Le mal-aimé : Atlantide, l'empire perdu, la grande occasion manquée de Disney

Prescilia Correnti | 19 août 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Prescilia Correnti | 19 août 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Parce que le cinéma est un univers à géométrie variable, soumis aux modes et à la mauvaise foi, Ecran Large, pourfendeur de l'injustice, se pose en sauveur de la cinéphilie avec un nouveau rendez-vous. Le but : sauver des abîmes un film oublié, mésestimé, amoché par la critique, le public, ou les deux à sa sortie. 

 

affiche

 

 " Epopée échevelée, l'histoire s'avère pleine de péripéties et de rebondissements, privilégiant l'aventure et la découverte." - Chronic'art.com

"Un Disney ambigu et triste -chose rare- qui ménage une place au sentiment du désenchantement." - Urbuz

"Bien qu'on soit à des milliers de miles sous les mers, on a l'impression de manquer... de profondeur" - Aden

 

 

  

LE RÉSUMÉ EXPRESS

Milo Thatch est un expert linguiste et cartographe qui est obsédé par la même quête fantasmagorique que son grand-père : la recherche du Manuscrit du Berger et de la découverte de l'Atlantide. Un ouvrage qui, selon la légende, serait un guide pour conduire à la cité engloutie.

Un jour, il va faire la rencontre de Helga Sinclair, une jeune femme qui va l'amener vers son "boss", un excentrique milliardiaire du nom de Preston Whitmore et qui était l'un des plus proches amis de son grand-père décédé. Whitmore annonce alors à Milo que son grand-père, explorateur, avait réussi à dénicher le Manuscrit du Berger et souhaitait, s'il meurt, qu'il lui revienne. Whitmore propose donc au jeune homme de faire partie de l'expédition qui filera à la découverte de l'Atlantide.

Après une série d'incidents, dont une attaque meurtrière, l'équipe de Milo réussit à atteindre la bordure de la cité d'Atlantide. Ils sont accueillis par une jeune femme, Kida, qui s'avère être la princesse de la cité engloutie. Comprenant que Milo est capable de lire leur langue maternelle, Kida décide de l'emmener découvrir les secrets de sa ville. Cependant si Milo souhaitait découvrir le cristal des Atlantes pour le montrer comme une découverte historique, ce n'est pas le cas de ses comparses qui souhaitaient simplement s'en emparer pour le vendre au plus offrant. S'en suit une scène d'affrontement digne des plus grands Disney.

Conclusion : tout le monde repart heureux avec son trésor, et Milo reste aux côtés de Kida en Atlantide.

FIN

 

Photo, VincenzoC'est pas mal, ça me donne envie de le voir. Peut-être.

 

LES COULISSES

L’idée autour d’un film sur l’empire perdu des Atlantes est née en 1996, autour d’un déjeuner dans un restaurant mexicain (ça a de l’importance pour après). Autour de la table se réunissaient Don Hahn (producteur), Gary Trousdale (réalisateur), Kirk Wise (réalisateur) et Tab Murphy (scénariste). La fine équipe sortait tout juste de son succès fulgurant sur Le Bossu de Notre-Dame avec plus de 6,8 millions d’entrées en France et 325,7 millions de dollars récoltés au box-office mondial.

A noter que le binôme de réalisateurs Trousdale et Wise signe avec Atlantide, l'empire perdu leur troisième collaboration après La Belle et la Bête et Le Bossu de Notre-Dame. Ces derniers, forts du succès de leur précédent métrage, décident de se replonger dans un nouveau projet. Au cours du repas, les références fusent et chacun se remémorent avec nostalgie les quelques films qui les ont marqués : 20.000 lieues sous les mers, Les robinsons des mers du sud, Les Enfants du capitaine Grant, ou encore Les Aventuriers de l'Arche Perdue.

La préparation du projet prend des mois. L’équipe de production décide de se rendre au parc national de Carlsbad Caverns, dans le sud-est du Nouveau-Mexique pour étudier la géomorphologie afin d’avoir "une meilleure idée de ce que c’est que de vivre sous terre" selon Kirk Wise. Ce qui inspire grandement l’équipe lors de l’élaboration des cavernes et grottes atlantes. La production souhaite avant tout s'éloigner le plus possible du style architectural grec. Ils partent donc s'inspirer de la culture de l'Asie du Sud-Est, cambodgienne et bien évidemment des monuments mayas.

 

Photo, MiloIl était chou quand même

 

Plus tard, le linguiste Marc Okrand, créateur du klingon dans Star Trek est engagé pour créer la langue des Atlantes. L’homme passe des semaines entières à l’élaboration d’un langage évolué, qui doit ressembler à la mère de toutes les langues. Non dénué de sens, chaque symbole est pensé ingénieusement. Le réalisateur Kirk Wise indiquera par ailleurs que la lettre atlante A (dessiné par John Emerson) est une carte miniature de la ville d’Atlantide : "l’extérieur de la spirale est la caverne, l’intérieur de la forme est une silhouette de la ville, et le point central est la localisation du cristal."

L’histoire, quant à elle tient son inspiration de plusieurs sources. La plus évidente : Voyage au centre de la Terre de Jules Verne. Plus philosophique, chez Platon. Et la plus étonnante, auprès d’Edgar Cayce. Un étrange individu considéré comme un médium voire un prophète. Lorsque ce dernier entrait en transe, Edgard Cayce était "capable de fournir des renseignements dans presque tous les domaines imaginables". "Ses réponses sont appelées des lectures."

Parmi ses propos sur l’Atlantide, un détail retient l’attention des réalisateurs, Edgard Cayce fait mention d’une"pierre bleue" qui aurait le pouvoir de guérir n’importe quelle personne. Toujours selon lui, les Atlantes auraient possédé une énergie immense, un peu à l’instar de l’énergie nucléaire, venant de la captation et de la transformation des rayonnements solaires via des cristaux.

 

Photo, KidaTout est lié

 

Encore plus surprenant : cette énergie aurait permis de déplacer sous l’eau et dans l’air des véhicules de locomotion ou de combat. Toute cette énergie accumulée aurait d’ailleurs était la cause de la destruction de l’Atlantide. Nefs, cristaux, source d’énergie bleue, vous voyez le rapport avec le dessin-animé, ça y est ?

Au tout début de la production, c’est à Joss Whedon, futur réalisateur d'Avengers, qu’incombe la tâche de pondre un scénario. S’il est très vite remplacé par Tab Murphy à cause de son expertise chez Disney, ce dernier livre un premier jet de 155 pages. Là, où habituellement, un film d’animation tourne autour de 90 pages. La première version du film dure près de deux heures, un temps bien trop long pour un dessin-animé, surtout à cette époque.

Kirk Wise stipule que la version d’origine aurait dû inclure une invasion des Vikings sur le territoire des Atlantes, mais ces derniers auraient alors échoué, tués par le colosse et gardien des mers : le Léviathan. Seule preuve de leur passage : le Manuel du Berger, flottant à la surface. Un livre qui deviendra le McGuffin du film, à l’instar de la valise dans Pulp Fiction

Le principal problème qui viendra entacher la promotion du film vient du côté japonais, et porte le nom de Nadia & le Secret de l'Eau Bleue. La série d’animation japonaise créée en 1990 par Hideaki Anno accuse Disney d’avoir littéralement plagié son œuvre. Les personnages, leurs traits de caractères et physionomiques, l’histoire, le voyage en sous-marin vers l’Atlantide, le Léviathan et même les méchants.

Gary Trousdale tentera de s'en défendre en expliquant qu'il ne connaissait pas la série. Se peut-il alors que les oeuvres aient puisé dans les mêmes sources d'inspirations ? De Jules Vernes à Edgard Cayce ? Possible.

 

PhotoL'objet de toutes les convoitises 

 

LE BOX-OFFICE 

Avec une enveloppe budgétaire de 120 millions de dollars, Atlantide, l'empire perdu ne parvient à rapporter que 84 millions de dollars au box-office américain et 186 millions à l’international. Il y a là à peine de quoi sauver ses miches. Lors de sa sortie en juin 2001, le film estampillé Disney se fait battre par le studio concurrent, Dreamworks, avec Shrek. Pour son premier week-end de démarrage Shrek rapporte près de 16,5 millions de dollars alors que l’Atlantide, l'empire perdu n’engrange que 329 011 dollars. 

A la fin de l’année, l’Atlantide, l'empire perdu termine 26e meilleur succès de l’année. Loin derrière Harry Potter à l'école des sorciers qui remporte la première place (317,5 millions), Le Seigneur des Anneaux : La Communauté de l'Anneau (313, 3 millions) et donc Shrek qui termine troisième avec 267,6 millions de dollars. Durant cette année, même Pixar crève l’écran avec Monstres & Cie, qui termine quatrième avec 255,8 millions.

En France, la production Disney s’impose un peu plus. L’Atlantide, l'empire perdu termine sa première semaine avec près de 1 075 085 tickets vendus et termine son exploitation avec 4 296 870 entrées. Lors du classement final, le dessin-animé de Disney s’en sort largement mieux. Si la première place est toujours détenue par Harry Potter à l'école des sorciers (9,4 millions), l’Atlantide arrive huitième et finit devant Shrek  (4,1 millions).

 

Photo, Kida"Quoi, seulement ?"

 

LE MEILLEUR

LETTRE OUVERTE

La première fois que je t’ai vu, je suis tombée directement sous ton charme. Certes, tes lignes et tes courbes n’étaient pas aussi minces, fines et légères que dans les précédents Disney, mais je trouvais en toi une harmonie particulière et un style brut qui me plaisait énormément. Toi seul était le premier à accentuer les muscles des personnages, et par conséquent à donner un air de Xena, la guerrière à l’héroïne du film, au lieu d’en faire une princesse fragile, comme à l’accoutumée. En même temps, quand je me penche sur tes traits j’y vois un rapport logique avec les dessins de Mike Mignola, et c’est là bien normal puisque l’artiste de Hellboy a été la principale inspiration de tes créateurs.

Petit à petit, ton histoire sombre et mature s’est dévoilée. C’était une bonne chose, enfin nous avions droit à un Disney qui ne chantonnait pas dans tous les sens et criait à tout va d’une voix nasillarde que le monde était beau et gentil. Je ne me rappelle que trop bien tous ces gens sauvagement tués par le monstre de l’Atlantide : le Léviathan. Et, au cas où nous étions plus obnubilés par la puissance de l’action insufflée lors de la séquence que par la mort des personnages, tu nous le diras plus tard : « Parmi les 200 membres de l’expédition, nous sommes les seuls survivants. »

Une rapide cérémonie mortuaire sera d’ailleurs effectuée. Une grande première dans l’histoire des Disney. Malgré toutes les critiques faites à ton égard, je trouve ta réalisation exemplaire et ton animation sans aucune fausse note.

 

Photo, nautilusDessiné par Jim Martin, spécialiste des effets spéciaux sur Star Trek

 

Que ce soit lors de ton introduction léchée, à la visite de ton sous-marin digne des plus grands vaisseaux de Jules Verne, en passant par l’attaque du Léviathan, à la découverte des grottes mornes et brumeuses pour arriver à l’incroyable cité de l’Atlantide : berceau des théories les plus folles et de mes rêves les plus fous, ton esthétique a su captiver ma rétine.

Qui plus est, comment oublier ta scène finale, lors de l’activation des colosses de pierres et de la Chambre du Cristal qui ont offert à mon âme d’enfant des séquences à me couper le sifflet. Ce n’est que bien plus tard, lorsque j’ai commencé à m’intéresser aux détails techniques, que j’ai appris que tu utilisais un format d’image particulier : le cinémascope. Au cours de mes recherches j’ai vu que tu étais seulement le quatrième film de l’écurie Disney à proposer ce genre de format, le dernier étant Taram et le chaudron magique en 1985.

 

Photo"Tu blablates trop chérie"

 

A l’inverse d’un Roi Lion, aucune chanson ne me reste en tête. En revanche, ta musique, à la fois simple et terriblement puissante me donne encore des frissons. C’est bien normal remarque, puisque c’est James Newton Howard qui écrit tes si belles mélodies. L’homme derrière la bande-originale de Sixième sens, Dinosaure ou encore Incassable ne pouvait faire que des merveilles.

Si ma lettre ouverte n’est pas encore terminée, je terminerai sur tes bons points en te disant à quel point voir une héroïne aussi forte que la princesse Kida m’a redonné le sourire. Certes, il y avait aussi Pocahontas (1995) et Mulan (1998), mais je retrouvais en cette jeune femme une fougue, un désir d’apprendre, de savoir, d’aventure et de compréhension dantesque. Du côté de tes femmes destructrices, comment ne pas voir en la pulpeuse et sulfureuse Helga Sinclair, un hommage coup de cœur aux femmes fatales des vieux films noirs.

La gentillesse et l’empathie de Milo, m’ont tout de suite fait aimer ce personnage saugrenu qui n’avait qu’un seul rêve : rendre fier son vieux grand-père explorateur en trouvant son El Dorado. Qui ne souhaite pas un jour faire la fierté de ses parents ?

 

Photo Whitemore"Fantastique !"

 

LE PIRE

Globalement, et avec le recul, voilà ce qu’on pourrait te reprocher : de ne jamais prendre ton temps. Paradoxalement, tu as déjà 1h34 de successions de scènes derrière toi, faisant de toi l’un des Disney les plus longs pour cette époque (Fantasia durait deux heures), mais tu donnes encore l’impression d’aller trop vite. Les séquences s’enchaînent, et ton rythme dynamique nous emporte à vitesse grand V dans les affres de ton aventure.

Si c’est un bon point, c’est en aussi un mauvais. J’aurais aimé explorer et découvrir davantage, partir dans les recoins cachés de la mythique cité d’Atlantide par exemple. Tu es avare, timide, tu te dévoiles peu.

Je ne saurais quoi te rapprocher de plus. Peut-être ton trait un peu trop caricatural sur l’élaboration des personnages secondaires. Entre les accents coupés au couteau de la Taupe (censé représenter la France) et de Vincenzo Santorini, c’est un brin cliché.

Il y a aussi la jeune hispano-américaine qui sous-entend venir des banlieues et des gangs. Le gentil colosse africain. Le vieux redneck américain et la vieille femme au ton politiquement incorrect, fumant clope sur clope.

Mais malgré tout, je ne peux m’empêcher de les aimer, de m’y attacher, et de trouver au final que tu nous offres une très belle histoire. 

 

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commentaires
Lilou
23/09/2018 à 08:30

La période où Disney pompait allègrement ce qui se faisait ailleurs et sans scrupule. J'ai aimé le film mais honnêtement ils ne peuvent pas dire qu'ils n'ont pas pompé sur nadia comme ce fut le cas pour leo.... Ils pourraient avoir l intelligence de l avouer....

jhudson
25/08/2018 à 04:16

Il faut étre de mauvaise fois pour ne pas voir les ressemblances avec Nadia

Dans Jules vernes qui n'y p

Rorov94
20/08/2018 à 18:39

Un disney mineur.
Pas obligatoirement un plagia:
Même NADIA ET L'EAU BLEUE doit énormément(voir tout?) à Jules Vernes(ROBUR LE CONQUÉRANT,CHASSEUR DE MÉTÉORS),LES MYSTÉRIEUSES CITÉS D'OR(aussi bien la série mais aussi le livre de Scott O Dell dont elle s'inspire),sans oublier les vieux sérials,INDIANA JONES...TOUS étant antécédent à NADIA...
Bref,faut arrêter de voir du pompage partout!Et faire du révisionnisme culturel en faisant croire que les jap' ont tout inventé avant les autres.
Autant pour le ROI LEO y'a matière(même si Shakespeare n'a jamais mis les pieds au Japon!),mais y'aura toujours un«japanmania» à la con pour nous faire croire l'inverse.

Dany
20/08/2018 à 06:13

J'ai toujours apprécié ce long métrage et ses personnages. Bizarrement je retrouve chez Milo Thatch beaucoup du héros de Stargate(le film) Daniel Jackson... Son histoire et son aboutissement !

Berserk
19/08/2018 à 23:57

@wiwi
Tout à fait d'accord avec vous !, la même chose est arrivée avec le roi lion qui a tout pompé de la série anime le roi léo du manga d'Osamu Tezuka......c'est une honte !.

this is my movies
19/08/2018 à 20:05

@fachodécomplexé

et pourtant, ce film est classé PG, comme quoi, les classifications, ce n'est pas tellement ça le fond du problème.

Mais c'est un débat sans fin, qui dépend essentiellement des attentes de chacun (est-ce que l'érotisme c'est de faire de la nudité ou bien de la suggestion ? pour être violent et sombre, doit-on forcément être sanglant et sous-éclairé ?)

facho decomplexé
19/08/2018 à 18:37

pas sûr que Disney refasse ce genre de film de nos jours, tout doit être coloré et fun et Pg13 maintenant

Karlito
19/08/2018 à 17:41

Ne pas oublier que Mike Mignola (Hellboy) a travaillé sur les visuelles qui servirent de base pour le design finale du film.

https://io9.gizmodo.com/mike-mignolas-otherworldly-concept-art-for-disneys-at-1551605324

wiwi
19/08/2018 à 16:44

Pompage honteux de Nadia...juste honteux...pas une question de source d'inspiration commune, juste un pillage en bonne et due forme....Rien à sauver.

Hildegarnic
19/08/2018 à 15:32

J'ai déjà tout dis sur ce film, alors franchement... Et comment je pourrais ne pas être encore plus attaché à ce film quand tu sais que le toubib porte le même prénom que le mien !

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