une beauté naturelle à couper le souffle grâce à une mise en scène ahurissante d'Alfonso Cuarón.

Son film, diffusé sur Netflix, est à la fois un portrait d'époque (le Mexique des années 70), une ode au cinéma (La Grande Vadrouille, Les Naufragés de l'espace), une ode à la nature (les sublimes paysages du Mexique) ou encore une lettre d'amour ouverte envers les femmes dont le film brosse un portrait puissant et où il développe un propos anti-patriarcat fort. Enfin c'est l'oeuvre la plus personnelle du Mexicain qui, à travers ses souvenirs d'enfance, propage des valeurs universelles d'où émanent le partage, la famille, le courage et l'amour. Un chef d'oeuvre.

 

Photo Yalitza AparicioYalitza Aparicio une des plus belles performances de l'année

 

2. PHANTOM THREAD 

Après l'enivrant et brumeux Inherent Vice, le génie Paul Thomas Anderson a encore frappé avec son dernier film. Lauréat de l'Oscar des meilleurs costumes, son long-métrage est une oeuvre d'une richesse thématique affolante puisqu'il parle d'inspiration, de création, de domination, d'amour ou encore des contes de fées.

Au-delà, en plus d'être d'une incroyable beauté formelle (superbe 35mm) et d'un raffinement sans pareilPhantom Thread  est surtout une oeuvre meta. Reynolds Woodcock est finalement une allégorie de Daniel Day-Lewis voire mieux de Paul Thomas Anderson lui-même. A l'image du couturier, les deux hommes sont des êtres méticuleux, perfectionnistes, pointilleux et délicats.

Un ensemble magnifié par la musique de Jonny Greenwood et les prestations remarquables de Vicky Krieps et Lesley Manville.

 

Photo Daniel Day-LewisPTA nous offre une film aussi pointilleux que la haute couture

 

3. THE HOUSE THAT JACK BUILT

Avec The House That Jack BuiltLars von Trier livre une perle cynique totalement jouissive et d'une cruauté étourdissante. C'est terriblement barbare, violent, politiquement incorrect, dérangeant mais étonnamment drôle. Au-delà c'est une réfléxion sur l'art, l'idée de création et finalement un autoportrait passionnant du réalisateur de Melancholia lui-même qui s'autocite régulièrement. L'épilogue offre des plans d'une beauté plastique ahurissante pastichant les plus grandes peintures de l'Histoire.

Le dernier film du Danois a été présenté en hors-compétition lors du dernier festival de Cannes, et a sans doute perdu sa place en compétition non pour sa violence mais bien son passage trop provocateur sur les icônes. Une bévue qui ne lui enlève pas pour autant sa maestria technique et la folie meurtrière délirante incarnée par un Matt Dillon exceptionnel. 

 

Photo Matt Dillon, Bruno GanzLe plus beau plan de l'année ?

 

SIMON RIAUX

1. PENTAGON PAPERS 

Année fast pour Steven Spielberg qui nous a offert à seulement quelques mois d'écart deux pépites, avec Pentagon Papers et Ready Player One. Logiquement, c'est le second qui aura le plus cristallisé l'attention. Entre le retour de l'artiste au pur blockbuster, sa charge contre Hollywood bien souvent mal comprise et son orgie filmique, la plupart des commentateurs se sont pris les pieds dans le tapis d'un film beaucoup plus fin qu'il n'en avait l'air. Et si ce ride virtuel a occupé l'espace, on en aurait presque oublié combien Pentagon Papers représente un aboutissement dans sa carrière.

Le metteur en scène a déjà prouvé par le passé qu'il n'avait nul besoin de requins, dinosaures ou soucoupes volantes pour rendre une séquence palpitante, mais le travail de pur découpage, de limpidité et de rigueur de la mise en scène auquel il se livre ici est tout bonnement un des plus pointus de sa carrière. Capable de tenir un improbable grand écart entre le Nouvel Hollywood d'un Alan J. Pakula et la géniale tension d'un HitchcockSteven Spielberg prend un plaisir évident à nous offrir une réflexion sur le bien commun, et le meilleur rôle de Meryl Streep de ces 20 dernières années. 

 

Photo Meryl StreepLe pouvoir de Meryl Streep

 

2. CLIMAX 

Il y avait quelques raisons de redouter ce Climax. Annoncé tardivement, manifestement tourné à toute vitesse pour pouvoir se radiner à la cinquantième édition de La Quinzaine des Réalisateurs et un pitch à peu près aussi épais que la peau des gonades d’un lilliputien, on pouvait légitimement craindre que Gaspar Noé ne s’enivre à nouveau de sa maestria technique pour se vautrer complaisamment dans de la provoc à deux balles.

Et curieusement, grâce à une ligne narrative claire, un déroulé diabolique et simplissime, son Climax échappe à la plupart des tares de ses œuvres précédentes, pour nous embarquer le long d’une nuit furieuse, au cours de laquelle une troupe de danseurs consomme involontairement des quantités cosmiques de produits stupéfiants mélangés à de la sangria. En découle une proposition de cinéma parfaitement hallucinante, qui pose une question bien moins bête qu’elle n’en a l’air : à partir de quand le plaisir extrême devient-il une source d’angoisse ? Entre rires, cauchemar total et poussée de fièvre désirante, Climax est une des plus belles sidérations de 2018.

 

 

photo, Sofia Boutella

 

3. HEREDITE 

Rares sont les metteurs en scène, même les plus expérimentés, capables de maîtriser leur récit et sa forme pour créer avec autant de jusqu’au-boutisme un pur cauchemar de cinéma. Tour à tour drame familial, thriller psychologique, réflexion sur la dissolution de la cellule intime, autopsie des rapports de force en son sein, puis récit surnaturel porteur d’une terreur absolueHérédité est une réussite exemplaire.

Ce qui achève de faire une réussite sidérante de ce film d’horreur implacable, c’est sa capacité à varier les registres. Et si certains ont pu être décontenancés par le dernier acte du récit, fonçant droit sur les terres du grand guignol et du vertige, c’est justement cette proposition démente et folle qui permet au film de se hisser très haut au-dessus du tout venant du genre et de renvoyer dans les cordes Conjuring et consorts. Imprévisible et parfait dans son exécution, Hérédité marque une date dans le genre et l’avènement d’Ari Aster un des plus prometteurs cinéastes de sa génération.

 

photo, Toni ColletteIncroyable Toni Colette !

 

CHRISTOPHE FOLTZER

1. MEKTOUB MY LOVE 

Abdellatif Kechiche est probablement le réalisateur français le plus mal compris actuellement. Après le scandale de La Vie d'Adèle - Chapitres 1 et 2, il décide de s'en foutre royalement et de creuser sa thématique. S'inspirant de l'excellent roman La blessure, la vraie de François Bégaudeau, il nous livre un portrait intime du jeune homme qu'il était dans les années 90.

Mektoub My Love, c'est la vie, c'est l'amour, c'est la déception, les rêves, les sentiments inavoués, dans une mise en scène ultra cohérente, porté par des acteurs excellents et une photographie exceptionnelle. Mais ce qui en fait un chef-d'oeuvre, c'est sa grande qualité d'écriture. La façon dont Kechiche aborde le thème du schéma social, du communautarisme, de la crypte familiale et de la normalisation, sans jamais s'y attaquer frontalement. Il laisse une grande part de son film à l'invisible de son histoire, à l'inconscient de ses personnages, au coeur de son récit en utilisant tous nos sens pour le comprendre. Alors plutôt que de s'acharner contre lui, et de le traiter de réalisateur sexiste, une certaine partie du public ferait mieux de mettre son égo de côté, de regarder VRAIMENT le film et de comprendre que Kechiche, dans sa manière brute, est un grand amoureux des femmes et les respecte énormément. Chef-d'oeuvre, point.

 

Photo Shaïn Boumedine, Ophélie Bau

 

2. PHANTOM THREAD

Chaque nouveau film de Paul Thomas Anderson, c'est l'assurance d'un grand spectacle qui va nous hanter pendant des jours. Et c'est exactement ce qui se produit avec Phantom ThreadPar sa mise en scène déjà, incroyable de richesse et de précision. Par ses comédiens évidemment, Daniel Day-Lewis en tête, extraordinaire comme d'habitude.

Mais ce qui fait de Phantom Thread un incontournable, c'est bien entendu son histoire, ce portrait sans concession que Paul Thomas Anderson dresse de lui-même, de ses obsessions, de son rapport au monde, au cinéma, aux femmes. On le sait en dépression depuis un moment et, comme tout artiste honnête avec lui-même, c'est dans ces instants qu'il livre son meilleur travail. Le rapport entre les apparences, l'assumé et le caché est vertigineux d'intelligence et de sensibilité, Anderson parvenant à transcender l'univers froid et étriqué de son film pour laisser s'exprimer toute l'humanité contradictoire de son personnage principal dans son rapport au monde et à lui-même. Fort, bouleversant, magnifique.

 

Photo Daniel Day-Lewis

 

3. UNDER THE SILVER LAKE 

It Follows est probablement le meilleur film d'horreur de ces 15 dernières années, tout comme un constat sombre et mélancolique de la jeunesse actuelle, sans réelle perspective. Forcément, on attendait Under the Silver Lake au tournant et on n'a pas été déçu. Oeuvre bien méta et barrée, le film est aussi et surtout une critique en règle et sans concessions du milieu qui l'a créé.

Sous ses allures de stoner-movie rigolard et iconoclaste, David Robert Mitchell dézingue le principe-même de la sous-culture dominante, le vide humain et philosophique des geeks récupérés par les chantres de la surconsommation, tout autant qu'il nous met face à nos propres failles. Nos frustrations, nos peurs, nos angoisses, le vide qui nous anime, l'Occident déclinant sous son propre poids, tout y passe et c'est magnifique. Il y a du David Cronenberg là-dedans, tout comme il y a du Alejandro Jodorowsky et du John Waters. Mais il y a surtout beaucoup, beaucoup, de David Robert Mitchell.

 

Photo Andrew GarfieldAndrew Garfield parfait

 

CAMILLE VIGNES

1. HÉRÉDITÉ

Dans un film d'horreur, tout est dans l'ambiance et ça, Ari Aster l'a bien compris. Tout en prenant le temps de poser les personnages, leurs interactions, et l'intrigue, les événements traumatiques d'Hérédité s'enchaînent avec brio. Le spectateur sombre progressivement dans la dépression et la démence qui tourmentent la famille et qui fait voler en éclat son modèle matriarcal.

La caméra oeuvre avec une certaine fulgurance quand se dévoile tout le pathos qui s'abat sur la famille. Voir la caméra naviguer autour de la maquette de la maison (créée par la mère), entrer dedans et la transformer en réalité à un côté tragique qu'on n'a plus l'habitude de voir. La caméra est au service du récit tensiogène et ne sert en aucun cas à combler des vides scénaristiques. Hérédité est une tragédie classique dotée d'une mise en scène de génie, qui se clot dans une catharsis splendide et hallucinée.

 

photo

 

 

2. LA FORME DE L'EAU 

Qui mieux que Guillermo del Toro pouvait reprendre la figure du monstre et de l'exclue ?

Ce film est une romance entre une jeune femme muette, interprétée avec brio par Sally Hawkins, et humanoïde amphibien directement inspiré de L'Étrange Créature du lac noir de Jack Arnold. La créature est réalisée presque sans jamais avoir recours au numérique, ce qui fait du bien dans notre époque qui est saturée d'images de synthèse. L'histoire d'amour entre la créature et Elisa Esposito est romantique, onirique, magnétique, sans jamais tomber dans la simplicité enfantine d'une comédie romantique. 

Non seulement le scénario est écrit avec une rare finesse, mais en plus les décors et la bande originale embarquent le spectateur dans une plongée au coeur de l'imagination de Guillermo del Toro. Le résultat est vibrant, touchant, original, abouti et intime.

 

Photo Sally HawkinsSally Hawkins méritait sans doute l'Oscar

 

3. THE DISASTER ARTIST 

James Franco nous régale de ses nombreux talents dans The Disaster Artist. Il est réalisateur, producteur et acteur principal de cette comédie librement mais sûrement inspirée de la genèse de The Room.

Deux choses sont à saluer dans ce long-métrage. D'abord le culot de James Franco de reprendre le plus grand nanar de tous les temps pour faire une comédie biopic, ensuite le génie avec lequel il joue Tommy Wiseau. Non seulement le film est drôle, mais en plus il n'est jamais une insulte au mystérieux créateur de The Room. Jamais James Franco ne tombe dans une singerie grotesque qui aurait anéanti le film. Mais The Disaster Artist ne fait pas que raconter création du film. Il s'attarde sur la personnalité de Wiseau et se demande s'il est un artiste raté, incompris ou simplement maladroit.

The Room proposait tellement le pire en matière de cinéma qu'il a réussi à se faire connaître à travers le temps. The Disaster Artist est un hommage touchant (et un brin sarcastique) rempli de rire et d'empathie qui fait de Tommy Wiseau un véritable mythe. 

 

Photo James Franco

 

 

ELLIOT AMOR

1. READY PLAYER ONE 

Les années 2010 ont été extrêment productives pour Steven Spielberg, et il a gardé le meilleur pour la fin. Ready Player One est parmi les meilleurs films de la décennie, voire du siècle.

Le cinéma a rarement aussi bien parlé du jeu vidéo et de la pop culture. Ce qui n'empêche pas le film d'être très adulte, il a un propos tout à fait maîtrisé sur la situation du monde dans lequel nous vivons (et vivrons ?). Rares sont les films qui vous coupent littéralement le souffle lors de scènes d'action si parfaites qu'on a du mal à y croire. Et ça tombe bien, la plupart ont lieu dans un monde virtuel. 

Qu'il s'agisse d'un journaliste qui parcourt le monde à la recherche d'un trésor perdu, d'un président qui fait tout pour abolir l'esclavage, ou d'un avocat américain qui prend la défense d'un espion soviétique, Spielberg conserve le titre du meilleur conteur d'histoire pour cette décennie. De plus, il est une des personnalités d'Hollywood les mieux placées pour nous parler de la culture 70s, 80s & 90s. Tout simplement car il y a oeuvré pour créer un héritage qui fascinera les générations à venir.

 

Photo Mark RylanceCherchez la ref.

 

2. MUTAFUKAZ

Évoquons le cinéma de genre français. Voilà, c'est fait. Mutafukaz est un bijou filmique qui a réclamé huit ans de la vie de son auteur, Guillaume Renard alias Run. C'est une œuvre d'animation, fantastique, et clairement pas pour les enfants. Avec ça, on peut comprendre son triste échec au box-office.

Le film est un croisement entre le book américain, la BD franco-belge et le manga. Ce qui en fait sans conteste un chef-d'oeuvre d'animation dont on ne lâche pas prise pendant une heure et demi. Et on en redemande.

 

photo, OrelsanTon cerveau quand on te demande si tu préfères Mutafukaz ou Into the Spider-Verse.

 

3. 3 BILLBOARDS - LES PANNEAUX DE LA VENGEANCE

Martin McDonagh parvient à parler d’un sujet vraiment dur, la perte d’un enfant, et la culpabilité qu’il y a derrière, en y mettant de l’humour. Bien sûr, il n'y a pas que ça, le film comporte nombre de scènes touchantes. Frances McDormand est bluffante, tout comme l’est Woody Harrelson, tout comme l’est Sam Rockwell. Le moindre rôle est écrit avec une grande finesse.

L’histoire est construite de façon assez admirable. Certaines actions sont inattendues, tout comme certaines révélations qu’on nous fait.

  

Photo Frances McDormandY a peut-être un peu de CGI...

  

LINO CASSINAT

1. LETO

Leto avait tout pour promettre un lénifiant tract politique, un biopic en papier glacé froid et distant, de son sujet à son noir et blanc photographique en passant par sa sélection à Cannes et même jusqu'à l'arrestation douteuse de son réalisateur russe Kirill Serebrennikov. Pourtant, à part le jury de Cate Blanchett qui n'a pas jugé bon de lui remettre une quelconque récompense, personne ne s'y sera trompé, pas même Vladimir Poutine : Leto est bien plus qu'un film de plus sur le rock (enfin, le post-punk pour les pinailleurs). C'est un cri de joie musical épris de liberté, d'amour et de vie, opposé à tout ce qui opresse les individus.

Plus que les histoires de Mike, Viktor et Natasha, plus que les difficultés et les moments de joie traversés par la scène underground soviétique, Leto nous raconte l’intense pulsion de vie qui en anime les membres dans un cadre qui leur est hostile. Kirill Serebrennikov fait ainsi le choix extrêmement judicieux de raconter un sujet à consonnance politique par la petite fenêtre de l’intime des personnages, ou plutôt d’une communauté. En nous baladant, comme dans une bulle, d’un personnage à l’autre comme on passerait d’une discussion à une autre en soirée, comme on s’enquerrait d’un ami après l’autre, Kirill Serebrennikov parvient à un degré fou de connivence entre spectateur et personnages.

La proximité devient telle qu'on quitte le film comme on quitterait ses meilleurs potes, avec un mélange de mélancolie ouatée, de joie foudroyante et de révolte grondante. On retient particulièrement la séquence de la plage et du métro.

 

photo, Aleksandr Gorchilin

 

2. UNDER THE SILVER LAKE

Errance labyrinthique et désabusée, Under the Silver Lake est un film ambigu et affamé, animé par un élan vital jamais satisfait dans un monde arrivé au bout de lui-même. David Robert Mitchell convoque les mêmes angoisses qui animaient son génial It Follows, et souffle le chaud et le froid avec les mêmes émotions, mais avec d'autres outils cinématographiques.

Curieusement, malgré leurs genres respectifs, c'est bien Under the Silver Lake le plus déprimant et amer. Ultra-blasé et blasant, le film à l'infinie délicatesse de ne pas se complaire dans son cynisme. Malgré une famine spirituelle éternelle, il nous invite à profiter à fond des quelques miettes de rêve qu'il reste et à être un peu meilleur, aussi minable que l'on soit (à l'instar du personnage principal) et aussi décevant et usé que soit le monde.

 

photo, Grace Van Patten

 

3. PHANTOM THREAD

Pour le non-fan total de Paul Thomas Anderson qui écrit ces lignes, il faut reconnaître que Phantom Thread est une sacrée déculottée. On aurait tort de limiter le film à une représentation romantique meta de l'artiste au travail et du coût humain de sa condition. Peut-être y'a-t-il de cela, mais là ou Phantom Thread est d'une redoutable intelligence, c'est dans ses représentations de l'amour et dans sa déconstruction de la mécanique du couple.

Le film prend le spectateur au piège de son propre regard et retourne comme un gant ses jugements de valeur trop rapidement expédiés en une scène incroyable dont le ressort principal est... une omelette aux champignons. Paul Thomas Anderson y révèle le fil fantôme qui lie deux êtres, l'équilibre visible et logique pour eux mais invisible et nécessairement incompréhensible aux autres. Ce faisant, il pulvérise les grilles de lecture classiques et introduit insidieusement de la nuance dans le regard moral que l'on projette sur la notion de couple. Phantom Thread est un majestueux apprentissage par l'échec, une leçon d'humilité qui gagne énormément au second visionnage. Oh, et la musique déchire.

 

Photo Daniel Day-Lewis, Vicky Krieps

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commentaires
Simon Riaux
03/01/2019 à 19:20

@Lay
Hello,

le souci, c'est que votre affirmation est sacrément discutable. et basée sur votre interprétation. Non des faits.

Quand vous estimez que Phantom Thread est "un film sur une femme qui vit de la violence conjugale jusqu'à en devenir tarée", beaucoup y voient un film sur deux êtres également violents et pervers ne trouvant leur équilibre que dans une sorte "d'équilibre de la terreur", et qui interroge logiquement la vision du couple du spectateur. Du reste voir chez Anderson un réalisateur machiste, c'est possiblement un gros contresens.

Ensuite que les différents rédacteurs soient fascinés par la violence, là aussi, c'est un peu raccourci. Le motif de la violence est omniprésent en histoire de l'art et un véhicule à métaphore abondamment employé, dans tous les arts. Rien de bien étonnant à ce qu'il soit présent ici.

Quant à la dimension "machiste" des différents tops, voilà une affirmation curieuse. Under the Silver Lake est un réquisitoire assez hard contre une certaine forme de masculinité toxique, Hérédité également. Climax, comme vous ne sauriez l'ignorer, représente une belle avancée et une sacrée prise de position en matière de questionnement des genres. Pentagon Papers est un film militant et féministe.
Quant à Leto, 3 Billboards et La Forme de L'Eau, ils constituent des élégies féministes assumées.

Donc bon.

Et bonne année.

redman
01/01/2019 à 23:45

Perso j'ai pas vu beaucoup de films qui m'ont tenté, mais je retiendrai bien :
The Ballad of Buster Scruggs - qui déconcerte avec son regroupement d'histoires, mais qui sont plutôt cool
blame! - un manga qui se tient bien, même si j'ai l'impression après godzilla et sidonia que netflix est à fond dans le charadesign de persos en noir/blanc
annihilation

Dutch Schaefer
01/01/2019 à 11:26

Mes préférés 2018:
Les Panneaux de la Vengeance
Jusqu'à la garde
Hostiles
Moi, Tonya
Mission Impossible Fallout
In the Fade
La Nuit a Dévoré le Monde (mon coup de coeur!)
Sicario: La Guerre des Cartels
22 Miles
Le Grand Bain
Rémi sans Famille
L'Affaire Roman J.

Mon N°1: Hérédité
(une claque absolue d'épouvante en cette période de Insidious, Nonne et autres Conjuring bien merdiques!)
Mon pire: Les Aventures de Spirou et Fantasio! (pas tenu plus de 15 minutes!)
Mais bon il y a en a un bon paquet de ratages catastrophiques (Les Tuches 3, Le Doudou, La Nonne...)
Mon plaisir égoïste: Halloween.

Dutch Schaefer
01/01/2019 à 11:13

Alors désolé, mais moi les deux Spielberg sont des grosses déceptions pour cette année 2018!

Bob nims
01/01/2019 à 01:16

Les 3 meilleurs :
Climax
Mandy
L'homme qui tua don Quichotte
Bonne année a ecran large et a ses lecteurs :)

Yellow submarine
31/12/2018 à 22:34

Plutôt totalement en accord avec le classement du riaux.
En revanche personne pour mettre l’ile aux chiens ou first man dans leurs classement ?

Shame sur vous

Bisous et bonne année ;)

Flash
31/12/2018 à 18:49

pas évident de faire un classement sur une année, je dirai
1) Mission impossible 6
2) Hostile
3) Sicario 2
4) Avengers 4
5) Outlaw king
6) Ready player one
7) Les panneaux de la vengeance
8) Bohemian rapsody
9) Mowgly
10) Aquaman

Luludo22
31/12/2018 à 16:45

Les Spielberg
Indestructibles 2
Le voyage à travers le cinéma français

Ronnie
31/12/2018 à 16:04

Mes 3 films de cette année :
Ready Player One
Avengers 4
Hostile

Greg
31/12/2018 à 15:52

"Ready Player One : sa charge contre Hollywood bien souvent mal comprise et son orgie filmique, la plupart des commentateurs se sont pris les pieds dans le tapis d'un film beaucoup plus fin qu'il n'en avait l'air"

Dis-donc Simon, c'est Gilles Le Gendre qui t'aide à écrire tes critiques ?? ^^
Ce médiocre film de Spielberg serait en fait trop "intelligent" pour les modestes spectateurs et critiques, c'est ça ?! Mouais...
Du coup, je suppose que c'est aussi par excès d'intelligence que Spielberg a dépourvu son film de tout danger ou de toute menace, le privant ainsi de tout suspense ?

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